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15/01/2014 | FRANCE | N°12/00597

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 15 janvier 2014, 12/00597


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 15 Janvier 2014

(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/00597-MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section commerce RG n° 10/03810





APPELANT

Monsieur [S] [H]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Savine B

ERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002







INTIMEE

SASU ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE venant aux droits de la SAS SIN ET STES par fusion absorption du 31/01/2011...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 15 Janvier 2014

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/00597-MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section commerce RG n° 10/03810

APPELANT

Monsieur [S] [H]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

INTIMEE

SASU ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE venant aux droits de la SAS SIN ET STES par fusion absorption du 31/01/2011

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Yves VIVIEZ DE CHATTELARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1259

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Novembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente, et Madame Catherine BRUNET, Conseillère, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Greffier : M. Bruno REITZER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits :

M [S] [H] a été engagé par contrat du 20 novembre 2003 le 24 novembre, en qualité d'employé administratif, suivant contrat à durée indéterminée, par la SAS SIN et Sociétés aux droits de laquelle vient la Société Elior Service Propreté et Santé.

Cette société avait pour activité principale la propreté mais développait également une activité dite de « Facility management », proposant à sa clientèle de la décharger des activités ne relevant pas de son coeur de métier telles que : l'accueil, l'organisation de manifestations, la gestion matérielle du courrier, le standard, le petit entretien, la sécurité et les espaces verts.

Le salaire d'embauche de M [S] [H] s'élevait à 1791,28 euros par mois sur 13 mois pour un horaire de 151,67 heures mensuelles, une clause de mobilité était prévue au contrat.

À compter de janvier 2006 M [S] [H] était affecté au siège social IMS à [Localité 6].

Par avenant prenant effet le 1er février 2007, il était promu responsable de site à l'échelon MP2 et affecté à [Localité 2] chez le client Procter et Gamble.

Par lettre recommandée du 4 décembre 2009, M [S] [H] demandait une progression de salaire compte tenu des bonnes notes qui lui étaient données par le client à l'occasion des réunions mensuelles de suivi du travail alors qu'il encadrait notamment un salarié mieux rémunéré que lui.

Par courrier daté du 3 décembre 2009 mais expédié en réalité, en recommandé avec avis de réception le 8 décembre 2009, présenté le 11 décembre et retiré par M [S] [H] le 17 décembre, celui-ci était convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement le 4 janvier 2010.

Le 9 décembre 2009 le syndicat Force Ouvrière adressait à la SAS SIN et Sociétés la liste des candidats aux élections des délégués du personnel et du comité d'entreprise sur laquelle figurait M [S] [H] pour le collège « agents de maîtrise et cadres » en qualité de suppléant

Par lettre du 7 janvier 2010 la SAS SIN et Sociétés signifiait à M [S] [H] son licenciement pour cause réelle ni sérieuse.

M [S] [H], qui contestait le bien-fondé de son licenciement, saisissait alors le conseil de prud'hommes de Paris le 22 mars 2010, formulant un ensemble de demandes relatives, notamment, à la nullité et au caractère non fondé de son licenciement, à un rappel d'heures supplémentaires, avec travail dissimulé, à un rappel de salaire.

Celui-ci par jugement du 14 octobre 2011, section commerce, chambre 6 disait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnait la SAS SIN et Sociétés à payer à M [S] [H] la somme de 12 849,90 euros, ainsi que 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M [S] [H] a régulièrement formé le présent appel contre cette décision.

Il demande à la cour  :

à titre principal de :

- juger son licenciement nul et condamner la SAS SIN et Sociétés à lui verser à ce titre 43 000 € sur le fondement des articles L2411-7 et L2 421-3 du travail.

- condamner la SAS SIN et Sociétés à lui verser 12 850 € d'indemnité pour violation du statut protecteur.

à titre subsidiaire de :

- juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la SAS SIN et Sociétés à lui verser 43 000 € d'indemnité sur le fondement de l'article L 12 35-3 du code du travail.

en tout état de cause, de condamner la SAS SIN et Sociétés à lui payer :

- un rappel de salaire de 2795,85 euros au titre des heures supplémentaires de janvier à décembre 2006, avec congés payés en sus.

- 12 850 € d'indemnité de travail dissimulé.

- 16 114,52 € de rappel de salaire en application des minima conventionnels sur la période de février 2007 à mars 2010 congés payés de 10 % en sus.

Il sollicite également :

- la remise de bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle emploi rectifiés

la fixation de son salaire à la somme de 2776,32

- la condamnation de la SAS SIN et Sociétés à lui verser 3812,22 euros de rappel sur l'indemnité pour travail dissimulé et la même somme à titre de rappel pour violation du statut protecteur,

- la condamnation de la SAS SIN et Sociétés à lui verser 30 000 en réparation du préjudice de carrière sur le fondement de l'article L 1222-1du code du travail, et 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, demandant la capitalisation des intérêts légaux.

La SAS SIN et Sociétés aux droits de laquelle vient la Société Elior Service Propreté et Santé, fait appel incident.

