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06/02/2014 | FRANCE | N°12/11924

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 06 février 2014, 12/11924


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 06 Février 2014

(n° 13 , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/11924



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - Section activités diverses - RG n° 12/00052





APPELANT

Monsieur [O] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Nat

halie LEHOT, avocat au barreau d'ESSONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/032421 du 27/09/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 06 Février 2014

(n° 13 , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/11924

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - Section activités diverses - RG n° 12/00052

APPELANT

Monsieur [O] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Nathalie LEHOT, avocat au barreau d'ESSONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/032421 du 27/09/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

SARL ASER

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Vanessa FRIEDLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : B1100

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 octobre 2013 , en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A la suite de la reprise de son contrat de travail, Monsieur [W] a été embauché par la SARL ASER SECURITE, en vertu d'un avenant à son contrat de travail du 1er janvier 2007, avec reprise d'ancienneté au 22 décembre 2001, en qualité d'agent d'exploitation ERP 1.

Il exerçait sa profession sur le site du centre commercial EVRY 2, dès avant la reprise de son contrat de travail par la SARL. Il est salarié protégé, en qualité de délégué du personnel.

Sa rémunération moyenne brute était de 1.447, 57 €, lors de la rupture de son contrat de travail .

La SARL emploie plus de 11 salariés. La convention collective applicable est celle de la prévention et sécurité.

Le 4 juin 2008, Monsieur [W] a été autorisé à exercer ses fonctions par la Préfecture du Val de Marne.

Le 28 janvier 2011, Monsieur [W] a été avisé, par la Préfecture du Val d'Oise, du fait qu'il n'était pas autorisé à exercer ses fonctions.

Le 14 avril 2011, Monsieur [W] a été mis à pied à titre conservatoire.

Le 26 avril 2011, la Préfecture du Val d'Oise a avisé la SARL de l'interdiction faite à Monsieur [W], mais a délivré à ce dernier une carte d'agent de sécurité. Monsieur [W] a présenté cette carte à la SARL le 3 mai 2011, sa mise à pied conservatoire prenant, alors, fin.

Par lettre du 3 mai 2011, Monsieur [W] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le 21 juillet 2011, l'Inspection du travail a refusé ce licenciement.

Le 28 juillet 2011, Monsieur [W] s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire couvrant la période du 15 au 30 avril précédents, avec retenue de salaire.

Le 20 septembre 2011, un client du centre commercial d'[Localité 2] où travaillait Monsieur [W] a commis un vol.

Le 27 octobre 2011, la SARL, estimant que Monsieur [W] n'avait pas respecté, à cette occasion, la procédure prévue en cas de vol et l'a muté, à titre disciplinaire, sur un site d'Ivry sur Seine.

Le 2 novembre 2011, Monsieur [W] a demandé l'annulation de cette mutation.

Le 7 novembre 2011, la SARL a constaté que Monsieur [W] n'avait pas rejoint son nouveau poste, a confirmé la mutation de ce dernier et l'a mis en demeure Monsieur [W] de prendre son nouveau poste, à défaut de quoi il s'exposerait à un licenciement.

Le 15 novembre 2011, Monsieur [W] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 novembre suivant.

Le 18 janvier 2012, Monsieur [W] a saisi le Conseil de Prud'hommes d'Evry, aux fins, pour l'essentiel, d'annulation de sa mise à pied disciplinaire prononcée avec effet rétroactif, le 28 juillet 2011, d'annulation de sa mutation disciplinaire et d'indemnisation pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

Le 2 mars 2012, l'Inspection du travail a refusé d'autoriser licenciement de Monsieur [W].

Par jugement en date du 29 novembre 2012, le Conseil de Prud'hommes d'Evry a :

- débouté Monsieur [W] de ses demandes,

- débouté la SARL de sa demande fondée sur l'article 700 du CPC,

- laissé les dépens à la charge de Monsieur [W].

A compter du 22 mars et jusqu'au 31 décembre 2012, Monsieur [W] a été en arrêt de travail, pour maladie.

Le 19 décembre 2012, Monsieur [W] a interjeté appel du jugement précité.

Le 14 janvier 2013, il a été déclaré apte à la reprise de son poste, par le médecin du travail.

Le 10 février 2013, Monsieur [W] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Présent et assisté par son Conseil, Monsieur [W] a, à l'audience du 10 octobre 2013, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles il demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- de prononcer l'annulation de la sanction disciplinaire d'avril 2011,

- de prononcer l'annulation de la sanction de mutation disciplinaire de novembre 2011,

- de dire que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en raison des manquements de la SARL, produit les effets d'un licenciement nul,

- de condamner la SARL à lui verser les somme suivantes :

- 2.895, 14 €, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3.120, 32 , à tire d'indemnité de licenciement,

- 22.000 €, à titre de dommages et intérêts pour la prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul,

- 664, 65 €, à titre de rappel de salaire sur la mise à pied disciplinaire pour la période du 15 au 30 avril 2011,

- 66, 46 €, au titre des congés payés y afférents,

- 6.514, 06 €, à titre de rappel de salaire pour la période du 7 novembre 2011 au 22 mars 2012,

- 651, 40 €, au titre des congés payés y afférents,

- 11.580, 54 €, au titre du maintien du salaire conventionnel pour la période du 22 mars au 31 décembre 2012 ( période d'arrêt pour maladie )

- '+ 10% pour les congés payés' ou '1.042, 25 €', au titre des congés payés y afférents,

- 1.930, 09 €, à titre de rappel de salaire, pour la période du 1er janvier 2013 au 10 février 2013, date de prise d'acte,

- 193, 01 €, au titre des congés payés y afférents,

- 34.741, 68 €, à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur,

- d'ordonner la remise sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, des documents suivants :

- bulletins de paie conformes des mois d'avril 2011, juin 2012 à février 2013, attestations de salaire pour la période du 22 mars au 31 décembre 2012,

- 3.000 €, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- de condamner la SARL aux dépens, incluant le timbre fiscal de 35 € et les frais d'exécution éventuelle par voie d'huissier de la décision à intervenir, notamment les frais de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996, portant tarification des actes d'huissiers,

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- de dire que les sommes allouées seront productives des intérêts de droit.

Représentée par son Conseil, la SARL a, à cette audience du 10 octobre 2013, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles elle demande à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a :

- dit que la mise à pied disciplinaire de Monsieur [W] était justifiée et débouté Monsieur [W] de ses demandes,

- dit que mutation disciplinaire de Monsieur [W] était justifiée et débouté Monsieur [W] de ses demandes,

- de dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, par Monsieur [W], produit les effets d'une démisson,

- de condamner Monsieur [W] à lui verser la somme de 2.895, 14 €, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- de condamner Monsieur [W] à lui verser la somme de 5.000 €, à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail,

- de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté Monsieur [W] de sa demande de maintien du salaire conventionnel pendant son arrêt pour maladie,

- de réformer le jugement entrepris, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

- de condamner Monsieur [W] à lui verser la somme de 5.000 €, pour exécution déloyale de son contrat de travail,

En tout état de cause,

- de condamner Monsieur [W] à lui verser la somme de 3.000 €, sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- de condamner Monsieur [W] aux dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux écritures, visées le 10 octobre 2013, et réitérées oralement à l'audience.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la demande d'annulation de 'la sanction disciplinaire d'avril 2011'

Considérant que, pour réclamer l'annulation de la mise à pied disciplinaire dont il a fait l'objet, Monsieur [W] fait valoir, en substance, que l'autorisation d'exercer qui lui avait été donnée, en 2008, n'était pas limitée dans le temps, que n'ayant commis aucun fait nouveau depuis ceux, en dépit desquels cette autorisation lui avait été délivrée, il était persuadé qu'il restait titulaire de cette autorisation, que le refus qui lui a été opposé par la Préfecture du Val d'Oise l'a été dans l'ignorance de cette précédente autorisation, qu'il démontre avoir, pendant le temps de sa mise à pied conservatoire, accompli les démarches demandées par son employeur, que ces démarches ont abouti à ce que lui soit délivrée la carte professionnelle nécessaire à l'exercice de son activité, que le refus d'autorisation de licenciement prononcé par l'Inspection du travail ayant annulé la mise à pied conservatoire, la SARL ne pouvait pas lui notifier une mise à pied disciplinaire couvrant la période de mise à pied conservatoire ;

Que la SARL, pour s'opposer à cette demande, fait valoir, en substance, que Monsieur [W] n'était plus autorisé à exercer ses fonctions depuis le 28 janvier 2011, que l'existence d'une autorisation antérieure, délivrée par la Préfecture du Val de Marne, était, à cet égard, inopérante, puisque l'agrément du salarié lui avait été 'retiré' par le Préfet du Val d'Oise, que le salarié n'avait pas formé de recours contre le refus opposé par ce Préfet, que Monsieur [W] n'entendait pas régulariser sa situation, que le licenciement de ce dernier ayant été refusé par l'Inspection du travail, elle a prononcé à l'encontre du salarié une décision moins importante, que l'autorisation de l'Inspection du travail n'était pas nécessaire pour que soit prononcée cette sanction, que ladite sanction était légitime, Monsieur [W] n'étant pas autorisé à exercer ses fonctions du 28 janvier à la fin du mois d'avril 2011 ;

Considérant que, délégué du personnel, Monsieur [W] était salarié protégé, lorsqu'il a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire et depuis le mois de janvier 2011 ;

Considérant que, dans l'exécution de son travail, le salarié protégé est soumis au pouvoir disciplinaire de l'employeur dans les conditions de droit commun, peut, donc, faire l'objet de sanctions pouvant aller jusqu'au licenciement disciplinaire, dès lors que l'employeur ne se rend pas coupable de discrimination ou du délit d'entrave ; que l'employeur n'a la faculté de prononcer la mise à pied conservatoire d'un salarié protégé que s'il envisage de sanctionner ce dernier pour faute grave ou lourde ;

Considérant qu'il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que, le 4 juin 2008, la Préfet du Val de Marne, a, l'issue d'une enquête concernant les personnels d'entreprise de sécurité privée, autorisé Monsieur [W] a exercer dans le domaine de la sécurité, sur le fondement de la loi N° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, en dépit de ce qu'il avait fait l'objet, le 14 mars 1985 et le 20 octobre 2005, de deux 'procédures' pour des faits de violences, procédures établies à [Localité 2], dont cette lettre ne précisait pas l'issue ;

Que la loi du 12 juillet 1983 stipule que le respect des conditions prévues par elles pour exercer une activité de sécurité est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon les modalités définies par un décret en Conseil d'Etat ;

Qu'un décret du 9 février 2009 a défini les conditions de délivrance de cette carte, par l'un des Préfets de la région dans laquelle le demandeur avait son domicile et, dans la région Ile de France, par l'un des Préfets de département ou par le Préfet de police ;

Que, le 28 janvier 2011, la Préfet du Val d'Oise a écrit à Monsieur [W], qui avait sollicité une telle carte, qu'une enquête administrative avait révélé qu'il était 'connu des services de police et/ou de gendarmerie'dans les affaires, précitées, du 14 mars 1985 et du 20 octobre 2005 et que, de ce fait, il n'était pas en mesure de lui délivrer la carte professionnelle considérée, en informant l'appelant des recours qu'il pouvait exercer ;

Que, le 16 février 2011, Monsieur [W] a transmis au Procureur de la République près le Tribunal d'instance d'Evry la lettre précitée du Préfet du Val d'Oise, en précisant qu'elle faisait référence à des affaires classées, qu'il lui demandait, donc, de bien vouloir lui adresser un document prouvant qu'il n'y avait pas eu de suites dans les affaires citées, car, au commissariat d'Evry, ils n'avaient aucune trace ;

Que la SARL a fait savoir à Monsieur [W], le 14 avril 2011, qu'elle avait déposé, en mars 2009, conformément au décret précité, un dossier le concernant auprès de la Préfecture du Val de Marne habilitée à lui délivrer une carte professionnelle, qu'en dépit de ses demandes, le salarié concerné n'avait pas communiqué ce document, qu'elle avait, le 8 avril 2011, réitéré sa demande auprès de la Préfecture du Val de Marne qui lui avait indiqué qu'aucune carte professionnelle ne lui avait été délivrée et qu'il ne disposait, donc, pas d'autorisation d'exercer ses fonctions, ajoutant ' En conséquence, nous n'avons pas d'autre choix que de prendre à votre égard une mesure de mise à pied conservatoire d'une durée de 15 jours afin que vous puissiez établir les démarches nécessaires et obligatoires à la continuité de votre activité, auprès des services de la Préfecture' ;

Que, le 15 avril 2011, Monsieur [W] a écrit au Procureur de la République, près le Tribunal de Grande Instance d'Evry, aux fins d'effacement, sur le fichier STIC, des mentions des deux procédures ci-dessus évoquées ;

Que, par lettre du 16 avril 2011, il a contesté, auprès de son employeur, la mesure de mise à pied conservatoire dont il avait fait l'objet, invoquant le fait qu'il était titulaire d'une autorisation délivrée par le Préfet du Val de Marne en date du 4 juin 2008, en ajoutant qu'il demandait le paiement de son salaire, du fait de cette mise à pied injustifiée ;

Que, le 26 avril 2011, le Préfet du Val d'Oise a fait savoir au gérant de la SARL, que ce dernier lui ayant indiqué, le 18 avril précédent, qu'il n'avait pas été averti du fait que Monsieur [W] n'était plus autorisé à exercer ses fonctions d'agent de sécurité depuis le 28 janvier 2011, elle avait, alors, informé ce dernier des raisons de son refus, Monsieur [W] n'ayant pas usé de ses voies de recours en temps opportun ; que le Préfet indiquait, à l'intention du gérant de la SARL, qu'il lui appartenait de contrôler qu'une carte professionnelle avait bien été délivrée à Monsieur [W], un télé-service étant à la disposition des employeurs concernés, à cette fin ;

Que le Préfet ajoutait que ce gérant ayant, cependant, joint à sa lettre l'autorisation délivrée à l'appelant, par le Préfet du Val de Marne, le 4 juin 2008, autorisation dont il n'avait, quant à lui, pas eu connaissance et qui visait les deux mêmes procédures, Monsieur [W] ayant obtenu l'autorisation d'exercer et aucun autre fait ne lui ayant été reproché depuis le 4 juin 2008, il acceptait, à titre exceptionnel, que lui soit délivrée une carte professionnelle d'agent de sécurité ;

Que, le 26 avril 2011, Monsieur [W] s'est vu délivrer, par la Préfecture du Val d'Oise, cette carte professionnelle, ayant une date de validité expirant le 25 avril 2016 ;

Que la SARL précise que, le 3 mai 2011, Monsieur [W] lui a présenté ladite carte, qu'elle a mis fin à sa mise à pied conservatoire et l'a autorisé à reprendre ses fonctions ;

Que, cependant, le même jour, la SARL a convoqué Monsieur [W] à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 13 mai suivant ; qu'elle a avisé ce dernier, délégué du personnel, le 19 mai 2011, qu'elle réunissait le comité d'entreprise, aux fins de consultation et a sollicité l'avis de l'Inspection du travail ;

Que, le 21 juillet 2011, l'Inspectrice du travail, faisant état du fait que la SARL avait engagé cette procédure à raison du fait que Monsieur [W] n'avait pas eu, entre janvier et fin avril 2011, l'autorisation d'exercer son métier, aux motifs :

- que la décision du Préfet du Val d'Oise était en contradiction avec l'autorisation d'exercer délivrée par la Préfecture du Val de Marne, le 4 juin 2008, pour les mêmes motifs,

- qu'une autorisation d'exercer avait été délivrée à Monsieur [W] par la Préfecture du Val d'Oise, au vu de l'autorisation délivrée par la Préfecture du Val de Marne,

- que ces contradictions dans les procédures pouvaient expliquer l'attitude de Monsieur [W], qui avait, ensuite, régularisé sa situation,

- que l'attitude désinvolte qui lui était reprochée n'était pas une faute suffisamment grave de nature à justifier le licenciement,

- qu'il n'y avait aucun lien entre la demande et le mandat,

a refusé l'autorisation de licencier ce salarié protégé ;

Que, par lettre du 29 juillet 2011, la SARL, évoquant à nouveau, les faits l'ayant conduite à mettre à pied, à titre conservatoire, Monsieur [W] et le fait que sa situation avait été régularisée, ce dont il avait justifié le 3 mai précédent, reprenant, alors ses fonctions, ajoutait:

'toutefois, compte tenu de votre interdiction de travailler pendant la période de mise à pied conservatoire, nous sommes contraints de prononcer une mise à pied disciplinaire couvrant la période de mise à pied conservatoire dont vous avez fait l'objet au titre de la période du 15 au 30 avril 2011, avec retenue de salaire.' ;

Considérant qu'un employeur peut, à l'issue de l'entretien préalable à un licenciement, renoncer au licenciement du salarié concerné et retenir, à son encontre, une mesure disciplinaire de moindre importance ; que si ce salarié a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire et si la sanction alors retenue est une mise à pied disciplinaire, la durée de la mise à pied conservatoire s'impute sur celle de la mise à pied disciplinaire ; que la mise a pied disciplinaire d'un salarié protégé ne requiert pas l'autorisation préalable de l'Inspection du travail ; qu'il en résulte que si l'employeur, après avoir engagé une procédure de licenciement d'un salarié protégé et l'avoir mis à pied à titre conservatoire, a renoncé au licenciement envisagé et n'a pas saisi l'Inspection du travail, il peut prononcer à l'égard de ce salarié, une mise à pied disciplinaire, alors privative de salaire, sur la durée de laquelle s'imputera celle de la mise à pied conservatoire antérieure ;

