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16/01/2014 | FRANCE | N°10/10199

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 16 janvier 2014, 10/10199


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 16 JANVIER 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/10199 (et 11/21527, jonction par arrêt)



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 9ème chambre 1ère section- RG n° 05/10525







APPELANTE ET INTIMEE :



SA SOFRA
r>ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, av...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 16 JANVIER 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/10199 (et 11/21527, jonction par arrêt)

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 9ème chambre 1ère section- RG n° 05/10525

APPELANTE ET INTIMEE :

SA SOFRA

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de : Me Véronique LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : R005

APPELANTE :

SCP [T] [C],

es-qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA LE COMPTOIR BLEU

ayant son siège [Adresse 5]

[Localité 4]

prise en la personne de Maître [T]

représentée par : Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de : Me Véronique LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : R005

APPELANT :

Maître [Y] [T]

es qualité de liquidateur de la Sté LE COMPTOIR BLEU

demeurant [Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par : Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de : Me Véronique LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : R005

APPELANTE :

SA LE COMPTOIR BLEU

ayant son siège [Adresse 4]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de : Me Véronique LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : R005

INTIMEE :

SA CABINET FIGEC

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Maxime DELHOMME de la SCP DELHOMME BREGOU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0094

assistée de : Me Romain BATTAJON plaidant pour la SCP DELHOMME, avocat au barreau de PARIS, toque : B0784

INTIME :

Monsieur [E] [W]

demeurant [Adresse 6]

[Localité 1]

représenté par : Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assisté de : Me Francesca PARRINELLO de l'AARPI MPGV, avocat au barreau de PARIS, toque : R098

INTIMEE :

SOCIETE PRICEWATERHOUSE COOPERS AUDIT

venant aux droits de COOPERS &LYBRAND AUDIT

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par et assistée de : Me Olivier HILLEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0257

INTIME ET INTERVENANT VOLONTAIRE :

Monsieur [K] [B]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par : Me Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

assisté de : Me Anne-claire MADDOLI RESTOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1255

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Maître [T] DE LA SCP [T] [D] [C]

es qualité de mandataire ad litem de la STE SA COMPTOIR BLEU

demeurant [Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par : Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assisté de : Me Véronique LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : R005

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Novembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur François FRANCHI, Président de chambre

Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller

Madame Michèle PICARD, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Gérard PICQUE dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François FRANCHI, président et par Madame Violaine PERRET, greffier présent lors du prononcé.

La S.A. LE COMPTOIR BLEU, exerçant l'activité d'agence de voyages, était détenue par la S.A. SOFRA à hauteur de 94,34 %, le dirigeant social, Monsieur [V] [I], en détenant personnellement 5,49 %. Monsieur [E] [W] en était le commissaire aux comptes et la S.A. FIGEC, expert-comptable, est intervenue à partir du 2ème semestre 2000 en participant à l'élaboration des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 1999. Début 2000, la croissance très rapide du chiffre d'affaires a conduit Monsieur [I] à solliciter l'actionnaire majoritaire pour augmenter les moyens financiers. La société SOFRA indique avoir, alors, confié au cabinet PRICEWATERHOUSE-COOPERS (PwCA) [pièce n° 7 de SOFRA - lettre du 6 janvier 2000 de PwCA] l'établissement de ses comptes consolidés et l'évaluation de ses filiales, dont la société LE COMPTOIR BLEU, la nature et l'étendue de la mission étant aujourd'hui en débat entre les parties concernées, étant observé que PwCA a établi le 16 mars 2000 une note d'acompte sur honoraires 'pour travaux d'audit des comptes du Comptoir Bleu pour l'exercice clos le 31 décembre 1999' [pièce n° 11 de SOFRA] .

En juillet 2000, la société SOFRA a conclu, avec les actionnaires minoritaires du COMPTOIR BLEU, dont Monsieur [I], un protocole de restructuration du capital en s'engageant à apporter :

- 7 MF (1.067.143,12 €) en compte courant pour reconstituer la trésorerie et financer le nouveau siège social,

-25 MF (3.811.225,43 €) au plus tard le 31 décembre 2000 en capital et prime d'émission,

le premier versement étant intervenu en août 2000 à hauteur de 5 MF (762.245,09 €) étant observé que l'accord de principe de la société SOFRA résulte de la délibération du 17 juillet 2000 de son conseil d'administration [pièce n° 9 de SOFRA].

Les comptes de 1999 ont été approuvés par l'assemblée générale du 20 septembre 2000.

Le 14 janvier 2001, le conseil de surveillance a révoqué la totalité des membres du directoire, y compris Monsieur [I] son président, et en mai 2001 la nouvelle direction a confié l'établissement des comptes de l'exercice 2000 au cabinet AMYOT EXCO, lequel, le 7 janvier 2002, a établi une note technique exposant qu'une perte globale de 9.817.744 F (1.496.705,42 €) n'avait pas été comptabilisée dans les comptes de 1999, lesquels faisaient initialement apparaître une situation presque équilibrée, alors qu'en réalité la société LE COMPTOIR BLEU était gravement déficitaire.

Les 9 et 10 décembre 2002 :

- la société LE COMPTOIR BLEU, d'une part, estimant finalement avoir subi un préjudice du fait des défaillances de l'expert-comptable et du commissaire aux comptes ayant entraîné une perte de chance de se redresser alors que le marché des agences de voyage était en pleine mutation vers la vente en ligne,

- la SOFRA, d'autre part, estimant quant à elle, avoir conclu le protocole de restructuration du capital de la société LE COMPTOIR BLEU en ayant en outre racheté les participations minoritaires, à partir de comptes erronés que les différents professionnels du chiffre n'ont pas décelés,

ont attrait les cabinets FIGEC et PwCA et Monsieur [W] en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Paris en sollicitant (dans le dernier état des demandes) leur condamnation solidaire à leur payer des dommages et intérêts majorés des intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2002 avec anatocisme, à hauteur en principal de 1 MF (152.449,02 €) pour la première et de 47.525.043 F (7.245.146,10 €) pour la seconde, outre chacune 20.000 € de frais irrépétibles.

En cours de première instance :

- Maître [Y] [T] puis la SCP [T] [C] (en la personne de Maître [T]) sont volontairement intervenus ès qualités de liquidateur judiciaire, la société LE COMPTOIR BLEU ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du 21 janvier 2004 du tribunal de commerce de Nanterre,

- Monsieur [K] [B] est volontairement intervenu tout en faisant des réserves sur le principe et l'étendue de son éventuelle garantie à relever le cabinet FIGEC de toutes condamnations,

tous les défendeurs s'opposant aux prétentions des sociétés SOFRA et LE COMPTOIR BLEU.

Par jugement contradictoire du 14 avril 2010 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :

- mis hors de cause Maître [Y] [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LE COMPTOIR BLEU, mais a déclaré recevable l'action de ladite société représentée par son liquidateur judiciaire, la SCP [T]-[C],

- déclaré irrecevable l'action de la société SOFRA en réparation de son dommage, d'un montant de 6.992.690,53 €, résultant du soutien en trésorerie apporté à la société LE COMPTOIR BLEU [sa filiale],

- déclaré recevable l'action de la société SOFRA en réparation de son dommage résultant de l'acquisition de 1.840 actions [supplémentaires] de la société LE COMPTOIR BLEU, [tout en n'accueillant pas sa demande correspondante sur le fond],

- débouté la société LE COMPTOIR BLEU, représentée par la SCP [T]-[C] liquidateur, de sa demande d'indemnisation de son préjudice au titre de la perte de chance,

- débouté la société SOFRA de sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel,

- débouté les sociétés PRICEWATERHOUSE-COOPERS et FIGEC, Messieurs [K] [B] et [E] [W] de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société SOFRA, solidairement avec la société LE COMPTOIR BLEU représentée par la SCP [T]-[C] liquidateur, à payer des frais irrépétibles aux sociétés PRICEWATERHOUSE-COOPERS et FIGEC et à Monsieur [B], Monsieur [W] étant débouté de sa demande de ce chef.

Le 10 mai 2010, ont interjeté appel :

- la société SOFRA,

- Maître [Y] [T], ès qualités de liquidateur de la société LE COMPTOIR BLEU,

en intimant les sociétés PRICEWATERHOUSE-COOPERS et FIGEC, Messieurs [K] [B] et [E] [W], l'affaire étant enregistrée sous le numéro RG 10-10199.

Le 21 décembre 2010, la SCP [T]-[C] (en la personne de Maître [T]) ès qualités de 'liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A. LE COMPTOIR BLEU ' a aussi interjeté appel. La jonction des deux instances a été ordonnée par ordonnance du 12 janvier 2011 du conseiller de la mise en état. En outre, nonobstant le recours pendant devant la cour, les opérations de liquidation judiciaire de la société LE COMPTOIR BLEU ont été clôturées pour insuffisance d'actif par jugement du 30 novembre 2010, de sorte que, désigné en qualité de mandataire ad litem par ordonnance du 30 septembre 2011 du président du tribunal de commerce de Nanterre, Maître [T] 'de la SCP [T] [D] [C] ' est volontairement intervenu le 11 octobre 2011 dans l'instance RG 10-10199.

Sur incident soulevé, le 21 septembre 2011, par la société PRICEWATERHOUSE-COOPERS les appels successifs des 10 mai et 21 décembre 2010 au nom de la société LE COMPTOIR BLEU ont été déclarés nuls par ordonnance du 24 octobre 2011 du conseiller de la mise en état comme ayant été interjetés par des mandataires n'ayant plus de pouvoirs. Dans cette même décision, le magistrat de la mise en état s'est déclaré incompétent pour apprécier la recevabilité de l'intervention volontaire du 11 octobre 2011 de la société LE COMPTOIR BLEU représentée par son mandataire 'ad litem'. Cette décision n'a pas été déférée devant la cour.

Par ailleurs, le 1er décembre 2011, la société LE COMPTOIR BLEU représentée par son mandataire 'ad litem' a, de nouveau, interjeté appel. L'instance a été enregistrée sous le numéro RG 11-21527 et a été jointe à la précédente instance (RG 10-10199) par ordonnance du 9 juin 2012 du conseiller de la mise en état, en constatant expressément que l'affaire initiale RG 10-10199 demeurait inscrite uniquement pour l'appel interjeté le 10 mai 2010 par la société SOFRA. L'affaire a néanmoins été appelée sous les n° RG 10-10199 et RG 11-21527 à l'audience de plaidoiries du 28 novembre 2013.

***

Vu les ultimes écritures signifiées le 15 octobre 2012, par la société SOFRA appelante, réclamant 30.000 € de frais irrépétibles à la charge solidaire des sociétés FIGEC et PwCA et de Messieurs [K] [B] et [E] [W] et poursuivant essentiellement :

- à titre principal, la réformation du jugement en renouvelant sa demande de condamnation solidaire des sociétés PwCA et FIGEC et de Monsieur [E] [W] à lui verser 7.245.146,10 €, majorés des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 décembre 2002 et anatocisme, en réparation des préjudices résultant du soutien à la trésorerie de la société LE COMPTOIR BLEU (6.992.690,35 €) et de l'acquisition 'inutile' des titres de ladite société (252.455,57 €),

- subsidiairement, la désignation d'un expert avec la mission détaillée au dispositif des écritures ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 octobre 2012, par la société LE COMPTOIR BLEU appelante également, représentée par 'Maître [T] de la SCP [T] [C] ès qualités de mandataire ad litem', réclamant 50.000 € de frais irrépétibles à la charge solidaire des sociétés PwCA et FIGEC et de Monsieur [E] [W] et poursuivant essentiellement :

- à titre principal, la réformation du jugement en renouvelant sa demande de condamnation solidaire des sociétés PwCA et FIGEC et de Monsieur [E] [W] à lui verser 152.449,02 € majorés des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 décembre 2002 et anatocisme, en réparation de sa perte de chance à se redresser, du fait de l'absence de régularité et de sincérité du bilan de l'exercice 1999 et de l'ensemble des fautes commisses par les sociétés PwCA et FIGEC dans l'établissement des comptes et de Monsieur [E] [W] dans l'accomplissement de sa mission de commissaire aux comptes,

- subsidiairement, la désignation d'un expert avec la mission détaillée au dispositif des écritures ;

Vu les dernières conclusions télé-transmises le 5 novembre 2013, par la société PwCA intimée, réclamant 90.000 € de frais irrépétibles à l'encontre de la société SOFRA et de Maître [T] ès qualités de mandataire ad litem et, tout en poursuivant la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la société SOFRA au titre des apports en trésorerie, soulevant

- à titre principal, l'irrecevabilité :

. de l'intervention volontaire du 11 octobre 2011 de Maître [T] ès qualités de mandataire ad litem,

. de l'appel interjeté le 1er décembre 2011 par Maître [T] ès qualités de mandataire ad litem

. de la demande de la société SOFRA au titre du préjudice allégué concernant l'acquisition des 1.840 actions de la société LE COMPTOIR BLEU,

tout en priant la cour de dire que la société PwCA 'étant étrangère au litige, n'a pas qualité pour défendre à l'action de SOFRA et du COMPTOIR BLEU en ce que par ladite action, elles visent à réparer le préjudice que leur aurait causé un défaut d'image fidèle de la situation de la société LE COMPTOIR BLEU donnée par les comptes de celle-ci'.

- subsidiairement, s'opposant à la demande de désignation d'un expert,

et poursuivant aussi la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les sociétés SOFRA et LE COMPTOIR BLEU de toutes leurs demandes, mais son infirmation en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive en demandant à nouveau reconventionnellement la condamnation de la société SOFRA et de Maître [T] ès qualités de mandataire ad litem, à lui payer 75.000 € de ce chef et, en tout état de cause formulant un appel en garantie 'à toutes fins' à l'encontre de la société SOFRA en demandant de la condamner, 'en sa double qualité de dirigeante de fait de la société LE COMPTOIR BLEU et de prestataire de service chargé de la direction générale et de la comptabilité' de celle-ci, à la relever de toute condamnation prononcée à l'encontre de PwCA ;

Vu les dernières conclusions télé-transmises le 6 novembre 2013, par la société FIGEC également intimée, réclamant 10.000 € de frais irrépétibles et, tout en priant la cour de constater que Monsieur [K] [B] est volontairement intervenu afin de la garantir, le cas échéant, de toute condamnation, poursuivant la confirmation du jugement en faisant essentiellement valoir que sa mission était limitée et ponctuelle, parallèlement à celle du cabinet PwCA et que les fautes qui lui sont imputées, les préjudices qui sont allégués et le lien de causalité ne sont pas démontrés ;

Vu les dernières conclusions télé-transmises le 6 novembre 2013, par Monsieur [K] [B] intervenant volontaire et également intimé, réclamant 10.000 € de frais irrépétibles et soutenant la recevabilité de son intervention au visa des articles 68, 325 et 329 du code de procédure civile, faisant des réserves quant au principe et à l'étendue de son éventuelle garantie à l'égard de la société FIGEC et estimant que cette dernière est intervenue 'pour une mission limitée et ponctuelle'en poursuivant :

- à titre principal, la confirmation du jugement, en soutenant que les fautes imputées à FIGEC, les préjudices qui sont allégués et le lien de causalité ne sont pas démontrés, et reconventionnellement, la condamnation solidaire de la société SOFRA et de Maître [T] ès qualités de mandataire ad litem, à lui verser 10.000 € de dommages et intérêts en réparation 'du trouble personnel lui ayant été apporté du fait de la procédure abusivement conduite à l'encontre du cabinet FIGEC ',

- subsidiairement, la constatation par la cour de 'l'impossibilité de toute solidarité du cabinet FIGEC avec une quelconque partie défenderesse, eu égard à l'ampleur et à la nature distincte des taches confiées à chacune' ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 17 octobre 2012, par Monsieur [E] [W] intimé, réclamant 20.000 € de frais irrépétibles à la charge solidaire 'des sociétés SOFRA et LE COMPTOIR BLEU et de la SCP [T] [C] ès qualités de mandataire ad litem de la société LE COMPTOIR BLEU' et soulevant l'irrecevabilité des conclusions de la société LE COMPTOIR BLEU représentée par la SCP [T] [C] et de l'intervention volontaire de Maître [T] de la SCP [T] [C] ès qualités de mandataire ad litem de la société LE COMPTOIR BLEU, en application de l'article 554 du code de procédure civile, tout en priant la cour de constater que [la société LE COMPTOIR BLEU représentée par Maître [T] de la SCP [T] [C] ès qualités de mandataire ad litem] intervient dorénavant en qualité d'appelante, et, tout en s'opposant à la demande d'expertise, poursuivant :

- à titre principal, la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la société SOFRA irrecevable à agir en paiement de la somme de 6.992.690,53 € mais l'infirmer en ce qu'il a :

. déclaré cette dernière recevable à agir en paiement de la somme de 252.455,10 € en priant la cour de la déclarer également irrecevable de ce chef,

. débouté Monsieur [W] de sa demande reconventionnelle indemnitaire en demandant la condamnation solidaire des sociétés SOFRA et LE COMPTOIR BLEU et de la SCP [T] [C] ès qualités de mandataire ad litem de la société LE COMPTOIR BLEU à lui payer 20.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- subsidiairement, poursuivant le rejet des prétentions tant de la société SOFRA, que de la société LE COMPTOIR BLEU représentée par la SCP [T] [C] ès qualités de mandataire ad litem, en soutenant qu'elles sont, l'une et l'autre, mal fondées en toutes leurs demandes ;

SUR CE, la cour :

Considérant, liminairement, qu'il convient de constater que les deux instances pendantes sous les numéros RG 10-10199 et RG 11-21527 sont jointes, de sorte que désormais la cour est saisie de recours entre :

- d'une part, la société SOFRA et la société LE COMPTOIR BLEU, cette dernière représentée par son mandataire 'ad litem',

- d'autre part, les cabinets FIGEC et PwCA et Messieurs [E] [W] et [K] [B] ;

Qu'en conséquence, la cour rendra ci-après une seule décision ;

Considérant aussi que la société PwCA soutient qu'elle n'a pas qualité pour défendre à l'action de SOFRA et du COMPTOIR BLEU [conclusions page 17] au seul motif qu'elle serait étrangère au litige lié aux comptes sociaux dont elle affirme ne pas être à l'origine ;

Mais considérant que l'étendue de la mission de la société PwCA est précisément discutée par la société SOFRA qui prétend lui avoir confié l'évaluation de ses filiales, dont la société LE COMPTOIR BLEU, et que, mise en cause par les sociétés SOFRA et LE COMPTOIR BLEU, la société PwCA a nécessairement qualité pour se défendre ;

sur les irrecevabilités soulevées par la société PwCA et par Monsieur [E] [W]

Considérant que la société PwCA (et pour partie Monsieur [W]) soulèvent l'irrecevabilité :

. de l'intervention volontaire du 11 octobre 2011 de Maître [T] ès qualités de mandataire ad litem de la société LE COMPTOIR BLEU (instance RG 10-10199),

. de l'appel interjeté le 1er décembre 2011 par Maître [T] ès qualités de mandataire ad litem la société LE COMPTOIR BLEU (instance RG 11-21527) ;

Considérant que les appels successifs des 10 mai et 21 décembre 2010 au nom de la société LE COMPTOIR BLEU ont été déclarés nuls par ordonnance du 24 octobre 2011 du conseiller de la mise en état, dont la décision, qui n'a pas été déférée devant la cour, laisse subsister l'appel interjeté le 10 mai 2010 par la société SOFRA ;

Que la société LE COMPTOIR BLEU ayant été partie en première instance en qualité de demanderesse, son intervention volontaire à l'instance d'appel interjetée par la société SOFRA est irrecevable en application de l'article 554 du code de procédure civile, étant observé qu'aucune évolution du litige susceptible de justifier son appel en cause en application de l'article 555 du code précité n'a été alléguée et, a fortiori démontrée ;

Considérant par ailleurs, que la société LE COMPTOIR BLEU ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du 21 janvier 2004 du tribunal de commerce de Nanterre, l'article L 643-13 du code de commerce, issue de l'article 124 de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, lui est néanmoins applicable en vertu de l'article 191 de ladite loi ;

Qu'il n'est pas contesté que les opérations de liquidation de la société LE COMPTOIR BLEU ont été clôturées pour insuffisance d'actif par jugement du 30 novembre 2010, du tribunal de commerce de Nanterre ;

Que dès lors, l'action en réparation, intentée par le mandataire 'ad litem' de la société LE COMPTOIR BLEU, du préjudice allégué par cette dernière, est subordonnée à la reprise préalable de la procédure de liquidation judiciaire dans les conditions de l'article L 643-13 du code de commerce ;

Qu'une telle reprise n'ayant pas été alléguée, et a fortiori justifiée, l'appel interjeté le 1er décembre 2011 par la société LE COMPTOIR BLEU 'représentée par Maître [Y] [T] - SCP [T] [C] - en qualité de mandataire ad litem' est irrecevable et qu'il n'y a pas lieu d'examiner le fond des demandes de la société LE COMPTOIR BLEU ;

Considérant que la société PwCA soulève aussi l'irrecevabilité de la demande de la société SOFRA au titre du préjudice allégué concernant l'acquisition des 1.840 actions de la société LE COMPTOIR BLEU, au motif qu'elle n'aurait pas qualité à agir [conclusions page 11] en n'ayant pas préalablement établi avoir subi un préjudice distinct de celui éprouvé par l'ensemble des créanciers représentés par le liquidateur judiciaire ;

Mais considérant que les actionnaires de la S.A. LE COMPTOIR BLEU le demeurent nonobstant sa mise en liquidation judiciaire et que la société SOFRA, invoquant le préjudice résultant pour elle d'avoir acquis les titres des actionnaires minoritaires de la société LE COMPTOIR BLEU en ignorant que celle-ci était dans une situation financière bien plus difficile que ce que les comptes (qui se seraient révélés erronés) le laissaient entrevoir, allègue d'un préjudice spécifique distinct de celui de la collectivité des créanciers de la liquidation judiciaire de la société LE COMPTOIR BLEU, en alléguant un dommage qui résulterait de la faute qui aurait été commise, non par la société LE COMPTOIR BLEU elle-même, mais par le cabinet PwCA à qui elle prétend avoir confié l'évaluation de ladite société ;

Que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont déclaré recevable cette partie de l'action ;

sur la recevabilité de l'intervention volontaire de Monsieur [K] [B]

Considérant qu'en demandant reconventionnellement à titre principal, la condamnation solidaire de la société SOFRA et de Maître [T] ès qualités de mandataire ad litem, à lui verser des dommages et intérêts en réparation 'du trouble personnel lui ayant été apporté du fait de la procédure abusivement conduite à l'encontre du cabinet FIGEC ', l'intervention volontaire à titre principal de Monsieur [B] est recevable, à charge pour lui de démontrer le bien fondé de sa prétention ;

Qu'en outre, en soutenant aussi que les fautes imputées à FIGEC, les préjudices qui sont allégués et le lien de causalité ne sont pas démontrés, Monsieur [B] intervient encore volontairement, mais à titre accessoire en venant soutenir la société FIGEC dont il a un intérêt actuel à soutenir les moyens de défense, afin d'éviter les éventuels effets de l'appel en garantie dirigé à son encontre ;

sur les demandes de dommages et intérêts de la société SOFRA (à hauteur de 7.245.146,10 € en principal)

Considérant que la société SOFRA sollicite la condamnation solidaire des sociétés PwCA et FIGEC et de Monsieur [E] [W] en réparation des préjudices résultant du soutien qu'elle a apporté à la trésorerie de la société LE COMPTOIR BLEU (6.992.690,35 €) et de l'acquisition complémentaire 'inutile' des titres de ladite société (252.455,57 €) ;

Mais considérant qu'il n'est pas contesté que les comptes de l'exercice 1999 de la société LE COMPTOIR BLEU n'ont été disponibles que le 24 juillet 2000 [pièce n° 10] et n'ont été approuvés que lors de l'assemblée générale du 20 septembre suivant ;

Qu'il résulte, en revanche, des écritures des parties que l'accord sur la restructuration du capital social de la société LE COMPTOIR BLEU a été conclu début juillet 2000, de sorte que la société SOFRA s'est engagée avant de disposer des comptes définitifs arrêtés au cours des semaines suivantes, étant au surplus observé qu'il résulte des termes du procès-verbal du 17 juillet 2000 du conseil d'administration de la société SOFRA [pièce n° 9] que celui-ci a, dès ce jour là, autorisé l'apport de 7 MF et la souscription à une augmentation de capital de 25 MF de la société LE COMPTOIR BLEU, soit avant de disposer des comptes définitifs de l'exercice 1999, transmis le 24 juillet 2000 par le cabinet FIGEC [date de la télé-copie figurant sur la pièce n° 10 versée aux débats par la société SOFRA] ;

Que dès lors, la société SOFRA n'est pas fondée à prétendre s'être engagée en ayant une vision erronée de la situation réelle du fait de l'inexactitude des comptes de sa filiale, lesquels n'étaient pas encore définitivement arrêtés et donc, a fortiori, n'avaient pas encore été revus par le commissaire aux comptes dont les rapports légaux n'ont été disponibles que pour l'assemblée générale du 20 septembre 2000, ni davantage encore audités par PwCA pour le compte de la maison mère, étant au surplus observé que :

- d'une part, la société SOFRA n'a pas contesté que la comptabilité de la société LE COMPTOIR BLEU était tenue au jour le jour par les services comptables placés sous l'autorité de la maison mère, d'autant qu'il n'est pas davantage contesté que le contrat de prestations de services du 1er octobre 1998 stipule que la société SOFRA est en mesure d'apporter toute son expérience de gestion et de conseil à sa [nouvelle] filiale,

- d'autre part, le rapport COFYSIS du 31 janvier 2006, versé aux débats par la société SOFRA [pièce n° 21], relève que la vive croissance du chiffre d'affaires de 1999 a été réalisée dans un contexte de désorganisation des services administratifs de l'entreprise, traduit notamment par un retard chronique dans le processus d'arrêté des comptes, l'expert judiciaire commis par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nanterre ayant, quant à lui, ultérieurement relevé une organisation interne défaillante en soulignant que la forte croissance du chiffre d'affaires et la complexité de l'organisation mise en place n'ont pas été accompagnées par un renforcement des procédures de contrôle et d'organisation interne,

l'ensemble de ces défaillances ne pouvant pas être mis à la charge du cabinet extérieur d'expertise comptable ayant ultérieurement participé à l'élaboration (tardive) des comptes sociaux de l'exercice 1999, ni du commissaire aux comptes, ni davantage du cabinet d'expertise comptable chargé d'établir les comptes consolidés de la maison mère ;

Considérant aussi que, même si on admet que l'acquisition des titres des minoritaires s'est effectuée en janvier ou février 2001, l'engagement de principe résulte de l'accord de restructuration de début juillet 2000, de sorte que l'engagement d'acquérir les titres sociaux des minoritaires n'a pas davantage été influencé par les comptes erronés de l'exercice 1999, qui n'étaient pas encore disponibles ;

sur les autres demandes

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'examiner les demandes de garanties formées par la société PwCA à l'encontre de la société SOFRA et par la société FIGEC à l'encontre de Monsieur [B] et que la demande de désignation d'un expert n'est pas justifiée ;

Que, par ailleurs, la saisine des juridictions pour faire établir le droit qu'on s'estime, même à tort, titulaire est un droit constitutionnellement garanti qui ne peut dégénérer en un abus que si on démontre l'intention de nuire ou l'erreur grossière équivalente au dol, ce qui ne résulte pas des éléments du dossier, de sorte que toutes les demandes des différents intimés d'indemnisation d'une procédure prétendument qualifiée d'abusive ou du trouble personnel invoqué, ne seront pas accueillies ;

Considérant aussi qu'il serait inéquitable de laisser aux intimés la charge définitive de la totalité des frais irrépétibles qu'ils ont dus exposer en cause d'appel, l'équité commandant de les indemniser pour la partie ne résultant pas des nombreux moyens inutilement soulevés du point de vue de la stricte nécessité de leur défense ;

PAR CES MOTIFS et ceux non contraires des premiers juges,

Constate la jonction des instances initialement enregistrées sous les numéros RG 10-10199 et 11-21527,

Déclare irrecevables :

- tant l'intervention volontaire du 11 octobre 2011 de la société LE COMPTOIR BLEU représentée par son mandataire ad litem Maître [T] 'de la SCP [T] [D] [C] ' dans l'instance RG 10-10199,

- que l'appel interjeté le 1er décembre 2011 par la société LE COMPTOIR BLEU 'représentée par Maître [Y] [T] - SCP [T] [C] - en qualité de mandataire ad litem (instance RG 11-21527),

Dit, en conséquence n'y avoir lieu d'examiner le fond des demandes de la société LE COMPTOIR BLEU,

Confirme, en revanche, la recevabilité (en la forme) de la demande de la société SOFRA au titre du préjudice allégué concernant l'acquisition des 1.840 actions de la société LE COMPTOIR BLEU auprès des actionnaires minoritaires, mais l'a dit mal fondée,

Dit également recevable (en la forme) l'intervention volontaire de Monsieur [K] [B],

Confirme, pour le surplus, l'intégralité des dispositions du jugement,

Rejette toutes les demandes d'indemnisation du fait de l'appel interjeté,

Laisse à la SCP [T] [C] (en la personne de Maître [T]) ès qualités de mandataire ad litem de la S.A. LE COMPTOIR BLEU, la charge des dépens qu'elle a exposés en cause d'appel du fait tant de son intervention volontaire ès qualités du 11 octobre 2011 dans l'instance RG 10-10199, que de son appel interjeté ès qualités le 1er décembre 2011 dans l'instance RG 11-21527,

Condamne la S.A. SOFRA aux autres dépens et à verser 3.000 € de frais irrépétibles à chacun des intimés (S.A. cabinet FIGEC, société PRICEWATERHOUSE COOPERS, Messieurs [E] [W] et [K] [B]),

Admet les avocats postulants des intimés, chacun pour ce qui le concerne, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRESIDENT,

V.PERRET F. FRANCHI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 10/10199
Date de la décision : 16/01/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°10/10199 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-16;10.10199 ?
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