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11/03/2014 | FRANCE | N°11/12303

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 11 mars 2014, 11/12303


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 11 Mars 2014



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12303



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 10/14123







APPELANT

Monsieur [E] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne,

assisté de Me Arna

ud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/058257 du 23/01/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)





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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 11 Mars 2014

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12303

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 10/14123

APPELANT

Monsieur [E] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne,

assisté de Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/058257 du 23/01/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

SARL MARIONNAUD LAFAYETTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Véronique LAVALLART, avocat au barreau de PARIS, toque : L0104

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Janvier 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller

Madame Caroline PARANT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

[E] [X] a été engagé par la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL, le 8 octobre 2001, en qualité de technicien climatisation, suivant un contrat de travail à durée indéterminée.

Le 14 octobre 2006, il est victime d'un accident du travail qui sera ensuite reconnu comme découlant d'une faute inexcusable de l'employeur ( jugement du TASS du 25 mars 2013).

[E] [X] est reconnu travailleur handicapé (10% ; décision de la MDPH le 26 novembre 2009).

La société MARIONNAUD va décider de la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi en 2009.

Suivant une lettre recommandée avec avis de réception du 15 décembre 2009, reçue alors qu'il était en arrêt de travail, [E] [X] est licencié pour cause économique avec des motifs ainsi énoncés :

'Comme nous l'avons indiqué lors des réunions successives avec les représentants du personnel, l'entreprise se trouve confrontée à des difficultés économiques.

(...) En conséquence, il devient nécessaire afin de surmonter les difficultés économiques qui menacent la survie de l'entreprise, de rétablir la compétitivité des activités de Marionnaud en France et d'assurer leur pérennité dans un contexte de forte pression sur les prix de vente et de concurrence exacerbée, de mettre en oeuvre de nouvelles mesures structurelles permettant le développement des ventes et la maîtrise des coûts.

( ...) Comme prévu dans le plan de sauvegarde de l'emploi, une période a été exclusivement dédiée au volontariat des salaires porteurs d'un projet ; toutefois cette mesure n'a pas permis de résorber la totalité des sureffectifs consécutifs aux difficultés économiques et au plan de réorganisation nécessaire à la sauvegarde de difficultés économiques et au plan de réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. Aussi, à l'issue de cette période, nous avons été amenés à appliquer les critères définis pour fixer l'ordre des licenciements . Compte tenu du poste de technicien climatisation que vous occupez au sein de la catégorie professionnelle technicien climatisation , les critères d'ordre vous ont désigné.

En date du 24 novembre 2009 nous vous avons proposé des offres de reclassement concernant notamment des postes de conseiller de vente, esthéticienne, responsable adjoint de magasin, responsable de magasin, assistant de gestion, chargé d'archives, chargé du référencement au sein de la société Marionnaud , offres que vous n'avez pas acceptées.

En conséquence, nous n'avons d'autres choix que de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique. Toutefois, si un poste interne correspondant à vos qualifications se libérait avant la fin de votre préavis nous ne manquerons pas de vous le proposer.'

Contestant le bien-fondé de ce licenciement, [E] [X] va saisir la juridiction prud'homale, le 8 novembre 2010, de diverses demandes.

Par jugement contradictoire du 12 octobre 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes.

Appel de cette décision a été interjeté par [E] [X] , suivant une lettre recommandée expédiée le 7 décembre 2011.

Par des conclusions visées le 21 janvier 2014 puis soutenues oralement lors de l'audience, [E] [X] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, à titre principal, de dire et juger nul son licenciement et, à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'ordonner la réintégration de [E] [X] au sein de la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL , étant précisé que cette société devra lui payer une indemnité de 2 554,71 € pour chaque mois écoulé entre son éviction de l'entreprise ( 15/12/2009 ) et sa réintégration, le tout sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de réserver la compétence de la cour de céans pour la liquidation de l'astreinte.

A titre subsidiaire, par rapport à la réintégration, de condamner la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL à lui payer :

* 45 984,78 € licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 45 984,78 € dommages et intérêts pour perte injustifiée de son emploi ( à titre éminemment subsidiaire par rapport à l'absence de cause réelle et sérieuse ),

* 7 664,13 € préavis ( 3 mois ),

* 766,41 € congés-payés afférents.

En tout état de cause, il est demandé de condamner la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL les sommes de :

* 6 000 € dommages et intérêts pour non remise d'attestation Pôle Emploi, outre les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes avec anatocisme,

* 3 000 € article 37 alinéa deux de la loi n° 91-647 sur l'aide juridictionnelle,

* 300 € article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions visées le 21 janvier 2014 puis soutenues oralement à l'audience, la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL demande, à titre principal, de dire et juger que le licenciement pour motif économique de [E] [X] n'est entaché d'aucune nullité.

A titre subsidiaire, si par impossible la cour estimait devoir dire et juger nul et nul effet le licenciement du salarié, de dire et juger que sa réintégration est matériellement impossible, de dire et juger qu'en cas de nullité il y aura lieu pour [E] [X] de restituer l'intégralité des sommes perçues à l'occasion de son licenciement prononcé le 19 décembre 2009 jusqu'à la date de sa réintégration effective ( et ce compris, sans que ce ne soit limitatif , les sommes perçues au titre de l'IJSS, d'un éventuel complément versé par la mutuelle et d'éventuelles allocations servies par l'assurance-chômage ce dont M. [X] devra justifier à cette date ).

A titre infiniment subsidiaire, de dire et juger que le licenciement pour motif économique est bien fondé, de confirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

En tout état de cause, il est demandé de débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes et, recevant la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL en sa demande incidente, de condamner le salarié à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il est constant que [E] [X] a été victime d'un accident du travail le 14 octobre 2009 et qu'il se trouvait en arrêt pour cette raison au moment du licenciement le 15 décembre 2009 ce dont ne saurait disconvenir la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL qui a émis des bulletins de salaire jusqu'en janvier 2010, sur la foi des arrêts de travail transmis et percevait par subrogation les indemnités journalières correspondantes permettant le maintien du salaire de l'appelant. Dès lors, le contrat de travail était suspendu et la rupture de celui-ci se trouvait donc soumise aux dispositions de l'article L.1226-9 du code du travail selon lesquelles il n'est possible, pour l'employeur, de licencier un salarié dans cette situation, que ' s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie'. En l'occurrence, la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL soutient que le motif économique invoqué pour justifier de la rupture du contrat de travail de [E] [X] constitue une impossibilité de maintenir celui-ci. Ce faisant, il doit être cependant considéré que l'employeur ne répond pas aux impératifs de l'article susvisé en ce qu'il n'énonce pas pour autant, dans la lettre de licenciement, les motifs qui rendent ' impossible le maintien du contrat de travail'. En effet, la suspension du contrat de travail résultant de l'accident de travail dont le salarié a été victime avait pour effet de transférer la charge de la rémunération sur l'organisme de sécurité sociale, sachant qu'à la fin de l'arrêt de travail - le salarié étant au surplus atteint d'un handicap - une procédure de reprise aurait nécessairement été mise en place avec une visite par la médecine du travail pour statuer sur l'aptitude. En retenant la seule cause économique pour justifier de la rupture du contrat de travail suspendu au regard notamment de l'ordre des licenciements, l'employeur n'a pas répondu aux exigences protectrices du texte susvisé en ce qu'il ne qualifie pas l'impossibilité de maintenir le contrat de [E] [X] en arrêt de travail à la suite d'un accident du travail au moment même de la rupture. Il y a donc lieu, en conséquence, de faire application des dispositions de l'article L.1226-13 du code du travail et de prononcer la nullité du licenciement dont a été l'objet [E] [X].

L'appelant a sollicité sa réintégration dans l'entreprise comme conséquence de la nullité sollicitée et désormais prononcée par la cour. Cependant, pour être satisfaite, cette demande exige que [E] [X] puisse retrouver le poste de technicien climatisation qu'il occupait antérieurement. Or, ce poste a été supprimé dans le cadre de la réorganisation mise en place par la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL et cette réintégration doit donc être considérée comme matériellement irréalisable, cette demande ne pouvant dès lors être satisfaite.

