Pôle 6- Chambre 12
ARRÊT DU 23 Janvier 2014
(no 5, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/ 01440
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Octobre 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG no 07-03324
APPELANTS Monsieur Richard X...... 75019 PARIS représenté par Me Gilles BRACKA, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN426
Monsieur Auriel X...... 95200 SARCELLES représenté par Me Gilles BRACKA, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN426
Madame Dominique Y... ... 75008 PARIS représentée par Me Gilles BRACKA, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN426
INTIMÉE CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE 110, avenue de Flandre 75951 PARIS CEDEX 19 représentée par Mme Barbara Z... en vertu d'un pouvoir spécial
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale 14, avenue Duquesne 75350 PARIS CEDEX 07 avisé-non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Novembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller qui en ont délibéré
Greffier : Madame Michèle SAGUI, lors des débats
ARRÊT :- contradictoire-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******** La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par les consorts X... d'un jugement rendu le 28 octobre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la Caisse nationale d'assurance vieillesse ;
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler que Simon X... a perçu l'allocation supplémentaire du fonds national vieillesse à compter du 1er août 1983 jusqu'à son décès survenu le 16 octobre 2005 ; qu'au vu de l'actif successoral et de l'existence de contrats d'assurance-vie souscrits par le défunt en 1994, la Caisse nationale d'assurance vieillesse en a demandé le rapport à succession et a mis en oeuvre l'action en recouvrement prévu à l'article L 815-12 ancien du code de la sécurité sociale ; qu'elle a notifié aux héritiers, dans la limite de leurs quotes-parts respectives, une demande de remboursement de la somme de 69. 869, 50 € correspondant au montant total des échéances versées au défunt ; que les intéressés ont contesté la somme réclamée et ont saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale qui a ordonné, dans un premier jugement du 5 février 2009, une expertise pour évaluer le bien immobilier dépendant de la succession.
Par jugement du 28 octobre 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a dit que les héritiers de Simon X... étaient, chacun en ce qui le concerne, débiteurs envers la Caisse nationale d'assurance vieillesse et a condamné chacun d'eux à régler à cet organisme la somme de 23 289, 83 €.
Les consorts X... font déposer et soutenir oralement par leur conseil des conclusions tendant à infirmer le jugement et déclarer que le recouvrement ne saurait s'exercer sur une somme supérieure à 34 900, 52 €. A titre subsidiaire, ils demandent à la Cour d'apprécier le caractère exagéré ou non des primes d'assurance versées au titre du contrat souscrit par le défunt et de fixer leur montant. En tout état de cause, ils concluent à la condamnation de la Caisse nationale d'assurance vieillesse à leur verser la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
Au soutien de l'appel, ils font valoir que l'actif net de la succession ne permet pas à la Caisse de récupérer l'intégralité des échéances versées puisque le recouvrement ne peut porter que sur la fraction de l'actif net dépassant 39 000 € et que le montant total de l'actif net figurant sur la déclaration de succession ne s'élève qu'à 62 276, 56 €. Ils contestent la réévaluation du bien immobilier figurant dans la succession pour 100 000 € compte tenu de son état d'abandon et de l'importance des travaux à prévoir. Ils indiquent que la caisse n'avait pas demandé au défunt de déclarer son patrimoine, lequel ne constitue pas un critère d'attribution de l'allocation supplémentaire et font observer que l'administration fiscale n'a pas procédé à une rectification de la valeur de ce bien par rapport à la déclaration qui lui a été transmise. Ils précisent en tout état de cause que la valeur de 123 000 € fixée par l'expert judiciaire doit être divisée par deux pour tenir compte de l'indivision. Ils estiment ensuite que les primes versées par le défunt dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie au profit de ses enfants ne doivent pas être rapportées à la succession dès lors que leur montant ne paraît pas manifestement exagéré. Ils considèrent en effet qu'un tel placement est d'une pratique courante et ne visait pas à éviter un éventuel recouvrement des arrérages de l'allocation supplémentaire. Ils reprochent à la caisse nationale d'attribuer à tort au défunt un comportement de mauvaise foi et font remarquer que la majorité des sommes en cause provient du réinvestissement des fonds lui revenant après le décès de son épouse décédée en 2002. Ils estiment que les primes versées ne présentent pas de caractère disproportionné par rapport aux facultés de leur auteur qui pouvait disposer d'une petite épargne après avoir travaillé pendant près de 48 ans. A titre subsidiaire, ils rappellent que seule la partie excessive des primes d'assurance-vie est soumise à rapport.
La caisse nationale d'assurance vieillesse fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions de confirmation du jugement attaqué, avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2011, date de la notification du jugement, et de condamnation des consorts X... au paiement de la somme de 500 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle estime en effet que l'actif net de la succession de Simon X... permet le recouvrement des échéances de l'allocation supplémentaire dès lors que la valeur du bien immobilier dépendant de cette succession s'élève à 61 500 € selon l'expertise ordonnée en première instance et que la totalité des primes d'assurance versées par le défunt postérieurement à la demande d'allocation était manifestement incompatible avec les ressources déclarées. Compte tenu de la réévaluation du bien immobilier et du rapport des primes d'assurance-vie, elle considère que l'actif successoral s'élève à 112 493, 89 €. Sur le premier point, elle précise que la valeur du bien consistant en un appartement de 120m ² situé à Sarcelles, a été déterminée par l'expert compte tenu du marché immobilier au moment du décès et de l'état des lieux. Sur le second point, elle fait observer que le versement des primes est manifestement exagéré pour une personne se déclarant dépourvue de ressources suffisantes pour se passer de la solidarité nationale. Elle indique en effet que les versements litigieux sont postérieurs à l'attribution de l'allocation supplémentaire et fait remarquer que le défunt n'en avait jamais fait état alors qu'il avait l'obligation de déclarer périodiquement ses biens mobiliers et immobiliers. Elle relève notamment que l'épargne acquise au terme de 48 années d'activité professionnelle n'a pas été portée à sa connaissance au moment de la demande d'allocation supplémentaire et soutient que la souscription du contrat d'assurance-vie était destinée à faire échec au recouvrement sur la succession.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant qu'il résulte des articles L 815-12 et D 815-1 anciens du code de la sécurité sociale " les arrérages servis au titre de l'allocation supplémentaire sont recouvrés en tout ou partie sur la succession de l'allocataire lorsque l'actif net de la succession est au moins égal à 39. 000 € ; que le recouvrement s'exerce sur la fraction de l'actif net excédant ce montant " ;
Considérant que pour déterminer la valeur de l'actif net de la succession de Simon X..., les premiers juges ont désigné un expert immobilier chargé de déterminer la valeur d'un appartement de 123 m ² situé à Sarcelles ;
Considérant que pour fixer à 123. 000 € la valeur totale de cet appartement composé de quatre pièces principales avec une salle d'eau attenante à chaque chambre, l'expert a tenu compte du mauvais état de l'ensemble en octobre 2005 et du coût des travaux de rénovation qui était à prévoir ;
Considérant que, dans ces conditions, cette valeur doit être retenue sans aucune déduction ; qu'il importe peu que l'administration fiscale n'ait pas procédé à la rectification de la valeur déclarée par les héritiers ;
Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont pris en considération la somme de 61 500 € correspondant à la part indivise de cet appartement devant figurer dans l'actif net de la succession du défunt ;
Considérant que les dispositions de l'article L 132-13 du code des assurances prévoient la possibilité d'un rapport à succession lorsque les sommes versées par le contractant à titre de primes étaient manifestement exagérées eu égard à ses facultés ;
Considérant que le caractère exagéré des primes eu égard aux facultés de l'allocataire doit être apprécié au moment du versement des primes, au regard de l'âge du souscripteur et de ses situations patrimoniales et familiales ; que l'utilité de la souscription est l'un des critères devant être pris en compte pour évaluer le caractère exagéré ou non des primes versées ;
Considérant qu'en l'espèce, il est établi, par le certificat des impôts, que Simon X... a souscrit le 2 janvier 1996, à l'âge de 82 ans, un contrat d'assurance-vie pour un montant de primes versées de 36 207, 97 ¿ au profit de ses trois enfants ;
Considérant qu'à cette date, l'intéressé bénéficiait déjà de l'allocation supplémentaire servie depuis le mois d'août 1983 ; qu'il déclarait alors percevoir des pensions de vieillesse pour un montant total de 721, 37 ¿ par mois et son épouse disposait de 237, 43 € ;
Considérant que compte tenu de l'âge du contractant au moment de la souscription et de sa situation patrimoniale et familiale, cette souscription était manifestement incompatible avec les ressources qu'il avait déclarées pour obtenir ou continuer à percevoir les arrérages de l'allocation supplémentaire servie depuis plus de 10 ans ; que l'utilité économique de cette souscription pour le défunt n'est pas non plus justifiée par les héritiers qui se bornent à invoquer le caractère courant de ce type de placement et le fait qu'il s'agirait en partie d'un réinvestissement des contrats souscrits par l'épouse prédécédée ;
Considérant cependant qu'il apparaît que les intéressés n'ont jamais informé la Caisse nationale d'assurance vieillesse l'existence de ces contrats d'assurance-vie alors qu'ils avaient l'obligation de déclarer périodiquement l'ensemble de leurs ressources et de leurs biens mobiliers ou immobiliers ; que la circonstance qu'une partie de ces sommes proviennent du remploi de l'assurance-vie souscrite par l'épouse du défunt à l'insu de la caisse ne fait pas disparaître le caractère exagéré d'un tel placement de la part de personnes bénéficiant de l'allocation supplémentaire ;
Considérant que, dans ces conditions, les premiers juges ont décidé à juste titre que la souscription en 1996 par le défunt d'un contrat d'assurance-vie pour un montant total de 36 207, 97 € était manifestement exagéré eu égard à ses facultés et celles de son épouse et avait pour effet de faire échec, par la minoration de l'actif net de succession, à l'action en recouvrement de la caisse ;
Considérant que le caractère exagéré s'étend à l'ensemble des primes versées pendant la période où l'intéressé bénéficiait d'une allocation supplémentaire d'un montant, s'élevant en 1996 à 353, 14 €, à peine supérieur à celui des primes alimentant mensuellement le contrat d'assurance-vie ;
Considérant que dès lors, la caisse nationale d'assurance vie était bien fondée à réintégrer ces sommes dans l'actif de succession pour exercer son action en recouvrement sur la fraction de l'actif dépassant 39 000 € ;
Considérant que cette fraction s'élevant à 73 493, 89 €, l'intégralité des arrérages pouvait être recouvrée, chacun des héritiers contribuant au remboursement en fonction de ses droits dans la succession ;
Que le jugement sera donc confirmé ; que le paiement des intérêts au taux légal est de droit sans qu'il soit besoin de le rappeler au dispositif de la décision ;
Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, il convient de condamner chacun des appelants à verser à la Caisse nationale d'assurance vieillesse la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'ils seront déboutés de leurs propres demandes à ce titre ;
Considérant que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; qu'elle ne donne pas lieu à dépens ;
PAR CES MOTIFS
Déclare les consorts X... recevables mais mal fondés en leur appel ;
Confirme le jugement entrepris ;
Condamne les consorts X... à payer chacun la somme de 500 € à la Caisse nationale d'assurance vieillesse au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les déboute de leurs propres demandes à ce titre ;
Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;
Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale à la charge des appelants au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L 241-3 et les condamne au paiement de ce droit ;