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30/01/2014 | FRANCE | N°11/02946

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 30 janvier 2014, 11/02946


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 30 Janvier 2014

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/02946

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Février 2011 par le Conseil de Prud'hommes de MEAUX - RG n° 10/00077





APPELANT

Monsieur [X] [S]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Patrick BURNICHON, avocat au barreau de MEAUX







INTIMEE

[D] ASSOCIES SERRIS

[Adresse 2]

représentée par Me Nathalie CREUZILLET, avocat au barreau de PARIS, toque : U0006





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 30 Janvier 2014

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/02946

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Février 2011 par le Conseil de Prud'hommes de MEAUX - RG n° 10/00077

APPELANT

Monsieur [X] [S]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Patrick BURNICHON, avocat au barreau de MEAUX

INTIMEE

[D] ASSOCIES SERRIS

[Adresse 2]

représentée par Me Nathalie CREUZILLET, avocat au barreau de PARIS, toque : U0006

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Novembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement interjeté par M. [X] [S] à l'encontre d'un jugement prononcé le 3 février 2011 par le conseil de prud'hommes de Meaux ayant statué sur le litige qui l'oppose à la société CABINET PATRICE [D], devenue société [D] ASSOCIES SERRIS, sur ses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement déféré qui

- a débouté M. [X] [S] de l'intégralité de ses demandes,

- a débouté la société [D] ASSOCIES SERRIS de ses demandes reconventionnelles,

- a mis les dépens à la charge de M. [S].

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

M. [X] [S], appelant, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, poursuit :  

- la condamnation de la société [D] ASSOCIES SERRIS à lui payer les sommes suivantes :

au titre de l'exécution de la relation de travail :

- 1 799,09 € à titre de frais de déplacement des années 2005 à 2009,

- 4 301,15 € à titre de frais professionnels "[Localité 2]" de 2005 à 2009,

- 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour temps de trajet domicile/travail de 2005 à 2009,

- 12 882 € à titre de dommages et intérêts pour défaut d'abondement au PEE de 2005 à 2009,

- 22 500 € à titre de dommages et intérêts pour occupation professionnelle du domicile,

- 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour absence de protection sociale complémentaire,

- 6 390,91€ à titre de dommages et intérêts pour privation de salaire du fait de la modification du contrat de travail,

- 2 500 € à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale,

au titre de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet :

- à titre principal : 203 033,40 € à titre de rappel de salaire de 2005 à 2009,

- subsidiairement : 6 390,91 € à titre de dommages et intérêts pour privation de salaire du 01/10/2008 au 30/09/2009,

au titre de la rupture (requalification de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse) :

- à titre d'indemnité de préavis : 5 869,62 € (base de 151,67 heures) ou, subsidiairement, 1 649,65 € (base 42 heures) ou, à titre infiniment subsidiaire, 1 138,63 € (base 29 heures), outre les congés payés afférents,

- à titre d'indemnité de licenciement : 5 287,83 € (base de 151,67 heures) ou, subsidiairement, 1 625,31 € (base 42 heures) ou, à titre infiniment subsidiaire, 1 127,25 € (base 29 heures),

- à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 58 696,20 € (base de 151,67 heures) ou, subsidiairement, 16 494,50 € (base 42 heures) ou, à titre infiniment subsidiaire, 11 386,30 € (base 29 heures),

au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ou des heures complémentaires :

- (travail dissimulé) 35 217,72 € à titre (base 151,67 heures) ou, subsidiairement, 9896,70 € (base 42 heures),

- ou à titre infiniment subsidiaire :

- 17 089,33 € au titre des heures complémentaires,

- 2 130 € à titre de majoration de 25 % sur les heures complémentaires,

- 1 000 € à titre de dommages et intérêts sur les heures complémentaires,

- 6 910,38 € à titre d'indemnité pour dissimulation des heures complémentaires,

à titre de dommages et intérêts pour demandes reconventionnelles abusives : 2000 €,

au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 3 000 €,

- la remise sous astreinte d'une attestation POLE EMPLOI, d'un certificat de travail et de bulletins de paie conformes à la décision,

- le rejet des demandes reconventionnelles de la société [D] ASSOCIES SERRIS.

La société [D] ASSOCIES SERRIS, intimée, conclut

- à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [S] de l'intégralité de ses demandes,

- à son infirmation pour le surplus et, en conséquence, à la condamnation de M. [S] à lui payer :

- 21 185,61 € à titre de remboursement de frais indus, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2010, date de la première présentation de la mise en demeure du 22 avril 2010,

- 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

M. [S] a été salarié de la société FIDUCIAIRE FINANCIERE FISCALITE (SA3F) dirigée par M. [J], expert comptable, en qualité de comptable (non cadre).

En novembre 2003, cette société a cédé une partie de sa clientèle à la société CABINET PATRICE [D], aux droits de laquelle vient aujourd''hui la société [D] ASSOCIES SERRIS.

A compter de cette date et jusqu'en mai 2005, M. [S], salarié de la société FIDUCIAIRE FINANCIERE FISCALITE, a été mis à disposition de la société CABINET [E] [D] à temps partiel, à raison de 53,5 heures par mois, pour suivre les clients repris par cette dernière, dont il avait précédemment la charge au sein de la société SA3F.

Le 2 mai 2005, M. [S] a été engagé par la société CABINET PATRICE [D] sans qu'aucun contrat écrit ne soit établi, à temps partiel, à raison de 42 heures par mois. Ce temps de travail a été ramené à 29 heures mensuelles à compter d'octobre 2008 dans des conditions qui font l'objet d'une partie du litige.

Par courrier du 28 août 2009, M. [S] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par courrier du 4 septembre 2009, la société CABINET [E] [D] a pris acte de la démission de M. [S].

Après avoir effectué un préavis d'un mois, M. [S] a quitté l'entreprise le 30 septembre 2009.

Le 22 janvier 2010, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes qui a rendu le jugement déféré.

SUR CE

Sur le contrat de travail

Sur les demandes en paiement liées à l'exécution du contrat de travail

' sur les frais de déplacement professionnels

M. [S] argue qu'à la demande de l'employeur, il utilisait son véhicule personnel pour assurer les activités effectuées à l'extérieur du cabinet comptable ;

Qu'en application des articles R. 3261-10 et R. 3261-15 du code du travail, il est fondé à demander le remboursement de ses frais de déplacement entre sa résidence habituelle et ses différents lieux de travail ; qu'au cours de la relation de travail, il n'a été remboursé que sur la base de trajets entre le siège du cabinet, à [Localité 1], et les lieux de travail, ce qui correspond à une minoration du kilométrage effectué.

La société [D] ASSOCIES SERRIS objecte que c'est M. [S] lui-même qui a toujours chiffré ses frais de déplacement ; qu'elle a toujours payé sans vérifier ni la réalité des déplacements chez les clients concernés, ni le nombre de kilomètres comptés ; qu'après vérification, elle s'est aperçue que M. [S] avait à tort compté des kilométrages depuis son domicile et non pas depuis le siège de la société, ce qui avait entraîné un paiement de frais indus (21 185,61 €) ; qu'il n'a jamais été demandé à M. [S] de travailler à son domicile ; qu'il avait un bureau à sa disposition au siège de la société à partir duquel il pouvait être amené à se déplacer chez les clients ; que de 2003 à 2005, quand il était encore mis à disposition par la société FIDUCIAIRE FINANCIERE FISCALITE (M. [J]), il comptait ses frais depuis le siège de [Localité 1].

Il n'est pas contesté que M. [S] devait, pour les besoins de son travail, se rendre avec son véhicule personnel au domicile ou dans les locaux de clients. Il ressort par ailleurs du dossier qu'il ne venait au bureau que deux matinées par semaine, puis seulement une matinée par semaine à compter d'octobre 2008. Il s'en déduit que certains déplacements chez des clients s'effectuaient depuis son domicile personnel. En application de l'article R. 3261-15 du code du travail, il est fondé à réclamer la prise en charge des frais de carburant du véhicule qui lui permettait d'effectuer les déplacements entre sa résidence habituelle et ses différents lieux de travail, ainsi qu'entre ses différents lieux de travail.

Les pièces versées par la société [D] ASSOCIES SERRIS établissent cependant que c'est sur cette base que M. [S] a fait établir le montant de ses frais de déplacement et que ceux-ci lui ont été réglés par l'employeur (lequel, contestant le calcul du kilométrage depuis le domicile, forme à ce titre une demande reconventionnelle en remboursement).

La demande sera par conséquent rejetée. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.

' sur les frais professionnels "[Localité 2]"

M. [S] réclame le remboursement de frais de déplacement chez un client domicilié à [Localité 2] que l'employeur lui a refusé dès le début de la relation de travail en raison d'une prétendue faible rentabilité du dossier ; qu'il a néanmoins dû continuer à se rendre régulièrement à [Localité 2] chez ce client (un déplacement mensuel).

La société [D] ASSOCIES SERRIS oppose qu'il ne s'agissait que d'une supervision de comptes et non pas de la tenue d'une comptabilité nécessitant un déplacement chez le client ; que sauf à ce que, de façon occulte, M. [S] ait tenu la comptabilité dudit client, il n'avait aucune raison de se déplacer chez lui.

Il est constant que la société [D] ASSOCIES SERRIS a refusé le remboursement de frais correspondant à des déplacements chez le client société MARTIN & CIE dont le siège est à [Localité 2], au motif de la faible rentabilité du dossier. L'employeur verse des notes mensuelles d'honoraires et frais adressées à la société MARTIN & CIE entre mars 2007 et juin 2009 dont la plupart sont d'un montant inférieur à 300 €. M. [S] ne justifie pas qu'il s'est trouvé dans l'incapacité de suivre ce dossier sans se rendre au siège de l'entreprise, ni même qu'il a fait part de ses éventuelles difficultés à cet égard à son employeur. En tout état de cause, il ne lui appartenait pas de substituer sa propre appréciation à celle de l'employeur sur les moyens à mettre en oeuvre pour assurer le suivi de la comptabilité du client.

Sa demande sera rejetée. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.

' sur les dommages et intérêts pour temps de trajet domicile/travail

M. [S] argue que le temps nécessaire pour se rendre aux sièges sociaux des entreprises clientes était souvent bien supérieur au temps habituel nécessaire pour se rendre au cabinet [D] ; qu'il est donc bien fondé à réclamer une indemnité forfaitaire en compensation du temps supplémentaire de trajet accompli dans le cadre du travail commandé par l'employeur.

Cette demande qui n'est pas étayée sera rejetée.

' sur les dommages et intérêts pour défaut d'abondement au plan d'épargne entreprise (PEE)

M. [S] fait valoir que l'employeur ne lui a pas permis de bénéficier du PEE mis en place dans l'entreprise en ne lui fournissant aucune d'information lors de son embauche ; que rien ne permet d'établir qu'il n'était pas prêt à effectuer des versements si on lui avait proposé d'adhérer.

Il n'est pas contesté que l'employeur n'a pas remis à M. [S] une note d'information individuelle sur l'existence et le contenu du plan ou communiqué la liste nominative de ses salariés à l'établissement habilité concerné à charge pour ce dernier d'informer nominativement chaque salarié de l'existence d'un plan d'épargne d'entreprise, comme le prévoient les dispositions de l'article L. 3332-7 et 3332-8 du code du travail.

Toutefois, il est constant que M. [S] était informé de l'existence d'un tel plan dans l'entreprise pour avoir notamment participé à une réunion le 21 février 2008 au cours de laquelle le sujet du PEE a été évoqué. L'employeur verse par ailleurs les attestations de sept salariés, anciens collègues de M. [S], qui certifient que ce dernier était informé de l'existence du PEE pour avoir participé à des réunions au cours desquelles la question du PEE était abordée et pour avoir été destinataire des comptes-rendus de ces réunions. M. [C], son assistant, atteste que M. [S] avait expressément indiqué ne pas être intéressé par le PEE.

La demande sera rejetée. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point également.

' sur les dommages et intérêts pour occupation professionnelle du domicile

M. [S] soutient qu'il a utilisé, à la demande de l'employeur, une partie de son domicile à usage de bureau en y entreposant des "objets" à finalité professionnelle ; qu'il avait "l'ordre impératif" d'exécuter une partie du travail qui lui était confié à son domicile personnel ; qu'il ne se rendait au bureau ou chez les clients que deux matinées par semaine ; qu'il s'en déduit que le reste du temps travaillé était effectué à son domicile ; qu'il est bien fondé à réclamer une indemnité de 1 500 € par année (7 500 €).

La société [D] ASSOCIES SERRIS fait valoir que M. [S] disposait d'un bureau au cabinet.

L'employeur indique toutefois dans ses écritures que de mai 2005 à octobre 2008, M. [S] ne se rendait que deux fois par semaine dans les bureaux de la société, les lundis et jeudis matins, et qu'à compter d'octobre 2008, il n'y venait plus qu'une matinée par semaine. L'employeur affirme par ailleurs que de mai 2005 à octobre 2008, le temps de travail de M. [S] était de 42 heures par mois et de 29 heures à partir d'octobre. La thèse de M. [S] selon laquelle il travaillait, pour partie, à domicile s'en trouve accréditée, d'autant que dans un courrier du 14 septembre 2009, l'employeur lui demande de bien vouloir rapporter au cabinet la totalité des documents et dossiers qui seraient encore chez lui.

La sujétion particulière que représente pour un salarié le fait de travailler à domicile, même partiellement, n'a pas été, en l'espèce, indemnisée. Une somme de 5 000 € (1 000 x 5) sera accordée à M. [S].

' sur les dommages et intérêts pour absence de protection sociale complémentaire

M. [S] fait valoir qu'il n'a jamais bénéficié d'une protection sociale complémentaire, type mutuelle, contrairement aux salariés à temps complet ; qu'il n'a eu aucune information à ce sujet ; que cette discrimination doit être réparée.

La société [D] ASSOCIES SERRIS ne développe pas d'argumentation sur ce chef de demande.

M. [S] ne prétend pas avoir demandé des informations qui ne lui auraient pas été données sur la complémentaire santé proposée par l'employeur. Son préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts.

' sur les dommages et intérêts pour absence de visite médicale obligatoire

M. [S] indique qu'il n'a bénéficié d'aucun suivi médical au cours de la relation de travail.

La société [D] ASSOCIES SERRIS ne développe pas d'argumentation sur ce chef de demande.

M. [S], qui pouvait solliciter de son employeur son examen par la médecine du travail (R. 4624-18 du code du travail), ne démontre pas le préjudice qui a pu résulter pour lui du défaut d'examen périodique. Sa demande sera rejetée.

' sur les dommages et intérêts pour privation de salaire du fait de la modification du contrat de travail à compter d'octobre 2008

M. [S] soutient qu'il a été embauché le 2 mai 2005 pour une durée mensuelle de 42 heures ; qu'à compter du 1er octobre 2008, l'employeur a modifié unilatéralement la durée du travail, la portant à 29 heures mensuelles ; qu'il en a résulté pour lui une perte financière ; qu'il n'a jamais donné son accord à une diminution de son temps de travail.

L'employeur répond qu'en mai 2005, M. [S], alors âgé de 60 ans et retraité depuis 2004, a souhaité devenir salarié du CABINET [E] [D] à temps partiel, à raison de 42 heures par mois ; qu'à compter d'octobre 2008, dans la perspective de son départ définitif à la retraite en 2009, le temps de travail a été ramené d'un commun accord, à 29 heures par mois.

Aucune réclamation ou protestation de M. [S] consécutive à la réduction de son temps de travail ne ressort du dossier. Au contraire, dans sa lettre de prise d'acte de la rupture du 28 août 2009, qui exprime un certain nombre de reproches à l'égard de l'employeur sans faire état de la diminution du temps de travail, le salarié se plaint d'une diminution minime (66 €) de salaire sur son bulletin de paie du mois de juillet 2009, précisant : 'Je vous rappelle que nos accords salariaux ont toujours été conclus 'salaires nets' (pour 1 250,00€ à partir du 1er mai 2009)'. La somme de 1 250 € net est en-deçà de qu'il aurait perçue sur la base de 42 heures de travail mensuelles. Il s'en déduit que M. [S] a consenti à la diminution de son temps de travail à compter du mois d'octobre 2008.

M. [S] sera, par conséquent, débouté de sa demande.

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et les demandes subséquentes

M. [S] soutient qu'il était en permanence à la disposition de l'employeur, tant dans les locaux du cabinet que chez les clients, physiquement ou au téléphone ; que la fiche d'heures présentée par l'employeur n'est pas probante ; que l'employeur se fonde sur des rapports informatiques qu'il a établis lui-même pour les besoins de la cause ; que ces rapports ne mentionnent pas des prestations réalisées avec certains clients qui attestent en sa faveur ; Qu'en outre, il n'était pas prévenu de ses horaires de travail ; qu'il a été contraint de communiquer à son employeur ses coordonnées personnelles (portable, fax...) ; que les collaborateurs du cabinet n'hésitaient pas à l'appeler aux heures d'ouverture du bureau sans se soucier de ses horaires à temps partiel.

La société [D] ASSOCIES SERRIS répond que jusqu'en octobre 2008, M. [S] venait deux fois par semaine au cabinet, les lundis et jeudis matins ; qu'à compter d'octobre 2008, sa durée de travail ayant été réduite d'un commun accord, il ne venait plus qu'une matinée par semaine ; qu'il organisait son temps comme il l'entendait ; que M. [S] n'a jamais eu la responsabilité d'autres dossiers que ceux qui ont été cédés à la société [D] ASSOCIES SERRIS et dont il avait la charge chez M. [J] (en dehors d'un dossier concernant un pressing qu'il a apporté lui-même) ; que M. [S] étant retraité depuis 2004, il ne pouvait être également salarié à temps complet ; qu'en fait, M. [S] est redevenu salarié de M. [J] ; qu'en mars 2009, M. [S] a demandé que ses salaires et remboursements de frais soient versés à Mme [S] ; qu'il était acquis que le départ de M. [S] interviendrait en décembre 2009 ; qu'à compter du mois de juin 2009, sans aucune difficulté préalable, certains clients se sont subitement déclarés insatisfaits des prestations du cabinet et ont manifesté leur volonté de rompre leurs relations contractuelles ; que c'est dans ce contexte que M. [S] a adressé sa lettre de prise d'acte de la rupture ; que neuf clients ont quitté le cabinet dès septembre, entraînant une perte de chiffre d'affaires annuel de 42 000 € ; que le conseil de l'ordre a été saisi ; qu'il s'est confirmé que M. [S] travaillait pour le compte de M. [J] ; qu'au terme d'une procédure de conciliation engagée par le conseil de l'ordre, la société EXPERTISE COMPTABLE JF, dirigée par M. [J], l'a indemnisée à hauteur de 17 000 € pour le détournement de clientèle opéré par M. [S] ; que les attestations produites par M. [S] sont de pure complaisance, émanant des clients qu'il a détournés.

En application de l'article L. 3123-14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit préciser notamment la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. L'absence de mention relative à la répartition de la durée du travail fait présumer que l'emploi est à temps complet. Il incombe à l'employeur, qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, qu'il s'agissait d'un emploi à temps partiel, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition.

En l'espèce, l'employeur fournit les attestations circonstanciées de neufs salariés du cabinet desquelles il ressort :

- que M. [S] était présent au cabinet deux matinées par semaine, les lundis et jeudis, puis une matinée seulement, l'un des attestants (M. [T], comptable) précisant que la fréquence et la durée de ses 'passages' excluaient toute possibilité de gérer un portefeuille complet à temps plein,

- que M. [S] ne disposait pas de téléphone professionnel et que son numéro de téléphone personnel n'était pas communiqué aux clients par le cabinet ; que pas plus qu'aux autres salariés du cabinet, il ne lui était demandé d'être joignable sur son téléphone personnel,

- que selon M. [C], assistant de M. [S], le travail donné par ce dernier ne lui permettait pas de travailler exclusivement pour lui 'du fait qu'il était à temps partiel' et qu'il ne prenait pas de nouveaux dossiers, réduisant 'même ses heures en ne remplaçant pas les dossiers partis' ; qu'en l'absence de M. [S], il prenait pour lui les appels des clients ; que M. [S] et lui travaillaient en binôme et faisaient le point sur les dossiers lors des venues de M. [S].

La société [D] ASSOCIES SERRIS produit, par ailleurs, les correspondances échangées entre MM. [D] et [J] et le conseil de l'ordre des experts comptables à la suite de la plainte de la société [D] ASSOCIES SERRIS, desquelles il ressort que M. [S] était salarié de M. [J], ce dont il a dû justifier pour répondre à une accusation d'exercice illégal de la profession d'expert comptable, et a qu'il a contribué à détourner une dizaine de clients au profit de son autre employeur, la clientèle détournée correspondant à celle qui avait été rachetée au cabinet de M. [J] en novembre 2003 et que M. [S] avait continué de suivre au sein du cabinet [D].

L'employeur produit par ailleurs un récapitulatif des heures effectuées par M. [S] sur les dossiers clients du cabinet, décompte très précis sur la base duquel les bulletins de salaire de M. [S] étaient établis en accord avec M. [S] qui ne les a pas contestés au cours de la relation de travail, ainsi qu'en atteste Mme [P], comptable ('M. [S] m'a également appelée afin de faire son solde de tout compte avec les éléments qu'il me donnait. Tout changement sur sa paie était toujours en accord avec M. [S] et selon ses consignes').

Se trouve encore au dossier l'avis d'imposition de M. [S] pour l'année 2010 qui fait apparaître des revenus en salaires de 10 712 € alors que le dernier bulletin de salaire émis par la société [D] ASSOCIES SERRIS (septembre 2009) mentionne un montant imposable cumulé de 8 715,43 €.

L'ensemble de ces éléments, non utilement contrebattu par les pièces versées par le salarié - des témoignages de sa grande disponibilité émanant de clients détournés du cabinet [D] et donc d'une médiocre valeur probante -, établit à suffisance que M. [S] ne travaillait qu'à temps partiel au sein du CABINET [E] [D], qu'il n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait nullement à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point M. [S] débouté de ses demandes contraires (rappel de salaires, indemnité pour travail dissimulé).

Sur la demande subsidiaire en paiement d'heures complémentaires

Dans le cas où sa demande de requalification du contrat en contrat de travail à temps complet ne prospérerait pas, M. [S] réclame le paiement d'heures complémentaires, faisant valoir que les véritables fiches d'heures rédigées par lui pour la fixation des honoraires aux clients ont été 'occultées' par l'employeur, les fiches présentées par ce dernier ne reflétant pas l'intégralité des heures réellement effectuées, soit par minoration du travail effectué, soit par omission de certains clients.

Il produit des attestations émanant de clients détournés du cabinet [D] et donc d'une piètre valeur probante. En outre, le décompte minutieux, produit par l'employeur, des prestations effectuées dans les dossiers clients du cabinet suivis par M. [S] sont conformes à l'attestation fournie par M. [C], précité, qui énumère dans son témoignage les dossiers suivis par M. [S], dont il était l'assistant, mais aussi au contenu d'une note que M. [S] a adressée à M. [D] concernant la "nouvelle affectation de son portefeuille clients" qui recense les dossiers à transmettre et ceux qu'il conservera jusqu'à son départ.

Dans ces conditions, il ne peut être retenu que M. [S] a effectué des heures qui ne lui ont pas été payées. La demande sera rejetée ainsi que celles y afférentes (majoration de 25% sur heures complémentaires, dommages et intérêts, indemnité pour dissimulation d'heures complémentaires).

Sur la rupture du contrat de travail

M. [S] fait valoir que sa lettre de rupture fait état d'un manque de confiance caractérisé de la part de l'employeur rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle ; qu'en effet, en août 2009, M. [D] lui a retiré un dossier au motif qu'il n'aurait pas satisfait à sa mission, ce dont le client a été informé ; qu'à ces faits, s'ajoutent la suppression de son bureau et son installation dans une pièce de 5 m2, ne comportant ni fenêtre, ni chauffage ni téléphone, le non paiement d'heures de travail complémentaires et les nombreux griefs à l'origine des demandes en paiement formulées à l'occasion du présent litige ; qu'il n'est en aucun cas responsable du départ de certains clients du cabinet ; que sa lettre de rupture ne saurait constituer une démission ; que son départ est intervenu dans 'un contexte de contrainte et d'illégalité commise par l'employeur'.

La société [D] ASSOCIES SERRIS répond que le départ de M. [S] était prévu depuis 2008 pour le 31 décembre 2009 ; que les griefs que le salarié invoque ont été inventés de toute pièce ; que M. [S] s'est entendu avec les clients qu'il avait l'intention de détourner pour qu'ils se plaignent des services du cabinet afin de rendre crédible leur volonté de rompre brutalement en septembre 2009 et pour qu'ils attestent ensuite en sa faveur.

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur. La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

A l'appui de ses griefs, M. [S] fournit les attestations de clients qui font état de conditions matérielles difficiles et de vexations qu'il aurait subies dans le cadre de son travail au sein du cabinet d'expertise comptable. Ces témoignages douteux - pour les raisons qui ont été exposées précédemment - sont contredits par ceux des salariés du cabinet qui, en des termes circonstanciés, indiquent que M. [S] disposait d'un bureau au sein d'un open-space, d'un poste informatique et d'un téléphone, qu'il avait à sa disposition, pour recevoir ses clients, une salle de réunion et que ses conditions de travail étaient les mêmes que celles offertes aux autres collaborateurs. Le manque de confiance dont se plaint M. [S] dans sa lettre de prise d'acte de la rupture peut être mis en relation avec le départ brutal d'une partie de la clientèle dans les circonstances qui ont été exposées supra.

Il sera ajouté que la coïncidence dans le temps du départ des clients détournés au profit de la société dirigée par M. [J] et de la prise d'acte de la rupture du contrat par M. [S] (fin août 2009), dont le départ avait été annoncé pour la fin de l'année 2009 ainsi qu'en témoignent à la fois les salariés du cabinet et la note précitée de redistribution des dossiers, accrédite la thèse de l'employeur selon laquelle la prise d'acte de rupture ne constituait qu'une manoeuvre.

Le défaut de paiement de l'indemnité pour occupation professionnelle du domicile, les manquements de l'employeur relatifs au plan d'épargne entreprise (PEE), à la protection sociale complémentaire et au suivi médical n'étaient pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur.

Dans ces conditions, la rupture à l'initiative de M. [S] doit s'analyser en une démission. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point également et M. [S] sera débouté de ses demandes contraires (indemnité de préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

Sur la demande reconventionnelle en remboursement de frais indûment payés

La société [D] ASSOCIES SERRIS fait valoir qu'après vérification, elle a constaté que M. [S] lui avait indûment facturé des frais kilométriques en calculant ses trajets non pas à partir du siège de la société, comme il l'avait toujours fait quand il était mis à disposition par M. [J] et comme le font les salariés au sein du cabinet, mais à partir de son domicile.

Les développements qui précèdent, relatifs à la demande de M. [S] en paiement de ses frais de déplacement professionnels, conduisent à rejeter la demande reconventionnelle formée par l'employeur à ce même titre. Le jugement sera confirmé de ce chef également.

Sur la demande de dommages et intérêts pour demandes reconventionnelles abusives

Le rejet de la demande de la société [D] ASSOCIES SERRIS relative au remboursement de frais de déplacement indûment payés ne permet pas de caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice.

La demande formée par l'employeur sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ne saurait être constitutive d'un abus.

Sur les intérêts

Les dommages-intérêts alloués produiront des intérêts à compter du présent arrêt.

Sur la remise des documents sociaux

Il n'y a lieu en l'espèce à remise de documents sociaux modifiés.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

M. [S] et la société [D] ASSOCIES SERRIS succombant l'un et l'autre sur une partie de leurs prétentions, les dépens d'appel seront partagés par moitié et chacun conservera la charge de ses frais non compris dans les dépens exposés devant la cour, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société [D] ASSOCIES SERRIS à payer à M. [S] les sommes suivantes :

- 5 000 € à titre d'indemnité pour occupation professionnelle du domicile,

- 1 € à titre de dommages et intérêts pour absence d'information sur la protection sociale complémentaire,

Dit que ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Partage les dépens d'appel par moitié et laisse à chaque partie la charge de ses frais non compris dans les dépens,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 11/02946
Date de la décision : 30/01/2014

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°11/02946 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-30;11.02946 ?
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