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20/02/2014 | FRANCE | N°12/01502

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 20 février 2014, 12/01502


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 20 Février 2014

(n° 6 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/01502



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Janvier 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° 10/12648





APPELANT

Monsieur [A] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Delphine DUP

UIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0214



INTIMÉE

SAS INTEGRALE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Isabelle ANSELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 20 Février 2014

(n° 6 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/01502

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Janvier 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° 10/12648

APPELANT

Monsieur [A] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Delphine DUPUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0214

INTIMÉE

SAS INTEGRALE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Isabelle ANSELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1471

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 décembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Renaud BLANQUART, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [U] a été embauché par la SAS INTEGRALE ( plus loin 'la SAS' ) en vertu d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 1er septembre 1985 en qualité de professeur de mathématiques, puis, à compter du 1997, de directeur pédagogique.

Sa rémunération moyenne brute était de 3.049,98 € pour l'activité de directeur pédagogique. Il percevait, en outre, une rémunération de professeur et, certains mois, un 'forfait recrutement', le montant de sa rémunération brute moyenne mensuelle totale étant de 5.206,34€.

La SAS emploie plus de 11 salariés. La convention collective applicable est celle de l'enseignement, écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres ' FESIC du 5 décembre 2006.

Par lettre du 15 avril 2010, Monsieur [U] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable prévu le 3 mai 2010.

Par lettre du 21 mai 2010, il a été licencié pour faute grave.

Le 5 octobre 2010, Monsieur [U] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris, aux fins de voir dire son licenciement, sans cause réelle et sérieuse, abusif et vexatoire et aux fins d'indemnisation.

Par jugement en date du 4 janvier 2012, le Conseil de Prud'hommes de Paris a :

- condamné la SAS à payer à Monsieur [U] les sommes suivantes :

- 7.404,36 euros au titre de rappel de salaire relatif à la mise à pied ;

- 34.361,84 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;

- 36.865,89 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

avec intérêt de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu'au jour du paiement,

- 500 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- rappelé les dispositions de l'article R. 1454-28 du Code du travail, relatives à l'exécution provisoire,

- débouté Monsieur [U] du surplus de ses demandes,

- débouté la SAS de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile

- condamné la SAS aux dépens.

Le 10 février 2012, Monsieur [U] a interjeté appel de cette décision.

Présent et assisté de son Conseil, Monsieur [U] a, à l'audience du 3 décembre 2013, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles il demande à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné la SAS à lui payer les sommes suivantes :

- 7.404,36 €, au tire de rappel de salaire relatif à la mise à pied,

- 34.361,84 €, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,

- 36.865,89 €, au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- d'infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts :

- pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- pour préjudice moral,

- pour non-respect de la procédure de licenciement ;

- de constater que tout grief qui n'est pas expressément mentionné dans la lettre de licenciement ne peut pas être retenu contre lui

- de constater qu'il n'a commis aucune faute dans l'exécution de son contrat de travail ;

- de constater qu'il a été licencié sans cause réelle et sérieuse, de manière abusive et vexatoire ;

- de condamner la SAS à l'indemniser des différents préjudices qu'il a ainsi subis :

- Indemnité pour non-respect de la procédure : 5.206,34 €,

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 187.430,13 €,

- Préjudice moral : 30.000 €,

- Intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 juillet 2010,

- Exécution provisoire

- condamner la SAS à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la SAS aux entiers dépens.

Représentée par son Conseil, la SAS a, à cette audience du 3 décembre 2013, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles elle demande à la Cour de :

- dire et juger qu'en dissimulant la délocalisation de l'enseignement de première année sur [Localité 3], en trompant les parents d'élèves et les élèves, en usurpant le titre de directeur général de la SAS INTEGRALE et en désorganisant sciemment la bonne marche de l'entreprise qu'il entendait « déconstruire » après l'avoir « construite », Monsieur [U] a sciemment et délibérément nui aux intérêts de la société et à sa réputation, ce qui justifie parfaitement son licenciement pour faute grave ;

- dire et juger qu'en conséquence son maintien dans la société n'était plus possible et que la mise à pied s'imposait pour ne pas aggraver davantage la situation des élèves en cours d'inscription, lesquels devaient disposer de toutes les informations nécessaires à leur futur enseignement ;

- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de ses demandes de versement d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (155.290 euros), pour préjudice moral distinct (30.000 euros) et pour non respect de la procédure de licenciement (5.206,34 euros) ;

- infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il l'a condamné à verser à Monsieur [U] un rappel de salaire relatif à la mise à pied (7.404,36 euros), une indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents (34.361,84 euros) et une indemnité conventionnelle de licenciement (36.865,89 euros) ;

Si la Cour devait confirmer, en toutes ses dispositions et dans son principe le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris,

- condamner Monsieur [U] à rembourser une partie des sommes allouées dont la rémunération et le montant étaient erronés :

- au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés, le remboursement de l'excédent de 23.949,15 euros,

- au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, le remboursement de l'excédent de 4.326,31 euros,

- au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied, le remboursement de l'excédent de 3.237,43 euros ;

- condamner Monsieur [U] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [U] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux écritures, visées le 3 décembre 2013, et réitérées oralement à l'audience.

SUR QUOI, LA COUR,

En vertu des dispositions de l'article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce Code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse; en vertu des dispositions de l'article L 1235-1 du même Code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En vertu des dispositions de l'article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement, en date du 21 mai 2010, notifiée à l'appelant mentionne :

'Nous avons récemment appris que contrairement à votre qualification contractuelle au sein d'INTEGRALE, vous avez, à notre insu, pris l'initiative de vous arroger le titre de directeur général de la société et de donner à votre usurpation de titre un caractère officiel en vous faisant faire de fausses cartes de visite mentionnant ce titre. Vous vous êtes permis de prendre des décisions lourdes de conséquences économiques pour notre entreprise et nuisibles au climat général de notre école et ce, sans consulter le Président : augmentation des heures de khôlles de plus de 25% d'un seul enseignant, ce qui a été vécu comme une injustice par les autres enseignants, ce qui a obligé le Président à augmenter tous les autres enseignants. Même attitude sur les augmentations des copies de près de 62% pour certains enseignants et ce, sans demander l'avis du Président.

Vous n'adressez plus la parole depuis 10 ans au co-directeur Monsieur [W] [O] et à notre collaboratrice [F] [M] depuis plusieurs années et vous avez menacé dans un contexte de tension ci-dessous évoqué, de ne plus adresser la parole à [S] [K], directrice administrative et à son Président, [Y] [R].

Sachant que vous avez toujours tenu vos engagements dans ce domaine, il devient très préoccupant de faire diriger une école avec un directeur qui se ferme et refuse toute réconciliation et tout dialogue avec les collaborateurs de notre école.

D'autre part, vous vous êtes efforcé de faire obstacle à l'ouverture de l'internat de [Localité 3] qui a pourtant été ratifiée à l'unanimité des associés dont vous-même, allant jusqu'à déclarer devant la volonté opiniâtre de son président d'ouvrir des classes à [Localité 3] 'j'ai construit INTEGRALE, je peux la déconstruire. Ca va être un beau bordel, je ne vais pas me laisser faire.'

Un tel comportement ne pouvait être toléré plus longtemps tant ses conséquences sur le fonctionnement général de notre école et le climat qui en est résulté s'est subitement dégradé.

En outre, votre refus d'oeuvrer dans un sens favorable à une décision collective, accompagné de déclarations hostiles, voire menaçantes, ne pouvait plus permettre votre maintien en fonction.

L'ensemble de ces faits est constitutif de faute grave...'.

