Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2014
(n° 68 , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/20167
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 19 Octobre 2011 par le Tribunal de Commerce de PARIS - 19ème Chambre - RG n° 2010090222
APPELANTS
Monsieur [D] [G]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Maître [T] [U] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ASSURANCE CREDIT [G] ([G])
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Assistés de Me Charlotte BELLET et Me Rodolphe PERRIER de la SCP THREARD BOURGEON MERESSE & Associés, avocats au barreau de PARIS, toque : P 166
INTIMÉE
LA SOCIÉTÉ ASSURTIS agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
Assistée de Me Yves REINHARD de la SCP LAMY & ASSOCIÉS et Me Nicolas BES, de la SCP BES-SAUVAIGO & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 décembre 2013, en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par Madame Françoise COCCHIELLO, Président, chargée d'instruire l'affaire, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de Procédure Civile devant la Cour composée de :
Madame Françoise COCCHIELLO, Président, rédacteur
Madame Irène LUC, Conseiller
Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Président et par Madame Denise FINSAC, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
******
Rappel des faits et de la procédure
En 2004, le groupe April spécialiste de l'assurance et le groupe Laser Cofinoga spécialisé dans le crédit à la consommation se sont rapprochés pour étudier la mise en place d'un réseau de distribution de contrats d'assurance et de crédits à la consommation sous une enseigne unique ' Assurtis'.
La société anonyme Assurtis, créée en 2005, a mis en place la distribution de ces produits dans le cadre d'un réseau de franchise.
Courtier en assurances, monsieur [G] a été intéressé par le concept Assurtis. Le 19 janvier 2006, il a été destinataire d'un document d'information précontractuelle. Monsieur [G] a crée en juin 2006 la société à responsabilité limitée Assurance Crédit Devilleneuve [G] (ci-après «'[G]'») dans le but de souscrire un contrat de franchise.
Le 7 août 2006, la société [G] et la société Assurtis ont conclu un contrat de franchise pour une durée de cinq ans. Le 2 avril 2007, la société Assurtis faisait connaître son accord pour l'ouverture d'un point de vente à [Localité 3].
Parallèlement, la société [G] rachetait pour 58 354 euros un cabinet de courtage à [Localité 5] sans disposer sur ce point de vente de l'enseigne Assurtis.
Par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 1er juillet 2009, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société [G], maître [U] étant nommé en qualité de mandataire judiciaire.
Par ordonnance du 16 décembre 2009, le juge commissaire autorisait la cession de gré à gré du fonds de commerce d'[G], comprenant le contrat de franchise avec la société Assurtis, à la société Cabinet Pujol Hexafi. Le 26 janvier 2010, la société Assurtis a signé un avenant au contrat de franchise avec le cabinet Pujol Hexafi.
Le 24 février 2010, la société [G] a été placée en liquidation judiciaire.
Par acte du 22 décembre 2010, maître [U], ès qualité de mandataire judiciaire de la société [G] et monsieur [G] ont assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société Assurtis pour voir prononcer la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs.
Par jugement du 19 octobre 2011, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit maître [U] et monsieur [G] irrecevables à demander la résiliation ou la nullité du contrat mais recevables à demander l'indemnisation de leurs préjudices ;
- débouté maitre [U] et monsieur [G] de toutes leurs demandes ;
- dit la société Assurtis irrecevable en ses demandes en paiement dirigées à l'encontre de maître [U];
- débouté la société Assurtis de sa demande en résiliation du contrat de franchise;
- condamné monsieur [G] à payer à la société Assurtis la somme de 5 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
Le 10 novembre 2011, monsieur [G] et maître [U] ont interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions du 8 novembre 2013 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé plus ample des moyens, maître [U] et monsieur [G] demandent à la cour de :
- débouter la société Assurtis de ses moyens d'irrecevabilité.
- constater que la société [G], représentée par Maître [T] [U] ès qualités de liquidateur est recevable dans son action.
- dire et juger que Monsieur [D] [G] est recevable et bien-fondé dans son action personnelle.
- dire et juger que la société Assurtis a vicié le consentement de Monsieur [D] [G] et de la société [G], représentée par Maître [T] [U] ès qualités de liquidateur par l'effet du dol commis par cette dernière, en :
- ne les informant pas loyalement de l'absence d'expérimentation de son concept.
- ne dressant pas l'état local du marché des produits (assurance et crédit), objets du contrat.
- ne déterminant pas les perspectives de développement sur la durée du contrat.
- fournissant des objectifs de contrats d'assurance et de crédit et des chiffres prévisionnels qui ne correspondaient pas à la rentabilité du concept et du réseau.
- dire et juger que la société [G] représentée par Maître [T] [U] ès qualités de liquidateur, par le biais de Monsieur [D] [G], a commis, lors de la conclusion du contrat de franchise, une erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité de son entreprise qui a vicié son consentement, dès lors qu'elle s'est exclusivement engagée, sur la foi des informations prévisionnelles fausses qui lui ont été communiquées par Assurtis, en considération d'un niveau d'activité qui n'a jamais été atteint du fait du défaut de rentabilité général du réseau de franchise Assurtis.
- dire et juger que la société Assurtis s'est rendue coupable de manquements précontractuels avérés ayant conduit Monsieur [G] et la société [G] représentée par Maître [T] [U] ès qualités de liquidateur à entrer dans les liens de la franchise avec Assurtis sur la base d'un consentement vicié.
- dire et juger que la société Assurtis s'est rendue coupable de graves manquements contractuels en :
- supprimant le comparateur-auto et en durcissant les conditions d'accès au crédit.
- violant son obligation d'assistance.
- manquant gravement à l'exécution loyale et de bonne foi du contrat.
En conséquence :
- condamner la société Assurtis à payer à la société [G], représentée par Maître [T] [U] ès qualités de liquidateur la somme de 110.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de mieux investir ses fonds, de développer sa clientèle et de parvenir aux objectifs fixés.
- condamner la société Assurtis à payer à Monsieur [D] [G] la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de mieux investir ses fonds et de percevoir une juste rémunération de ses efforts.
- dire et juger que Monsieur [G] et la société [G] représentée par Maître [T] [U] ès qualités de liquidateur sont recevables et fondés à opposer une exception d'inexécution.
- débouter la société Assurtis de toutes ses demandes aussi irrecevables que mal fondées.
- dire que les condamnations pécuniaires mises à la charge de la société Assurtis porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation, valant mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du Code civil.
- condamner la société Assurtis à payer à Monsieur [D] [G] la somme de 12.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 9 décembre 2013 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la société Assurtis demande à la cour de :
- confirmer le jugement critiqué dans tous ses éléments ;
- déclarer Monsieur [G] et maître [U] irrecevables en l'ensemble de leurs demandes ;
En toutes hypothèses,
In limine litis,
- déclarer les appelants irrecevables en l'ensemble de leurs demandes en résiliation du contrat de franchise, ce dernier ayant été transféré à compter du 26 janvier 2010 la société Cabinet Pugol Hexafi ;
- déclarer monsieur [G] et maître [U] irrecevable en l'ensemble de leurs nouvelles demandes ;
- déclarer monsieur [G] irrecevable en l'ensemble de ses demandes présentées à titre personnel pour absence de préjudice distinct de celui de la société [G] ;
1°) Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance,
Sur le fond,
- déclarer Monsieur [G] et la société [G] irrecevables dans leur demande ;
- débouter Monsieur [G] et la société [G] de l'ensemble de leurs demandes en réparation de la perte d'une chance ;
- constater que la société Assurtis n'a commis aucun agissement constitutif de dol ;
- dire que la société Assurtis n'a commis aucun manquement dans ses obligations précontractuelles qui serait de nature à engager sa responsabilité ; notamment dire :
-que ni l'expérimentation préalable du concept, ni l'étude de marché ne sont des éléments obligatoires au regard des textes ;
- qu'aucun compte d'exploitation prévisionnel n'a été remis au franchisé par Assurtis, cette exigence n'étant pas requise par les textes ;
- et qu'en matière de franchise, aucune obligation de rentabilité n'est imposée au franchiseur ;
- constater que les manquements allégués n'ont pu, en toutes hypothèses, vicier le consentement du candidat à la franchise compte tenu du caractère particulièrement aguerri de ce dernier ;
- constater que monsieur [G] et la société [G] ne peuvent se prévaloir d'une quelconque erreur sur la rentabilité de l'activité entreprise ;
- débouter en tout état de cause monsieur [G] et la société [G] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires ;
- dire que la société [G] mal fondée en ses demandes en réparation d'une perte de chance de ne pas contracter, de faire une meilleure utilisation de ses ressources, d'obtenir des gains, de réaliser des objectifs et encore de développer sa clientèle ;
- dire que monsieur [G] mal fondé en ses demandes en réparation d'une perte de chance de mieux investir ses fonds et de percevoir une «'juste'» rémunération ;
- dire en toute hypothèse que la preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité avec les manquements reprochés n'est pas établie ;
2°) Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts de la société Assurtis :
- débouter Monsieur [G] et la société [G] de l'ensemble de leurs demandes comme étant irrecevables et infondées ;
- dire que la société Assurtis a rempli ses obligations contractuelles et qu'elle ne s'était jamais engagée contractuellement sur le maintien du comparateur auto et des conditions d'accès au crédit qui n'étaient pas de son ressort, ce dont le franchisé avait été informé ;
- dire que la société Assurtis a rempli son obligation d'assistance et a même intensifié son effort pour faire face à la crise économique ainsi qu'en attestant les nombreuses actions menées par cette dernière ;
constater que la société Assurtis a exécuté loyalement le contrat de franchise ;
- dire que monsieur [G] et la société [G] ne rapportent pas la preuve d'un préjudice en lien de causalité avec les manquements reprochés dans l'exécution du contrat, ni d'un préjudice distinct de celui sollicité au titre d'une perte de chance lors de la conclusion du contrat ;
- les débouter en conséquence de toutes leurs demandes indemnitaires ;
3°) A titre subsidiaire,
- prononcer la compensation des sommes dues par le franchisé au titre de l'exécution du contrat avec les sommes éventuellement dues par Assurtis au titre des effets de la résiliation du contrat ;
4°) En tout état de cause,
- condamner monsieur [G] et la société [G] à payer à la société Assurtis la somme de 20 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE :
1) Sur les irrecevabilités :
a) Sur le défaut de qualité pour agir :
Considérant que la société Assurtis fait état du transfert du contrat de franchise à la société Cabinet Pujol Hexafi et soutient que la société [G] et monsieur [G] ne peuvent agir en nullité et en résiliation de ce contrat ;
Considérant que la société [G] représentée par son mandataire liquidateur et monsieur [G] ne demandent pas à la cour de prononcer la nullité du contrat, ou de prononcer sa résiliation ;
b) Sur la recevabilité de la demande de dommage-intérêts :
Considérant que la société Assurtis soutient que la demande de dommages-intérêts pour défaut d'information précontractuelle qui est substituée à la demande initiale d'annulation du contrat par les appelants est nouvelle, les fins n'étant pas les mêmes, qu'elle est par conséquent irrecevable ;
Considérant que la société Assurtis a été assignée devant le tribunal de commerce de Paris principalement pour voir prononcer la résiliation du contrat, prononcer diverses condamnations au profit de la société [G], subsidiairement, pour voir prononcer la nullité du contrat avec les conséquences que celle-ci implique ; qu'actuellement, les appelants qui s'estiment victimes de dol et d'erreurs, demandent la condamnation de la société Assurtis à leur verser des dommages-intérêts pour perte de chance ;
Considérant que la substitution d'une demande de dommages-intérêts à une demande d'annulation qui était faite à titre principal ne peut être considérée comme nouvelle, dans la mesure où elle a pour objet la réparation des préjudices subis du fait des agissements reprochés à la société Assurtis lors de la formation du contrat, qu'elle tend «globalement» aux mêmes fins que la demande initiale ;
c) sur la recevabilité de la demande faite par monsieur [G] à titre personnel :
Considérant que la société Assurtis soutient que seule la société [G] peut agir en réparation de son préjudice et que monsieur [G] personne physique est irrecevable à cette fin, qu'il ne justifie pas d'un préjudice véritablement subi distinct de celui de la société [G], d'une faute et d'un lien de causalité, sauf à entériner une double indemnisation au profit de monsieur [G] et de la société [G] ; que monsieur [G] fait valoir qu'il est tiers victime de l'inexécution de ses obligations par la société Assurtis et qu'il n'a pas à démontrer «'une faute distincte de l'inexécution contractuelle'», que son préjudice a consisté pour lui en une «perte de chance de faire une meilleure utilisation de ses fonds» et alors qu'il démontre n'avoir perçu aucune rémunération pendant trois ans ;
Considérant que le contrat de franchise signé par monsieur [G] en sa qualité de gérant de la société [G] ; que, quel que soit le bien fondé des demandes qu'il peut faire, monsieur [G] peut agir sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil, pour obtenir réparation du préjudice qu'il estime subir à titre personnel du fait des agissements dolosifs allégués de la société Assurtis, qu'il peut également en sa qualité de tiers au contrat, agir en responsabilité contre la société Assurtis si celle-ci, par ses manquements contractuels, lui a causé un préjudice personnel ; que ses demandes sont recevables ;
Considérant que pour ces motifs, les moyens tirés de l'impossible cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle développés par la société Assurtis qui estime que les appelants ne peuvent prétendre que «'les multiples manquements de la société Assurtis sont clairement à l'origine de leur préjudice'«'sans distinguer le préjudice résultant des prétendus manquements délictuels de ceux des prétendus manquements contractuels'», et demander réparation pour la perte de chance d'obtenir des gains et pour la perte de chance de ne pas contracter ou de réaliser un meilleur investissement, ce qui traduit un défaut de distinction du préjudice induit par les manquements qui lui sont reprochés, soit au titre de l'information précontractuelle, soit au titre de l'exécution du contrat, seront examinés ultérieurement, le cas échéant ;
2) sur la demande de dommages-intérêts pour vice du consentement :
Considérant que cette demande relève de la mise en jeu éventuelle de la responsabilité délictuelle de la société Assurtis ;
Considérant que, rappelant les dispositions des articles 1116 du Code civil, L 330-3 et R 330-1 du code de commerce, les appelants soutiennent :
- que la société Assurtis ne les a pas informés loyalement, que la renommée des deux actionnaires de la société Assurtis ne peut pallier l' absence d'expérimentation du concept et de l'assurance que celui-ci est rentable même si la loi n'oblige pas le franchiseur à expérimenter son concept dans une unité pilote, qu'aucune étude n'a été faite, aucune analyse menée,
- que la société Assurtis n'a pas présenté sincèrement et complètement l'état local du marché, que la qualité de professionnel du gérant de la société franchisée ne dispensait pas la société Assurtis de cette obligation de présenter l'état local du marché, en «lien avec ses produits en assurance et crédit et les perspectives de développement sur la durée du contrat»,
- que la société Assurtis a établi les prévisionnels des candidats franchisés qui sont identiques pour la plus part, qu'elle lui a communiqué des objectifs et des chiffres prévisionnels qui n'étaient pas sincères, lui a garanti la réalisation d'une moyenne de 275 contrats par an ce qui traduisait un potentiel sur la zone de chalandise, et que le franchisé a construit son projet sur la base de ces «objectifs», que la discordance entre les chiffres prévisionnels et les chiffres réalisés ne peut s'expliquer par la seule qualité du commerçant mais par le manque de rentabilité chronique du réseau, qui traduit l'absence de sérieux des informations données par Assurtis ;
Considérant que monsieur [G] et la société [G] invoquent également, au visa de l'article 1110 du Code civil, l'erreur sur la rentabilité commise sur la foi des informations données par Assurtis, rappelant que le consentement du franchisé peut avoir été déterminé par l'erreur sur la rentabilité de l'activité entreprise même en l'absence de manquement du franchiseur à son obligation d'information, et soutenant que si de «' telles circonstances peuvent conduire à la nullité du contrat de franchise, elles peuvent tout autant conduire à engager la responsabilité extracontractuelle du franchiseur'» ;
Considérant que l'intimée qui indique n'avoir commis aucune faute soutient que doivent être rapportés la volonté du cocontractant de tromper et le caractère déterminant des man'uvres, que le préjudice indemnisable est la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'en l'espèce, le dol, la réticence dolosive ne peuvent lui être reprochés ; qu'elle soutient que les appelants dénaturent les textes et les faits, qu'elle a donné en toute transparence et loyauté toutes les informations utiles lors de la phase précontractuelle ;
Considérant que l'article L 330-0 du code de commerce précise : ' Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie une document donnant les informations sincères, qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause' ;
Considérant que l'article R 330-1 du code de commerce précise : ' Le document prévu au premier alinéa de l'article premier de la loi du 31 décembre 1989 susvisé doit contenir les informations suivantes :
- la date de la création avec un rappel des principales étapes de son évolution; y compris celle du réseau d'exploitants s'il y a lieu ainsi que toutes les indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou ses dirigeants. Les informations données ne peuvent porter que sur les 5 dernières années qui précédent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché....Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels....
- une présentation du réseau des exploitants qui comporte la liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu, l'adresse des entreprises établies en France , .... la date de conclusion de ses contrats, le nombre d'entreprise qui étant liées par un contrat de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé.... ',
- que ce texte définit de manière détaillée les informations tant juridiques qu' économiques que le franchiseur doit fournir ;
Considérant que ces textes issus de la loi Doubin visent à permettre au candidat à la franchise de s'engager en toute connaissance de cause aux obligations qui découlent du contrat de franchise ;
Considérant en l'espèce que le document d'information précontractuelle remis le 19 janvier 2006 à monsieur [G] gérant de la société [G] présente le franchiseur, sa forme sociale, sa structure, indique le noms des personnes qui composent le directoire, le conseil de surveillance, précise sa date de création, la date de son immatriculation, la marque et sa publication en février 2005 à l'INPI, ses coordonnées bancaires et l'activité de l'entreprise ; que le document présente le réseau, constitué uniquement de quatre franchisés (dont l'un a huit points de vente) dont il donne les noms et les coordonnées ; que le document dans le paragraphe «' résultats du franchiseur'» indique : « Assurtis étant une société nouvellement créée, aucun résultat ne peut être encore communiqué et servir de base à décision du candidat franchisé. Le candidat franchisé ne peut donc se référer à des résultats chiffrés pour décider d'intégrer le réseau Assurtis. Le franchiseur porte toutefois à la connaissance du candidat franchisé l'expérience des deux sociétés fondatrices de Assurtis. Il s'agit pour April Group Dommages-Intérêts Particuliers'et le groupe April d'une expertise dans la conception et la distribution des produits d'assurance de masse via un réseau constitué de courtiers. Il s'agit pour Médiatis et le groupe Laser d'une expertise reconnue dans le domaine de la conception d'outils marketing permettant la fidélisation du client final'», que le document détaille ensuite plus particulièrement le contrat de franchise, les obligations de chacune des parties ;
Considérant que le contrat de franchise a été signé le 7 août 2006, pratiquement sept mois plus tard, que l'agence était ouverte à [Localité 3] ;
Considérant que le document d'information ne comportait pas la présentation du marché local et ses perspectives de développement qui sont obligatoires selon les termes de l'article R 330-1 du code de commerce ; que toutefois, monsieur [G], gérant de la société [G] qui avait travaillé pendant trente ans pour des compagnies d'assurance dans la région de [Localité 4] avait une bonne connaissance du marché local ; que, par ailleurs, le contrat de franchise précisait dans son article 4 .2 que le franchisé «déclare avoir effectué sous sa propre responsabilité une étude de marché, et le cas échéant, une étude d'implantation dans la zone de recherche. Le franchisé assume la responsabilité de son étude d'implantation, de son étude de faisabilité et du choix de son point de vente s'il n'en dispose pas déjà d'un'», qu'il incombait à monsieur [G] de faire une étude de marché ; qu'il ne peut imputer la responsabilité de sa carence au franchiseur ;
Considérant que monsieur [G] savait que le concept avait un caractère «innovant»' et n'avait pas fait l'objet d'une exploitation préalable dont l'obligation pour le franchiseur ne résulte ni des termes de la loi ni de la norme AFNOR Z 20 000 ; que pour autant, monsieur [G] avait été informe de ce que le concept était issu du savoir-faire conjugué des sociétés April et Mediatis et de ce que l' adhésion au réseau lui permettait de bénéficier de l'accès à une gamme de produits d'assurance et de crédits réservés aux seuls membres du réseau, d'opérations de marketing montés spécialement pour les membres du réseau, d'outils informatiques spécifiques, de techniques de vente, le tout largement éprouvé tant par Médiatis que par April dans leur domaine respectif ;
Considérant qu'il est soutenu que le compte d'exploitation prévisionnel a été en réalité établi par Assurtis sur la base de chiffres irréalistes, ce qui a conduit monsieur [G] et la société [G] à faire une erreur sur la rentabilité du projet ; que les documents fournis ne permettent de savoir à quel franchisé ils se réfèrent et ne sont pas probants ; que la comparaison des données chiffrées figurant sur ces documents ne peut donner lieu à la déduction que la société Assurtis n'a pas seulement transmis au candidat à la franchise une trame informatique vierge constituée d'un tableur Excel' mais qu'elle a également rempli cette trame ou qu'elle a aidé le franchisé à la remplir en lui donnant divers renseignements chiffrés ; qu'enfin, les objectifs visés dans le contrat doivent être considérés comme tels et non comme des prévisions ; que rien ne permet par conséquent de justifier que les appelants ont été conduits à apprécier d'une façon erronée la rentabilité de l'exploitation projetée par le fait de la société Assurtis ;
Considérant enfin qu' aucun résultat n' a été contractuellement prévu et n'était garanti par la société Assurtis ; que si les appelants soutiennent avoir commis une «erreur substantielle sur la rentabilité» en ce que les résultats sont en deçà de ce que le compte prévisionnel d'exploitation leur a permis d'envisager, il leur appartenait, en qualité de commerçant indépendant et responsable, d'apprécier, avant de s'engager, la valeur économique du projet ;
Considérant en définitive que les manquements pré-contractuels de la société Assurtis ne sont pas établis ; que la société [G] sera déboutée de sa demande ; que pour les mêmes motifs, la demande faite à titre personnel et formée sur les mêmes faits par monsieur [Y] doit être rejetée ;
3) sur les manquements contractuels d'Assurtis au cours de l'exécution du contrat :
Considérant que la société [G] reproche à Assurtis d'avoir supprimé le comparateur-auto à la fin du mois d'octobre 2007, d'avoir durci les critères d'accès au crédit et d'avoir manqué à son devoir d'assistance, ce que conteste la société Assurtis ;
Considérant que la société [G] soutient que le comparateur-auto était un des éléments essentiels du concept et constituait un produit d''«accroche», principale plus-value apportée au cabinet ; que certes, ce comparateur a pris une part importante dans l'argumentaire développé par Assurtis ; que toutefois, la société [G] ne peut soutenir que cet élément était essentiel alors qu'elle n'a adressé aucune remarque, aucune plainte lors de la suppression de ce comparateur, si non lors de la procédure, et alors qu'elle ne justifie pas que ses résultats en ont souffert ; que ce grief ne peut être retenu contre la société Assurtis ;
Considérant que les dispositions du contrat de franchise précisaient : «Les conditions d'accès au crédit sont fixées par ses partenaires sans qu'elle puisse intervenir» ( article 12.1) et «La gamme de produits est susceptible de variation en fonction de l'évolution du marché.» (article 11), que la société Assurtis n'est pas à l'origine de la décision de durcir les conditions d'octroi de crédit à la consommation qui ressortait de la compétence d'un tiers, son actionnaire la société Mediatis ; que par ailleurs, cette décision a été imposée par une évolution nécessaire ( notamment liée à l'obligation faite au préteur d'informer l'emprunteur) devant la crise financière de 2008-2009 «d'une ampleur sans précédent en 45 ans de suivi statistique de l'activité», constatée par les franchisés Assurtis aux-mêmes ; que, dans un courrier adressé au juge commissaire, la société [G] elle-même exposait que le type d' activité exploitée «était très lourdement affecté par la crise financière» ; que la société [G] pouvait, en application des termes de l'article 12.1.3 du contrat, faire appel à d'autres partenaires du crédit pour les produits ou les services de la gamme obligatoire en cas de refus de la société Assurtis ;
Considérant enfin que la société [G] soutient que la société Assurtis ne l'a pas assistée lorsqu'elle a été en difficulté ; que la société [G] n'a adressé à la société Assurtis aucune demande particulière au cours des quelques mois de l'exploitation de la franchise et cessait cette activité «en raison du contexte économique actuel» ; qu'en revanche, la société Assurtis qui ne niait pas avoir une «faible notoriété nationale» justifie par les pièces versées aux débats, notamment avoir élaboré un plan marketing pour l'ensemble du réseau, animé le réseau, suivi son activité en visitant les points de vente, mis en place des opérations promotionnelles, fait des communications nationales importantes en 2008 et 2009, accompagné les franchisés en lançant deux plans au cours des années 2008 et 2009 proposant la gratuité de trois mois pour les redevances de fonctionnement, l'octroi d'une sur-commission sur les regroupements de crédits, lançant de nouveaux produits, qu'elle a proposé des réunions, assuré le suivi de l'activité du réseau ; qu'elle a manifestement a fourni des efforts pour soutenir ses franchisés, qu'il ne peut lui être reproché un défaut d'assistance ; qu'aucune comparaison valable ne peut non plus être faite avec la société Crédit Services qui selon [G] aurait permis à ses franchisés de survivre la crise alors que, sans être contredite sur ce point par [G], la société Assurtis justifie que la société Crédit Services, créée depuis de nombreuses années, n'exploitait aucun réseau de franchise avant 2009 ;
Considérant que faute de rapporter les manquements contractuels de la société Assurtis, les appelants doivent être déboutés de leur demande de dommages-intérêts,
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement,
Condamne monsieur [G] à payer à la société Assurtis la somme de 3000 Euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel,
Condamne monsieur [G] et la société [G] représentée par son mandataire liquidateur [T] [U] aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT