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11/03/2014 | FRANCE | N°12/07499

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 11 mars 2014, 12/07499


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 11 Mars 2014



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07499



Sur renvoi après cassation partielle (arrêt de la Cour de Cassation rendu le 07 mars 2012) d'un arrêt rendu le 11 mai 2010 par la cour d'appel de Versailles ayant infirmé partiellement un jugement rendu le 18 Mai 2009 par le Conseil de Prud'hommes de Versailles RG n° 08/00358






r>APPELANT

Monsieur [I] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Marie-josé GUEDJ, avocat au barreau d'ESSONNE, toque : L233 substitué par Me Virginie MARO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 11 Mars 2014

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07499

Sur renvoi après cassation partielle (arrêt de la Cour de Cassation rendu le 07 mars 2012) d'un arrêt rendu le 11 mai 2010 par la cour d'appel de Versailles ayant infirmé partiellement un jugement rendu le 18 Mai 2009 par le Conseil de Prud'hommes de Versailles RG n° 08/00358

APPELANT

Monsieur [I] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Marie-josé GUEDJ, avocat au barreau d'ESSONNE, toque : L233 substitué par Me Virginie MAROT, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMEE

SAS LEAR AUTOMOTIVE FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Lorelei GANNAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J033

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Janvier 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller

Madame Caroline PARANT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [I] [J] a été embauché en qualité de vice président par la société Lear Automotive France, suivant contrat de travail du 19 octobre 2000, à compter du 3 janvier 2011.

Il est devenu président de la société Lear Automotive France à partir du 22 mai 2001, ce mandat social étant renouvelé chaque année.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 août 2007, Monsieur [J] a démissionné de ses fonctions de président à effet au 28 août suivant.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour, Monsieur [J] a démissionné de ses fonctions de salarié à effet au 29 août suivant.

Par lettre du 4 septembre 2007, la société Lear Automotive France a libéré Monsieur [J] de l'obligation de non concurrence figurant à l'article 13 de son contrat de travail.

*****

Estimant que la société Lear Automotive France n'avait pas levé l'obligation de non concurrence dans les délais, Monsieur [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles de demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de non concurrence et de diverses sommes.

Par jugement du 18 mai 2009, le conseil de prud'hommes de Versailles a débouté Monsieur [J] de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à la société Lear Automotive France la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur appel formé par Monsieur [J], la cour d'appel de Versailles a, par arrêt du 11 mai 2010, confirmé le jugement entrepris, à l'exception de la condamnation au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et a débouté la société Lear Automotive France de cette demande de dommages et intérêts.

Statuant sur le pourvoi formé par Monsieur [J] contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, la Cour de Cassation a, par arrêt du 7 mars 2012, cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de Monsieur [J] d'une somme de 268 305, 24 € au titre de l'indemnité de non concurrence, outre les congés payés, l'arrêt du 11 mai 2010 et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris et a condamné la société Lear Automotive France à payer à Monsieur [J] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a été retenue sur renvoi de cassation à l'audience du 21 janvier 2014.

*****

Par conclusions visées au greffe le 21 janvier 2014, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [J] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles,

- de débouter la société Lear Automotive France de toutes ses demandes,

- de condamner la société Lear Automotive France à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Versailles, :

* à titre principal, la somme de 268 305, 24 € au titre de l'indemnité de non concurrence, outre la somme de 26 830, 52 € au titre des congés payés y afférents,

* à titre subsidiaire, la somme de 144 491, 58 €, outre la somme de 1 449, 15 € au titre des congés payés y afférents,

* en tout état de cause, la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

*****

Par conclusions visées au greffe le 21 janvier 2014, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société Lear Automotive France conclut à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Versailles et au débouté des demandes de Monsieur [J] et sollicite 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la validité de la levée de la clause de non concurrence

Considérant que Monsieur [J] soutient que la société Lear Automotive France qui s'est vue notifier sa démission le 14 août 2007, a levé tardivement la clause de non concurrence ;

que, contrairement à ce qu'elle soutient de mauvaise foi pour la première fois devant cette cour, elle a été parfaitement informée de sa démission par la réception du courrier de démission par la société Lear Corporation France, la preuve en sont les propositions de Monsieur [P], le supérieur de Monsieur [J] par courrier électronique du 21 août 2007 ;

Considérant que la société Lear Automotive France soutient qu'elle n'a pas été destinataire de la lettre de démission de Monsieur [J] adressée à la société Lear Corporation France, personne morale distincte de la société Lear Automotive France ;

que la société Lear Automotive France n'a pris connaissance de la lettre de démission de Monsieur [J] que le 29 août 2007 qui constitue le point de départ du délai de 8 jours fixé par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie pour que l'employeur soit déchargé du paiement de l'indemnité de non concurrence, en contrepartie de la libération du salarié de la clause de non concurrence ;

qu'elle a en conséquence valablement libéré, par lettre du 4 septembre 2007, Monsieur [J] de son obligation de non concurrence et est ainsi déchargée du paiement de l'indemnité de non concurrence ;