En ce qui concerne le reproche fait à Monsieur [U] de se conduire comme un directeur général qu'il n'est pas, l'employeur verse aux débats, en premier lieu, une carte de visite au nom de Monsieur [U], sur laquelle il est désigné en qualité de directeur général. Si l'intéressé conteste avoir fait imprimer lui-même cette carte, force est toutefois de constater que ce premier élément est corroboré par deux attestations de collègues, Monsieur [O], autre directeur pédagogique, relatant avoir vu Monsieur [U] utiliser ce titre devant les parents et les enseignants afin de le marginaliser, et Monsieur [Z] confirmant que Monsieur [U] entretenait l'ambiguité quant à sa place exacte dans l'organigramme, plusieurs salariés, dont lui même, ayant fini par se persuader qu'il dirigeait de fait l'établissement.

Le fait que Monsieur [U] outrepassait ses fonctions de directeur pédagogique est encore établi par le fait qu'il intervenait sur la rémunération des professeurs, également attesté par Monsieur [Z], ce qui a amené plusieurs plaintes de Monsieur [T], la dernière le 12 avril 2010, lorsqu'il a constaté qu'il ne bénéficiait pas de la bonication allouée à d'autres pour la correction des copies, ce dont il demandait réparation à l'employeur. Monsieur [U] ne conteste pas avoir pris ces décisions, se contentant de dire qu'elles étaient justifiées par le fait que les bonifications n'étaient accordées qu'aux enseignants ayant corrigé eux-mêmes l'intégralité de leurs copies. Pour autant, il importe peu de savoir si cette décision, qui touchait aux rémunération, était ou non opportune, dès lors qu'en tout état de cause, elle ne relevait pas des fonctions d'un directeur pédagogique.

Il est ensuite reproché à Monsieur [U] les rapports très conflictuels qu'il alimentait avec différents salariés, auxquels il refusait d'adresser la parole. Monsieur [O] atteste de ce qu'en effet, Monsieur [U] ne lui adressait plus la parole, et menaçait d'en faire autant avec le Président de la société, et ce climat de mésentente est confirmé par Monsieur [Z], qui estime que cette absence d'unité de vue nuisait à la bonne marche de la société. S'il est probable comme le plus souvent dans les situations de conflit, que les comportement des deux parties ait contribuer à leur apparition, force est de constater qu'en refusant tout dialogue, Monsieur [U] ne contribuait pas à l'apaisement des tensions.

Enfin, il est reproché à Monsieur [U] de s'être efforcé de faire obstacle à l'ouverture d'un second site avec internat à [Localité 3], et d'avoir tenu à cet égard des propos hostiles voire menaçants. Dans ce contexte, l'employeur évoque, dans le cadre de la présente procédure le fait que Monsieur [U], lorsqu'il a reçu les parents d'élèves, ne les a pas avisés de ce que les cours ne se dérouleraient plus à [Localité 4].

Le salarié fait valoir, en premier, lieu que ce dernier grief n'étant pas mentionné dans la lettre de licenciement, l'employeur ne peut le lui opposer. Toutefois, ce défaut d'information des parents constitue une illustration de ce que Monsieur [U] aurait fait obstacle à l'ouverture du site de [Localité 3], de sorte qu'il doit être examiné au titre des motifs du licenciement.

Pour justifier de ce grief, l'employeur verse aux débats quatre lettres de parents d'élèves, rédigées dans les termes suivants :

- Monsieur et Madame [I], le 25 mai 2010, indiquent aux directeurs de la SAS qu'après la réception d'une lettre du 10 mai précédent, les informant de leur intention de délocaliser les étudiants de première année à [Localité 3] à la rentrée 2010, ils expriment leur étonnement et leur insatisfaction de ne pas avoir été informés de cette circonstance, lors de leur entretien avec Monsieur [U], alors que l'inscription de leur fille tenait à la proximité de l'établissement de leur domicile et qu'ils n'avaient pas le projet d'inscrire leur fille en internat, demandant si une classe de 1ère année était maintenue à [Localité 4].

- Monsieur et Madame [B], le 30 juin 2010, indiquent qu'à la suite d'un entretien du 18 février précédent, ils avaient inscrit leur fils en première année, mais n'avaient pas été informés du fait que cette année se passerait à [Localité 3] et non à [Localité 4], ajoutant qu'ils ne pouvaient financièrement trouver une solution de logement pour leur fils et résiliaient leur inscription.