Que le refus d'autorisation d'un licenciement par l'Inspection du travail a pour conséquence l'annulation de plein droit de la mise à pied conservatoire ;

Que la transformation d'une mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire prononcée contre un salarié protégé ne peut, donc, être valablement opérée que si la renonciation de l'employeur à poursuivre la rupture du contrat de travail est intervenue sans avoir été précédée d'un refus de l'Inspection du travail d'autoriser une telle rupture, dès lors que ce refus a pour effet l'annulation de la mise à pied conservatoire ;

Qu'en l'espèce, le refus d'autorisation de licenciement intervenu le 21 juillet 2011, ne permettait pas à la SARL de prononcer, le 29 juillet suivant, une mise à pied disciplinaire avec retenue de salaire couvrant la période de mise à pied conservatoire dont Monsieur [W] avait fait l'objet du 15 au 30 avril 2011, dès lors que cette mise à pied conservatoire, qui ne pouvait être décidée qu'en cas de faute grave, avait été annulée par l'effet du refus antérieur de l'Inspection du travail;

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris et d'annuler la mise à pied disciplinaire prononcée contre Monsieur [W], le 29 juillet 2011, couvrant sa mise à pied conservatoire du 15 au 30 avril précédente ;

Qu'il est, donc, inutile d'ajouter que le Préfet du Val de Marne, comme le Préfet du Val d'Oise, étaient, l'un et l'autre, l'autorité compétente pour autoriser Monsieur [W] a exercer son activité ; que Monsieur [W] ne s'est pas vu 'retirer' l'autorisation d'exercer qui lui avait délivrée le 4 juin 2008 par le Préfet du Val de Marne, le refus opposé ultérieurement par le Préfet du Val d'Oise l'ayant été dans l'ignorance d'une telle autorisation et pour les mêmes motifs en dépit desquels, en connaissance de cause, l'autorité compétente avait précédemment délivré cette autorisation; que si les démarches accomplies par Monsieur [W], auprès du Procureur près le Tribunal de Grande Instance d'Evry, aussitôt avisé du refus qui lui était opposé, n'étaient pas les plus adéquates, puisqu'un recours gracieux lui aurait permis de justifier de l'autorisation dont la Préfecture du Val d'Oise ignorait l'existence, la SARL ne peut affirmer que ces démarches ont été inexistantes ; que la mesure disciplinaire décidée par la SARL l'a été alors qu'une fois informé de l'autorisation précédemment délivrée au salarié, le Préfet du Val d'Oise a délivré la carte professionnelle litigieuse ; qu'en dépit du fait que ce Préfet a indiqué délivrer cette carte, 'à titre exceptionnel', il ne pouvait, en fait, ne pas la délivrer, n'étant habilité qu'à la retirer si des faits nouveaux, distincts de ceux en dépit desquels le salarié avait été autorisé à exercer, étaient survenus ; que, dans ces conditions, le seul fait, pour Monsieur [W], de ne pas avoir avisé son employeur des circonstances dans lesquelles on lui opposait un refus fondé sur l'ignorance de sa complète situation, s'il constituait une négligence, ne justifiait pas une mise à pied disciplinaire privative de salaire, décidée, qui plus est, après qu'aient été mis en évidence tous les éléments de sa situation et, notamment, le fait qu'il était, en fait, autorisé à exercer ses fonctions ;

Sur la demande d'annulation de la mutation disciplinaire du 27 octobre 2011

Considérant que Monsieur [W] fait valoir, en substance, que, le 27 octobre 2011, il s'est vu notifier une mutation disciplinaire, au motif invoqué d'un non-respect des procédures applicables en cas de vol ; que, le 20 septembre 2011, l'auteur d'un vol, dans un magasin, ayant été interpellé par des collègues, ces derniers ont constaté l'accord du personnel de ce magasin pour un règlement à l'amiable, que la carte bleue de l'intéressé étant bloquée, ce dernier a été conduit au PC sécurité, où il se trouvait, quant à lui, avec Monsieur [K], chef de poste ; que, sur instructions de ce dernier, l'auteur du vol a été libéré pour aller chercher un autre moyen de paiement, ses courses et effets personnels ayant été conservés au PC sécurité ; que, toujours sur instructions de Monsieur [K], il a accompagné l'intéressé jusqu'au magasin où ce dernier a réglé la somme due en chèque et a conservé, quant à lui, la copie de la pièce d'identité et du chèque émis par cet intéressé, qu'il se sont, ensuite, rendu au bureau du responsable de la sécurité, Monsieur [C], qui a récupéré la copie des documents considérés ; qu'il est, donc, faux d'affirmer qu'il a pris l'initiative de libérer l'auteur du vol ; que les attestations produites par la SARL se contredisent ; que Madame [Z] dit avoir perçu une somme en espèces, avant de recevoir un chèque de l'intéressé, que Monsieur [K] prétend ne pas être au courant d'un arrangement financier, alors qu'il sait que l'auteur du vol est parti chercher son chéquier, que si Monsieur [K] avait été opposé à son comportement, il lui aurait interdit de quitter le PC sécurité ; que rien n'empêchait la société exploitant le magasin en cause de porter plainte plutôt que d'accepter un règlement à l'amiable, qu'elle disposait, en tout état de cause, d'un chèque portant le nom de l'auteur des faits et d'une copie de sa carte d'identité ; qu'il a pu, quant à lui, faire une déclaration de main-courante, en mentionnant le nom de l'auteur des faits ;

Qu'il ajoute qu'il n'est pas établi qu'il ait manqué aux procédures en vigueur, la SARL ne produisant aucun document permettant de connaître cette procédure, en cas de vol, portée à la connaissance des salariés ; que les faits ne sont pas matériellement établis ; que la mise en oeuvre de la clause de mobilité est une manoeuvre déloyale de l'employeur ; que, le 2 janvier 2012, l'Inspection du travail a refusé d'autoriser son licenciement pour ne pas avoir rejoint son poste de mutation, aux motifs, notamment, que les témoignages n'apportaient pas de certitude sur les fait s'étant déroulés, que s'il y avait eu manquement, la sanction prise apparaissait disproportionnée et que l'absence du salarié à son poste était consécutive à son refus d'une sanction injustifiée ; qu'aucune modification du contrat de travail ou des conditions de travail ne peut être imposée à un salarié protégé, que l'employeur doit proposer la modification envisagée et, en cas de refus, doit maintenir le salarié dans ses fonctions ou engager une procédure de licenciement ; que la clause de mobilité du salarié protégé ne saurait avoir pour effet de le priver de la protection dont il bénéficie ; qu'il importe peu que la modification considérée entre ou non dans le domaine d'application de la clause litigieuse, dès lors qu'une telle modification existe ; qu'en l'espèce, il lui a été notifié une mutation sans que son accord ait été recherché, qu'il a contesté cette sanction et a refusé de se rendre sur son nouveau lieu de travail, que l'employeur a, néanmoins, confirmé sa décision de mutation, qu'il était, donc, fondé à refuser le changement de ses conditions de travail, que ce refus n'est pas constitutif d'une faute ;

Qu'il fait valoir, encore, que l'employeur a, ensuite, engagé une procédure de licenciement du fait qu'il ne rejoignait pas son nouveau poste et sollicité l'avis de l'Inspection du travail, qui a refusé d'autoriser son licenciement ; que, du fait de ce refus, il devait être réintégré à l'issue de son arrêt de travail ;

Que la SARL fait valoir, pour sa part, en substance, que la mutation disciplinaire qu'elle a prononcée était justifiée par le comportement fautif du salarié et s'inscrivait dans les limites d'une mobilité à laquelle il avait souscrit, qu'elle pouvait, donc, affecter Monsieur [W] à un nouveau site, d'autant que son lieu d'affectation n'était pas contractuel ; que le refus d'exécuter une sanction disciplinaire est un motif réel et sérieux de licenciement ; qu'en cas de contestation, il appartient au salarié de saisir le Conseil de Prud'hommes et non de refuser d'exécuter la sanction prise ; qu'un simple changement des conditions de travail, au titre duquel il convient de ranger la mutation en application d'une clause de mobilité, peut être imposée au salarié, notamment à titre de sanction ; que l'usage de la clause de mobilité à titre de sanction ne constitue pas un abus, mais est, dans ce cas, soumis aux exigences du droit disciplinaire ; que la sanction considérée, concernant un salarié protégé, n'est pas assimilable à un licenciement et en requiert pas l'intervention de l'Inspection du travail ; que, par ailleurs, lorsque l'employeur ne modifie ni le contrat, ni les conditions de travail, le salarié, pour protégé qu'il soit, ne peut se soustraire au pouvoir disciplinaire de l'employeur ; qu'il en va d'autant plus lors que le changement d'affectation n'emporte pas modification du contrat de travail ;

Qu'elle ajoute que la sanction disciplinaire en cause était fondée, qu'elle s'est assurée de la réalité des faits auprès des personnes présentes, qui en attestent, que les auteurs des attestations produites par Monsieur [W] n'ont pas été témoins directs des faits, que ces personnes attestent du fait que le voleur a été conduit par l'appelant au poste de sécurité, ce qui n'est pas contesté, mais n'évoquent pas la suite des événements, à savoir le retour de Monsieur [W] dans le magasin, avec le voleur et la libération de ce dernier, alors que les forces de police étaient en route ; qu'en laissant l'auteur du délit quitter les lieux contre la volonté de la victime, Monsieur [W] n'a pas respecté la procédure applicable, prétextant que les services de police ne se déplaceraient pas, ce qui était contraire à la réalité ; que ces faits n'étaient pas isolés, l'appelant ayant adopté le même comportement en décembre 2010, ce qui avait valu de sérieux reproches de sa part et la menace, en cas de récidive, d'une sanction disciplinaire, menace dont l'appelant n'a pas tenu compte ; que la sanction considéré n'était nullement disproportionnée, alors que la clause de mobilité prévoyait que Monsieur [W] pourrait être affecté sur plusieurs sites, que le lieu d'affectation de ce salarié n'était pas contractuel, que son client a souhaité ne plus voir sa sécurité assurée par Monsieur [W] ;

Considérant que la mutation d'un salarié constitue soit une modification de son contrat de travail, soit une modification de ses conditions de travail ; qu'une modification des conditions de travail, même prononcée à titre de sanction disciplinaire, contre un salarié protégé ne peut lui être imposée ; qu'en cas de refus du salarié protégé, l'employeur peut, dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, mais ne peut confirmer la sanction initiale et y ajouter une autre, pour refus d'exécution de cette sanction initiale ;

Qu'en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que la SARL, reprochant à Monsieur [W] son comportement, le 20 septembre 2011, à la suite d'un vol commis par un usager du centre commercial dans lequel il exécutait sa mission, l'a convoqué, le 4 octobre 2011, à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, prévu le 6 octobre suivant ; que, le 27 octobre 2011, la SARL a notifié à Monsieur [W], 'en application de sa clause de mobilité', sa mutation vers un site distinct, précisant qu'il s'agissait là d'une sanction disciplinaire ; que le jour même, Monsieur [W] a fait savoir à la SARL qu'il estimait cette sanction injustifiée et en demandait l'annulation ; que, le 7 novembre 2001, la SARL, constatant que l'appelant n'avait pas rejoint son nouveau poste de travail, a confirmé sa mutation à titre disciplinaire ; que Monsieur [W] ayant persisté à refuser de rejoindre sa nouvelle affectation, la SARL, par lettre du 15 novembre 2011, l'a convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 28 novembre suivant, convoquant le comité d'entreprise, aux fins de consultation et saisissant l'Inspection du travail, aux fins d'autorisation ;

Que, le 2 mars 2012, l'Inspectrice du travail compétente, aux motifs :

- que la mise en oeuvre de la clause de mobilité n'entraînait pas de modification du contrat de travail et pouvait revêtir le caractère d'une sanction disciplinaire, dès lorsque l'employeur pouvait invoquer une faute du salarié,

- que ce salarié pouvait refuser cette sanction dès lors que la sanction n'était pas proportionnée à la faute invoquée,

- que les témoignages n'apportant pas de certitude sur les faits qui s'étaient réellement déroulés ce jour là et que s'il y avait manquement, la sanction prise apparaissait disproportionnée,

- que le refus de Monsieur [W] d'accepter la mutation disciplinaire était justifié par le caractère insuffisamment grave des faits qui lui étaient reprochés et n'était, donc, pas fautif,

- que, par ailleurs, l'absence, depuis le 7 novembre 2011 à son nouveau poste de travail était consécutive à son refus d'une sanction injustifiée,

- que son refus d'exécuter cette sanction ne constituait pas, en lui-même, une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement,

- qu'aucun lien n'avait pu être établi entre la demande et le mandat détenu par Monsieur [W], a refusé l'autorisation de licencier Monsieur [W] ;

Qu'aucune modification des conditions de travail ne pouvant être imposée à un salarié protégé, la SARL, en choisissant de sanctionner Monsieur [W] par une mutation constituant, à tout le moins, un changement de ses conditions de travail, ne pouvait confirmer cette sanction qu'avec l'accord de ce dernier ; que, privée de cet accord, elle devait renoncer à cette sanction ou, sans confirmer la sanction considérée, engager, mais pas y ajouter, une procédure de licenciement, en saisissant l'Inspection du travail d'une demande d'autorisation ; qu'en confirmant la mutation disciplinaire considérée, alors qu'elle n'avait pas recueilli l'accord du salarié protégé concerné, la SARL a, bien, comme l'a estimé l'autorité administrative, prononcé une sanction injustifiée ;

Que la SARL ne peut opposer à la demande de Monsieur [W] le fait qu'une clause de mobilité permettait une modification de ses conditions de travail, ni que le lieu de son affectation n'était pas contractuel, en faisant abstraction du fait que, salarié protégé, l'appelant devait accepter une modification de ses conditions de travail, même prononcée à titre disciplinaire ; qu'elle ne peut, non plus, se prévaloir du fait qu'elle pouvait, sans autorisation de l'Inspection du travail, faire usage de son pouvoir disciplinaire dès lors qu'elle n'avait pas recours à un licenciement, en faisant abstraction du fait que la sanction de mutation qu'elle choisissait d'appliquer, supposait, pour un salarié protégé, qu'elle recueille l'acceptation de ce dernier ; qu'elle ne peut, non plus, ce qu'elle a fait après que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, opposer à ce dernier le fait qu'il n'avait subi aucun changement de ses conditions de travail, un changement de lieu d'exécution de la prestation de travail étant, à tout le moins, un changement des conditions de travail ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris, sur ce point et d'annuler la sanction de mutation considérée ;

Sur la prise d'acte

Considérant qu'en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ; que l'écrit par lequel le salarié prend ainsi acte ne fixe pas les limites du litige ; que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur, empêchant la poursuite du contrat de travail ;

Qu'en l'espèce, par lettre du 10 février 2013, Monsieur [W] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, aux motifs qu'il estimait avoir été sanctionné de façon injustifiée par une mutation disciplinaire, qu'il attendait en vain ses plannings sur le site d'[Localité 2], que cette situation lui causait un préjudice financier important, que son employeur l'ayant informé de la perte du marché du centre commercial d'[Localité 2], il n'avait fait l'objet d'aucun transfert de son contrat de travail, en dépit de sa lettre en ce sens, du 23 janvier 2013, qu'il était, donc, dans l'attente, depuis le 27 octobre 2011, de son planning de travail et était sans rémunération ; que sa prise d'acte s'analysait, donc, en un licenciement nul ;

Que, par lettre du 20 février 2013, la SARL répondait à Monsieur [W] que le Conseil de Prud'hommes avait estimé sa mutation justifiée, qu'aucune modification de son contrat de travail ne lui avait été imposée, qu'un simple changement des conditions de travail pouvait être imposé au salarié, que lorsque l'employeur ne modifiait ni le contrat de travail, ni les conditions de travail d'un salarié protégé, se bornant à lui demander d'accomplir sa prestation dans les limites des attributions qu'elle comportait, le salarié, pour protégé qu'il soit, ne pouvait se soustraire au pouvoir de direction de l'employeur, son refus pouvant être considéré comme justifiant un licenciement ; qu'au surplus, il n'y avait pas eu de modification de son contrat de travail, alors que la convention collective applicable imposait la mobilité aux salariés et que son contrat de travail comportait une clause de mobilité ;

Que Monsieur [W] fait valoir, par ailleurs, qu'en s'obstinant à ne pas le réintégrer, la SARL, alors qu'il réclamait ses plannings pour poursuivre son activité sur son site d'origine, ne lui avait adressé que ses plannings afférents à son site de mutation, qu'il s'était présenté sur son ancien site d'[Localité 2], pour y reprendre le travail, en vain, et qu'en ne lui fournissant que des plannings modifiant ses conditions de travail, la SARL avait manqué à son obligation de lui fournir du travail, qu'ayant perdu, au mois de janvier 2013, le marché du centre commercial d'[Localité 2], la SARL avait refusé de transférer son contrat de travail, alors qu'il appartenait au personnel travaillant sur ce site ; que l'employeur ne lui avait, donc, pas permis de travailler en dépit de la conclusion d'un contrat de travail ; que la SARL l'avait privé, par ailleurs, de salaire, se montrant particulièrement déloyale et fautive ; qu'en arrêt de travail, du 22 mars au 31 décembre 2012, il n'avait perçu aucune indemnité journalière, puis aucun salaire, du 1er janvier 2013 jusqu'à la date de sa prise d'acte ; que ces circonstances avaient affecté son état de santé, ayant eu des répercussions psychologiques et somatiques ; qu'il avait perdu plus de 10 kg depuis avril 2011 et, après une visite médicale de reprise, le 14 janvier 2013, avait été déclaré apte à la reprise de son poste ;