Considérant que le débat sur l'existence d'un mandat entre la société Lear Automotive France et la société Lear Corporation France est intervenu lors de l'audience de plaidoiries devant la cour ;

Considérant que l'article 13 du contrat de travail conclu entre Monsieur [J] et la société Lear Automotive France contient une clause de non concurrence d'une durée d'un an soumise à l'article 28 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ;

que cet article 28 fixe le principe d'une contrepartie financière à cette obligation de non concurrence ;

que l'employeur peut décharger le salarié de son obligation de non concurrence et être en conséquence dispensé du paiement de l'indemnité de non concurrence sous condition de prévenir le salarié par écrit dans les 8 jours qui suivent la notification de la rupture du contrat de travail ;

Considérant que la cour constate que la société Lear Automotive France n'a pas discuté devant le conseil de prud'hommes et la cour d'appel de Versailles pas plus que devant la Cour de Cassation avoir reçu, le 14 août 2007, la lettre recommandée avec accusé de réception de démission de Monsieur [J] ;

Considérant que, s'il est exact que la lettre de démission a été expédiée à la société Lear Corporation France qui n'était pas l'employeur de Monsieur [J], il doit être considéré que cette société Lear Corporation France était le mandataire apparent de la société Lear Automotive France ;

qu'en effet, le contrat de travail versé aux débats a été établi sur papier à en tête de la société Lear Corporation ;

que les bulletins de paye de Monsieur [J] mentionnent expressément la société Lear Corporation ;

que la lettre de démission a été adressée à Lear Corporation à l'intention de Monsieur [P] ; qu'il résulte de l'organigramme du groupe Lear versé aux débats par Monsieur [J] que Monsieur [P] était le supérieur hiérarchique de Monsieur [J], en sa qualité de directeur des opérations Europe Afrique ;

que c'est en cette qualité de supérieur hiérarchique, dûment mandaté par la société Lear Automotive France, que Monsieur [P] a adressé à Monsieur [J], le 21 août 2007, un courrier électronique lui précisant la déception de la société de le voir quitter son poste et lui formulant une offre de modification des conditions de son contrat de travail ;

qu'au surplus, il est manifeste que Monsieur [J] a envoyé sa lettre de démission à Monsieur [P], son supérieur hiérarchique, en raison du fait qu'il lui était difficile d'envoyer cette lettre à une société représentée par lui même, puisqu'il était, à la date d'expédition du courrier de démission, le président de la société Lear Automotive France ;

Considérant en conséquence que la société Lear Automotive France a bien reçu, par son mandataire apparent, la lettre de démission de Monsieur [J] le 14 août 2007 ;

qu'en application de l'article 28 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, pour être déchargé du paiement de l'indemnité de non concurrence, l'employeur devait prévenir Monsieur [J] dans les 8 jours qui ont suivi la notification de la rupture du contrat, soit dans les 8 jours suivant le 14 août 2007 ;

que la société Lear Automotive France n'a expédié la lettre de dispense de l'exécution de la clause de non concurrence que le 4 septembre 2007, soit postérieurement à l'expiration du délai de 8 jours de l'article 28 de la convention collective susvisé ;

que la tardiveté de l'envoi de cette lettre prive d'effet la dispense de l'obligation de non concurrence ;

qu'en conséquence, la société Lear Automotive France n'a pas valablement libéré Monsieur [J] de la clause de non concurrence figurant à l'article 13 de son contrat de travail ;

Sur la demande en paiement de l'indemnité de non concurrence

Considérant que Monsieur [J] sollicite paiement de la contrepartie financière de sa clause de non concurrence et prétend qu'il a parfaitement respecté les obligations résultant de cette clause ; que la société Visteon Systemes Intérieurs dont il est devenu le directeur ne commercialise pas les mêmes produits que la société Lear Automotive France ; que la preuve n'est pas rapportée par la société Lear Automotive France qui en a la charge de la réalité d'actes de concurrence prohibés par la clause de non concurrence ;

Considérant que la société Lear Automotive France prétend au contraire que Monsieur [J] n'a pas respecté la clause de non concurrence puisqu'il est établi qu'il a rejoint une société concurrente pendant l'exécution de son préavis de démission ;

que l'objet social de la société Visteon Systemes Intérieurs est le même que celui de la société Lear Automotive France ; que les deux sociétés sont des équipementiers automobiles qui opèrent sur le même marché et sur les mêmes segments de marché ;

Considérant que l'article 28 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie dispose : Une collaboration loyale implique évidemment l'obligation de ne pas faire bénéficier une maison concurrente de renseignements provenant de l'entreprise employeur .