- Monsieur [C], le 4 août 2010, en réponse à un courriel du même jour, informe le directeur de la SAS de ce que sa fille ne rejoindrait pas le centre de [Localité 3], du fait du déplacement de l'établissement, alors qu'elle pouvait être logée gratuitement par des membres de sa famille, à [Localité 4] et que les frais de logement dépassaient son budget d'étude, demandant le remboursement de l'avance versée de 950 €.

- Monsieur et Madame [V], le 1er septembre 2010, annoncent à la SAS que leur fils ne rentrerait pas le lundi suivant, qu'ils avaient choisi l'établissement parce qu'ils avaient une solution d'accueil en famille dans le [Localité 1], mais n'avaient pas réalisé les conséquences pratiques et financières du déménagement à [Localité 3], qu'il leur était impossible de financer une chambre et une pension complète, réalisaient que les 2h30 de transport quotidien étaient incompatibles avec le travail que demandait une classe préparatoire, les deux premiers jours de pré-rentrée ayant confirmé ces problèmes d'organisation, qu'ils demandaient le remboursement de tout ou partie de l'acompte de 2.300 € qu'ils avaient versé.

Ces différents courriers s'inscrivent dans un contexte où Monsieur [U] avait exprimé très clairement et à plusieurs reprises, devant ses collègues, qu'il était opposé à ce projet.

En effet, [P] [X] indique l'avoir entendu tenir les propos suivants : 'J'ai construit Intégrale, et je vais la déconstruire' et relate que le directeur était inquiet de la formation d'un groupe d'enseignants hostiles au projet de [Localité 3] autour de Monsieur [U] . Monsieur [H] relate que Monsieur [U] avait manifestement une position très opposée au déplacement à [Localité 3], et que cela le conduisant à des manifestations peu opportunes à l'égard des étudiants, susceptibles de produire une image négative d'Intégrale, Monsieur [X], directeur du campus de [Localité 3], indique que le manque d'information des parents en ce qui concerne l'ouverture du site a entraîné des défections et a véhiculé une image très négative de l'école en suscitant un fort mécontentement.

Enfin, Madame [K], directrice administrative, indique que Monsieur [U] s'opposait à faire figurer le campus de [Localité 3] sur le site internet de l'école.

Monsieur [U], sans contester n'avoir donné aucune explication aux parents lors des entretiens en vue de l'inscription de leurs enfants, se contente d'indiquer que le vote du mois de février 2010 portait sur l'acquisition des locaux de [Localité 3], et qu'il n'avait aucun moyen de connaître le fait qu'il s'agirait de la nouvelle localisation de la première année des classes préparatoires.

Toutefois, le fait qu'il affichait très clairement son opposition au projet, dont il était en outre, nécessairement informé en sa qualité d'associé, ne permet pas à la Cour de douter de ce qu'il avait parfaitement connaissance du déménagement projeté, et qu'il a ainsi délibérément omis de donner cette information fondamentale aux parents des futurs élèves. Cette interprétation est confirmée par le fait que la directrice administrative relate que l'appelant refusait que l'information figure sur le site de l'école, ce dont il résulte d'une part qu'il avait connaissance du déménagement, et, d'autre part, que la rétention de cette information résulte d'une démarche volontaire de sa part. Or en l'absence d'une information complète par internet, et compte tenu de ce que la plaquette produite ne correspond en réalité qu'à la rentrée suivante, il était particulièrement important de mettre à profit les rendez-vous pour évoquer cette question avec les familles. Le fait de ne pas l'avoir fait a mis des familles en grande difficulté, au point pour certaines, de devoir annuler leur inscription pour des raisons financières, à une date où il est très difficile de se repositionner sur d'autres formations supérieures, ce qui a nécessairement porté une atteinte à la réputation de l'établissement.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur [U] a commis différentes fautes suffisamment sérieuses pour justifier son licenciement, sans pour autant imposer la rupture immédiate du contrat de travail, compte tenu de son ancienneté et de ses qualités d'enseignant, qui ne sont pas contestées et qui résultent de plusieurs courriers d'élèves et de parents qui sont versés aux débats.