Que la SARL fait valoir, sur ce point, que le salaire étant la contrepartie du travail, l'obligation, pour l'employeur, de le payer disparaît lorsque le travail n'est pas effectué ; qu'il appartient au salarié réclamant le paiement d'un salaire ne correspondant à aucune contrepartie de travail de prouver l'usage sur lequel il fonde sa prétention ; que le Conseil de Prud'hommes a estimé que la mutation décidée par elle était justifiée, qu'il ne peut lui être reproché d'avoir agi comme elle l'a fait, alors qu'elle avait été autorisée à le faire par les premiers juges ; que lorsque les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne sont pas jugés suffisamment graves pour permettre la rupture du contrat de travail, aux torts de l'employeur, la prise d'acte produit les effets d'une démission ; que la Cour ne pourra, donc, que dire que la prise d'acte de Monsieur [W] produit les effets d'une démission ;

Considérant que lorsqu'un salarié refuse la modification de son contrat de travail, l'employeur doit, soit le rétablir dans son emploi, soit tirer les conséquences de son refus en engageant une procédure de licenciement ; qu'il en résulte que jusqu'à la rupture du contrat de travail, par un licenciement ou une prise d'acte, le salarié a droit au maintien de son salaire et à la fourniture de travail dans les conditions, rétablies, de son emploi ;

Que la mutation de Monsieur [W] sans son accord, alors qu'il était salarié protégé, constitue un manquement grave de la SARL à ses obligations ; qu'il en est de même du refus de cette dernière de fournir du travail à l'appelant sur un site qu'il était fondé à ne pas vouloir quitter, comme de son absence, non contestée, de rémunération ;

Que la SARL ne peut opposer aux reproches que lui fait Monsieur [W] le fait qu'elle a été autorisée à muter ce dernier par les premiers juges, ce dont elle déduit, implicitement qu'elle était fondée à ne plus lui fournir de travail sur le site d'[Localité 2] et à ne pas le rémunérer pour le travail qu'il n'exécutait pas sur le site vers lequel il avait été muté, alors qu'elle a pris ces initiatives avant l'intervention du jugement entrepris, le 29 novembre 2012 et que le 19 décembre suivant, Monsieur [W] ayant interjeté appel de cette décision, cette dernière était privée de toute portée par l'effet dévolutif de l'appel, alors qu'elle ne comportait aucune décision exécutoire de droit ;

Que les manquements graves invoqués par Monsieur [W] étant établis, il y a lieu de constater que sa prise d'acte de rupture de son contrat de travail, aux torts de l'employeur, était fondée ;

Considérant que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par un salarié protégé entraîne la rupture immédiate de son contrat de travail et ne peut être rétractée ; qu'elle produit, donc, les effets d'un licenciement nul prononcé en violation du statut protecteur ; que cette méconnaissance ouvre, au salarié, le droit au paiement d'une indemnité égale au montant des salaires dus jusqu'au terme de la période de protection en cours ;

Que la prise d'acte de Monsieur [W] a, donc, les effets d'un licenciement nul prononcé en violation du statut protecteur, lui ouvrant droit au paiement de l'indemnité due en cas de méconnaissance de ce statut ;

Sur les demandes de Monsieur [W]

Considérant qu'à raison de l'annulation de la mise à pied disciplinaire dont il a fait l'objet, l'appelant est fondé à réclamer le paiement du salaire dont il a été privé du 15 au 30 avril 2011, à concurrence de 664, 65 € et les congés payés y afférents, à concurrence de 66, 46 € ;

Considérant qu'estimant qu'elle était en droit de ne pas rémunérer Monsieur [W] et affirmant que, pendant la période d'arrêt pour maladie, l'appelant, à raison de son refus d'exécution de la sanction de mutation prise contre lui, a subi une perte de salaire qui lui est exclusivement imputable, la SARL ne conteste pas, subsidiairement, le montant des sommes réclamées par l'appelant ;

Que, sur le premier point, il a été répondu au moyen de l'intimée ; que, sur le second, il a été vu que le refus, par Monsieur [W], de la mutation prononcée contre lui ne pouvait lui être reproché ; que la SARL confirme, en concluant sur ce point, le fait que l'appelant a perdu ses salaires, y compris pendant la période pendant laquelle il était en arrêt de travail ;

Qu'il est constant que la rémunération brute mensuelle moyenne de Monsieur [W] était de 1.447, 57 € ;

Que l'appelant est fondé à réclamer un rappel des salaire qui ne lui ont pas été payés :

- pour la période du 7 novembre 2011, date de cessation de paiement de ses salaires jusqu'au 21 mars 2012, à concurrence de 6.514, 06 €, outre la somme de 651, 40 €, au titre des congés payés y afférents,

- pour la période du 22 mars 2012 au 31 décembre 2012, alors que la convention collective applicable prévoit, en son article 14, un maintien du salaire, en cas d'arrêt de travail pour maladie, à concurrence de 11.580, 54 €, outre la somme de 1.158, 05 €, au titre des congés payés y afférents,

- pour la période du 1er janvier 2013, date de reprise possible de son poste, au 10 février suivant, date de prise d'acte, à concurrence de 1.930, 09 €, outre la somme de 193 €, au titre des congés payés y afférents ;

Considérant que Monsieur [W] est fondé à réclamer, à titre d'indemnité pour violation de son statut protecteur, une somme équivalente à ses salaires, entre la date de rupture de son contrat de travail et la fin de sa période de protection ;

Que le mandat d'un délégué du personnel étant d'une durée de quatre ans, Monsieur [W] justifie de son élection en cette qualité, la fin de son mandat devant intervenir au mois de janvier 2015, ce qui n'est pas contesté ; que l'appelant ayant rompu son contrat de travail le 10 février 2013, il est fondé à réclamer une indemnité pour violation du statut protecteur, mais égale à 23 et non 24 mois de salaire écoulés entre le mois de février 2013 et le mois de janvier 2015, d'un montant de 33.294, 11 € ;

Considérant que Monsieur [W] est fondé, en application de l'annexe V article 9 de la convention collective applicable, à se prévaloir d'un préavis de 2 mois ; qu'il y a lieu de lui allouer, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 2.985, 14 € qu'il réclame ;

Considérant qu'en application de l'article R 1234-2 du Code du travail, l'appelant est fondé à réclamer une indemnité de licenciement égale à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzième de mois par année, au-delà de 10 années d'ancienneté ; qu'il est, donc, fondé à réclamer, pour 11 années et 2 mois d'ancienneté, dans la limite de sa demande, la somme de 3.120, 32 €, à titre d'indemnité de licenciement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.1235-3 du Code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

Qu'à la date de rupture de son contrat de travail, le 10 février 2013, Monsieur [W], embauché avec une reprise d'ancienneté au 22 décembre 2001 percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 1.447, 57 €, avait 55 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 11 ans et 2 mois au sein de l'entreprise ; qu'il justifie du fait que POLE EMPLOI lui a fait savoir, le 8 avril 2013, qu'il ne pouvait prétendre à des allocations à raison de sa prise d'acte, dont l'imputation ne pouvait être déterminée, sauf si son chômage se prolongeait plus de 4 mois, dans l'hypothèse où il se prolongerait contre sa volonté, ce qui supposait qu'il justifie de ses démarches; que Monsieur [W] ne justifie pas de telles démarches, ni de sa situation professionnelle, au-delà de la rupture de son contrat de travail ; qu'il convient d'évaluer à la somme de14.475, 70 € le montant de l'indemnité qui doit lui être allouée, en application de l'article'L.1235-3 du Code du travail ;

Que les sommes allouées, de nature salariale, porteront intérêts au taux légal, à compter de la date de réception, par la partie défenderesse, de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 2 février 2012 ; que les sommes allouées, de nature indemnitaire, porteront intérêts, au taux légal, à compter du jour du prononcé du présent arrêt ;

Considérant que, compte tenu de ce qui précède, Monsieur [W] est fondé à demander la remise, par la SARL, de bulletins de salaire conformes pour les mois d'avril 2001 et juin 2012 à février 2013 et des attestations de salaire, pour la période du 22 mars 2012 au 31 décembre 2012, dans les conditions prévues au dispositif du présent arrêt ; que cette décision sera assortie d'une astreinte, compte tenu de la réticence démontrée de la SARL ;

Considérant que, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté les demandes de la SARL et de rejeter celles que cette dernière a présentées devant la Cour, tendant au paiement d'une indemnité de préavis, de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail, et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Considérant que le recours susceptible d'être formé contre le présent arrêt n'ayant pas d'effet suspensif, il n'y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la défense de Monsieur [W] les frais irrépétibles exposés, à raison de son intervention, dans le cadre de l'aide juridictionnelle ;

Que la SARL, qui succombe, devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, en ce compris le timbre fiscal de 35 € dont l'appelant justifie du paiement, alors qu'il a été admis, depuis la date de son appel, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ainsi que les éventuels frais d'exécution, par voie d'huissier, de la présente décision, notamment les frais de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 portant tarification des actes d'huissiers ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles formées par la SARL ASER SECURITE,

L'infirme, pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Prononce l'annulation de la mise à pied disciplinaire prononcée contre Monsieur [W], le 29 juillet 2011, couvrant la période de mise à pied conservatoire dont il avait fait l'objet au titre de la période du 15 au 30 avril 2011,

Prononce l'annulation de la mutation disciplinaire de Monsieur [W], le 27 octobre 2011,

Dit bien-fondée la prise d'acte de rupture de son contrat de travail, par Monsieur [W],

Dit que cette prise d'acte a eu les effets d'un licenciement nul, prononcé en violation du statut protecteur,

Condamne la SARL ASER SECURITE à verser à Monsieur [W] les sommes suivantes :

- 664, 65 €, à titre de rappel de salaire, pour la période du 15 au 30 avril 2011,

- 66, 46 €, au titre des congés payés y afférents,

- 6.514, 06 €, à titre de rappel de salaire, pour la période du 7 novembre 2011 au 21 mars 2012,

- 651, 40 €, au titre des congés payés y afférents,

- 11. 580, 54 €, à titre de rappel de maintien de salaire, pour la période du 22 mars au 31 décembre 2012,

- 1.158, 05 €, au titre des congés payés y afférents,

- 1.930, 09 €, à titre de rappel de salaire, pour la période du 1er janvier 2013 au 10 février suivant,

- 193 €, au titre des congés payés y afférents,

- 2.985, 14 €, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3.120, 32 €, à titre d'indemnité de licenciement,

avec intérêts, au taux légal, à compter du 2 février 2012,

- 33. 294, 11 €, à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur,

- 14.475, 70 €, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal, à compter de la date de prononcé du présent arrêt,

Ordonne la remise, par la SARL ASER SECURITE, à Monsieur [W], de bulletins de salaire conformes au présent arrêt, pour les mois d'avril 2001 et juin 2012 à février 2013 et des attestations de salaire, pour la période du 22 mars 2012 au 31 décembre 2012, dans les deux mois du prononcé du présent arrêt, et, passé ce délai, sous astreinte de 30 € par jour de retard,

Condamne la SARL ASER SECURITE aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

Rejette les demandes de la SARL ASER SECURITE,

Rejette les autres demandes de Monsieur [W],

Condamne la SARL ASER SECURITE à verser au Conseil de Monsieur [W] la somme de 2.000 €, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Condamne la SARL ASER SECURITE aux dépens d'appel, en ce compris le timbre fiscal de 35 € et les éventuels frais d'exécution, par voie d'huissier, de la présente décision, notamment les frais de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 portant tarification des actes d'huissiers.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 12/11924
Date de la décision : 06/02/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°12/11924 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-06;12.11924 ?
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