La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/2014 | FRANCE | N°11/19860

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 19 février 2014, 11/19860


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2014



(n° 65 , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19860







Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 19 Octobre 2011 par le Tribunal de Commerce de PARIS - 19ème Chambre - RG n° 2010090216









APPELANTS



Monsieur [J] [C]

[A

dresse 2]

[Localité 3]







SARL ABP COURTAGE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentés par Me Alain FISSELIER ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2014

(n° 65 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19860

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 19 Octobre 2011 par le Tribunal de Commerce de PARIS - 19ème Chambre - RG n° 2010090216

APPELANTS

Monsieur [J] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

SARL ABP COURTAGE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentés par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistés de Me Charlotte BELLET et Me Rodolphe PERRIER de la SCP THREARD- BOURGEON-MERESSE & Associés, avocats au barreau de PARIS, toque : P 166

INTIMÉE

LA SOCIÉTÉ ASSURTIS agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

Assistée de Me Yves REINHARD de la SCP LAMY & ASSOCIÉS et Me Nicolas BES, de la SCP BES-SAUVAIGO & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 décembre 2013, en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par Madame Françoise COCCHIELLO, Président, chargée d'instruire l'affaire, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de Procédure Civile devant la Cour composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Président, rédacteur

Madame Irène LUC, Conseiller

Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Président et par Madame Denise FINSAC, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

******

Rappel des faits et de la procédure

En 2004, le groupe April spécialiste de l'assurance et le groupe Laser Cofinoga spécialisé dans le crédit à la consommation se sont rapprochés pour étudier la mise en place d'un réseau de distribution de contrats d'assurance et de crédits à la consommation sous une enseigne unique ' Assurtis'.

La société anonyme Assurtis, créée en 2005, a mis en place la distribution de ces produits dans le cadre d'un réseau de franchise.

Courtier en assurances, monsieur [C] a été intéressé par le concept Assurtis.

Monsieur [C] été destinataire d'un document d'information précontractuelle et d'une étude de zone. Le 6 avril 2006, monsieur [C] et la société Assurtis ont signé un contrat de franchise pour l'exploitation d'un cabinet de courtage en assurances à [Localité 3].

Le 29 juin 2006, la société à responsabilité limitée ABP Courtage, représentée par monsieur [O], a conclu un contrat de franchise avec la société Assurtis pour l'exploitation d'une agence à [Localité 4].

Le 12 septembre 2008, monsieur [C] a racheté l'intégralité des parts de la société ABP Courtage. Le contrat de franchise de la société ABP Courtage a été prorogé de trois ans à cinq ans sur la demande de monsieur [C] par la société Assurtis.

Le 26 mai 2010, la société ABP Courtage a fait savoir à la société Assurtis qu'elle mettait fin à leurs relations contractuelles.

Le 22 décembre 2010, la société ABP Courtage et Monsieur [C] ont assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société Assurtis pour résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs.

Par jugement du 19 octobre 2011, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit [J] [C] irrecevable à demander la résiliation ou la nullité du contrat mais recevable à demander l'indemnisation de son préjudice personnel ;

- débouté la société à responsabilité limitée ABP Courtage et [J] [C] de toutes leurs demandes ;

- débouté la société anonyme Assurtis de sa demande de résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société ABP Courtage et de sa demande de dommages et intérêts ;

- dit que la société ABP Courtage devra mettre en 'uvre les dispositions de l'article 18 du contrat de franchise dans les 15 jours de la signification du présent jugement, et ce sous astreinte de 100 Euros par jour de retard pendant une période de 45 jours à l'issue de laquelle il pourra de nouveau être fait droit ;

- dit que la société ABP Courtage et [J] [C] demeurent soumis aux dispositions des articles 15.3-2 et 15.3-3 du contrat de franchise ;

- condamné in solidum la société ABP Courtage et [J] [C] à payer à la société Assurtis la somme de 5 000 Euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné in solidum la société ABP Courtage et [J] [C] aux dépens.

Le 7 novembre 2011, la société ABP Courtage et [J] [C] ont interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions du 8 novembre 2013 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé plus ample des moyens, la société ABP Courtage et [J] [C] demandent à la cour de :

- débouter la société Assurtis de ses moyens d'irrecevabilité ;

- constater que la société ABP Courtage est recevable dans son action ;

- dire et juger que Monsieur [C] est recevable et bien-fondé dans son action personnelle ;

- dire et juger que la société Assurtis a vicié le consentement de monsieur [C] et de la société ABP Courtage par l'effet du dol commis par cette dernière en :

- ne dressant pas l'état local du marché des produits (assurance et crédit), objets du contrat sur la ville de [Localité 4] dans laquelle Monsieur [C] n'avait jamais habité, ni travaillé.

- ne déterminant pas les perspectives de développement sur la durée du contrat.

- dire et juger que la société Assurtis s'est rendue coupable de manquements précontractuels avérés ayant conduit Monsieur [C] et la société ABP Courtage à entrer dans les liens de la franchise avec Assurtis sur la base d'un consentement vicié.

- dire et juger que la société Assurtis s'est rendue coupable de graves manquements contractuels en :

- durcissant les conditions d'accès au crédit.

- violant son obligation d'assistance.

- manquant gravement à l'exécution loyale et de bonne foi du contrat.

En conséquence :

- condamner la société Assurtis à payer à la société ABP Courtage la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de mieux investir ses fonds, de développer sa clientèle et de parvenir aux objectifs fixés.

- condamner la société Assurtis à payer à [J] [C] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de mieux investir ses fonds et de percevoir une juste rémunération de ses efforts.

- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs de la société Assurtis,

- dire et juger que Monsieur [C] et la société ABP Courtage sont recevables et fondés

à opposer une exception d'inexécution,

- débouter la société Assurtis de toutes ses demandes aussi irrecevables que mal fondées,

- dire que les condamnations pécuniaires mises à la charge de la société Assurtis porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation, valant mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du Code civil,

- condamner la société Assurtis aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 12 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 9 décembre 2013 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la société Assurtis demande à la cour de :

- confirmer le jugement critiqué,

- déclarer Monsieur [C] et la société ABP Courtage irrecevables en l'ensemble de leurs demandes,

- déclarer la société Assurtis recevable et bien fondée dans sa demande reconventionnelle,

En toutes hypothèses,

In limine litis,

- déclarer les appelants irrecevables en leurs prétentions nouvelles,

- déclarer Monsieur [C] irrecevable en ses prétentions présentées à titre personnel,

Sur le fond,

1° Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance,

- déclarer Monsieur [C] et la société ABP Courtage irrecevables dans leur demande ,

- débouter Monsieur [C] et la société ABP Courtage de l'ensemble de leurs demandes en réparation de la perte d'une chance,

- constater que la société Assurtis n'a commis aucun agissement constitutif de dol,

- dire que la société Assurtis n'a commis aucun manquement dans ses obligations précontractuelles qui serait de nature à engager sa responsabilité ; notamment dire :

- que ni l'expérimentation préalable du concept, ni l'étude de marché ne sont des éléments obligatoires au regard des textes ;

- qu'aucun compte d'exploitation prévisionnel n'a été remis au franchisé par Assurtis, cette exigence n'étant pas requise par les textes ;

- et qu'en matière de franchise, aucune obligation de rentabilité n'est imposée au franchiseur ;

- constater que les manquements allégués n'ont pu, en toutes hypothèses, vicier le consentement du candidat à la franchise compte tenu du caractère particulièrement aguerri de ce dernier ;

- débouter en tout état de cause monsieur [C] et la société ABP Courtage de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires ;

- dire que monsieur [C] et la société ABP Courtage mal fondés en leurs demandes en réparation d'une perte de chance de ne pas contracter, de faire une meilleure utilisation de ses ressources, d'obtenir des gains, de réaliser des objectifs et encore de développer sa clientèle ;

- dire que monsieur [C] et la société ABP Courtage mal fondés en leurs demandes en réparation d'une perte de chance de mieux investir ses fonds et de percevoir une «'juste'» rémunération ;

- dire en toute hypothèse que la preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité avec les manquements reprochés n'est pas établie ;

2° Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts de la société Assurtis :

- débouter Monsieur [C] et la société ABP Courtage de l'ensemble de leurs demandes tendant à la résiliation du contrat aux torts d'Assurtis ;

- dire que la société Assurtis a rempli ses obligations contractuelles et qu'elle ne s'était jamais engagée contractuellement sur les conditions d'accès au crédit qui n'étaient pas de son ressort, ce dont le franchisé avait été informé ;

