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19/02/2014 | FRANCE | N°11/19868

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 19 février 2014, 11/19868


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2014



(n° 66 , 11 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19868



Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 19 Octobre 2011 par le Tribunal de Commerce de PARIS - 19ème CHAMBRE - RG n° 2010053769







APPELANTS



Monsieur [S] [H]

[Adresse 2]

[Adress

e 2]





LA SOCIÉTÉ [H], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentés par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avoc...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2014

(n° 66 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19868

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 19 Octobre 2011 par le Tribunal de Commerce de PARIS - 19ème CHAMBRE - RG n° 2010053769

APPELANTS

Monsieur [S] [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

LA SOCIÉTÉ [H], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentés par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistés de Me Charlotte BELLET et Me Rodolphe PERRIER de la SCP THREARD BOURGEON MERESSE & Associés, avocats au barreau de PARIS, toque : P 166

INTIMÉE

LA SOCIÉTÉ ASSURTIS agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

Assistée de Me Yves REINHARD de la SCP LAMY & ASSOCIÉS et Me Nicolas BES, de la SCP BES-SAUVAIGO & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 décembre 2013, en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par Madame Françoise COCCHIELLO, Président, chargée d'instruire l'affaire, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de Procédure Civile devant la Cour composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Président, rédacteur

Madame Irène LUC, Conseiller

Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Président et par Madame Denise FINSAC, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

******

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

En 2005, le groupe April spécialiste de l'assurance et le groupe Laser Cofinoga spécialisé dans le crédit à la consommation se sont rapprochés pour étudier la mise en place d'un réseau de distribution de contrats d'assurance et de crédits à la consommation sous une enseigne unique ' Assurtis'.

La société anonyme Assurtis, créée en 2005, a mis en place la distribution de ces produits dans le cadre d'un réseau de franchise.

Monsieur [H] a été intéressé par le concept Assurtis.

Le 4 novembre 2005, il a été destinataire d'un document d' information précontractuelle. Il a crée la société à responsabilité limitée [H] qui aurait pour objet d'exploiter la franchise Assurtis.

Le 28 novembre 2005, la société [H], représentée par son gérant, monsieur [H] et la société Assurtis ont conclu un contrat de franchise pour une durée de cinq ans.

Le point de vente a été ouvert le 13 mars 2006 à [Localité 1]. Le contrat a fait l'objet de plusieurs avenants notamment pour acter du déménagement du point de vente à [Localité 2] en avril 2009.

Après avoir manqué à plusieurs reprises de payer à bonne date les redevances dues au franchiseur, et ne pas avoir respecté les mesures d'échelonnement consenties par Assurtis, la société [H] a adressé le 12 mars 2010 un courrier à la société Assurtis sollicitant la cessation immédiate des relations contractuelles ainsi que le remboursement des sommes versées, des comptes courant et des pertes d'exploitation. Par lettre du 26 mars 2010, la société Assurtis a indiqué à son franchisé que conformément à l' article 3 du contrat, elle ne souhaitait pas renouveler le contrat à son échéance .

Par acte du 21 juillet 2010, la SARL [H] et Monsieur [H] ont assigné la société Assurtis devant le tribunal de commerce de Paris pour voir prononcer la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs.

Par jugement prononcé le 19 octobre 2011, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a':

- dit Monsieur [H] irrecevable à demander la résiliation ou la nullité du contrat mais recevable à demander l'indemnisation de son préjudice personnel ;

- dit la SARL [H] irrecevable en sa demande de résiliation du contrat de franchise ;

- débouté la SARL [H] et Monsieur [H] de toutes les demandes pour lesquelles ils n'ont pas été dits irrecevables ;

- condamné la SARL [H] à payer à la société Assurtis la somme de 7 893,60 euros ;

- dit que la SARL [H] devra mettre en 'uvre les dispositions de l'article 18 du contrat de franchise, dans les 15 jours de la signification du présent jugement, et ce sous astreinte de 100 Euros par jour de retard tendant une période de 45 jours à l'issue de laquelle il pourra de nouveau être fait droit ;

- dit que la SARL [H] et Monsieur [H] demeurent soumis aux stipulations des articles 15.3-2 et 15.3-3 du contrat de franchise ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamné in solidum la SARL [H] et Monsieur [H] à payer la société Assurtis la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 7 novembre 2011 par la SARL [H] et Monsieur [H] contre cette décision.

Par conclusions signifiées le 8 novembre 2013, auxquels il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société [H] et Monsieur [H] demandent notamment à la Cour de':

- débouter la société ASSURTIS de ses moyens d'irrecevabilité,

- constater que la société [H] est recevable dans son action,

- dire et juger que Monsieur [H] est recevable et bien-fondé dans son action personnelle, - dire et juger que la société ASSURTIS a vicié le consentement de Monsieur [H] et de la société [H] par l'effet du dol commis par cette dernière, en :

- Ne les informant pas loyalement de l'absence d'expérimentation de son concept,

- Ne dressant pas l'état local du marché des produits (assurance et crédit), objets du contrat,

- Ne déterminant pas les perspectives de développement sur la durée du contrat,

- Fournissant des objectifs de contrats d'assurance et de crédit et des chiffres prévisionnels qui ne correspondaient pas à la rentabilité du concept et du réseau,

- dire et juger que la société [H], par le biais de Monsieur [H], a commis, lors de la conclusion du contrat de franchise, une erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité de son entreprise qui a vicié son consentement, dès lors qu'elle s'est exclusivement engagée, sur la foi des informations prévisionnelles fausses qui lui ont été communiquées par ASSURTIS, en considération d'un niveau d'activité qui n'a jamais été atteint du fait du défaut de rentabilité général du réseau de franchise ASSURTIS,

- dire et juger que la société ASSURTIS s'est rendue coupable de manquements précontractuels avérés ayant conduit Monsieur [H] et la société [H] à entrer dans les liens de la franchise avec ASSURTIS sur la base d'un consentement vicié,

- dire et juger que la société ASSURTIS s'est rendue coupable de graves manquements contractuels en :

- supprimant le comparateur-auto et en durcissant les conditions d'accès au crédit,

- violant son obligation d'assistance,

- manquant gravement à l'exécution loyale et de bonne foi du contrat,

En conséquence,

- condamner la société ASSURTIS à payer à la société Hervé A&N la somme de 250 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de mieux investir ses fonds, de développer sa clientèle et de parvenir aux objectifs fixés,

- -condamner la société ASSURTIS à payer à Monsieur [H] la somme de 170 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de mieux investir ses fonds et de percevoir une juste rémunération de ses efforts,

- dire et juger que Monsieur [H] et la société [H] sont recevables et fondés à opposer une exception d'inexécution,

- débouter la société ASSURTIS de toutes ses demandes aussi irrecevables que mal fondées,

- dire que les condamnations pécuniaires mises à la charge de la société ASSURTIS porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation, valant mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du Code civil,

- condamner la société ASSURTIS à payer à la somme de 12 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 9 décembre 2013, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la société Assurtis demande, notamment, à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris dans tous ses éléments sauf en ce qui concerne l'astreinte,

- déclarer Monsieur [H] et la société [H] irrecevables en l'ensemble de leurs demandes,

- déclarer la société Assurtis recevable et bien fondée dans sa demande reconventionnelle de résiliation du contrat aux torts exclusif du franchisé,

In limine litis,

- déclarer les appelants irrecevables en l'ensemble de leurs prétentions nouvelles,

- déclarer monsieur [H] irrecevable en l'ensemble de ses demandes présentées à titre personnel pour absence de préjudice distinct de celui de la société [H],

Sur le fond,

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance,

- déclarer monsieur [H] et la société [H] irrecevables dans leur demande,

- débouter monsieur [H] et la société [H] de l'ensemble de leurs demandes en réparation de la perte d'une chance,

- constater que la société Assurtis n'a commis aucun agissement constitutif de dol,

- dire que la société Assurtis n'a commis aucun manquement dans ses obligations précontractuelles qui serait de nature à engager sa responsabilité ; notamment dire :

- que ni l'expérimentation préalable du concept, ni l'étude de marché ne sont des éléments obligatoires au regard des textes .