En conséquence de ce qui précède, il convient d'examiner la demande subsidiaire de [E] [X] en indemnisation du préjudice né de son licenciement illicite, sans possibilité de réintégration, en paiement d'une somme de 45 984,78 €. Au regard des circonstances entourant la rupture et les textes applicables , il convient de réparer en tous ses éléments le préjudice causé au salarié par l'illicéité du licenciement en appliquant de manière analogique les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail impliquant une indemnisation minimale correspondant à six mois de salaire. Il doit être constaté ici que l'employeur, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, a méconnu le statut protecteur de la loi quant au fait que le contrat de travail de [E] [X] était suspendu en raison de la nature de son arrêt de travail lequel étant lié, à la fois, aux séquelles d'un accident du travail et de surcroît à un statut d'handicapé. Le salarié a ainsi été privé de la possibilité d'être examiné par la médecine du travail au moment de la reprise pour qu'il soit statué sur son aptitude et spécialement sur son reclassement dans l'entreprise au-delà du motif économique retenu pour justifier ici la rupture ainsi que de l'ordre des licenciements invoqué ici de manière non pertinente au regard du point central relatif à l'état de santé du salarié spécialement protégé légalement .La cour tiendra compte également de l'ancienneté du salarié (8 années) et son âge (33 ans) au moment du licenciement. Il y a lieu de faire droit à la demande de [E] [X] à ce titre et de condamner la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL à lui payer la somme de 35 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail.

Il est également sollicité par [E] [X] le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire en application des dispositions de l'article L.5213-9 du code du travail, soit une somme de 7 664,13 €, outre 766,41 € pour les congés-payés afférents. Le moyen soutenu par l'employeur de la méconnaissance dans laquelle il se trouvait du statut d'handicapé de l'appelant ne saurait prospérer au regard du droit positif applicable. En effet, [E] [X] a vu son handicap être consacré par une décision de la MDPH ( Maison départementale des personnes handicapées ) du 26 novembre 2009 (pièce 6) et se trouve donc autorisé à se prévaloir du texte visé plus haut, dans la limite de trois mois de préavis, sa demande devant être satisfaite sur ce point.

La cour constate que la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL ne fait qu'affirmer avoir remis à [E] [X] une attestation Pôle Emploi que la loi lui imposait de délivrer spontanément au moment du licenciement. En réalité, les éléments du dossier montrent que cette remise n'a eu lieu, entre avocats, que le 25 mars 2013 (pièce 25-1). Ce manquement a nécessairement causé un préjudice au salarié lequel sera réparé par l'octroi d'une somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts.

Il y a lieu enfin de faire application ici des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et d'ordonner le versement par la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL à Me Arnaud OLIVIER, avocat au Barreau de Paris et celui de [E] [X], la somme de 3 000 € sur ce fondement.

La demande supplémentaire de l'appelant en paiement de la somme de 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Réforme la décision entreprise et, statuant à nouveau,

Prononce la nullité du licenciement sur le fondement des articles L.1226-9 et L.1226-13 du code du travail,

Déboute [E] [X] de sa demande de réintégration,

Condamne la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL à payer à [E] [X] les sommes suivantes :

- 35 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'illicéité de la rupture, par application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail,

- 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle Emploi, outre les intérêts au taux légal sur ces deux sommes à compter du prononcé du présent arrêt, sans anatocisme,

- 7 664,13 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis en application des dispositions des articles L.1234-1 et L.5213-9 du code du travail,

- 766,41 € au titre des congés-payés afférents, outre les intérêts au taux légal sur ces deux montants à compter du 18 novembre 2010, date de réception par l'employeur de sa convocation en conciliation prud'homale, sans anatocisme,

Déboute [E] [X] du surplus de ses demandes,

Ajoutant,

Vu l'article 37, alinéa deux, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

Ordonne le versement par la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL à Me Arnaud OLIVIER, avocat au Barreau de Paris, de la somme de 3 000 € à ce titre,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à son application,

Vu l'article L.1235-4 du code du travail,

Dit n'y avoir lieu à son application en raison de l'illicéité du licenciement déclaré nul,

Laisse les dépens de la procédure à la charge de la société MARIONNAUD LAFAYETTE SARL.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 11/12303
Date de la décision : 11/03/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°11/12303 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-11;11.12303 ?
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