- dire que la société Assurtis a rempli son obligation d'assistance et a même intensifié son effort pour faire face à la crise économique ainsi qu'en attestant les nombreuses actions menées par cette dernière ;

- constater que la société Assurtis a exécuté loyalement le contrat de franchise ;

- dire que monsieur [C] et la société ABP Courtage ne rapportent pas la preuve d'un préjudice en lien de causalité avec les manquements reprochés dans l'exécution du contrat, ni d'un préjudice distinct de celui sollicité au titre d'une perte de chance lors de la conclusion du contrat ;

- les débouter en conséquence de toutes leurs demandes indemnitaires ;

3° Sur les demandes reconventionnelles de la société Assurtis :

- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société ABP Courtage pour violation des dispositions contractuelles ;

condamner monsieur [C] et la société ABP Courtage à payer à la société Assurtis la somme de 12 002,08€ à titre de dommages et intérêts correspondants aux redevances dues jusqu'au terme du contrat de franchise ;

- dire que monsieur [C] et la société ABP Courtage demeurent soumis aux stipulations spécifiques des articles 15.3-2 et 15.3-3 du contrat de franchise ;

- dire que la société ABP Courtage devra mettre en 'uvre les stipulations de l'article 18 du contrat de franchise sur «'les effets de la cessation du contrat'» et ce sous astreinte de 1.000 € (mille euros) par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;

A titre subsidiaire,

- prononcer la compensation des sommes dues par le franchisé au titre de l'exécution du contrat avec les sommes éventuellement dues par Assurtis au titre des effets de la résiliation du contrat ;

En tout état de cause,

- condamner monsieur [C] et la société ABP Courtage aux entiers dépens et à payer à la société Assurtis la somme de 20 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE :

1) Sur les irrecevabilités :

a ) sur la recevabilité de la demande de dommage-intérêts de la société ABP Courtage :

Considérant que la société Assurtis soutient que la demande de dommages-intérêts pour défaut d'information précontractuelle qui est substituée à la demande initiale d'annulation du contrat par les appelants est nouvelle, les fins n'étant pas les mêmes, qu'elle est par conséquent irrecevable, que les appelants ne se prononcent pas sur ce point, sinon en invoquant la liberté de choisir leur stratégie procédurale ;

Considérant que la société Assurtis a été assignée devant le tribunal de commerce de Paris principalement pour voir prononcer la résiliation du contrat de franchise et condamner la société Assurtis à payer à la société ABP Courtage des dommages-intérêts correspondant aux sommes versées pour le droit d'entrée, les investissements spécifiques non amortis, les comptes courants, les pertes subies et pertes de chances, subsidiairement, pour voir prononcer la nullité du contrat, ordonner les restitutions à la société ABP Courtage, condamner Assurtis à payer à la société ABP Courtage diverses sommes à titre de dommages-intérêts ; qu'actuellement, la société ABP Courtage demande des dommages-intérêts au titre du dol et au titre de l'inexécution par la société Assurtis de ses obligations contractuelles ;

Considérant que la société ABP Courtage est maître de ses choix procéduraux ; que l' ordre dans lequel elle forme ses demandes relève de sa «stratégie procédurale» dont la cour n'a pas à apprécier l'opportunité, la cohérence ou la contradiction, dès lors que les changements opérés n'induisent aucunement la société Assurtis en erreur sur ses intentions véritables ;

Considérant enfin que la substitution d'une demande de dommages-intérêts à une demande d'annulation qui était faite subsidiairement ne peut être considérée comme nouvelle, dans la mesure où elle a pour objet la réparation des préjudices résultant des mêmes agissements reprochés à la société Assurtis lors de la formation du contrat, qu'elle tend «globalement» aux mêmes fins que la demande initiale ;

b) recevabilité de la demande faite par monsieur [C] à titre personnel :

Considérant que la société Assurtis soutient que seule la société ABP Courtage peut agir en nullité ou en résiliation du contrat et que monsieur [C] personne physique est irrecevable à cette fin, qu'il ne peut non plus agir pour obtenir réparation sans justifier d'un préjudice véritablement subi distinct de celui de la société ABP Courtage, d'une faute et d'un lien de causalité, sauf à entériner une double indemnisation au profit de monsieur [C] et de la société ABP Courtage ; que monsieur [C] fait valoir qu'il est tiers victime de l'inexécution de ses obligations par la société Assurtis et qu'il n'a pas à démontrer «une faute distincte de l'inexécution contractuelle», que son préjudice a consisté pour lui en une «perte de chance de faire une meilleure utilisation de ses fonds» et alors qu'il n'a perçu aucune rémunération pendant 24 mois ;

Considérant toutefois que quelque soit le bien fondé de la demande qu'il peut faire, monsieur [C], tiers au contrat, peut agir en responsabilité contre la société Assurtis si celle-ci, par ses manquements contractuels lui a causé un préjudice, ce qu'il allègue en l'espèce ; que sa demande est recevable ;

Considérant que pour ces motifs, les moyens tirés de l'impossible cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle développés par la société Assurtis qui estime que les appelants ne peuvent prétendre que «'les multiples manquements de la société Assurtis sont clairement à l'origine de leur préjudice'» ' «'sans distinguer le préjudice résultant des prétendus manquements délictuels de ceux des prétendus manquements contractuels'», et demander réparation pour la perte de chance d'obtenir des gains et pour la perte de chance de ne pas contracter ou de réaliser un meilleur investissement, ce qui traduit un défaut de distinction du préjudice induit par les manquements qui lui sont reprochés, soit au titre de l'information précontractuelle, soit au titre de l'exécution du contrat, seront examinés ultérieurement, le cas échéant ;

2) Sur la demande de dommages-intérêts pour vice du consentement :

Considérant que cette demande relève de la responsabilité délictuelle éventuelle de la société Assurtis ;

Considérant que, rappelant les dispositions des articles 1116 du Code civil, L 330-3 et R 330-1 du code de commerce, la société ABP Courtage soutient que la société Assurtis n'a pas présenté sincèrement et complètement l'état local du marché de [Localité 4] en «lien avec ses produits en assurance et crédit et les perspectives de développement sur la durée du contrat», alors qu'elle l'invitait à exploiter une agence à [Localité 4] ;

Considérant que l'intimée qui indique n'avoir commis aucune faute, rappelle que doivent être rapportés la volonté du cocontractant de tromper et le caractère déterminant des man'uvres, que le préjudice indemnisable est la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'en l'espèce, le dol, la réticence dolosive ne peuvent lui être reprochés, qu'elle soutient que les appelants dénaturent les textes et les faits, qu'elle a donné en toute transparence et loyauté toutes les informations utiles lors de la phase précontractuelle ;

Considérant que l'article L 330-0 du code de commerce précise : ' Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie une document donnant les informations sincères, qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause' ;

Considérant que l'article R 330-1 du code de commerce précise : ' Le document prévu au premier alinéa de l'article premier de la loi du 31 décembre 1989 susvisé doit contenir les informations suivantes :

- la date de la création avec un rappel des principales étapes de son évolution; y compris celle du réseau d'exploitants s'il y a lieu ainsi que toutes les indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou ses dirigeants. Les informations données ne peuvent porter que sur les 5 dernières années qui précédent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché....Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels....

- une présentation du réseau des exploitants qui comporte la liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu, l'adresse des entreprises établies en France ,

- la date de conclusion de ses contrats, le nombre d'entreprise qui étant liées par un contrat de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé.... ',

- que ce texte définit de manière détaillée les informations tant juridiques qu' économiques que le franchiseur doit fournir ;

Considérant que ces textes issus de la loi Doubin visent à permettre au candidat à la franchise de s'engager en toute connaissance de cause aux obligations qui découlent du contrat de franchise ;

Considérant que les explications écrites des parties invitent la cour à observer les seules circonstances dans lesquelles monsieur [C] a acquis les parts de la société ABP Courtage et poursuivi l'exécution du contrat de franchise qu'elle avait signé avec la société Assurtis en 2006 et qu'elle entendait résilier en mai 2008 en raison des difficultés financières qu'elle rencontrait ;

Considérant que selon acte sous seing privé du 12 septembre 2008 [R] [O], [Q] [S] ainsi que la société à responsabilité limitée AGE Courtage ont cédé à monsieur [C] pour le prix d'un Euro les 1000 parts du capital social de la société ABP Courtage qui exploitait à [Localité 4] une franchise Assurtis ; que les mails échangés avant l'acquisition des parts par monsieur [C] et la société Assurtis faisaient état de la nécessité de «redynamiser» le point de vente, d' «plan de relancement' de l'agence», que monsieur [C] avait ainsi demandé par mail du 5 juin 2008 : «'je vous tiens au courant de l'affaire par contre y aurait-il une possibilité d'un budget pub pour redynamiser le point de vente ''''' je ne demande pas la lune mais un truc, une idée.... enfin, bref histoire de se sentir épaulé» ; que monsieur [C] demandait le 25 juillet 2008 que le contrat soit prorogé de trois années ;

