Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 06 MARS 2014
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/20288
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Octobre 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 10/32023
APPELANT
Monsieur [F] [J]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Assisté par Me Michel AZOULAY, avocat au barreau de PARIS, toque : R277
INTIMEE
SA CREDIT DU NORD et ayant son siège central à [Adresse 3]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée et assistée par Me Marie-Claude REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0299
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente
Madame Caroline FÈVRE, Conseillère
Madame Muriel GONAND, Conseillère
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN
ARRÊT :
- Contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.
La société MULTIPLES a pour activité le commerce d'articles de prêt à porter. Elle est immatriculée au RCS de BOBIGNY, ayant son siège social à [Adresse 4].
Par acte du 15 octobre 2004, la société MULTIPLES a ouvert un compte courant sous le n°2163.114269.002 dans les comptes du CREDIT DU NORD. Le CREDIT DU NORD a octroyé à la société MULTIPLES un découvert de 500.000 euros.
Par acte sous seing privé en date du 19 octobre 2004 Monsieur [F] [J] s'est porté caution solidaire de la société MULTIPLES en faveur du CREDIT DU NORD à hauteur de 650.000 euros.
Par acte du 7 février 2007, le CREDIT DU NORD a dénoncé le découvert sous préavis de 60 jours.
A l'expiration de ce préavis, le CREDIT DU NORD a, suivant courrier du 11 avril 2007, mis en demeure la société MULTIPLES de lui rembourser le montant du solde débiteur de son compte qui s'élevait alors à la somme de 500.197,46 euros.
La majorité des banques de la société MULTIPLES l'a imité.
Par ordonnance du 20 avril 2007 Monsieur le Président du tribunal de commerce de BOBIGNY a désigné un mandataire Ad Hoc en vue de négocier des délais de paiements avec les banques de la Société MULTIPLES.
Le 1er juin 2007, la société MULTIPLES a assigné en référé le CREDIT DU NORD afin d'obtenir un moratoire.
Par ordonnance du 26 juin 2007, le tribunal de commerce de BOBIGNY, après avoir constaté que la créance du CREDIT DU NORD était certaine, liquide et exigible, a accordé à la société MULTIPLES un moratoire ordonnant le report au 8 avril 2009 du remboursement de la créance du CREDIT DU NORD, la créance étant majorée des intérêts légaux à compter du prononcé de l'ordonnance.
La société MULTIPLES a fait l'objet d'une ouverture de procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 8 septembre 2009.
Par courrier en date du 6 novembre 2009, la Banque a déclaré une créance de 532.859,17 euros au passif de la société MULTIPLES pour laquelle elle a été admise à titre chirographaire sur l'état des créances de la dite société, le 3 avril 2012.
Par acte du 6 novembre 2009, le CREDIT DU NORD a mis en demeure Monsieur [J], es-qualité de caution de la société MULTIPLES, de lui régler la somme de 532.859,17 euros.
Le CREDIT DU NORD a obtenu l'autorisation de prendre un nantissement judiciaire provisoire sur les parts que monsieur [F] [J] détenait dans la SCI ANTHONY et sur les actions qu'il possédait dans la SAS LS.
Le plan de continuation de la société MULTIPLES a été arrêté par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 7 décembre 2010.
La résolution du plan de continuation de la société MULTIPLES et sa liquidation judiciaire a été prononcée par jugement du tribunal de commerce de BOBIGNY en date du 12 mars 2011.
Par exploit en date du 23 avril 2011, le CREDIT DU NORD a assigné Monsieur [J] devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 532.859,17 euros outre intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2009 et une somme de 3.500 euros ultérieurement portée à 10.000 euros par conclusions récapitulatives et responsives.
Par jugement en date du 29 octobre 2012, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné Monsieur [J] [F], en sa qualité de caution de la société MULTIPLES,
à payer à la SA CREDIT DU NORD la somme de 532.859,17 euros outre intérêts, au taux légal, à compter du 6 novembre 2009,
- condamné Monsieur [J] [F], en la même qualité, à payer à la SA CREDIT DU NORD la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie et nonobstant appel,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- condamné Monsieur [J] [F] aux entiers dépens.
La déclaration d'appel de Monsieur [J] a été remise au greffe de la Cour le 12 novembre 2012.
Dans ses dernières écritures au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 13 janvier 2014, Monsieur [J] demande à la Cour de :
- le déclarer recevable et bien fondé en ses présentes conclusions d'appel,
- infirmer la décision de première instance,
- prononcer la nullité du jugement déféré,
- dire que la société CREDIT DU NORD ne produit pas l'original de l'engagement de caution,
- dire que la société CREDIT DU NORD ne justifie pas du quantum réclamé,
En conséquence,
- débouter la société CREDIT DU NORD de l'ensemble de ses demandes,
- condamner le CREDIT DU NORD à lui payer la somme de 550.000 euros à titre de dommages et intérêts qui viendront en compensation avec les sommes auxquelles celui-ci pourra être condamné au titre de son cautionnement envers le CREDIT DU NORD,
Subsidiairement,
- condamner le CREDIT DU NORD à lui payer la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts qui viendront en compensation avec les sommes auxquelles celui-ci pourra être condamné au titre de son cautionnement envers le CREDIT DU NORD,
- dire disproportionné son engagement de caution tant lors de sa conclusion en 2004 qui actuellement et le décharger de cet engagement en totalité ou en partie,
A titre très subsidiaire :
- condamner la société CREDIT DU NORD à lui payer des dommages-intérêts à hauteur des sommes réclamées,
A titre infiniment subsidiaire :
- dire le report des sommes dues à dans 24 mois,
- condamner le CREDIT DU NORD à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le CREDIT DU NORD aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
Dans ses dernières écritures au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, signifiées le 26 décembre 2013 la SA CREDIT DU NORD demande à la Cour de :
- lui donner acte qu'il s'en rapporte à justice sur la nullité du jugement demandée,
- lui donner acte qu'il déclare qu'il déposera, le jour de l'audience des plaidoiries, à la Cour l'original de l'acte de caution querellé,
- dire qu'il justifie parfaitement du quantum de sa créance par la production des relevés de compte, du détail des intérêts, de sa déclaration de créance et de son admission au passif de la société MULTIPLE qui a autorité de la chose jugée au principal,
- écarter des débats l'attestation de Maître [G] tenu au secret professionnel en sa qualité de conciliateur et de mandataire ad hoc ;
- débouter monsieur [J] de sa demande de dommages et intérêts faute de rapporter la démonstration de la faute de la Banque et d'un préjudice en liaison causal avec la faute alléguée ;
- dire que monsieur [J] est un dirigeant et une caution avertis ;
- dire que la preuve d'un crédit abusif ou inapproprié n'est pas rapportée ;
- dire que le redressement judiciaire de la société MULTIPLES intervenu en septembre 2009 sans remontée de la date de cessation des paiements montre que la situation de la société MULTIPLES n'était pas, cinq ans auparavant, en 2004, date de l'octroi des concours, en situation irrémédiablement compromise,
- dire que la preuve d'une faute commise par lui n'est pas rapportée ;
- débouter en conséquences monsieur [J] de ses demandes à ce titre et notamment de sa demande de dommages et intérêts,
- dire que l'engagement de caution signé n'est pas disproportionné,
- dire que monsieur [J] ne rapporte pas la preuve que la banque ait eu sur la situation de la société des informations qu'il ignorait,
- débouter en conséquence monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes de ce chef,
- déclarer sa demande en paiement recevable et fondée ;
En conséquence,
- condamner monsieur [J], en sa qualité de caution de la société MULTIPLES à lui payer la somme de 532.859,17 euros outre intérêts, au taux légal, à compter du 6 novembre 2009 et qui seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
- dire qu'en cherchant à dissimuler la consistance de son patrimoine, monsieur [J] n'est pas un débiteur de bonne foi,
- débouter monsieur [J] de sa demande de délais faute donc de fournir avec exactitude la consistance de son patrimoine et alors que ses revenus lui permettent d'apurer l'emprunt souscrit pour l'acquisition de son hôtel particulier,
- condamner monsieur [J] à lui payer la somme de 25.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2014.
SUR CE,
LA COUR
Considérant que Monsieur [J] soutient, d'une part, que le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS en date du 29 octobre 2012 doit être déclaré nul et de nul effet pour violation du principe du contradictoire et en raison des mentions erronées qu'il contient notamment aux termes desquelles le Juge Rapporteur aurait entendu les parties lors de son audience du 17 septembre 2012, d'autre part, que la Société CREDIT DU NORD ne justifie pas des sommes réclamées, que non seulement elle ne produit pas l'original de l'engagement de caution et qu'en outre elle ne justifie pas du quantum réclamé, ensuite, que la banque a commis une faute en octroyant abusivement, en toute connaissance de cause, à l'entreprise MULTIPLES dont la situation est irrémédiablement compromise ou lourdement obérée, un crédit, qui par son montant, sa destination et sa durée est inadapté aux besoins de celle-ci et n'a fait qu'aggraver ses difficultés, qu'ainsi le CREDIT DU NORD a manqué à son devoir de discernement de banquier, voire à son devoir d'information et de conseil, qu'une telle faute doit bénéficier à la caution en raison du préjudice qu'elle a subi, à hauteur de 550.000 euros qui viendront en compensation avec les sommes réclamées par le CREDIT DU NORD, le lien de causalité entre la faute de la banque et le préjudice subi étant induit, par ailleurs, qu'en étant la seule banque à refuser l'offre du mandataire ad'hoc consistant en un règlement d'un acompte de 50 % avec un accord de moratoire sur le solde, le CREDIT DU NORD a montré sa mauvaise foi ce qui justifie l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 250.000 euros ; qu'en outre, le CREDIT DU NORD ne peut se prévaloir du cautionnement souscrit par lui dès lors que ses engagements sont manifestement disproportionnés lors de leur conclusion à ses biens et revenus au moment de la conclusion de son engagement et que son patrimoine actuel ne lui permet pas de faire face à son obligation, enfin, que sa situation actuelle justifie que lui soit accordé le report des sommes dues à dans 24 mois;
Considérant que le CREDIT DU NORD fait valoir, d'une part, concernant la nullité du jugement, que les demandes de renvoi restent soumises à l'appréciation de la juridiction dont le demandeur ne s'est pas assuré de l'accord en prenant de surcroît le risque de ne pas se présenter, que le principe du contradictoire a été respecté dans la mesure où les parties ont échangées en temps utile pièces et écritures, que les parties ont été traitées de manière similaire, aucune n'étant comparante, que le jugement entrepris est correctement motivé et est conforme à la jurisprudence de la Cour de Cassation, d'autre part, que monsieur [J] n'a jamais contesté le cautionnement, que sa contestation actuelle relève de l'opportunisme, que la demande de ce dernier de communiquer la veille de la clôture l'original du cautionnement dont il n'a jamais demandé la production en original pas plus qu'il n'a contesté la validité de cet acte, ni n'a désavoué, ni sa signature, ni son écriture, est dilatoire, ensuite, qu'il ajoute qu'il produit toutes les pièces nécessaires justifiant des sommes dues à hauteur de 532.859,17 euros à la date du 3 avril 2012 aucun règlement n'ayant été effectué depuis lors; qu'en outre Monsieur [J] ne démontre pas en quoi le concours consenti révèle une faute de sa part; qu'il n'a jamais contesté la dette en sa qualité de dirigeant ; qu'il ne saurait la contester en sa qualité de caution, qu'il ne s'est jamais immiscé dans la gestion de la société MULTIPLES ayant pu occasionner ses difficultés, que l'action en responsabilité de Monsieur [J] à son égard, en sa qualité de caution avertie, doit être écartée dès lors qu'il ne démontre pas en quoi elle savait que la situation de l'entreprise était irrémédiablement compromise alors que lui l'ignorait, étant lui même dirigeant de la société, qu'il ne démontre pas en quoi la situation de la société MULTIPLES était irrémédiablement compromise, que Monsieur [J] était donc suffisamment qualifié pour mesurer le risque que le concours sollicité faisait courir à sa société alors qu'aucun élément n'établit que le découvert consenti présentait un caractère démesuré ou inadapté puisqu'il était légèrement supérieur à 1,5% du chiffre d'affaires, qu'en tout état de cause, c'est à tort que Monsieur [J] invoque l'octroi d'un concours abusif et recherche sa responsabilité dès lors qu'en sa qualité d'emprunteur averti, il ne peut obtenir réparation d'un préjudice résultant de l'octroi d'un concours qu'il avait lui-même sollicité dès lors qu'il ne démontre pas qu'il ait eu sur sa situation connaissance d'éléments que lui-même aurait ignorés et qu'il ait su que l'acquisition de cette société était une opération inexorablement vouée à l'échec, encore, que la Banque n'a commis aucune faute lors du déroulement du mandat ad'hoc auquel la société MULTIPLE a eu recours en 2007, que l'attestation de Maître [G], qui est intervenu en qualité de mandataire ad hoc et de conciliateur de la société MULTIPLES et qui n'a pas recueilli son consentement, fait état de propos qui ne sont confortés par aucun élément probatoire et viole tant la confidentialité attachée à la procédure de mandat ad hoc et de conciliation que le secret professionnel auquel il est tenu; que Monsieur [J] ne rapporte pas la preuve d'une disproportion entre ses revenus et son patrimoine tels que portés à sa connaissance par ses soins dans la déclaration de patrimoine ; qu'il n'était pas tenu à l'égard de la caution avertie à une obligation de mise en garde, s'agissant d'un dirigeant disposant d'une expérience professionnelle suffisante pour apprécier la portée de ses engagements de caution à l'égard de son patrimoine, enfin qu'il ne peut être fait droit à la demande de Monsieur [J] de voir reporter le remboursement de sa dette à vingt-quatre mois, dès lors que Monsieur [J] n'est pas un débiteur de bonne foi, qu'il a d'ores et déjà bénéficié des délais de la procédure sans effectuer le moindre remboursement alors qu'il a un patrimoine conséquent qu'il a tenté à de multiples reprises de dissimuler à ses créanciers;
Considérant qu'il résulte des écritures concordantes des deux parties qu'aucune d'entre elles n'a comparu à l'audience du 17/9/2012, le défendeur ayant sollicité un renvoi auquel le demandeur s'était associé ; qu'il s'ensuit que, contrairement aux énonciations du jugement qui indiquent que les deux parties étaient comparantes et assistées d'un avocat et qu'elles ont été entendues, il s'avère qu'aucune d'entre elle n'a été mise en mesure de faire entendre ses moyens et arguments ; que dès lors, le jugement doit être annulé ; que la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, doit statuer sur le fond du litige, tous les points du litige lui étant déférés ;
Considérant que Monsieur [J] soutient tout d'abord que le CREDIT du NORD ne justifie pas des sommes réclamées et qu'il ne produit pas l'original de l'engagement de caution ;
Considérant que la cour relève, comme le fait le CREDIT du NORD, que Monsieur [J] n'a jamais jusque là contesté sa dette, qu'il n'avait pas jusqu'à ses dernières écritures, demandé la communication de l'original de l'acte de caution, étant à souligner que cette demande de communication ne s'accompagne ni d'une contestation de son écriture ou de sa signature, et qu'il est en possession de la copie de cet acte ; qu'en tout état de cause , et compte tenu du caractère tardif de la demande qui lui a été présentée, quelques jours avant l'ordonnance de clôture, le CREDIT du NORD a produit l'original à l'audience de plaidoirie et qu'il a été constaté que cet original était en tout point conforme à la copie versée aux débats ;
Considérant sur l'existence et le quantum de la créance, que le CREDIT du NORD fait justement valoir que sa créance, qui se chiffre à la somme de 532.859,17 €, a été qualifiée dans l'ordonnance de référé en date du 26/6/2007 de certaine, liquide et exigible, et surtout qu'elle a fait l'objet d'une déclaration d'admission au passif qui a autorité de la chose jugée, tant au titre du principal qu'au titre des intérêts dont elle a justifié ; qu'il ajoute qu'il est constant qu'aucun règlement n'a été effectué depuis lors, ce que Monsieur [J] ne peut ignorer ;
Considérant que Monsieur [J] prétend ensuite que le crédit consenti par le CREDIT du NORD était abusif et ruineux, entraînant un endettement excessif incompatible avec sa rentabilité ; qu'il ajoute que la banque connaissait parfaitement les graves difficultés de la société et qu'elle n'a prêté les fonds que sur la base de la solvabilité présumée de la caution et non de la débitrice principale qui était dans une situation irrémédiablement compromise ;
Considérant que Monsieur [J] était le dirigeant de la société qui n'a jamais contesté sa dette, ni avant l'ouverture de la procédure collective, ni après ; que les conditions d'octroi du crédit, qui était légèrement supérieur à 1,5 % du chiffre d'affaires, n'ont pas été critiquées par les organes de la procédure collective ; que Monsieur [J] est d'autant plus mal fondé à invoquer un crédit fautif en raison de son montant, de sa destination et de sa durée de remboursement, et une situation, à la date de l'octroi, irrémédiablement compromise, alors que c'est lui qui a sollicité le crédit, qu'il a qualifié l'activité de la société de profitable et a invoqué des difficultés passagères de trésorerie, qu'il est une caution avertie et qu'il ne démontre pas que la banque aurait détenu des informations dont il n'aurait bénéficié en qualité de caution ; que la banque fait justement valoir que la situation n'était pas vouée à l'échec en 2004 puisque les résultats de 2005 et du début de l'année 2006 attestent une amélioration de la rentabilité et une forte progression du chiffre d'affaires et que Monsieur [J] l'a bien compris puisqu'il a créé une holding pour acquérir en avril 2004 51 % des titres et en avril 2006, les 49 % des titres restants ; qu'elle note que le redressement judiciaire a été ouvert 5 ans après l'octroi du concours querellé, que la date de cessation des paiements a été fixée au 4/6/2009, que le tribunal a ordonné la poursuite de l'activité ; que Monsieur [J] ne caractérise aucun manquement de la banque aux devoir d'information de conseil de mise en garde ;
Considérant que Monsieur [J] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts ;
Considérant que Monsieur [J] incrimine la mauvaise foi du CREDIT du NORD qui est la seule banque, sur les 18 présentes à la table des négociations, qui ait refusé l'offre du mandataire ad hoc, pour ' sanctionner la caution' ; qu'il produit à l'appui de ses affirmations une attestation de Maître [G], qui a été désigné d'abord en qualité de mandataire ad hoc puis de conciliateur, lequel stigmatise l'attitude de la banque ;
Considérant que la banque objecte, à juste titre, que le mandataire judiciaire enfreint tant la confidentialité attachée à la procédure de mandat ad hoc, et de conciliation énoncée par l'article L611-15 du code de commerce, que le secret professionnel auquel il est tenu;
Que Monsieur [J] peut d'autant moins invoquer la disparition de la confidentialité du fait de la signature du protocole et de son homologation, que le CREDIT du NORD n'y était pas partie, puisqu'il lui ait reproché d'avoir 'joué cavalier seul' ;
Qu'il est dénué de toute pertinence et , au surplus inexact, de dire que les déclarations du mandataire ad hoc, qui comportent des appréciations subjectives, vaudraient jusqu'à inscription de faux ;
Qu'il y a lieu d'ajouter que, non seulement Maître [G] ne pouvait, sans méconnaître ses devoirs, faire état d'informations qu'il avait recueillies dans l'exercice de sa mission, mais encore que le mandat ad hoc n'est pas une mesure coercitive, et que le CREDIT du NORD pouvait, sans faute de sa part, refuser de donner son accord ;
Considérant qu'il s'évince de ce qui précède, d'une part, que l'attestation de Maître [G] sera rejetée des débats, et que d'autre part, aucune faute n'est établie à l'égard du CREDIT du NORD ;
Considérant que Monsieur [J] soutient que son engagement de caution est disproportionné ;
Considérant que selon l'article 341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;
Qu'il appartient à la caution de prouver le caractère manifestement disproportionné de son engagement ;
Considérant qu'il est constant que la caution personne physique dirigeante peut se prévaloir du non respect de ce principe et que le caractère averti de la caution est indifférent;
Considérant que Monsieur [J] indique qu'il est marié sous le régime de la séparation de biens ; qu'il avait souscrit antérieurement d'autres engagements de caution, à hauteur de 1.000.000 € au bénéfice de la banque NSM ENTREPRISES, le 29/3/2004, de 650.000€ au bénéfice du CREDIT du NORD, de 1.250.000€ au bénéfice de la Banque Palatine, le 5/4/2006; qu'en 2006 il s'était encore porté caution,de sorte qu'il avait conclu des cautionnements pour un total de 9.000.000€ ; qu'il précise que depuis 2011, il ne perçoit plus aucun salaire ;
Considérant, tout d'abord, qu'il y a lieu de se placer, pour apprécier la disproportion de l'engagement au regard des biens et revenus constituant le patrimoine de la caution, à la date de la conclusion de l'acte, de sorte que les engagements de caution contractés en 2006 ne peuvent être pris en compte ;
Considérant en outre que Monsieur [J] a le 18/10/2014 renseigné et signé une 'fiche de renseignements de solvabilité' ; qu'il a, de façon manuscrite, certifié l'exactitude des renseignements donnés et attesté n'avoir pas connaissance d'autres charges que celles énoncées; qu'il a ainsi indiqué être marié, sous le régime de la séparation de biens, avoir 4 enfants à charge, percevoir 240.000€, au titre des revenus nets professionnels, avoir un crédit en cours pour l'acquisition d'une résidence secondaire sur lequel il restait dûe une somme de 200.000€ à échéance 2010, que les cases ' autres dettes' et ' cautions données' sont vierges de toutes inscriptions ; qu'à la case 'patrimoine immobilier' il a fait état d'un immeuble estimé à 14 millions d'euros et d'un endettement de 8 millions d'euros ; qu'à celle intitulée 'patrimoine autres valeurs,' il a noté 'voir ISF valeurs mobilières' ; que la déclaration mentionne des valeurs mobilières pour 562.668 € , des liquidités pour 4.344.238€, des biens meubles pour 35.000€ et 'd'autres immeubles' pour 380.000€ ;
Considérant qu'il doit être relevé que Monsieur [J] n'a pas révélé au CREDIT du NORD qu'il avait souscrit d'autres engagements de cautions alors que ces renseignements étaient sollicités ; qu'il ne saurait se prévaloir de sa déloyauté ;
Considérant qu'en l'état des indications et des documents qu'il a lui même fournis, la preuve de la disproportion manifeste entre l'engagement recueilli par le CREDIT du NORD et les biens et revenus de Monsieur [J] n'est nullement rapportée ;
Considérant que compte tenu de l'ancienneté des faits et de l'absence de production aux débats d'un échéancier précis, Monsieur [J], qui a déjà bénéficié de par la procédure de délais, n'est pas fondé à demander le report des sommes dues à dans 24 mois; que sa demande sera rejetée ;
Considérant en définitive qu'il sera fait droit à la demande en paiement du CREDIT du NORD ; que Monsieur [J] sera condamné à payer la somme de 532.859,17 € outre intérêts au taux légal à compter du 6/11/2009 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts est de droit à compter de la demande judiciaire qui en est formée et dès lors qu'il s'agit d'intérêts dus au moins pour une année entière; qu'il convient d'ordonner cette capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;
Considérant que Monsieur [J] qui succombe et sera condamné aux dépens, ne peut prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile; que l'équité commande au contraire qu'il soit condamné à ce titre au paiement de la somme de 5.000€ ;
PAR CES MOTIFS
Annule jugement déféré,
Statuant, compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel,
Rejette des débats l'attestation de Maître [G] ( pièce n°6 de l'appelant)
Condamne Monsieur [J], en sa qualité de caution, à payer au CREDIT du NORD la somme de 532.859,17€ outre intérêts au taux légal à compter du 6/11/2009, et celle de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
Rejette toutes autres demandes des parties,
Condamne Monsieur [J] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ces derniers, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT