Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRÊT DU 11 FEVRIER 2014
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/10476
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Avril 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/17361
APPELANTE
Madame [M] [T] née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 2] (Bénin, ancien Dahomey)
COMPARANTE
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Jacques MONTACIE de la SCP Société Civile Professionnelle d'avocats HUVELIN & associés, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : R285
assistée de Me Stéphanie CALVO, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : J 138
INTIME
Le MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet au [Adresse 2]
représenté par Madame TRAPERO, subtitut général
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 7 janvier 2014, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur ACQUAVIVA, Président
Madame GUIHAL, Conseillère
Madame DALLERY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame PATE
MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame TRAPERO, substitut général, qui a développé oralement ses conclusions écrites
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 11 avril 2013 qui a constaté qu'un certificat de nationalité française avait été délivré à tort à Mme [M] [V] [T] et dit que l'intéressée n'était pas française;
Vu l'appel et les conclusions du 4 décembre 2013 de Mme [T] qui demande à la cour, principalement, de constater la tardiveté de l'action négatoire engagée par le ministère public, subsidiairement, d'infirmer le jugement et de dire qu'elle est française, et en toute hypothèse, de condamner l'Etat à lui payer la somme de
3 588 euros TTC en application de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu les conclusions du ministère public du 6 décembre 2013 tendant à la confirmation de la décision entreprise;
SUR QUOI :
Sur la fin de non-recevoir :
Considérant que l'article 29-3 du code civil n'enferme l'action négatoire du ministère public dans aucun délai; que la fin de non-recevoir tirée de ce que cette action a été engagée en l'espèce plus de six ans après la délivrance d'un certificat de nationalité française ne peut donc qu'être rejetée;
Sur le fond :
Considérant que si, en matière de nationalité, la charge de la preuve incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux règles en vigueur, il en est autrement lorsque, ayant été délivré de manière erronée, le certificat a perdu toute force probante; qu'en ce cas, il appartient à celui dont la nationalité est en cause d'établir qu'il est français à un autre titre;
Considérant qu'un certificat de nationalité française a été délivré à Mme [M] [V] [T], née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 2] (Bénin, ancien Dahomey) sur le fondement de l'article 17 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, en retenant que l'intéressée est la fille d'[L] [E] [T] et d'[U] [J] [S] [K], née le [Date naissance 2] 1934 à [Localité 3] (Dahomey), elle-même fille de [G] [H] [A] [N], née le [Date naissance 3] 1911 à [Localité 3] (Dahomey), laquelle s'est vu reconnaître la qualité de Française par un arrêt de la cour d'appel de Dakar du 10 septembre 1943 au motif que son arrière grand-père, demeuré légalement inconnu est présumé de souche européenne;
Considérant que l'action négatoire formée par le procureur de la République devant le tribunal de grande instance de Paris a été accueillie par le jugement entrepris;
Considérant que si les métis et leurs descendants doivent être assimilés aux originaires ou descendants d'originaires du territoire de la République française qui ont, en application de l'article 32 du code civil, conservé de plein droit la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance des anciens territoire d'outre-mer d'Afrique noire, c'est à la condition qu'ils aient fait l'objet, en application du décret du 30 septembre 1930 en ce qui concerne l'Afrique occidentale française, d'une décision judiciaire leur reconnaissant la qualité de citoyen français comme nés de parents, dont l'un demeuré légalement inconnu, était présumé d'origine française ou de souche européenne, dès lors qu'il ne résulte pas expressément de cette décision que ce parent était étranger; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Dakar du 10 septembre 1943 que [G] [N], grand-mère alléguée de l'appelante, a été reconnue française comme fille d'un père demeuré légalement inconnu, de souche européenne, présumé d'origine portugaise;
Considérant que le ministère public établit donc que c'est de manière erronée qu'a été délivré à Mme [T] un certificat de nationalité française fondé sur la conservation de plein droit de cette nationalité lors de l'accession du Dahomey à l'indépendance;
Que, dès lors, conformément à l'article 30 susvisé du code civil, la charge de la preuve pèse sur l'appelante;
Considérant que celle-ci produit un jugement du tribunal de première instance d'Ouidah (Bénin) du 1er novembre 1982 ordonnant la rectification des actes de naissance et de mariage de diverses personnes qui seront désormais désignées sous le patronyme d'[D] aux lieu et place [N];
Mais considérant que ce jugement, qui ne mentionne pas, parmi les bénéficiaires, Mme [G] [N] et qui ne saurait faire la preuve d'une filiation avec son ancêtre prétendu, [X] [D], n'établit pas que l'intéressée est descendante d'originaires du territoire de la République française tel qu'il était constitué le 28 juillet 1960;
Que cette preuve ne résulte pas davantage de la production d'un ouvrage sur la famille de [F] suivant laquelle [L] [D] serait vraisemblablement un descendant de [Y] [D], directeur du comptoir français de Juda de 1766 à 1788;
Que, dès lors, Mme [U] [J] [S] [K], mère alléguée de Mme [T], a perdu la nationalité française le 1er août 1960, date de l'indépendance du Dahomey, faute de souscription d'une déclaration récognitive; qu'il en va de même de l'intéressée, mineure de 18 ans à cette même date et qui a été saisie par la loi de nationalité béninoise;
Considérant qu'il convient de confirmer le jugement qui a constaté son extranéité et de rejeter la demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement.
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Condamne Mme [T] aux dépens.
Rejette la demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT