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29/01/2014 | FRANCE | N°12/02030

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 29 janvier 2014, 12/02030


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 29 Janvier 2014



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/02030



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 Octobre 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/09560





APPELANTE

Madame [B] [N]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Danièle TE

TREAU ROCHE, avocate au barreau de PARIS, C0102

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/031949 du 25/09/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)





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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 29 Janvier 2014

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/02030

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 Octobre 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/09560

APPELANTE

Madame [B] [N]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Danièle TETREAU ROCHE, avocate au barreau de PARIS, C0102

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/031949 du 25/09/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

S.A.S. ARTHUR STRAIGHT

Siret : 487762049 00020

[Adresse 1]

[Localité 1]

en présence de M. [Z] [V], directeur administratif et financier

représentée par Me François de RAYNAL, avocat au barreau de PARIS, C2151

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Novembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jacques BOUDY, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [B] [N] a été embauchée en qualité de manager à compter du 19 juin 2006 par la SAS Arthur Straight qui était une société de conseil en organisation et en management.

Les relations contractuelles étaient placées sous l'empire de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseil, dite Syntec.

Après avoir fait l'objet d'une mesure de mise à pied conservatoire le 8 juin 2010 et avoir été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, Mme [B] [N] s'est vue notifier son licenciement pour faute lourde le 8 juillet 2010.

Ayant saisi le conseil de prud'hommes de Paris en contestation du bien-fondé de son licenciement, ce dernier, par jugement en date du 17 octobre 2011, a considéré que les faits reprochés à la salariée ne pouvaient constituer une faute lourde et lui a donc alloué la somme de 9908,26 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, outre la somme de 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée au greffe le 27 février 2012, Mme [B] [N] a interjeté appel de ce jugement.

Devant la cour, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 9 908,26 € à titre de congés payés en l'absence de faute lourde.

Pour le surplus, elle conclut à son infirmation et en conséquence, à la condamnation de la SAS Arthur Straight à lui payer les sommes suivantes :

- 15 000 € à titre de salaire variable pour l'année 2009

- 11 875 € à titre de salaire variable pour l'année 2010

- 7 500 € à titre d'indemnité pour défaut de respect de la procédure de licenciement

- 10 321,10 € à titre de salaire correspondant à la période de mise à pied

- 22 500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 1 032,10 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied

- 2 250 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis

- 13 630 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 105 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

-1 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice du fait des circonstances de la rupture

- 44 000 € à titre d'indemnité pour perte de chance d'attribution définitive d'actions

Elle demande également que les intérêts au taux légal soit dus à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes pour les demandes à caractère salarial et ce, avec capitalisation.

Elle réclame enfin la condamnation de la SAS Arthur Straight à lui payer la somme de 10 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer à son avocat, la somme de 2987,50 € hors taxes sur le fondement de l'article 37 de la loi numéro 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

De son côté, la SAS Arthur Straight conclut au rejet de l'ensemble des demandes formées à son encontre et à la condamnation de Mme [B] [N] à lui payer la somme de 2 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire, elle demande qu'il soit jugé que le licenciement reposait bien sur une faute grave et que par conséquent, le jugement soit confirmé purement et simplement.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 8 juillet 2010 était motivée de la façon suivante :

« ...nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute lourde.

Comme il vous a été indiqué lors de notre entretien, les raisons de cette décision sont les suivantes :

- Vol et détournement de documents confidentiels, notamment des documents appartenant à des collègues de travail et aux sociétés du groupe ;

- dénigrement de la direction générale et des associés auprès du personnel dans le but de les déstabiliser avec tenue de propos relevant de la diffamation : vous avez entretenu l'existence au sein de la société d'abus de bien social, de pillage du fonds de commerce, de détestables décisions de gestion ou d'associés nuisibles ;

- grave duplicité et déloyauté dans un contexte d'insuffisance dans le développement commercial, se concrétisant par un double langage : d'un côté, vous refusez d'adopter une attitude conforme à vos obligations contractuelles malgré la patience de votre hiérarchie qui a passé pas moins de 12 heures en entretien avec vous pour chercher à vous recadrer et d'un autre côté, vous ravivez subitement trois contacts en déclarant à certains collègues que vous faites cela par jeu pour sauver les apparences.

Aussi, nous ne pouvons davantage vous maintenir en fonction sans dommage pour la société, son fonctionnement et sa cohésion et ce d'autant que sa petite taille ne permet pas d'accepter davantage un tel dysfonctionnement.(...) ».

a) - Sur le grief tiré de la duplicité de Mme [B] [N] dans un contexte d'insuffisance en matière de développement commercial

La SAS Arthur Straight fait valoir qu'après avoir donné satisfaction, Mme [B] [N] a changé radicalement de comportement au cours de l'année 2009 de sorte que son évaluation annuelle pour cette année a fait apparaître que celle-ci n'était pas satisfaisante et qu'il existait « un mal être perceptible avec la direction et une incompréhension de la démarche portée par la direction » d'une part, et d'autre part, qu'il pouvait lui être imputé des manquements sur le plan commercial.

Qu'elle avait adopté une attitude négative à l'égard des deux dirigeants de la société, à savoir le président, M. [T] [Q] et son associé, vice président, M. [Z] [V].

Que les relations contractuelles continuant à se dégrader en début d'année 2010, le président, relevant que l'intéressée ne faisait plus confiance à la « gouvernance » de la société, en déduisait qu'il n'existait d'autres solutions qu'un départ négocié.

La SAS Arthur Straight produit aux débats une attestation de M. [X] [W] [P], le responsable des systèmes d'information, selon laquelle celui-ci avait été surpris du comportement de Mme [B] [N] qui visiblement, cherchait à « préparer un mauvais coup » et qui avait « ravivé très soudainement trois contacts commerciaux » au mois de mai 2010.

La SAS Arthur Straight indique aussi que selon cette attestation, M. [X] [W] [P] avait interrogé Mme [B] [N] sur son changement de comportement et celle-ci aurait indiqué, à propos des dirigeants de la société que « s'ils veulent jouer, alors, je vais jouer ».

Force est de constater que ce grief est particulièrement vague et inconsistant et que l'attestation produite aux débats ne fait état que d'appréciations purement subjectives de la part de son auteur.

Même s'il ressort effectivement de l'évaluation pour l'année 2009 et de différents échanges de messages électroniques que la direction avait le sentiment que la salariée ne partageait pas sa stratégie, cela est contesté par l'intéressée et ne résulte d'aucun élément de preuve précis.

En toute hypothèse, à supposer qu'il en est résulté une perte de confiance de la part de l'employeur, cette seule circonstance ne pouvait justifier un licenciement.

Ce grief ne peut donc être retenu.

b) - Sur le grief tiré du vol et de détournements de documents confidentiels

Il est constant qu'à l'époque du licenciement, les dirigeants de l'entreprise étaient en litige avec M.[M], avec qui ils avaient eu des contacts commerciaux et qui selon la SAS Arthur Straight, s'était révélé être un escroc, se livrant à un espionnage des activités de l'entreprise, par le biais notamment d'une intrusion dans son système informatique.

Son épouse était directeur administratif et financier au sein de la SAS Arthur Straight.

Selon la SAS Arthur Straight, dans la messagerie de Mme [B] [N] a été découvert un message électronique que celle-ci avait adressé le 25 septembre 2009 à Mme [M] avec pour objet « for your eyes only», lui transmettant ainsi des documents confidentiels sur l'organisation interne de la société.

Cependant, alors que l'employeur n'indique pas en quoi ce message électronique avait un caractère particulièrement confidentiel et était susceptible de nuire à l'entreprise, étant rappelé que son destinataire était lui-même membre de celle-ci et que le message d'origine, ainsi transféré à Mme [M], avait déjà pour destinataire l'ensemble des membres du comité de direction auquel Mme [B] [N] appartenait, celle-ci explique qu'il s'agissait d'un projet de document de travail, qu'elle lui avait transmis pour information, comme elle le faisait usuellement, et constitué par une présentation PowerPoint dont elle produit la copie aux débats.

Ce document de travail avait trait à la « journée des associés » du 17 septembre 2009 et son examen ne permet pas d'en déduire son caractère particulièrement confidentiel.

De plus, Mme [B] [N] produit aux débats la copie de nombreux messages électroniques dont il résulte que Mme [M] figurait en copie d'échanges entre membres du Codir (Comité de direction) et se rapportant souvent aux réunions de ce dernier, de sorte qu'il n'était pas surprenant qu'elle ait pu lui adresser le message litigieux.

Quant à la mention en langue anglaise, Mme [B] [N] explique qu'elle avait seulement pour but d'attirer l'attention de Mme [M] sur la circonstance qu'il ne s'agissait que d'un projet et qu'il n'y avait donc pas lieu de l'enregistrer.

Il n'est donc aucunement démontré que celle-ci aurait agi de manière frauduleuse en fournissant à Mme [M] des renseignements que celle-ci ne devait pas avoir.

La SAS Arthur Straight reproche aussi à Mme [B] [N] d'avoir subtilisé sur le bureau de M. [X] [W] [P] un document écrit relatif à ses objectifs annuels que ce dernier venait tout juste d'élaborer avec la direction, qu'elle l'aurait scanné et enregistré sur son ordinateur de même que sur ce dernier, auraient été découverts différents documents confidentiels sur les différentes sociétés dirigées par M. [T] [Q] et M. [Z] [V].

Si Mme [B] [N] ne conteste pas qu'effectivement il a pu être trouvé dans son ordinateur la copie d'un document personnel de M. [P], il ne résulte en revanche nullement de l'attestation de ce dernier que d'autres documents confidentiels y figuraient.

Sans donner d'explication très précise sur la présence de ce document relatif à l'évaluation de M. [P], Mme [B] [N] suppose qu'il a pu lui être envoyé par message électronique..

Ce grief est donc d'autant moins établi que l'employeur n'explique par quel profit elle aurait pu en tirer, s'agissant essentiellement d'un document personnel à M. [P], seul susceptible de s'en plaindre le cas échéant.

c) - Sur le grief tiré du dénigrement de la direction générale

La SAS Arthur Straight fait valoir qu'il a été constaté que Mme [B] [N] avait, à plusieurs reprises, dénigré les dirigeants de la société, les accusant ouvertement de commettre des abus de biens sociaux, des actes de pillage de fonds de commerce ou bien encore de prendre des décisions de gestion détestables.

Cependant, sauf abus, caractérisé par des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression et il ne peut lui être apporté que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Par ailleurs la liberté d'expression qui est reconnue au salarié s'apprécie de façon plus libérale lorsque celui-ci s'exprime à l'intérieur de l'entreprise que lorsqu'il s'agit de s'adresser à des tiers à celle-ci.

En l'espèce, à l'appui de ses allégations, la SAS Arthur Straight ne produit au débat que des attestations émanant pour l'une de M. [X] [W] [P] et pour les deux autres d'une autre salariée, Mme [O] [I].

Dans une première attestation, cette dernière fait état des propos d'une autre collègue qui se serait plainte de l'attitude de Mme [B] [N] à son égard, contestant la promotion dont elle avait fait l'objet et lui indiquant ouvertement qu'elle ne la méritait pas mais force est de constater qu'il ne résulte de cette attestation qu'une relation indirecte et fort imprécise de propos prêtés à l'appelante.

Dans une deuxième attestation, Mme [I] fait essentiellement état de propos tenus par Mme [B] [N] selon lesquels, notamment, « le cabinet était en plutôt en mauvaise posture, et que plus vite il coulerait, mieux ce serait » ou par lesquels elle aurait critiqué les dirigeants en leur reprochant leurs mauvais choix stratégiques ou bien de se livrer à des « occupations mystérieuses » défavorables au cabinet.

Par ailleurs, M. [X] [W] [P], outre des appréciations générales sur le mauvais esprit de Mme [B] [N], indique que celle-ci aurait tenu des propos concernant les dirigeants de l'entreprise et dans lesquels apparaissaient les termes: « abus de bien social », « désintérêt complet de la direction pour les collaborateurs », « incapables de modifier leur mode de pensée », « ils sont opportunistes », « embarqués dans des investissements louches ».

Mais, outre le fait que Mme [B] [N] produit aux débats des attestations aux termes desquelles elle portait en général une appréciation flatteuse sur le président de la société et qu'elle fait valoir à juste titre qu'en sa qualité de membre du comité de direction, il lui appartenait de porter également des appréciations sur la marche de l'entreprise et sur sa gestion, il ne résulte pas de ces éléments l'imputation de faits précis pouvant caractériser une diffamation, s'agissant d'appréciations générales qui n'excèdaient donc pas les contours de la liberté d'expression reconnue à un salarié, étant observé qu'en l'espèce, M. [P] était lui-même membre du comité de direction, de sorte que ces critiques ne connaissaient aucune publicité au sein du personnel.

Il apparaît donc que les griefs retenus par l'employeur pour justifier le licenciement ne sont pas établis par conséquent, celui-ci doit être considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail

Le contrat de travail établi le 19 juin 2006 prévoyait, au titre de la rémunération, une prime d'un montant de 10 000 € et qui devait être attribuée « tant en fonction de la performance de Mme [B] [N], que de celle de l'entreprise ».

Le contrat prévoyait également que les modalités de calcul de la prime seraient fixées par une annexe.

Mme [B] [N] fait valoir qu'alors qu'elle a perçu en 2006 une rémunération variable de 6444 €, correspondant à 120 % de ce qui était prévu, prorata temporis, de 10 000 € en 2007 et de 15 000 € en 2008, elle est fondée à réclamer la somme de 15 000 € au titre de l'année 2009 et celle de 11 875 € au titre de l'année 2010, prorata temporis.

Pour s'y opposer, l'employeur se borne à faire valoir que les performances de la salariée ont été mauvaises pour l'année 2009 et qu'en ce qui concerne l'année 2010, celle-ci n'a obtenu aucun résultat sur le plan commercial.

Mais il apparaît que contrairement à ses prévisions, le contrat ne comportait aucune annexe détaillant les conditions dans lesquelles la prime serait attribuée au salarié.

Par conséquent, celle-ci ayant un caractère contractuel, elle était bien due à la salariée sans que l'employeur puisse lui opposer des conditions qui n'ont pas été portées à sa connaissance et qui demeurent d'ailleurs imprécises.

En revanche, son montant étant limité à 10 000 €, c'est celui-ci qui devra être retenu pour l'année 2009.

Pour l'année 2010, le licenciement ayant été prononcé le 8 juillet mais notifié le 15 juillet, les relations contractuelles ont pris fin le 15 octobre de la même année, compte tenu du délai de préavis de trois mois prévu par la convention collective.

Par conséquent, il est dû à l'appelante la somme de 6 849 €, prorata temporis.

Sur le salaire de référence

Il résulte de ce qui précède qu'alors que Mme [B] [N] fait valoir que sa rémunération mensuelle moyenne des 12 derniers mois doit être fixée à 9 465,27 €, sans en préciser le calcul, celle-ci doit être fixée à la somme de 8 750 €.

Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail

Mme [B] [N] réclame en premier lieu le paiement de son salaire correspondant à la période pendant laquelle elle s'est trouvée mise à pied, soit la somme de 10 321,10 €.

Il est donc dû, à ce titre, pour la période courue du 8 juin 2010 au 15 juillet 2010, date de notification de son licenciement et sur la base d'un salaire brut de 7 500 €, la somme de 9 500 €.

De même, elle était fondée à réclamer, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme totale de 22 500 €, correspondant à l'équivalent de trois mois de salaire, conformément aux dispositions de la convention collective.

Il sera dû, pour ces sommes, les indemnités compensatrices de congés payés qui s'y rapportent.

Par ailleurs, alors que Mme [B] [N] réclame le paiement d'une somme de 9 908,26 € correspondant aux congés payés qu'elle a acquis à la date de son licenciement, cette demande doit être accueillie en l'absence de contestation quant aux calculs de ses droits.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

S'agissant de l'indemnité de licenciement conventionnelle, il est bien exact qu'à la date d'expiration des relations contractuelles, c'est-à-dire 15 octobre 2010, Mme [B] [N] justifiait d'une ancienneté de 4,32 années et non pas seulement, comme le soutient l'employeur d'une ancienneté de quatre ans et 26 jours.

Par conséquent, cette indemnité doit s'établir de la façon suivante :

4,32 X 1/3 X 8750 = 12 600 €

S'agissant du préjudice lié à son licenciement pour cause réelle ni sérieuse, Mme [B] [N] justifie qu'alors qu'elle était âgée de 45 ans, elle ne perçoit plus qu'une allocation spécifique de solidarité, qu'elle s'est trouvée dans l'incapacité de trouver un nouvel emploi correspondant à son domaine de compétence, de sorte qu'elle s'est vue contrainte de débuter une formation dans un domaine totalement différent.

Elle démontre aussi qu'alors qu'elle contribuait à subvenir aux besoins de sa mère, retraitée, qui n'avait que de faibles ressources, elle s'est vue contrainte de cesser les versements qu'elle lui faisait, de quitter le logement qu'elle occupait à [Localité 1] pour venir s'installer avec elle afin de partager les frais de la vie quotidienne.

Dans ces conditions, il lui sera alloué une indemnité d'un montant total de 80 000 €.

Contrairement à ce qu'affirme l'employeur, il résulte de la simple consultation de la copie du registre du personnel qu'il produit aux débats qu'à la date du licenciement, son effectif moyen était au moins égal à 11 salariés.

Or, aux termes de l'article L.1235-4 du code du travail,en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse ou nul et lorsque le salarié disposait d'une ancienneté au moins égale à deux années dans une entreprise comportant au moins onze salariés, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Il sera donc fait application de ces dispositions, dans la limite de quatre mois de versement.

Par ailleurs, s'agissant d'une salariée ayant au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise comportant au moins 11 salariés, il résulte de l'article L 1235-2 du code du travail que l'indemnité prévue en cas de procédure de licenciement irrégulière ne peut être due que si le licenciement est considéré comme ayant eu une cause réelle et sérieuse.

Par conséquent, la demande formée par Mme [B] [N] sur ce dernier fondement, doit être rejetée pour ce seul motif.

Il convient aussi de la débouter de sa demande en dommages et intérêts en raison des circonstances qu'elle prétend abusives de la rupture, faute par l'appelante de démontrer en quoi le licenciement est intervenu dans des conditions vexatoires.

Il est constant que le 18 décembre 2008, Mme [B] [N] s'est vue attribuer par la SAS Arthur Straight 300 actions d'une valeur nominale de 3,70 €, représentant 3 % du capital de la société et qu'il était prévu que cette attribution serait définitive au terme d'une période de deux ans.

Faisant valoir qu'en raison de son licenciement, elle a subi une perte de chance d'acquisition définitive de ces actions, Mme [B] [N] sollicite la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi de ce fait, soit la somme de 44 000 €.

Mais dans la mesure où elle ne fournit aucun élément de nature à permettre l'évaluation de son préjudice, cette demande sera rejetée.

Sur les intérêts au taux légal

En ce qui concerne les rappels de primes et de salaire, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement et les indemnités de congés payés, qui ne sont pas laissées à l'appréciation du juge, mais qui résultent de l'application de la loi ou de la convention collective, les intérêts des sommes accordées au salarié courront, conformément à l'article 1153 du code civil, au jour de la demande, c'est-à-dire à compter du 22 juillet 2010, date de réception par la SAS Arthur Straight de sa convocation devant le bureau de conciliation , qui vaut mise en demeure, et non de la date de la décision ayant déterminé leur montant.

Les autres sommes allouées à l'appelante étant de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal ne courront qu'à compter du présent arrêt en application de l'article 1153-1 du Code civil.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière.

Sur l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

En application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, il y a lieu d'autoriser Me [Y] [K], à recouvrer directement sur l'intimée la somme de 2 987,50 € HT au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que sa cliente aurait exposés si elle n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle.

Si le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a alloué à Mme [B] [N] une certaine somme par application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de celle-ci sur le même fondement puisqu'elle bénéficie de l'aide juridictionnelle totale et ne justifie pas avoir exposé des frais quelconques qui seraient restés à sa charge.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 17 octobre 2011 ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS Arthur Straight à payer à Mme [B] [N] les sommes suivantes :

- 16 849 € à titre de rappel de primes

- 9 500 € à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied et 950 € au titre des congés payés afférents

- 22 500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2250 € au titre des congés payés afférents

- 12 600 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

Toutes ces sommes, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2010

- 80 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

DIT que les intérêts de retard seront capitalisés par année entière seulement ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes pour le surplus ;

Y ajoutant,

ORDONNE à la SAS Arthur Straight de procéder au remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [B] [N], dans la limite de quatre mois de versement ;

CONDAMNE la SAS Arthur Straight à payer à Me Danièle Tétreau-Roche, avocat de Mme [B] [N], la somme de 2987,50 € HT en application et dans les conditions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE la SAS Arthur Straight aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 12/02030
Date de la décision : 29/01/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°12/02030 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-29;12.02030 ?
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