Le jugement sera, donc, confirmé en ce qu'il a écarté la faute grave pour retenir que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes de l'appelant

Monsieur [U] fait valoir qu'il a été licencié le 21 mai 2010, alors que la convention collective applicable stipule, en son article 15.2, que, sauf faute grave ou lourde, l'employeur doit notifier le licenciement au plus tard le 30 avril. Il soutient que dans ces conditions son licenciement n'aurait dû lui être notifié qu'au mois d'octobre 2010, soit quatre mois plus tard de sorte qu'il aurait dû bénéficier d'un préavis de deux mois, auxquels il convient d'ajouter les quatre mois dont il devait bénéficier en application des dispositions de l'article 15.2 précité, ainsi que les congés payés y afférents.

La SAS fait valoir que l'article cité par l'appelant est précédé par l'indication selon laquelle les personnels enseignants ne peuvent se considérer déliés de toute obligation contractuelle tant que leurs missions afférentes à l'année universitaire en cours ne sont pas accomplies ; que cet article a pour finalité de ne pas perturber l'année universitaire, le délai fixé au 30 avril permettant à l'enseignant soumis à un préavis de deux mois maximum de terminer ses cours avant les congés et de présenter sa candidature dans un autre établissement pour la rentrée de septembre ; que la précision ainsi apportée ne vise pas à octroyer un délai complémentaire de préavis, mais à en permettre l'exécution jusqu'à la fin de l'année scolaire, que la licenciement de Monsieur [U] le 20 mai permettait à ce dernier de poursuivre son activité principale au Lycée [1] et de postuler pour la rentrée 2010 dans un autre établissement ; que la dernière autorisation de cumul délivrée à l'appelant prenait fin le 4 avril 2010, ce dernier étant libre d'enseignement à compter de cette date ;

Les dispositions de la convention collective applicable, visées par Monsieur [U], n'ont pas pour conséquence prévue une prolongation de la durée de préavis, en cas de licenciement des cadres permanents assurant des enseignements. Ce dernier pouvant se prévaloir conventionnellement d'un préavis de deux mois et sa rémunération brute mensuelle étant de 5.206, 34 €, il y a lieu de lui allouer la somme de 10.412, 68 €, à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

Toutefois, même si les dispositions de l'article 15.2 de la convention collective n'ont pas pour effet d'allonger le préavis, il n'en reste pas moins que le non-respect des délais qu'elle fixe a causé à Monsieur [U], qui n'a pas bénéficié du temps prévu conventionnellement pour organiser sa rentrée, compte tenu de son licenciement, un préjudice, qui sera indemnisé par l'allocation de 10.000 euros de dommages et intérêts, cette demande d'indemnisation ayant été improprement qualifiée de complément de préavis par l'appelant.

Monsieur [U] sollicitant le paiement des congés payés afférents à l'indemnité de préavis, la SAS fait valoir que la rémunération mensuelle de référence inclut systématiquement la quote-part de congés payés, lissée sur 12 mois ; en effet, à la lecture des bulletins de paye du salarié, la rémunération brute retenue inclut les congés payés ; ainsi, le salaire retenu pour déterminer l'indemnité de préavis intégrant d'ores et déjà une part de congés payés, il ne sera pas à nouveau fait droit à la demande de ce chef.

Monsieur [U] sollicite le paiement d'une indemnité de licenciement conforme aux dispositions de la convention collective, identiques, sur ce point à celles prévues par le Code du travail, son ancienneté devant toutefois inclure selon lui les quatre mois de préavis supplémentaires, précédemment évoqués, en application de l'article 15.2 de la convention collective applicable. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité de licenciement due à l'appelant sur la base d'un salaire mensuel brut de 5.206, 34 € et d'une ancienneté de 24 ans et 10 mois, à concurrence de 36.155, 21 €. Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris, sur ce point.