- qu'aucun compte d'exploitation prévisionnel n'a été remis au franchisé par Assurtis, cette exigence n'étant pas requise par les textes ;

et qu'en matière de franchise, aucune obligation de rentabilité n'est imposée au franchiseur

- constater que les manquements allégués n'ont pu, en toutes hypothèses, vicier le consentement du candidat à la franchise compte tenu du caractère particulièrement aguerri de ce dernier ;

- constater que monsieur [H] et la société [H] ne peuvent se prévaloir d'une quelconque erreur sur la rentabilité de l'activité entreprise ;

- débouter en tout état de cause monsieur [H] et la société [H] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires ;

- dire et juger la société [H] mal fondée en ses demandes en réparation d'une perte de chance de ne pas contracter, de faire une meilleure utilisation de ses ressources, d'obtenir des gains, de réaliser des objectifs et encore de développer sa clientèle ;

- dire que monsieur [H] mal fondé en ses demandes en réparation d'une perte de chance de mieux investir ses fonds et de percevoir une «'juste'» rémunération ;

- dire en toute hypothèse que la preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité avec les manquements reprochés n'est pas établie ;

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts de la société Assurtis :

- débouter monsieur [H] et la société [H] de l'ensemble de leurs demandes comme étant irrecevables et infondées ;

- dire que la société Assurtis a rempli ses obligations contractuelles et qu'elle ne s'était jamais engagée contractuellement sur le maintien du comparateur auto et des conditions d'accès au crédit qui n'étaient pas de son ressort, ce dont le franchisé avait été informé ;

- dire que la société Assurtis a rempli son obligation d'assistance et a même intensifié son effort pour faire face à la crise économique ainsi qu'en attestant les nombreuses actions menées par cette dernière ;

- constater que la société Assurtis a exécuté loyalement le contrat de franchise ;

Sur les demandes reconventionnelles de la société Assurtis,

- condamner monsieur [H] et la société [H] à payer à la société Assurtis la somme de 7 893,60 euros correspondant au montant des redevances dues et non payées par le franchisé à la société Assurtis et;

- dire que monsieur [H] demeure soumis aux stipulations spécifiques des articles 15.3-2 et 15.3-3 du contrat de franchise, et;

- dire et juger que la société [H] devra mettre en 'uvre les stipulations de l'article 18 du contrat de franchise;

A titre subsidiaire,

- prononcer la compensation des sommes dues par le franchisé au titre de l'exécution du contrat avec les sommes éventuellement dues par Assurtis au titre des effets de la résiliation du contrat ;

En tout état de cause,

- condamner monsieur [H] et la société [H] à payer à la société Assurtis la somme de 20 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur demande de la cour, la société Assurtis a adressé le 4 février 2014 la copie de la pièce n° 176 visée dans son bordereau.

SUR CE :

1) Sur les irrecevabilités :

a ) sur la recevabilité de la demande de dommage-intérêts de la société [H] :

Considérant que la société Assurtis soutient que la demande de dommages-intérêts pour défaut d'information précontractuelle qui est substituée à la demande initiale d'annulation du contrat par les appelants est nouvelle, les fins n'étant pas les mêmes, qu'elle est par conséquent irrecevable, que les appelants ne se prononcent pas sur ce point, sinon en invoquant la liberté de choisir leur stratégie procédurale ;

Considérant que la société Assurtis a été assignée devant le tribunal de commerce de Paris principalement pour voir prononcer à titre principal la nullité du contrat, avec les conséquences que celle-ci implique, subsidiairement, pour voir prononcer la résiliation du contrat, prononcer diverses condamnations au profit de la société [H] ; qu'actuellement, la société [H] demande, en raison du dol dont elle se dit victime, la condamnation de la société Assurtis à lui payer 'une somme de 250 000 Euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance ; qu'elle demande également la résiliation du contrat de franchise, en raison des manquements contractuels de la société Assurtis ;

Considérant que la société [H] est maître de ses choix procéduraux ; que l' ordre dans lequel elle forme ses demandes relève de sa «stratégie procédurale» dont la cour n'a pas à apprécier l'opportunité, la cohérence, dès lors que les changements opérés n'induisent aucunement la société Assurtis en erreur sur ses intentions véritables ;

Considérant enfin que la substitution d'une demande de dommages-intérêts à une demande d'annulation qui était faite subsidiairement ne peut être considérée comme nouvelle, dans la mesure où elle a pour objet la réparation des préjudices subis du fait des agissements reprochés à la société Assurtis lors de la formation du contrat, qu'elle tend «globalement» aux mêmes fins que la demande initiale ;

b) sur la recevabilité de la demande faite par monsieur [H] à titre personnel :

