La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2014 | FRANCE | N°11/01878

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 06 février 2014, 11/01878


COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6- Chambre 12

ARRÊT DU 06 Février 2014 (no 6, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/ 01878
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Juin 2007 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de CRETEIL RG no 20600045cr

APPELANTE CPAM DU VAL DE MARNE 1 à 9 avenue du Général de Gaulle 94000 CRETEIL représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMÉS Monsieur Gilles X......18340 PLAIMPIED GIVAUDINS représenté par Me Alain TANTON, avocat au barreau de B

OURGES

Société ÉLECTRICITÉ DE FRANCE (EDF) 22-30 Avenue de Wagram 75008 PARIS représentée par ...

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6- Chambre 12

ARRÊT DU 06 Février 2014 (no 6, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/ 01878
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Juin 2007 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de CRETEIL RG no 20600045cr

APPELANTE CPAM DU VAL DE MARNE 1 à 9 avenue du Général de Gaulle 94000 CRETEIL représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMÉS Monsieur Gilles X......18340 PLAIMPIED GIVAUDINS représenté par Me Alain TANTON, avocat au barreau de BOURGES

Société ÉLECTRICITÉ DE FRANCE (EDF) 22-30 Avenue de Wagram 75008 PARIS représentée par Me Philippe TOISON, avocat au barreau de PARIS, toque : R087 substitué par Me Charlotte O'LEARY, avocat au barreau de PARIS, toque : R31

CAISSE NATIONALE DES INDUSTRIES ÉLECTRIQUES ET GAZIÈRES (CNIEG) Service contentieux 20, rue des Français Libres BP 60 415 44 024 NANTES CEDEX 2 défaillante

Madame Annick X...épouse Y...... 45560 ST DENIS EN VAL représentée par Me Alain TANTON, avocat au barreau de BOURGES

PARTIES INTERVENANTES : FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE Tour Galliéni II 36, avenue du Général de Gaulle 93175 BAGNOLET CEDEX défaillant

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale 14, avenue Duquesne 75350 PARIS CEDEX 07 avisé-non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Novembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller qui en ont délibéré

Greffier : Mme Marion MELISSON, lors des débats
ARRÊT :- réputé contradictoire-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********
FAITS ET PROCÉDURE

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Monsieur Marcel X..., salarié de la société Électricité de France du 2 novembre 1954 au 31 août 1978, a souffert d'une asbestose pulmonaire diagnostiquée le 20 octobre 1978.
Le caractère professionnel de la maladie a été reconnu le 27 août 1984 par la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne, au titre du tableau no30 des maladies professionnelles. La société EDF a alloué à Monsieur Marcel X...une rente à compter du 16 mai 1984 sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 20 % porté à 50 % à compter du 30 novembre 1987.
Monsieur Marcel X...est décédé le 30 janvier 1988 pour des raisons autres que sa maladie professionnelle.
Par lettre du 27 juillet 2001, Madame Henriette X...et ses enfants ont saisi la C. P. A. M. du Val de Marne afin que soit reconnue la faute inexcusable de la société EDF dans la survenance de la maladie professionnelle de leur époux et père. La caisse primaire a alors transmis le dossier à la caisse nationale des industries électriques et gazières (ci-après désignée la CNIEG) qui, a opposé un refus à la demande par lettre du 23 novembre 2005.
Madame Henriette X...étant elle-même décédée le 19 janvier 2006, les consorts X...ont repris l'instance.
Par jugement avec exécution provisoire en date du 29 juin 2007, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil a :
- reconnu la faute inexcusable de l'employeur, la société EDF, comme étant à l'origine de la maladie professionnelle de Monsieur Marcel X...déclarée le 12 juin 1981,
- débouté les requérants de leur demande concernant la majoration de la rente versée à Monsieur Marcel X...,
- mis hors de cause la CNIEG,
- dit que les requérants ont droit à la majoration de rente éventuellement versée depuis le 27 juillet 2001 à Madame Henriette X...,
- dit que la C. P. A. M. du Val de Marne doit avancer l'indemnisation des requérants,
- alloué à chacun des requérants, Monsieur Gilles X...et Madame Annick Y...née X..., en réparation de leur préjudice personnel la somme de 12 000 ¿,
- alloué conjointement aux requérants, es qualités d'héritiers de Madame Henriette X..., la somme de 32 000 ¿,
- ordonné une expertise sur pièces aux fins d'évaluation des différents préjudices personnels de Monsieur Marcel X...,
- sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport.

La caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 23 octobre 2008, la Cour d'appel a :
- confirmé le jugement entrepris sauf en ses dispositions mettant à la charge de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société Électricité de France comme étant à l'origine de la maladie professionnelle de Monsieur Marcel X...,
- dit en conséquence que la charge des conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société Électricité de France à l'origine de la maladie professionnelle de Monsieur Marcel X...incombait à la Caisse nationale des industries électriques et gazières,

La CNIEG a formalisé un pourvoi dont elle s'est désistée.

Sur pourvoi incident de la société EDF, la Cour de Cassation a cassé cet arrêt le 16 septembre 2010 aux motifs que pour faire droit à la demande de reconnaissance de la faute inexcusable d'EDF, l'arrêt a retenu que l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 rouvrait les droits pour l'ensemble des salariés victimes de l'amiante, cette loi revêtant une portée générale et de surcroît antérieure à la loi no 2004-803 du 9 août 2004 organisant un régime spécial de sécurité sociale pour les salariés des industries électriques et gazières ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Marcel X...était affilié au régime spécial des personnels des industriels électriques et gazières de sorte que sa demande ne relevait pas du champ d'application de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998, dans sa rédaction avant modification dont les effets sont limités aux victimes affiliées au régime général au titre des accidents du travail et au régime des accidents du travail des salariés agricoles, la Cour d'appel a violé le texte susvisé.
Elle a conséquence cassé et annulé dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2008, entre les parties,
C'est dans ces conditions que la présente Cour de renvoi a été saisie.
Auparavant, par jugement en date du 9 avril 2010, le tribunal des affaires de la sécurité sociale, après expertise, a alloué à Monsieur Gilles X...et Mme Annick Y...née X..., pris en leur qualité d'héritiers, la somme de 7. 000 euros au titre de l'action successorale relative au préjudice de leur père.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

La caisse primaire d'assurance maladie demande sa mise hors de cause pure et simple dans la mesure où Monsieur X...était salarié de la société EDF et relevait non du régime général mais du régime spécial de sécurité sociale des industries électriques et gazières.

Elle réclame une indemnité de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile contre tout succombant.
La société EDF, vu les dispositions de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998, dans sa rédaction alors en vigueur conclut à l'irrecevabilité des demandes des consorts X...et à titre subsidiaire, sollicite que les préjudices soient ramenés à de plus justes proportions.
En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie et des consorts X...à une indemnité de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Les consorts X...demandent à la Cour de :
- confirmer partiellement la décision des premiers Juges,
- voir déclarer recevable et bien fondée l'action engagée par Monsieur Gilles X...et Madame Annick Y...née X...,
- juger que l'asbestose, maladie professionnelle dont a été reconnu atteint Monsieur Marcel X...par décision du 27 août 1984, est due à la faute inexcusable de son employeur, EDF,
- en conséquence, dire et juger que Monsieur Marcel X...pouvait bénéficier de la majoration maximale de la rente accident du travail qui lui était servie, comme de l'indemnisation de son pretium doloris, de son préjudice moral et de son préjudice d'agrément,
- voir rejeter la demande de nouvelle expertise médicale présentée par EDF,
- voir, en conséquence, fixer l'indemnisation des préjudices non encore indemnisés définitivement aux sommes suivantes : ¿ majoration maximale de la rente telle qu'elle devra être calculée et notifiée par son débiteur, ¿ préjudice moral de Monsieur Marcel X...: 60 000, 00 ¿ ¿ préjudice moral de Madame Henriette X...: 32 000, 00 ¿

- dire et juger que la Caisse Nationale des Industries Électriques et Gazières sera tenue de verser lesdites sommes aux concluants en leur qualité d'héritiers.
La CNIEG n'est ni présente ni représentée mais transmet un courrier par lequel elle se rapporte à la sagesse de la Cour.

Vu les dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 21 novembre 2013, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments.

SUR QUOI, LA COUR

Sur l'application de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998

Considérant qu'il résulte de l'article 40 § II de la loi du 23 décembre 1998 modifié par la loi du 21 décembre 2001, que par dérogation aux dispositions des articles L. 431-2 et L. 461-5 du Code de sécurité sociale, les droits aux prestations, indemnités et majoration prévus par les dispositions du livre IV dudit code, y compris en cas de faute inexcusable de l'employeur, au profit des victimes d'affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante ou provoquées par elles, sont rouverts, dès lors qu'ils ont fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er janvier 1947 et l'entrée en vigueur de la présente loi ;
Que, si à l'origine, les effets de ces dispositions étaient limités aux victimes affiliées au régime général au titre des accidents du travail et au régime des accidents du travail des salariés agricoles, l'article 102 de la loi no 2008-1330 du 17 décembre 2008 a étendu aux salariés relevant des régimes spéciaux de sécurité sociale le bénéfice de la réouverture des délais prévue par l'article 40 ;
Considérant que ces dispositions sont applicables aux instances en cours devant les juridictions du fond à la date d'entrée en vigueur de celle-ci ;
Et, considérant que la maladie dont Monsieur X...est atteint, a fait l'objet d'une première constatation médicale le 27 août 1984 de sorte que celui ci était recevable en application de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 modifié, à rechercher la faute inexcusable de son employeur ;
Que dans ces conditions, l'action des consorts X...est recevable et non prescrite ;