Monsieur [U] fait valoir que la SAS doit être condamnée au paiement du salaire correspondant à sa mise à pied conservatoire, du 15 avril au 26 mai 2010, à concurrence de 6.731, 24 €, ainsi qu'à la somme de 673, 12 €, au titre des congés payés y afférents. L'employeur fait valoir que, par erreur, l'appelant a multiplié par deux la retenue pratiquée au mois de mai sur son salaire, ce qui est exact. Il sera, donc, fait droit à la demande de Monsieur [U] dans la limite du total des retenues pratiquées sur son salaire, à concurrence de 4.166, 93 €. Pour les raisons précédemment indiquées, il n'y aura pas lieu d'ajouter à cette somme d'indemnité de congés payés afférente.

Monsieur [U] fait valoir qu'il a subi un préjudice moral distinct, en ce qu'il a été brutalement mis à pied sans avoir pu dire au revoir à ses élèves, qu'il a été marqué par le caractère humiliant des mesures prises à son encontre, que sa réputation a été atteinte, qu'il été meurtri par ces mesures vexatoires.

Il apparaît, en effet, que Monsieur [U] a été mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave, de sorte qu'il a été contraint de quitter son enseignement, qu'il exerçait depuis plus de vingt ans à la satisfaction des élèves, de manière soudaine, alors que le respect du préavis lui aurait permis de poursuivre son activité jusqu'à la fin de l'année scolaire. Il a manifestement subi un préjudice résultant de cette manière de procéder qui sera réparé par l'allocation de 5.000 euros de dommages et intérêts.

Monsieur [U] fait valoir que certains des griefs évoqués par la lettre de licenciement n'ont pas été évoqués lors de l'entretien préalable à ce licenciement, se référant, sur ce point, aux termes de l'attestation de Monsieur [D], salarié qui l'assistait alors. Il réclame le paiement d'une indemnité égale à un mois de salaire, de ce chef, pour non-respect de la procédure de licenciement.

Toutefois, il n'est pas versé aux débats un compte-rendu d'entretien préalable qui aurait été élaboré par Monsieur [D], mais deux pièces : un courriel de deux lignes, dont on ignore le destinataire, indiquant que le sujet des cartes de visite n'a pas été abordé lors de l'entretien, et un document manuscrit, qui doit être considéré comme une attestation bien que n'en revêtant pas les formes, dans laquelle le témoin ne se contente pas de rendre compte de ce qui a été dit, mais donne son opinion, en précisant notamment 'Le poste de directeur général n'a pu être attribué à [A] [U] que par [Y] [R] lui même'.

Ces deux documents informels ne revêtent pas une force probante suffisante pour permettre à la Cour de retenir que la procédure de licenciement n'aurait pas été respectée, de sorte qu'il ne sera pas fait droit à la demande d'indemnité de ce chef.

Les sommes de nature salariale allouées à Monsieur [U] porteront intérêts au taux légal, à compter de la date de réception, par la partie défenderesse, de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 15 octobre 2010, le jugement entrepris étant confirmé, sur ce point. Les sommes allouées, à caractère indemnitaire, porteront intérêts, quant à elles, à compter du jour du prononcé du présent arrêt.

L'équité ne commande pas, en l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le remboursement des sommes éventuellement trop perçues dans le cadre de l'exécution provisoire étant de droit, il n'appartient pas à la Cour de l'ordonner.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris, en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [U] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- rejeté la demande de Monsieur [U] fondée sur un non-respect de la procédure de licenciement,

- dit que les indemnités de nature salariale allouées à Monsieur [U] produiraient intérêts, au taux légal, à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, soit du 15 octobre 2010,

- condamné la société INTEGRALE à une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

L'infirme, pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS INTEGRALE à verser à Monsieur [U] les sommes suivantes :

- 4.166, 93 €, à titre de rappel de salaire, correspondant à la période de mise à pied,

- 10.412, 68 €, à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

- 36.155, 21 €, à titre d'indemnité de licenciement,

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des dispositions de l'article 15.2 de la convention collective.

- 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure vexatoire.

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [U] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 12/01502
Date de la décision : 20/02/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°12/01502 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-20;12.01502 ?
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