Considérant que le contrat de franchise signé par Assurtis et la société ABP Courtage précisait en son article 16.1 qu'en cas de modification dans le contrôle, la propriété, la gérance ou la direction du franchise pour quelque cause que ce soit ayant fait l'objet d'un accord du franchiseur, un nouveau contrat serait signé ou un avenant au contrat de franchise serait établi ; que si aucun document n'est produit par les parties, qu'il s'agisse d'un nouveau contrat, d'un avenant, il apparaît toutefois que l'opération exigeait que soit remis, en application des dispositions des articles L 330-3 et R 330-1 du code de commerce, un document d'information précontractuel à monsieur [C], ce qui en l'espèce n'a pas été fait ; que toutefois, l' expérience de monsieur [C] de collaborateur, d'agent commercial chez un agent d'assurance à [Localité 2] entre 1992 et 1998, puis de courtier d'assurance depuis 1998 exploitant un cabinet dans l'île de Ré puis à [Localité 3], son exploitation du concept Assurtis sur la région de [Localité 2] par un contrat qu'il avait signé deux ans auparavant avec la société Assurtis lui permettaient de connaître les enjeux de l' investissement sur [Localité 4] ; qu'en acquérant les parts de la société ABP Courtage pour un Euro, tout en sachant que l'agence de [Localité 4] devait être «relancée», «redynamisée», il n'a pourtant pas estimé nécessaire de se livrer à une étude de marché sur la ville de [Localité 4] qu'il ne connaissait pas ; qu'il s'en déduit que l'information sur le marché local n'était pas manifestement un élément essentiel et déterminant pour lui ;

Considérant que les appelants doivent être déboutés de leur demande ;

3 ) Sur la résiliation du contrat :

Considérant que les parties se reprochent mutuellement des manquements à leurs obligations ;

Considérant que la société ABP Courtage reproche à Assurtis d'avoir durci les critères d'accès au crédit et d'avoir manqué à son devoir d'assistance ; que la société Assurtis le conteste ;

Considérant que les dispositions du contrat de franchise précisaient : «les conditions d'accès au crédit sont fixées par ses partenaires sans qu'elle puisse intervenir» ( article 12.1) et «La gamme de produits est susceptible de variation en fonction de l'évolution du marché.» (article 11), que la société Assurtis n'est pas à l'origine de la décision de durcir les conditions d'octroi de crédit à la consommation qui ressortait de la compétence d'un tiers, son actionnaire la société Mediatis ; que par ailleurs, cette décision a été imposée par une évolution nécessaire ( notamment liée à l'obligation faite au préteur d'informer l'emprunteur) devant la crise financière de 2008-2009 «d'une ampleur sans précédent en 45 ans de suivi statistique de l'activité», constatée par les franchisés Assurtis aux-mêmes et correspondant à la prévision de l'article 11 ; que la société ABP Courtage pouvait, en application des termes de l'article 12.1.3 du contrat, faire appel à d'autres partenaires du crédit pour les produits ou les services de la gamme obligatoire en cas de refus de la société Assurtis ;

Considérant enfin que la société ABP Courtage soutient que la société Assurtis ne l'a pas assistée lorsqu'elle était en difficulté et n'a pas préconisé des mesures pour faire face et réaliser les prévisions en terme de chiffre d'affaires ; que la société Assurtis qui reconnaît qu'elle avait une «faible notoriété au niveau national» justifie par les pièces qu'elle verse aux débats notamment avoir élaboré un plan marketing pour l'ensemble du réseau, mis en place des opérations promotionnelles, fait des communications nationales importantes en 2008 et 2009, accompagné les franchisés en lançant deux plans d'accompagnement des franchisés au cours des années 2008 et 2009 proposant la gratuité de trois mois pour les redevances de fonctionnement, l'octroi d'une sur-commission sur les regroupements de crédits, lançant de nouveaux produits, qu'elle a proposé des réunions, assuré le suivi de l'activité du réseau ; qu'il ne peut être reproché à la société Assurtis qui a fourni des efforts pour soutenir ses franchisés un défaut d'assistance ; qu'aucune comparaison valable ne peut non plus être faite avec la société Crédit Services qui selon ABP Courtage aurait permis à ses franchisés de survivre la crise alors que, sans être contredite sur ce point par la société ABP Courtage, la société Assurtis justifie que la société Crédit Services n'avait pas de franchisés avant 2009 ;

