Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 06 MARS 2014
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/02122
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 janvier 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS- HUITIÈME CHAMBRE - RG n° 2011035513
APPELANTE
SAS NEW PLV
prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Représentée par Me Jean ROSENBERG de la SCP CAROLINE SCAMPS ET JEAN ROSENBERG, avocat au barreau de PARIS, toque : P0460
INTIMÉE
SAS CHENE DE L'ORNE
prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 2]
Représentée par Me Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106
Représentée par Me Stéphane BOURDAIS de la SELAS STRATEYS, avocat au barreau de RENNES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 janvier 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, chargée du rapport et Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente
Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère
Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société New PLV (ci-après, société New) propose à sa clientèle la diffusion de messages publicitaires sur des écrans situés dans des centres commerciaux.
Le 18 novembre 2010, elle a recueilli la signature de Mme [O], salariée en qualité d'assistante de direction de la société Chêne de l'Orne (ci-après, société Chêne), sur un ordre de publicité relatif à la diffusion, plusieurs dizaines de fois par jour, d'un message de quelques secondes sur les écrans LCD situés au dessus des caisses du centre Leclerc de [Localité 1].
Le contrat, souscrit pour une durée de 48 mois, a prévu le paiement d'une somme mensuelle de 388,70 euros TTC et d'un acompte de 1.052,48 euros TTC pour la première année.
Par courriel du 22 décembre 2010, Mme [O] a demandé l'annulation de la commande. La société New s'y est opposée et a mis la société Chêne en demeure de respecter ses engagements. Cette démarche étant restée vaine, la société New a, par acte extrajudiciaire du 27 avril 2011, fait assigner la société Chêne aux fins de paiement des sommes de 5.736,88 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2011 et 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société New a porté sa demande principale à la somme de 11.453,76 euros, assortie des pénalités de droit à compter de la mise en demeure du 21 janvier 2011 sur la somme de 5.736,88 euros et à compter du 14 novembre 2011 sur le montant de la deuxième facture annuelle, soit 5.736,88 euros également.
Par jugement rendu le 30 janvier 2012, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit recevable mais mal fondée l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Chêne et l'en a débouté ;
- déclaré être compétent ;
- constaté la nullité du contrat signé par Mme [O] au nom de la société Chêne avec la société New le 18 novembre 2010 ;
- débouté la société New de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la société Chêne la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté le 3 février 2012 par la société New contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées le 9 décembre 2013 par la société New, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement du 30 janvier 2012 quant à la validité de la clause attributive de compétence contractuellement prévue ;
Pour le surplus et sur le fond :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- constater l'absence de tout vice du consentement quant à la signature du contrat du 18 novembre 2010 compte tenu de l'information préalable donnée à la signataire du contrat ;
- considérer que Mme [O] s'est bien comportée en fait comme une mandataire de la société Chêne et que le représentant de la société New était bien de bonne foi au sens de l'article 2009 du code civil en excipant de sa qualité de responsable de site et de pouvoirs bancaires ;
- écarter l'application de l'article 20 de la loi du 20 janvier 1993, la société New n'ayant pas la qualité de mandataire intermédiaire en matière d'achat d'espaces publicitaires ;
- dire que l'ordre de publicité n'est pas inadapté aux besoins de la société Chêne, celle-ci appartenant à un groupe structuré sur le plan industriel, financier et juridique ;
- condamner la société Chêne au paiement d'une somme de 22.867,52 euros TTC + 20 euros de frais de rejet, soit 22.887,52 euros TTC ainsi qu'à des pénalités de droit à compter de la mise en demeure du 21 janvier 2011, sur la somme de 5.736,88 euros ;
- condamner également la société intimée au paiement des pénalités de droit prévues par l'article L 441-6 du code de commerce devant courir sur le montant des factures annuelles impayées à ce jour à compter de leur date d'échéance ;
- condamner la société intimée au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société New PLV soutient que Mme [O] est apparue comme responsable de site à l'occasion de la signature du contrat signé le 18 novembre 2011, apparence confortée par le fait qu'elle a signé tant le contrat qu'une autorisation de prélèvement bancaire.
Elle fait valoir que la société Chêne a invoqué un vice du consentement sans le caractériser.
Elle expose que, lors de la souscription du contrat et toujours en apparence, Madame [O] a laissé croire qu'elle disposait bien des pouvoirs financiers au nom de l'entreprise. Elle précise, par ailleurs, qu'il était vraisemblable et raisonnable pour son dirigeant de considérer que Mme [O] disposait bien des pouvoirs pour engager l'entreprise.
Elle indique que l'article 20 de la loi du 20 janvier 1993, qui prévoit que pour tout achat d'espace publicitaire ou de prestation réalisée par l'intermédiaire pour le compte de l'annonceur, une telle opération doit être pratiquée dans le cadre d'un contrat écrit de mandat, est inapplicable, car elle n'a pas la qualité de mandataire intermédiaire et qu'elle est propriétaire des écrans.
Quant au coût de la publicité ainsi diffusée par rapport au chiffre d'affaires de la société Chêne de l'Orne, elle affirme que cette dernière bénéficie du soutien actif de ses actionnaires et qu'elle constitue un centre de coûts plus que de profit , en continuant à pratiquer une publicité commerciale permanente, alors qu'elle est prétendument en difficulté.
Vu les dernières conclusions signifiées le 19 décembre 2013 par la société Chêne, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 janvier 2012 par le tribunal de commerce de Paris ;
- débouter la société New de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la société New à verser à la société Chêne une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Chêne de l'Orne soutient que Mme [O] a été mise sous pression et intentionnellement trompée par les méthodes de vente de la société New, tant sur l'utilité du contrat que sur sa durée.
Elle fait valoir que le descriptif des missions de Mme [O] ne fait aucunement état du pouvoir de signer des contrats avec des fournisseurs ou prestataires, ni du pouvoir de signer des autorisations de prélèvement. Elle précise, par ailleurs, que Mme [O] n'est pas aguerrie, ni à la négociation et la signature d'un contrat tel que l'ordre de publicité litigieux, ni aux méthodes de vente de la société New.
Elle affirme qu'une relation triangulaire réunissant le magasin Leclerc, la société New et elle-même est caractérisée, la société New devant être qualifiée d'intermédiaire au sens de la loi du 29 janvier 1995, qu'en conséquence, la société New devait lui faire souscrire un contrat de mandat et qu'à défaut l'ordre de publicité ne saurait lui être opposé.
Elle expose que l'objet même de l'ordre de publicité apparaît totalement inadapté à ses besoins, et que la société New a manqué à son devoir de conseil.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Considérant que la société New PLV n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.
Considérant que la société New PLV soutient que doit s'appliquer la théorie du mandat apparent et réfute les arguments retenus par les premiers juges pour l'écarter ; qu'elle fait valoir que pour qu'il y ait mandat apparent, deux conditions doivent être remplies, d'une part qu'il y ait apparence du mandat en ce qu'une personne se comporte comme un mandataire alors même qu'elle n'en a pas les pouvoirs, d'autre part que le tiers ait été de bonne foi.
Considérant que la société Chêne de l'Orne fait valoir que Mme [O], salariée en tant qu'assistante de direction, n'avait aucun pouvoir pour souscrire l'ordre de publicité et l'autorisation de prélèvement et que la société New PLV en sa qualité de professionnelle avertie n'avait aucune raison légitime de croire que celle-ci avait mandat d'engager la société Chêne de l'Orne.
Considérant que si Mme [O] a signé en qualité de responsable de site et apparaît sur le réseau social Viadeo sous cette même qualité, il convient de relever que cette notion ne démontre pas, dans un cadre social , l'existence de pouvoir permettant d'engager la société ; que lors de la signature étaient présents non seulement le commercial de la société New PLV mais aussi son président, ce dernier ne pouvant ignorer, de par ses propres fonctions, que la notion de responsable de site ne confère aucun pouvoir particulier.
Considérant que la société New PLV argue de sa bonne foi, faisant état de sa croyance légitime dans les pouvoirs de Madame [O] ; qu'elle fait valoir qu'au moment de la souscription du contrat, aucun responsable de la société Chêne de l'Orne n'était identifiable, dans la mesure où celle-ci était dirigée par une autre personne morale la société MDB et que Mme [O] a, d'une part, utilisé le cachet commercial de la société, d'autre part, rempli une autorisation de prélèvement automatique ce qui démontre l'étendue des pouvoirs dont elle bénéficiait en matière financière.
Considérant qu'elle ajoute que, postérieurement à la signature du contrat Mme [O] a tenté d'annuler ou de faire modifier le contrat, démontrant ainsi sa capacité à engager la société.
Considérant que la société Chêne de l'Orne a été démarchée par un représentant commercial de la société New PLV qui s'est présenté au magasin où il a été reçu par Mme [O].
Considérant que la société New PLV a envoyé 16 novembre 2010 un émail adressé à « madame » et faisant référence à un entretien téléphonique préalable ; qu'il n'est nullement fait état d'un rendez vous convenu, la société New PLV ne rapportant d'ailleurs pas la preuve d'une réponse de Mme [O] à cet émail et d'un quelconque intérêt manifesté à sa proposition ; qu'à la suite de ces interventions, la société New PLV s'est déplacée en la personne d'un commercial et de son président dans l'établissement de la société situé à [Localité 2] et constituant son siège social.
Considérant que la société New PLV qui a ainsi multiplié des démarches auprès de Mme [O] avait tout loisir dans le même laps de temps de vérifier la qualité de cette dernière ; que le fait que la société Chêne de l'Orne ait eu comme président une autre société caractérisait seulement des liens avec cette dernière et ne créait pas pour autant une impossibilité d'identifier le dirigeant physique de l'une comme de l'autre ; que le Kbis de la société Chêne de l'Orne mentionne qu'elle a comme président la société MDB France et comme directeur M.[M] [K].
Considérant de plus que, dès le 5 décembre 2010, la société New PLV a adressé sa première facture en paiement écrivant « cher monsieur et cher client » et qu'alors que Mme [O] lui a envoyé un émail le 22 décembre 2010 à 13H08 pour lui expliquer la situation , le président de la société New PLV s'est adressé le même jour à 13H41 soit quelques minutes seulement plus tard, directement à M.[M] [K], directeur général de la société Chêne de l'Orne; que ces éléments démontrent la duplicité de la société New PLV qui, d'une part s'adresse à une salariée pour obtenir la signature d'un contrat, d'autre part s'adresse dès signature de celui-ci au véritable dirigeant de la société, de sorte qu'elle ne peut prétendre sans une mauvaise foi évidente avoir ignoré l'absence de qualité de cette salariée pour engager la société.
Considérant que, dès lors, la société New PLV ne peut, comme l'ont jugé les premiers juges, se prévaloir d'un mandat apparent.
Considérant que la société Chêne de l'Orne ajoute que l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques a vocation à s'appliquer ; que celui-ci dispose que « Tout achat d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat ».
Considérant qu'il s'agissait, en l'espèce, de faire passer des messages publicitaires en boucle sur des écrans situés en ligne des caisses de la société Leclerc et permettant de capter l'attention des clients en attente de payer ; qu'il était prévu que seraient diffusés différents autres messages dont en alternance des messages Leclerc.
Considérant que s'il n'est pas contesté que les écrans sont la propriété de la société New PLV, il n'en demeure pas moins que c'est l'emplacement au dessus des caisses de la société Leclerc et donc la clientèle en attente de régler ses achats qui intéressaient les clients de la société New PLV, de sorte qu'il existe nécessairement une relation triangulaire, la société New PLV faisant le lien entre la société Leclerc et ses propres clients ; que, quels que soient les termes du contrat passé entre elle et la société Leclerc, la société New PLV intervenait en qualité d'intermédiaire dans sa relation avec la société Chêne de l'Orne et devait lui faire souscrire un contrat de mandat.
Considérant qu'à défaut d'avoir respecté cette obligation la société New PLV ne saurait opposer à la société Chêne de l'Orne l'ordre de publicité signé par sa salariée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que la société Chêne de l'Orne a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré,
CONDAMNE la société New PLV à payer à la société Chêne de l'Orne la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société New PLV aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
Le GreffierLa Présidente
E.DAMAREYC.PERRIN