Considérant que la société Assurtis soutient que seule la société [H] peut agir en nullité ou en résiliation du contrat et que monsieur [H] personne physique est irrecevable à cette fin, qu'il ne peut non plus agir pour obtenir réparation sans justifier d'un préjudice véritablement subi distinct de celui de la société [H], d'une faute et d'un lien de causalité, sauf à entériner une double indemnisation au profit de monsieur [H] et de la société ; que monsieur [H] fait valoir qu'il est tiers victime de l'inexécution de ses obligations par la société Assurtis et qu'il n'a pas à démontrer «'une faute distincte de l'inexécution contractuelle'», que son préjudice a consisté pour lui en une «perte de chance de faire une meilleure utilisation de ses fonds» ;

Considérant que le contrat de franchise a été signé par monsieur [H] en sa qualité de gérant de la société [H] ; que monsieur [H] n'est pas recevable à agir à titre personnel en résiliation du contrat de franchise ;

Considérant toutefois que quel que soit le bien fondé des demandes qu'il peut faire, monsieur [H] peut agir sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil, pour obtenir réparation du préjudice qu'il estime subir du fait des agissements dolosifs allégués de la société Assurtis, qu'il peut également en sa qualité de tiers au contrat, agir en responsabilité contre la société Assurtis si celle-ci, par ses manquements contractuels, lui a causé un préjudice ; que ses demandes sont recevables ;

Considérant que pour ces motifs, les moyens tirés de l'impossible cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle développés par la société Assurtis qui estime que les appelants ne peuvent prétendre que «'les multiples manquements de la société Assurtis sont clairement à l'origine de leur préjudice''sans distinguer le préjudice résultant des prétendus manquements délictuels de ceux des prétendus manquements contractuels'», et demander réparation pour la perte de chance d'obtenir des gains et pour la perte de chance de ne pas contracter ou de réaliser un meilleur investissement, ce qui traduit un défaut de distinction du préjudice induit par les manquements qui lui sont reprochés, soit au titre de l'information précontractuelle, soit au titre de l'exécution du contrat, seront examinés ultérieurement, le cas échéant ;

2) sur la demande de dommages-intérêts pour vice du consentement :

Considérant que cette demande relève de la mise en jeu éventuelle de la responsabilité délictuelle de la société Assurtis ;

Considérant que, rappelant les dispositions des articles 1116 du Code civil, L 330-3 et R 330-1 du code de commerce, les appelants soutiennent :

- que la société Assurtis ne les a pas informés loyalement, que la renommée des deux actionnaires de la société Assurtis ne peut pallier l' absence d'expérimentation du concept et de l'assurance que celui-ci est rentable, même si la loi n'oblige pas le franchiseur à expérimenter son concept dans une unité pilote, qu'aucune étude n'a été faite, aucune analyse menée,

- que la qualité de professionnel du gérant de la société franchisée ne dispensait pas la société Assurtis de l'obligation de présenter l'état local du marché sincèrement et complètement et ce, en «lien avec ses produits en assurance et crédit et les perspectives de développement sur la durée du contrat»,

- que la société Assurtis n' a pas loyalement établi les prévisionnels des candidats et leur a communiqué des objectifs et des chiffres prévisionnels qui n'étaient pas sincères, que la discordance entre les chiffres prévisionnels et les chiffres réalisés ne peut s'expliquer par la seule qualité du commerçant mais par le manque de rentabilité chronique du réseau,

Considérant que monsieur [H] et la société [H] invoquent également, au visa de l'article 1110 du Code civil, l'erreur sur la rentabilité commise sur la foi des informations données par Assurtis, exposant que le consentement du franchisé peut avoir été déterminé par l' erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité entreprise même en l'absence de manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d'information, et soutenant que si de «' telles circonstances peuvent conduire à la nullité du contrat de franchise, elles peuvent tout autant conduire à engager la responsabilité extracontractuelle du franchiseur'» ;

Considérant que l'intimée estime n'avoir commis aucune faute et rappelle que doivent être rapportés la volonté du cocontractant de tromper et le caractère déterminant des man'uvres, que le préjudice indemnisable est la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses et qu'en l'espèce, le dol, la réticence dolosive ne peuvent lui être reprochés ; qu'elle soutient que les appelants dénaturent les textes et les faits, qu'elle a donné en toute transparence et loyauté toutes les informations utiles lors de la phase précontractuelle ;

Considérant que l'article L 330-0 du code de commerce précise : ' Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie une document donnant les informations sincères, qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause' ;

Considérant que l'article R 330-1 du code de commerce précise : ' Le document prévu au premier alinéa de l'article premier de la loi du 31 décembre 1989 susvisé doit contenir les informations suivantes :

- la date de la création avec un rappel des principales étapes de son évolution; y compris celle du réseau d'exploitants s'il y a lieu ainsi que toutes les indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou ses dirigeants. Les informations données ne peuvent porter que sur les 5 dernières années qui précédent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché....Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels....

- une présentation du réseau des exploitants qui comporte la liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu, l'adresse des entreprises établies en France , .... la date de conclusion de ses contrats, le nombre d'entreprise qui étant liées par un contrat de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé.... ',

- que ce texte définit de manière détaillée les informations tant juridiques qu' économiques que le franchiseur doit fournir,

Considérant que ces textes issus de la loi Doubin visent à permettre au candidat à la franchise de s'engager en toute connaissance de cause aux obligations qui découlent du contrat de franchise ;

Considérant en l'espèce que le document d'information précontractuelle adressé le 4 novembre 2005 à monsieur [H] gérant de la société [H] présente le franchiseur, sa forme sociale, sa structure, indique le noms des personnes qui composent le directoire, le conseil de surveillance, précise sa date de création, la date de son immatriculation, la marque et sa publication en février 2005 à l'INPI, ses coordonnées bancaires et l'activité de l'entreprise ; que le document présente le réseau, constitué uniquement de deux franchisés (dont l'un a huit points de vente) dont il donne les noms et les coordonnées ; que le document indique dans le paragraphe «'résultats du franchiseur» : «'Assurtis étant une société nouvellement créée, aucun résultat ne peut être encore communiqué et servir de base à décision du candidat franchisé. Le candidat franchisé ne peut donc se référer à des résultats chiffrés pour décider d'intégrer le réseau Assurtis. Le franchiseur porte toutefois à la connaissance du candidat franchisé l'expérience des deux sociétés fondatrices de Assurtis. Il s'agit pour April Group Dommages-Intérêts Particuliers'et le groupe April d'une expertise dans la conception et la distribution des produits d'assurance de masse via un réseau constitué de courtiers. Il s'agit pour Médiatis et le groupe Laser d'une expertise reconnue dans le domaine de la conception d'outils marketing permettant la fidélisation du client final'», que le document détaille ensuite plus particulièrement le contrat de franchise, les obligations de chacune des parties ;

Considérant que le contrat de franchise a été signé le 26 novembre 2005, que l'agence était ouverte à [Localité 1] puis transférée à [Localité 2] par avenant du 10 avril 2009 ;

Considérant que le document d'information précontractuelle comportait un document intitulé «point de vente [Localité 1]'» donnant une description socio-démographique succinte d'[Localité 1] avec des chiffres établis par l'Insee en 1999 ; qu'une telle présentation n'est manifestement pas conforme à l'esprit de l'article R 330-1 du code de commerce, étant peu détaillée, reposant sur des données anciennes et ne donnant pas les perspectives de développement ; que toutefois, monsieur [H] a exercé des fonctions d' agent général d'assurance dans la région vannetaise depuis vingt années, ce qui lui permettait d'avoir bonne connaissance du marché local ; qu'en outre, le contrat de franchise précisait dans son article 4 .2 que le franchisé «déclare avoir effectué sous sa propre responsabilité une étude de marché, et le cas échéant, une étude d'implantation dans la zone de recherche. Le franchisé assume la responsabilité de son étude d'implantation, de son étude de faisabilité et du choix de son point de vente s'il n'en dispose pas déjà d'un'», qu'il lui incombait donc de faire une étude de marché et qu'il ne peut imputer la responsabilité de sa carence au franchiseur ;

Considérant, par ailleurs, que monsieur [H] savait que le concept avait un caractère «innovant»' et n'avait pas fait l'objet d'une exploitation préalable dont l'obligation pour le franchiseur ne résulte ni des termes de la loi ni de la norme AFNOR Z 20 000 ; que pour autant, monsieur [H] avait été informé de ce que le concept était issu du savoir-faire conjugué des sociétés April et Mediatis et de ce que l' adhésion au réseau lui permettait de bénéficier de l'accès à une gamme de produits d'assurance et de crédits réservés aux seuls membres du réseau, d'opérations de marketing montés spécialement pour les membres du réseau, d'outils informatiques spécifiques, de techniques de vente, le tout largement éprouvé tant par Médiatis que par April dans leur domaine respectif ;

Considérant qu'il est soutenu que le compte d'exploitation prévisionnel a été en réalité établi par Assurtis sur la base de chiffres irréalistes, ce qui a conduit monsieur [H] et la société [H] à faire une erreur sur la rentabilité du projet ; que les documents fournis ne permettent de savoir à quel franchisé ils se réfèrent et ne sont pas probants de sorte que la comparaison des données chiffrées figurant sur ces documents ne peut donner lieu à la déduction que la société Assurtis n'a pas seulement transmis au candidat à la franchise une trame informatique vierge constituée d'un tableur Excel' mais qu'elle a également rempli cette trame ou qu'elle a aidé le franchisé à la remplir en lui donnant divers renseignements chiffrés ; qu'enfin, les objectifs visés dans le contrat doivent être considérés comme tels et non comme des prévisions ; que rien ne permet par conséquent de justifier que les appelants ont été conduits à apprécier d'une façon erronée la rentabilité de l'exploitation projetée par le fait de la société Assurtis ;

Considérant enfin qu' aucun résultat n' avait été contractuellement prévu et n'était garanti par la société Assurtis ; que si les appelants soutiennent avoir commis une «erreur substantielle sur la rentabilité» en ce que les résultats sont en deçà de ce que le compte prévisionnel d'exploitation leur a permis d'envisager, il leur appartenait, en qualité de commerçant indépendant et responsable, d'apprécier, avant de s'engager, la valeur économique du projet ;

Considérant en définitive que la société [H] ne justifie pas la faute de la société Assurtis, qu''elle sera déboutée de sa demande ; que pour les mêmes motifs, la demande faite à titre personnel et formée sur les mêmes faits par monsieur [H] doit être rejetée ;

3 ) Sur la résiliation du contrat :

Considérant que les parties se reprochent mutuellement des manquements à leurs obligations, qui justifient le prononcé de la résiliation du contrat ; que la société [H] reproche à Assurtis d'avoir supprimé le comparateur-auto à la fin du mois d'octobre 2007, d'avoir durci les critères d'accès au crédit et d'avoir manqué à son devoir d'assistance, ce que conteste la société Assurtis qui fait état de l'absence de paiement par la société [H] de ses redevances ;

Considérant que la société [H] soutient que le comparateur-auto était un des éléments essentiels du concept et constituait la «principale plus-value» de son cabinet ; que ce comparateur a pris une part importante dans l'argumentaire développé par Assurtis ; que toutefois la société [H] s'est plainte de son caractère inutilisable en août 2007 et ne justifie pas que ses résultats ont souffert de sa suppression en octobre 2007 ; que ce grief ne peut être retenu contre la société Assurtis ;

Considérant que les dispositions du contrat de franchise précisaient : «Les conditions d'accès au crédit sont fixées par ses partenaires sans qu'elle puisse intervenir» ( article 12.1) et «La gamme de produits est susceptible de variation en fonction de l'évolution du marché.» (article 11), que la société Assurtis n'est pas à l'origine de la décision de durcir les conditions d'octroi de crédit à la consommation qui ressortait de la compétence d'un tiers, son actionnaire la société Mediatis ; que par ailleurs, cette décision a été imposée par une évolution nécessaire ( notamment liée à l'obligation faite au préteur d'informer l'emprunteur) devant la crise financière de 2008-2009 «d'une ampleur sans précédent en 45 ans de suivi statistique de l'activité», constatée par les franchisés Assurtis aux-mêmes ; que la société Hervé A&N pouvait, en application des termes de l'article 12.1.3 du contrat, faire appel à d'autres partenaires du crédit pour les produits ou les services de la gamme obligatoire en cas de refus de la société Assurtis ;

Considérant enfin que la société [H] soutient que la société Assurtis ne l'a pas assistée lorsqu'elle a été en difficulté ; que la société [H] n'a adressé à la société Assurtis aucune demande particulière au cours de l'exploitation de la franchise ; qu'en revanche, la société Assurtis qui ne niait pas avoir une «faible notoriété nationale» justifie par les pièces qu'elle verse aux débats notamment avoir élaboré un plan marketing pour l'ensemble du réseau, animé le réseau, suivi son activité en visitant les points de vente, mis en place des opérations promotionnelles, fait des communications nationales importantes en 2008 et 2009, accompagné les franchisés en lançant deux plans au cours des années 2008 et 2009 proposant la gratuité de trois mois pour les redevances de fonctionnement, l'octroi d'une sur-commission sur les regroupements de crédits, lançant de nouveaux produits, qu'elle a proposé des réunions, assuré le suivi de l'activité du réseau ; qu'il ne peut être reproché à la société Assurtis qui a fourni des efforts pour soutenir ses franchisés un défaut d'assistance ; qu'aucune comparaison valable ne peut non plus être faite avec la société Crédit Services qui selon [H] A&N Associés aurait permis à ses franchisés de survivre la crise alors que, sans être contredite sur ce point par la société [H], la société Assurtis justifie que la société Crédit Services n'exploitait aucun réseau de franchise avant 2009 ;

Considérant que la société Assurtis expose que la société [H] n'a pas assuré ses propres obligations de paiement des redevances et commissions à partir de janvier 2010 et a abandonné son point de vente, qu'elle en justifie, qu'il s'agit ici de manquements par la société [H] à ses obligations contractuelles ;

Considérant que la demande de résiliation faite par la société Assurtis doit être accueillie ;

4) Sur les autres demandes :

Considérant que la société Assurtis fait plusieurs demandes :

- demande de paiement des redevances impayées (7893,60 Euros au mois de novembre 2010) :

Considérant que la société Assurtis demande le paiement des redevances impayées au 27 novembre 2010, date du terme du contrat, pour 7893, 60 Euros selon décompte, que la société [H] qui ne justifie pas du paiement de cette sommes sera condamnée au paiement de cette somme ;

- demande de retrait des signes distinctifs et restitution des ceux-ci ( article 18 du contrat) :

Considérant que la société Assurtis demande le respect de ce texte sous astreinte, que si la société [H] expose n' avoir commis aucun manquement sur ce point, elle ne justifie pas respecté les obligations que leur impose ce texte, notamment le dépôt d'enseigne, la suppression de tous les signes distinctifs, la remise de tous les documents, cartes nominative de démarchage bancaire ou financier en sa possession, ; que le jugement sera confirmé sur ce point, exception faite de l'astreinte qui sera supprimée ;

- demande liée à la clause de non réaffiliation post-contractuelle (article 15.3 du contrat) :

Considérant que la société Assurtis demande que la société [H] et monsieur [H] respectent cette disposition, que les appelants exposent qu'ils n' ont pas adhéré à un réseau concurrent ;

Considérant que l'obligation de non affiliation à un autre réseau articulé ou organisé sur un concept et un savoir-faire similaire ou semblable à celui d'Assurtis pendant une année après l'extinction du contrat dans un rayon de 100 kilomètres pour le franchisé ou son dirigeant doit être examinée au regard des circonstances de l'espèce ; que selon les écritures d'Assurtis, le contrat a cessé ses effets en novembre 2010, de sorte que la demande tendant au respect de la clause de non affiliation est sans objet ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement sur l'obligation de respect de l'article 18 du contrat de franchise sous astreinte, sur les obligations des articles 15.3-2 et 15.3-3 du contrat de franchise,

Statuant à nouveau,

Dit n' y avoir lieu à paiement d'une astreinte pour le respect des dispositions de l'article 18 du contrat de franchise,

Dit les obligations de l'article 15.3-2 et de l'article 15.3-3 du contrat de franchise sans objet,

Confirme le jugement pour le surplus,

Déboute les appelants de leurs demandes,

Condamne monsieur [H] et la société [H] à payer à la société Assurtis la somme de 3000 Euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel,

Condamne monsieur [H] et la société [H] aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 11/19868
Date de la décision : 19/02/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°11/19868 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-19;11.19868 ?
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