Considérant que la société Assurtis reproche à la société ABP Courtage d'avoir brutalement, sans respect des termes de l'article 17.2 du contrat, résilié celui-ci le 26 mai 2010, sans préavis ;

Considérant que le contrat signé par Assurtis et ABP Courtage le 29 juin 2006 avait une durée de cinq ans, prorogée sur demande de monsieur [C] d'une durée de trois ans, que dès lors qu'aucune faute contractuelle n'est établie à l'encontre de la société Assurtis, la résiliation dont la société ABP Courtage a eu l'initiative dans ces circonstances est fautive ;

Considérant que la résiliation doit être prononcée aux torts du franchisé ;

4) Sur les conséquences de la résiliation :

Considérant que la société Assurtis fait plusieurs demandes :

- demande de dommages-intérêts correspondant aux redevances restant à courir jusqu'au 28 juin 2014 ( 12 008, 08 Euros) :

Considérant que la société Assurtis qui expose que la société ABP Courtage a résilié le contrat en juin 2010, sollicite la condamnation de celle-ci à lui payer des dommages-intérêts représentant les redevances dues jusqu'au terme normal du contrat en juin 2014 ; que la société ABP Courtage refuse un tel paiement ; qu'elle explique en effet, sans que l'intimée la contredise sur ce point, que la société Assurtis a cessé d'exploiter ce réseau en novembre 2010 ; que la société Assurtis ne justifie pas que cette cessation est la conséquence de la «fronde» de plusieurs franchisés notamment de la société ABP Courtage ; que dès lors, elle ne saurait demander à ABP Courtage de payer des redevances jusqu' au terme normal du contrat sinon jusqu'en novembre 2010 ; que compte tenu des documents produits sur le montant des redevances versées en 2008 et 2009 par ABP Courtage, il y a lieu de fixer la somme due à ce titre à la somme de 4000 Euros ;

- demande de retrait des signes distinctifs et restitution des ceux-ci ( article 18 du contrat) :

Considérant que la société Assurtis demande le respect de ce texte sous astreinte, que si la société ABP Courtage expose n' avoir commis aucun manquement sur ce point, elle ne justifie pas respecté les obligations que lui impose ce texte, notamment le dépôt d'enseigne, la remise de tous les documents, cartes nominative de démarchage bancaire ou financier en sa possession ; que cette obligation sera réaffirmée sans astreinte ;

- demande liée à la clause de non réaffiliation post-contractuelle (article 15.3 du contrat) :

Considérant que la société Assurtis demande que la société ABP Courtage respecte cette disposition, que la société ABP Courtage soutient ne pas avoir adhéré à un réseau concurrent ;

Considérant que l'obligation de non affiliation à un autre réseau articulé ou organisé sur un concept et un savoir-faire similaire ou semblable à celui d'Assurtis pendant une année après l'extinction du contrat dans un rayon de 100 kilomètres pour le franchisé ou son dirigeant doit être examinée au regard des circonstances de l'espèce ; que la cour constate qu' à la suite de la cessation du contrat en juin 2010, la demande tendant au respect de la clause invoquée par Assurtis se trouve sans objet ; que la demande de la société Assurtis sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement,

Prononce la résiliation du contrat aux torts de la société ABP Courtage,

Condamne la société ABP Courtage à payer à la société Assurtis la somme de 4000 Euros à titre de dommages-intérêts,

Dit que l'obligation visée à l'article 15.3 du contrat de franchise est sans objet,

Dit que la société ABP Courtage devra mettre en 'uvre les dispositions de l'art 18 du contrat de franchise,

Déboute la société ABP Courtage et monsieur [C] de leurs demandes,

Condamne monsieur [C] et la société ABP Courtage à payer à la société Assurtis la somme de 5000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne monsieur [C] et la société ABP Courtage aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 11/19860
Date de la décision : 19/02/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°11/19860 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-19;11.19860 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award