Sur la faute inexcusable

Considérant que le jugement pris pour de justes motifs adoptés a, à bon droit, admis la faute inexcusable d'EDF que celle ci ne conteste plus en cause d'appel ;

Sur la majoration de la rente

Considérant que c'est à la date du 27 juillet 2001 que les consorts X...ont déposé leur première demande au titre de l'article 40- II de la loi du 23 décembre 1998 ; qu'ils ne sont donc pas fondés à solliciter la majoration de la rente servie à leur père à compter du 16 mai 1984 ; que celui-ci étant décédé en 1988, seule la rente versée à leur mère, Madame Henriette X..., peut faire l'objet d'une majoration à compter du 27 juillet 2001 jusqu'à son décès ;
Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu cette date pour que soit majorée la rente due à Madame Henriette X...jusqu'à son décès ; que cette majoration entre dans la dévolution successorale de cette dernière ;

Sur les préjudices

Considérant que Monsieur Marcel X...était atteint d'une asbestose pulmonaire entraînant une bronchite chronique avec dyspnée d'effort modérée, troubles de la voix justifiant un taux d'incapacité de 20 % en 1984 porté à 50 % au 1er janvier 1988 ; qu'il est décédé le 30 janvier 1988 par noyade ;
Considérant que le tribunal des affaires de la sécurité sociale, dans son jugement en date du 9 avril 2010, statuant après l'expertise ordonnée pour évaluer les préjudices personnels de Monsieur X...a fixé ce préjudice à la somme de 7. 000 euros au titre du pretium doloris (5. 000 euros) et du préjudice d'agrément (2. 000 euros) ;
Que ce jugement est devenu définitif ; que les consorts X...sollicitent que soit versée en sus au titre de ce préjudice, une somme de 60. 000 euros au titre du préjudice moral de Monsieur X..., que toutefois, le préjudice personnel tel qu'il a été fixé par les premiers juges inclut les souffrances physiques et morales endurées comme relevées par l'expert ; que dans leurs demandes présentées au tribunal des affaires de la sécurité sociale au titre du préjudice personnel, les consorts X...avaient limité leurs demandes à la somme de 9. 000 euros ;
Considérant qu'ils sont aujourd'hui irrecevables à remettre en cause l'autorité qui s'attache à ce jugement ;
Considérant sur le préjudice moral et d'accompagnement de Madame Henriette X..., la Cour dispose d'éléments suffisants pour fixer ce préjudice à la somme de 15. 000 euros ;
Que s'agissant du préjudice moral subi par Monsieur Gilles X...et par Madame Annick X...épouse Y..., il sera fixé à la somme de 10. 000 euros ;

Sur la prise en charge des conséquences financières de la faute inexcusable

Considérant qu'il est constant qu'il résulte de la combinaison des articles L. 711-1 et R. 711-1- 6o du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 16-1 de la loi no2004-803 du 9 août 2004 et l'article 40- IV de la loi no98-1194 du 23 décembre 1998, que la charge des prestations, en espèces consécutives à la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie contractée par un salarié de la société EDF, incombe à l'organisation spéciale de sécurité sociale de cette société, gérée par la CNIEG ; que les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable commise par EDF, dans la maladie professionnelle de Monsieur Marcel X..., seront donc mises à la charge de la CNIEG qui au demeurant ne présente à la Cour aucun moyen opposant sur cette question ;
Considérant, en conséquence, que la Caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne sera mise hors de cause dans le présent litige ; que le jugement sera réformé à ce titre ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant qu'il est équitable que les consorts X...n'assument pas les frais qu'ils ont dû engager en cause d'appel ; que la société EDF sera condamnée à leur payer à chacun la somme de 1. 000 euros ; que la caisse primaire d'assurance maladie recevra également au titre de ses frais une somme de 2. 000 euros
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ce qu'il a mis à la charge de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société EDF,
Le réforme dans le montant des indemnisations allouées,

Statuant à nouveau sur ces points :

Fixe comme suite le préjudice personnels des consorts X...:
-15. 000 euros : Madame Henriette X...,
-8. 000 euros : Monsieur Gilles X...,
-8. 000 euros : Madame Annick X...épouse Y...,
Déclare les consorts X...irrecevables en leur demande de préjudice moral au titre de leur père,
Dit que la charge des conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société Électricité de France, à l'origine de la maladie professionnelle de Monsieur Marcel X..., incombe à la Caisse nationale des industries électriques et gazières,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne la société EDF à payer à Monsieur Gilles X...et à Madame Annick X...épouse Y...une indemnité de 1. 000 euros chacun et une indemnité de 20 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 11/01878
Date de la décision : 06/02/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2014-02-06;11.01878 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award