Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 24 JANVIER 2014
(n°20, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/20604
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 octobre 2011 - Tribunal de commerce de PARIS -13ème chambre - RG n°2010024825
APPELANTE
S.A.S. SMART & CO, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Anne-Laure GERIGNY-FRENEAUX de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque K 148
Assistée de Me Guillaume TEISSONNIERE plaidant pour TEISSONNIERE - SARDAIN - CHEVE AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque B 1111
INTIMEE
S.A.R.L. IDEES DU MONDE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SCP LISSARRAGUE - DUPUIS - BOCCON-GIBOD [LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES], avocat au barreau de PARIS, toque C 2477
Assistée de Me Olivier GUIDOUX plaidant pour la SCP DEPREZ - GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 221
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 novembre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice JACOMET, Conseiller Hors Hiérarchie, Faisant Fonction de Président, chargé d'instruire l'affaire, lequel a préalablement été entendu en son rapport
M. Fabrice JACOMET a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Fabrice JACOMET, Conseiller Hors Hiérarchie, Faisant Fonction de Président
Mme Marie-Annick PRIGENT, Conseiller
Mme Irène LUC, Conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président pour compléter la Cour
Greffier lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
Signé par M. Fabrice JACOMET, Conseiller Hors Hiérarchie, Faisant Fonction de Président, et par Mme Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 24 octobre 2011 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- condamné la société Smart & Co à payer à la société Idées du Monde la somme de 24.000 €, à titre de dommages-intérêts, celle de 6.899 € au titre des séjours postérieurs et celle de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné la société Smart & Co aux dépens ;
Vu l'appel relevé par la société Smart & Co et ses dernières conclusions signifiées le 18 juin 2012 par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1134, 1135, 1147 et 1149 du code civil ainsi que de l'article L 121-1 du code de la consommation :
- à titre principal, d'infirmer le jugement et de :
constater que la société Idées du Monde a manqué à ses obligations de qualité et de sécurité et qu'elle a violé son engagement contractuel d'exclusivité,
dire que la résiliation du contrat de partenariat était fondée,
en conséquence, débouter la société Idées du Monde de toutes ses demandes,
- à titre reconventionnel, de :
constater que les manquements contractuels de la société Idées du Monde ont porté atteinte à son image auprès de la clientèle et du public,
condamner la société Idées du Monde à lui payer la somme de 15.000 €, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice,
- à titre subsidiaire, si la cour confirmait sa faute, de dire que la société Idées du Monde n'a subi aucun préjudice et infirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 24.000 €, à titre de dommages-intérêts,
- en tout état de cause, condamner la société Idées du Monde à lui payer la somme de 15.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 17 avril 2012 par la société Idées du Monde qui demande à la cour au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Smart & Co a résilié de façon fautive le contrat cadre qui les liait et condamné cette société à lui payer la somme de 6.899,13 € au titre des séjours postérieurs,
- l'infirmer en ce qu'il lui a alloué la somme de 24.000 €, à titre de dommages-intérêts, pour rupture fautive du contrat et, statuant à nouveau, condamner la société Smart & Co à lui payer à ce titre la somme de 47.997,12 €, majorée des intérêts au taux légal courus à compter de la mise en demeure du 18 janvier 2010,
- condamner la société Smart & Co aux dépens et à lui payer la somme de 7.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE LA COUR
Considérant que la société Idées du Monde, qui exploite le 'Nomade-Lodge', un domaine situé en Seine et Marne, à l'orée de la forêt, autour d'une ferme rénovée, propose des séjours pittoresques sous des yourtes traditionnelles, dans des chambres d'hôtes et dans un gîte ; que la société Smart & Co fait partie du groupe Smartbox qui développe depuis 2003 des coffrets cadeaux donnant à leurs bénéficiaires l'accès à une sélection de prestations de services ; qu'elle a mis sur le marché un coffret 'séjour pittoresque' proposant une nuit avec petit-déjeuner pour 2 personnes dans un établissement authentique ou insolite parmi 582 destinations au choix ; que par contrat-cadre de partenariat signé le 10 décembre 2008, faisant suite à un premier contrat du 20 juin 2008, la société Idées du Monde a confié à la société Smart & Co une mission de recherche de clients, son activité d'apporteur d'affaires reposant sur l'émission de chèques cadeaux ; qu'en vertu des conditions particulières signées le même jour et valables jusqu'au 31 mars 2011, la société Idées du Monde fournissait deux offres dans la catégorie séjours pittoresques : une nuit sous la yourte pour deux personnes avec petit déjeuner et une nuit en chambres d'hôtes pour deux personnes avec petit déjeuner ; que cette offre était vendue au prix public de 69,90 € TTC sur lequel la société Smart & Co prélevait un montant de 20,97 € TTC, la société Idées du Monde percevant 48,93 € TTC sur chaque coffret ;
Considérant que par lettre recommandée du 26 novembre 2009 avec avis de réception, la société Smart & Co, faisant état de 17 plaintes de clients reçues par ses services depuis juin 2008 et reprochant à la société Idées du Monde des manquements à ses obligations contractuelles ainsi que son refus de coopérer en vue d'une amélioration de ses prestations a notifié à cette société la résiliation du contrat, prenant effet quinze jours après la réception de la lettre ; que dans sa réponse du 7 novembre 2009, la société Idées du Monde a contesté la résiliation du contrat en objectant qu'aucune mise en demeure préalable d'avoir à respecter ses obligations ne lui avait été adressée et en déniant tous les manquements contractuels qui lui étaient imputés ; que le 28 décembre 2009, la société Smart & Co a confirmé la résiliation du contrat à la date du 22 décembre 2009 eu égard à la réception d'une nouvelle plainte d'un client mécontent le 7 décembre 2009 et au fait que la société Idées du Monde n'avait jamais envisagé d'améliorer la qualité de ses prestations ;
Considérant que c'est à la suite de ces circonstances que la société Idées du Monde a saisi le tribunal de commerce de Paris pour voir constater le caractère abusif de la résiliation du contrat et obtenir réparation du préjudice en résultant ; que par le jugement déféré, la société Smart & Co a été condamnée à lui payer la somme de 24.000 €, à titre de dommages-intérêts, et celle de 6.899,13 € pour les séjours postérieurs à la résiliation ;
Considérant que la société Smart & Co, appelante, fait valoir que sa lettre du 26 novembre 2009 constitue une mise en demeure, laquelle n'a pas été suivie d'effet, et qu'elle a donc confirmé la résiliation du contrat par sa lettre du 28 décembre 2009 ; qu'elle soutient qu'en tout état de cause, elle était bien fondée à résilier le contrat sans avoir à respecter les formalités contractuelles en raison de la gravité des fautes de la société Idées du Monde ; qu'elle lui reproche d'avoir manqué à son obligation de fournir des prestations de qualité et d'avoir violé son obligation d'exclusivité en faisant référencer le 'Nomade Lodge' auprès de sa concurrente Wonderbox (Multipass et Dakotabox) ;
Considérant que la société Idées du Monde réplique que c'est la société Smart & Co qui a violé ses obligations contractuelles en résiliant le contrat sans respecter les modalités contractuellement prévues et qu'elle ne peut valablement se prévaloir d'une faute grave qui aurait rendu impossible le maintien des relations contractuelles ; que sur la qualité de ses prestations, elle souligne que le chiffre de 18 plaintes annoncé par la société Smart & Co doit être rapporté aux 1.226 coffrets vendus à la date du 31 décembre 2009, soit 2.542 clients, ce qui représente un taux d'insatisfaction de 0,65 %, proche de zéro ; qu'elle expose que la société Smart & Co ne lui a adressé aucun cahier des charges, que la nuit sous la yourte repose sur l'art de vivre des populations mongoles, donc sans le confort et les commodités d'une nuit dans une chambre d'hôtel et que le prix ne correspond pas à des prestations luxueuses ; qu'elle conteste les éléments de preuve versés aux débats par la société Smart & Co et invoque une appréciation favorable du guide 'Le Petit Futé' ainsi que des avis positifs d'internautes ; qu'elle fait valoir que la prétendue violation de son obligation d'exclusivité, qui serait intervenue plus d'un an après la résiliation du contrat, est sans pertinence ; que par ailleurs, elle conteste les risques que la société Smart & Co prétend avoir encouru si elle avait poursuivi le contrat, les articles L 211-1v et L 211-3g du code du tourisme dédouanant les fabricants, émetteurs et vendeurs de coffrets cadeaux de toute responsabilité en cas de mauvaise exécution de la prestation ;
Considérant qu'il convient de relever qu'à l'article 3.6 du contrat de partenariat, il est précisé que la qualité est un élément déterminant de l'engagement des parties, la société Smart & Co étant autorisée à tester gratuitement une fois par an les prestations et des tests téléphoniques pouvant être réalisés pour juger de la qualité de l'accueil et des disponibilités ; qu'il est prévu à l'article 10 que le partenaire s'engage, pendant toute la durée de sa relation contractuelle avec la société Smart & Co, à s'abstenir de toutes relations commerciales avec les sociétés développant des produits similaires aux smartbox, notamment avec Wonderbox ; que l'article 9 du contrat de partenariat stipule en cas de non respect par une des parties de leurs obligations au titre du contrat-cadre et/ou des conditions particulières, dans les 15 jours suivant ouvrés suivant l'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, restée sans effet, l'autre partie pourra résilier de plein droit les conditions particulières ;
Considérant que dans sa lettre du 26 novembre 2009, la société Smartbox a résilié le contrat en visant les manquements reprochés à la société Idées du Monde, notamment le manque d'accueil, les lacunes au niveau des sanitaires, la saleté constatée et le manque de coopération pour l'amélioration des prestations, sans mettre en demeure préalablement sa cocontractante d'y remédier ;
Mais considérant que la qualité des prestations était un élément déterminant pour les parties ; qu'avant de résilier le contrat, la société Smartboxa avait reçu 18 plaintes de clients mécontents pour des motifs récurrents : réservation non prise en compte, personnel froid voire désagréable, chambres non chauffées, chambres et sanitaires sales ; qu'ainsi l'une des clientes, Mme [P] a indiqué dans sa plainte du 27 avril 2009 :
'accueil inexistant, petit déjeuner au son de la perceuse, travaux dans la salle à manger, le propriétaire dit clairement que la Smarbox n'est pas rentable pour lui' ; qu'un autre client, M. [J], a précisé dans sa plainte du 28 avril 2009 : 'accueil très sec, pas de bonjour, pas de présentation, aucune convivialité....le propriétaire du lieu occupe le canapé devant la télé dans le salon réservé aux clients, les yourtes demandent plusieurs définitions au niveau électricité, les câbles et les fils qui traînent sans aucune protection...' ; que M. [X] dans sa plainte du 11 mai 2009, a dénoncé la froideur de l'accueil, la saleté des chambres et sanitaires et le partenaire, très désagréable avec les clients, qui se plaint des commissions pratiquées ; que M. [R], dans sa plainte du 7 octobre 2009 a dénoncé 'un accueil très froid, une salle de bain sale et l'absence d'eau chaude' ; que par e.mail du 8 octobre 2009, Mme [V] a fait part à la société Smartbox de son vif mécontentement relatif à son séjour du 3 au 4 octobre 2009, en soulignant l'absence d'accueil, le fait que la chambre, dépourvue de clé, n'était pas chauffée, et la saleté de la salle de bains ;
Que ces éléments suffisent à démontrer qu'en 2009, la société Idées du Monde a gravement manqué à la qualité élémentaire de ses prestations, sans pouvoir utilement invoquer la simplicité inhérente à 'l'art de vivre des populations mongoles' ; que les mauvaises conditions d' accueil du client et la saleté des lieux d'hébergement constituent des manquements graves et réitérés, de nature à porter atteinte à l'image de la Smartbox, qui ont justifié la résiliation du contrat sans préavis le 26 novembre 2009 ; que la rubrique du guide Le Petit Futé sur internet est suivie d'avis défavorables d'internautes ; que les appréciations élogieuses émises postérieurement par des internautes en 2011 sont sans incidence sur le litige ;
Que de surcroît, la société Idées du Monde n'a pas respecté la clause d'exclusivité ; qu'elle déclare elle-même que sa relation d'affaire avec Wonderbox était antérieure à la signature du contrat avec la société Smart & Co ; que c'est en vain qu'elle allègue que la présence de Wonderbox dans la liste des concurrents énumérés dans ce contrat résulterait d'une erreur de plume, laquelle n'est aucunement démontrée, et qu'elle n'aurait pas été mise en demeure de ce chef, un tel acte nécessitant la connaissance préalable de la violation par la société Smart & Co, ce qui n'était pas le cas ;
Qu'en conséquence, la société Idées du Monde doit être déboutée de ses demandes tendant à obtenir des dommages-intérêts pour résiliation fautive du contrat ;
Considérant, sur la demande en paiement des nuitées postérieures à la résiliation du contrat, que la société Smart & Co ne conteste pas devoir la somme de 6.899,13 € réclamée, correspondant à des séjours consécutifs à la vente de 141 coffrets cadeaux ;
Considérant que la société Smart & Co, en butte aux réclamations des bénéficiaires des coffrets cadeaux qu'elle commercialise, démontre avoir subi un préjudice d'image ; qu'en réparation, la société Idées du Monde devra lui payer la somme de 3.000 €, à titre de dommages-intérêts ;
Considérant que la société Idées du Monde, qui succombe sur l'essentiel de ses prétentions, doit supporter les dépens ; que vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de la condamner à payer la somme de 4.000 € à l'appelante et de la débouter de sa demande de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement seulement en ce qu'il a condamné la société Smart & Co à payer la somme de 6.899,13 € à la société Idées du Monde,
L'infirme en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau :
Dit que la résiliation du contrat de partenariat était fondée,
Condamne la société Idées du Monde à payer à la société Smart & Co :
- la somme de 3.000 €, à titre de dommages-intérêts,
- la somme de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne la société Idées du Monde aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président