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06/02/2014 | FRANCE | N°11/01486

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 06 février 2014, 11/01486


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 06 Février 2014

(n° 1 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01486



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Septembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° 09/05897





APPELANT

Monsieur [J] [I]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Elise BRAN

D, avocat au barreau de CAEN







INTIMÉE

Société NATIONALE DE RADIODIFFUSION RADIO FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Mme [K] [H] (Juriste droit social) e...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 06 Février 2014

(n° 1 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01486

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Septembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° 09/05897

APPELANT

Monsieur [J] [I]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Elise BRAND, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉE

Société NATIONALE DE RADIODIFFUSION RADIO FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Mme [K] [H] (Juriste droit social) en vertu d'un pouvoir spécial en date du 06 janvier 2014, assistée de Me Frédéric SICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : A 519

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne MÉNARD, Conseillère , chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [I] a été engagé, par l' ORTF, en qualité de journaliste le 1er janvier 1973, puis son contrat a été repris par RADIOFRANCE à compter du 1er janvier 1979. Il occupait, en dernier lieu un poste de responsable de rubrique.

Le 26 septembre 2008, il a été informé par son employeur de ce qu'il entendait le mettre à la retraite à 65 ans, soit le 1er avril 2009. Monsieur [I] a, alors, dans un premier temps organisé son départ, notamment en posant les trois mois de congés qui lui restaient, ce qui le faisait quitter son poste le 3 décembre 2008. Toutefois, compte tenu des débats parlementaires en cours visant au report à 70 ans de l'âge de la mise à la retraite d'office par l'employeur, il a fait savoir à son employeur qu'il souhaitait continuer à travailler et, dans cette perspective, il renonçait aux trois mois de congés qu'il avait sollicités.

Par courrier en date du 23 décembre 2008, la société RADIOFRANCE lui a confirmé sa décision de mettre fin à son contrat de travail au 31 mars 2009, par application de l'article L1237-5 du Code du travail.

Monsieur [I] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 5 mai 2009 afin de contester sa mise à la retraite et de voir requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il a été débouté de ses demandes et condamné aux dépens par jugement du 30 septembre 2010, le Conseil s'étant fondé sur les dispositions transitoires de la loi du 17 décembre 2008, résultant d'un décret du 30 décembre 2008, lesquelles rendent possible une mise à la retraite à l'âge de 65 ans dès lors que la notification est intervenue avant le 1er janvier 2009.

Monsieur [I] a interjeté appel de cette décision.

Présent et assisté de son Conseil, Monsieur [I] a, à l'audience du 7 janvier 2014 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles, il demande à la Cour de :

- dire que la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement nul, ou à défaut dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

41.615,51 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement.

270.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la nullité de la rupture ou de sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il fait valoir, à titre principal, que sa mise à la retraite n'est pas justifiée objectivement et raisonnablement par un but légitime, de sorte qu'il s'agit d'une mesure de discrimination liée à l'âge dont la nullité doit par conséquent être prononcée ; que c'est ce qu'a retenu la jurisprudence dans des arrêts relatifs à des salariés de la SNCF et à EDF ; que dans son cas, la décision de son employeur est, en réalité, fondée sur la volonté de réduire les effectifs à moindre coût, le service hippique dont il était en charge ayant été purement et simplement supprimé.

Subsidiairement, il fait valoir que la mise à la retraite des salariés âgés de 65 à 69 ans est possible lorsqu'elle a été notifiée avant le 1er janvier 2009 ; que ces dispositions transitoires ne lui sont pas applicables dès lors qu'au 1er janvier, il n'avait pas encore atteint l'âge de 65 ans ; qu'en outre, le préavis de trois mois qui a commencé à courir le 27 septembre 2008 ne pouvait être ni interrompu ni suspendu, de sorte qu'à la fin du préavis, soit le 27 décembre 2008, il n'avait toujours pas atteint l'âge de départ à la retraite.

Réprésentée par son Conseil, LA SOCIÉTÉ NATIONALE DE RADIODIFFUSION RADIO FRANCE a, à l'audience du 7 janvier 2014 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles il/elle demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, de débouter Monsieur [I] de ses demandes, et de le condamner aux dépens.

Elle expose que la Cour de Cassation a déjà eu à statuer sur la validité des dispositions de l'article L1237-5 du Code du travail qui organisent la mise à la retraite, au regard de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi ; que la jurisprudence a posé le principe selon lequel l'employeur qui respecte les dispositions de ce texte n'a donc pas à justifier de ce que la mise à la retraite à laquelle il procède est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime.

Elle fait valoir que c'est à la date d'expiration du préavis, et non à la date de sa notification, qu'il faut se placer pour contrôler si les conditions d'âge sont réunies ; qu'en l'espèce, les dispositions conventionnelles stipulent que le préavis doit être d'au moins trois mois, ce qui n'interdit pas de le faire commencer un peu plus tôt, ce qui permet au salarié de disposer du temps nécessaire pour vérifier ses droits.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux dernières écritures des parties, visées par le greffier, et réitérées oralement à l'audience.

DISCUSSION

Le courrier du 26 septembre 2008 était formulé dans les termes suivants : 'Nous vous confirmons notre décision de mettre fin à votre contrat de travail pour départ en retraite à 65 ans, en application de l'article L1237-5 du Code du travail.

Votre contrat de travail prendra fin le 1er avril 2009 à l'issue du préavis de trois mois prévu par l'article 47 de la CCNTJ'.

C'est donc manifestement par ce courrier que l'employeur a notifié à Monsieur [I] qu'il était mis fin à son contrat de travail, cette notification ayant été réitérée par celui du 23 décembre 2008, formulé dans des termes identiques, et qui faisait suite à un courrier du salarié en date du 1er décembre 2008, relatif aux changements législatifs attendus.

Monsieur [I] fait valoir, en premier lieu, que cette mise à la retraite serait discriminatoire, en ce qu'elle serait faite en seule considération de son âge, sans répondre aux exigences de l'article L 1133-2 du Code du travail, puisqu'elle n'a pas été prise dans un but légitime, qu'elle n'a pas été prise dans le souci de préserver sa santé ou sa sécurité, ni dans le but de favoriser l'insertion professionnelle ou d'assurer la pérennité de l'emploi ; que l'employeur avait, en réalité, pour seule finalité la compression des effectifs.

Aux termes de la Directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi, et de travail, des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Les dispositions de portée générale des articles L1237-5, L1132-1 et L1132-4 du Code du travail relatives à la mise à la retraite qui mettent en oeuvre, dans un objectif de politique sociale, le droit pour chacun d'obtenir un emploi, tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre, et qui subordonnent la mise à la retraite à la condition que le salarié bénéficie d'une pension à taux plein, satisfont aux exigences de cette directive. Il ne peut pas, par conséquent, être imposé à l'employeur de justifier de ce que leur mise en oeuvre à l'égard d'un salarié qui remplit les conditions légales d'une mise à la retraite répond aux objectifs poursuivis.

Il ne sera, donc, pas fait droit à la demande de nullité de la rupture du contrat de travail fondée sur la discrimination liée à l'âge du salarié.

Monsieur [I] soutient, en second lieu, qu'il n'avait pas atteint l'âge de 65 ans lorsque sa mise à la retraite lui a été notifiée, et qu'il ne l'avait pas non plus atteint à la date de la fin du préavis de trois mois.

Toutefois, c'est à la date d'expiration du contrat de travail, et donc de la fin du préavis, qu'il convient de se situer pour déterminer si les conditions de mise à la retraite sont réunies.

En l'espèce, le courrier du 26 septembre 2008, comme d'ailleurs celui du 23 décembre 2008, fixe la date de la rupture au 1er avril 2009, date à laquelle les conditions d'âge prévues par l'article L1237-5, telles qu'elles existaient au moment de la notification, étaient remplies au regard des dispositions législatives alors applicables.

Entre temps la loi du 17 décembre 2008 est venue modifier l'article L1237-5 du Code du travail, en y ajoutant les alinéas suivants :

'Avant la date à laquelle le salarié atteint l'âge fixé au 1° de l'article L351-8 du Code de la sécurité sociale (65 ans) et dans un délai fixé par décret, l'employeur interroge par écrit le salarié sur son intention de quitter volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse.

En cas de réponse négative du salarié dans un délai fixé par décret (un mois), l'employeur ne peut faire usage de la possibilité mentionnée au premier alinéa (la mise à la retraite) pendant l'année qui suit la date à laquelle le salarié atteint l'âge fixé au 1° de l'article 351-8 du Code du travail'.

L'article D1237-2-1, issu de l'article 1du décret 2008-1515 du 30 décembre 2008, stipule : 'Le délai mentionné au septième alinéa de l'article L1237-5 du Code du travail est fixé à trois mois avant l'anniversaire du salarié'.

L'article 2 du même décret précise : 'Par dérogation au premier alinéa de l'article D1237-2-1 du Code du travail, la mise à la retraite d'office ne peut prendre effet au cours de l'année 2009 que si elle a été notifiée avant le 1er janvier 2009 ou si le salarié, interrogé par l'employeur au moins trois mois avant la date d'effet de cette mise à la retraite, n'a pas dans un délai d'un mois manifesté son intention de poursuivre son activité'.

En l'espèce, la mise à la retraite d'office a bien été notifiée avant le 1er janvier 2009, et Monsieur [I] ne peut faire grief à son employeur d'avoir procédé à cette notification non pas trois mois mais six mois avant la date de son anniversaire, dès lors que le délai de trois mois résultant tant de la loi que de l'article 51 de convention collective est un délai de prévenance minimum, qui n'interdit pas une notification plus précoce, permettant au salarié de s'assurer de ses droits au regard du régime de retraite et de faire usage, au moins en partie de ses congés payés, lesquels en l'espèce totalisaient 344 jours à la date de la rupture de son contrat de travail. En tout état de cause, la notification a été réitérée par l'employeur quelques jours avant le début du délai de trois mois.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes d'indemnités de rupture de Monsieur [I].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement dans toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [I] de sa demande de nullité de la rupture du contrat de travail.

Condamne Monsieur [I] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 11/01486
Date de la décision : 06/02/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°11/01486 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-06;11.01486 ?
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