Par extension, un employeur garde la faculté de prévoir qu'un ingénieur ou cadre qui le quitte, volontairement ou non, ne puisse apporter à une maison concurrente les connaissances qu'il a acquises chez lui, et cela en lui interdisant de se placer dans une maison concurrente.

L'interdiction de concurrence doit faire l'objet d'une clause dans la lettre d'engagement ou d'un accord écrit entre les parties ;

Considérant que la clause de non concurrence de l'article 13 du contrat de travail de Monsieur [J] est libellée comme suit : Monsieur [I] [J] sera soumis à une obligation de non concurrence à l'issue de son contrat de travail, d'une durée d'un an, selon les modalités prévues à l'article 28 de la Convention Collective des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie ;

Considérant qu'il est constant qu'il appartient à l'employeur qui prétend que son salarié a violé la clause de non concurrence d'en rapporter la preuve ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que Monsieur [J] a signé, le 2 août 2007, pendant son préavis de démission, un contrat de travail avec la société Visteon Systemes Intérieurs en qualité de directeur des opérations Europe ;

Considérant qu'au vu de l'extrait du registre du commerce de la société Lear Automotive France et des statuts de la société Visteon Systemes Intérieurs, l'objet social de ces deux sociétés est très proche ;

qu'en effet la société Lear Automotive France a pour objet social l'étude, la mise au point, l'achat, la vente et la commercialisation de pièces accessoires pour les véhicules, la fourniture de service techniques y afférents et l'exercice de toutes activités se rapportant aux objets ci - dessus notamment dans le domaine de l'automobile ... ;

que l'objet social de la société Visteon Systemes Intérieurs est, en premier lieu, la fabrication , la vente, la location et la distribution de tous objets métalliques et plastiques, de tous matériels et équipements et ceux notamment destinés à être utilisés dans le domaine des véhicules à moteur ;

Considérant que les sociétés Lear Automotive France et Visteon Systemes Intérieurs sont des équipementiers automobiles, membres de la même association européenne des équipementiers automobiles, la CLAPA ;

qu'elles opèrent sur le même marché, à savoir celui des équipements destinés aux constructeurs et intégrés dans les véhicules lors de la production de véhicules neufs ;

qu'il est également démontré qu'elles interviennent, toutes deux, dans le domaine des habitacles de véhicules et de l'électronique ;

que la société Lear Automotive France fait justement valoir que le fait que ces 2 sociétés soient soumises à 2 conventions collectives différentes, celle de la métallurgie et celle de la plasturgie est indifférent à la question de l'activité exercée effectivement par ces deux sociétés eu égard au champ d'application très étendu de ces deux conventions collectives ;

Considérant que les pièces que Monsieur [J] produit, le plus souvent en langue anglaise, détaillent certains des équipements vendus par les deux sociétés sans pour autant contredire les fait qu'elles opèrent dans le même secteur de l'équipement des habitacles des véhicules ;

Considérant en conséquence que la société Lear Automotive France démontre que Monsieur [J] a occupé, à partir du 2 août 2007, des fonctions de direction dans une société qui exploite une activité concurrentes de la sienne à savoir, celle d'équipementier automobile spécialisé dans l'habitacle des véhicules neufs ;

que le fait de diriger cette entreprise suffit à démontrer la violation de la clause de non concurrence au sens de l'article 28 de la convention collective et du contrat de travail puisque l'exercice de fonctions de direction permet de faire bénéficier la société concurrente de renseignements provenant de l'entreprise employeur ;

qu'il n'est nullement nécessaire que soient établis des actes précis de concurrence ;

qu'en raison de la violation de la clause de non concurrence, Monsieur [J] est mal fondé à solliciter le paiement de la contrepartie financière de cette clause de non concurrence ;

qu'il sera débouté des demandes dont est saisie la cour à la suite du renvoi de la Cour de Cassation ;

que le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles qui a rejeté les demandes de Monsieur [J] tendant au paiement d'une indemnité de non concurrence sera confirmé ;

Considérant que Monsieur [J] qui succombe sera condamné à payer à la société Lear Automotive France la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles du 18 mai 2009, en ce qu'il a débouté Monsieur [I] [J] de sa demande de paiement de l'indemnité compensatrice de non concurrence ;

- Condamne Monsieur [J] à payer à la société Lear Automotive France la somme de

2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

- Condamne Monsieur [J] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/07499
Date de la décision : 11/03/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°12/07499 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-11;12.07499 ?
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