Elle demande à la cour de :

à titre principal,

- dire que la procédure de licenciement a été valablement conduite.

- dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

- débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

à titre subsidiaire,

- dire que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ne saurait être supérieure à six mois de salaire soit 12 849,90 euros.

- condamner M [S] [H] paiement d'une somme de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Le salaire brut moyen mensuel de M [S] [H] était lors de la rupture du contrat de travail de 2141,65 euros.

L'entreprise emploie environ 9000 salariés.

La convention collective des entreprises de propreté est applicable à la relation de travail.

Les motifs de la Cour :

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

La cour relèvera d'abord que l'employeur qui affirme qu'au moment de l'engagement de la procédure de licenciement le 8 décembre 2009, il ignorait totalement que M [S] [H] se présentait aux élections professionnelles, comme il en a été informé officiellement par le syndicat dès le 9 décembre, soutient en revanche que lorsque le salarié a revendiqué une progression de carrière le 4 décembre 2009, il l 'a fait parce qu'il « savait être sous le coup d'une convocation à entretien préalable au licenciement », motif qui expliquerait également sa candidature sur la liste FO pour bénéficier du statut de salarié protégé.

Cependant, même s'il n'est pas exclu que des « bruits aient couru »au sein de l'entreprise pendant cette période litigieuse, aucune des parties ne rapporte la preuve de ce que l'autre avait connaissance des décisions qui se préparaient.

La cour ne prendra donc en considération que les dates certaines.

Sur la fixation du salaire mensuel et le rappel de salaire sollicité compte tenu des fonctions exercées par M [S] [H]

M [S] [H], qui rappelle qu'il était responsable de site depuis le 1er février 2007 et indique qu'il supervisait, une trentaine de salariés, soutenant qu'il remplissait les conditions dès 2007 pour bénéficier de l'échelon CAI, revendique le statut de cadre et sa classification en CA1 à compter du 1er février 2007, puis en CA2 deux années plus tard, demande qu'il avait formulée par lettre recommandée avec avis de réception le 4 décembre 2009.

M [S] [H] se réfère à la grille de classification prévue par la convention collective pour les échelons cadre.

La SAS SIN et Sociétés, se référant également à la convention collective, soutient qu'au contraire, au regard de ses tâches et responsabilités, M [S] [H] qui était positionné dans la qualification « filière exploitation » l'était à juste titre comme agent de maîtrise, échelon hiérarchique MP2, avec un salaire horaire de 13,71 € supérieur au minimum prévu par la convention collective (10,88 € ).

- autonomie d'action : le débat entre les parties porte essentiellement sur ce point.

Il n'est pas contesté que M [S] [H] était « responsable ou manager de site ». Il soutient qu'à ce titre il supervisait une trentaine de salariés, -trois au service courrier, un affecté à la salle de réunion, deux hôtesses d'accueil, et une vingtaine de salariés affectés à la propreté. M [S] [H] indique qu'il signait ses mails en tant que manager du site dont il avait les responsabilités, donnait des instructions au salarié, surveillait le respect des consignes, procédait si nécessaire à des rappels à l'ordre, organisait les plannings en cas de congés etc...

Selon l'employeur M [S] [H] n'était responsable que « d'un seul site», à la tête une équipe de seulement cinq salariés et travaillait sous l'autorité du directeur management des services, du responsable de l'organisation des chantiers et du responsable d'exploitation, organisant le travail sur le site « sous leur directive et autorité ».

La cour relèvera en premier lieu, qu'aucun texte n'exige pour reconnaître le statut cadre que l'intéressé soit responsable de plusieurs sites. En revanche, il n'est pas discuté que M [S] [H] était seul responsable du site sur lequel il était affecté, en dernier lieu, celui de Procter & Gamble.

Par ailleurs, elle constate qu'il ressort des termes mêmes de la lettre de licenciement, que « lors d'une réunion au cours de laquelle sont revus avec les clients l'ensemble des critères qualité de réalisation de la prestation pour le compte de ce dernier » divers reproches étaient selon l'employeur formulés à l'encontre de M [S] [H] concernant « l'attitude du personnel et le non-respect des procédures lesquels relèvent de (sa) responsabilité en tant que manager du site».

On constate également à travers les différents reproches formulés que M [S] [H] était effectivement responsable des agents affectés au service courrier (qui ne portaient pas systématiquement les chaussures de sécurité), des hôtesses d'accueil (il aurait dû vis-à-vis de l'une d'elles enquêter sur sa conduite, contrôler la bonne exécution de procédure et apporter d'éventuelles actions correctives), des agents affectés à la Société Elior Service Propreté et Santé (dont celui qui a fumé dans le locale poubelle, et dysfonctionnements importants la prestation de nettoyage du samedi).

De manière évidente il en ressort que les agents en charge de ces différents services étaient affectés sous la responsabilité de M [S] [H] et que leur nombre ne se limitait pas à cinq.

Il était responsable de l'ensemble des salariés intervenant sur ce site.

Dès lors, M [S] [H], dont la mission était bien évidemment de satisfaire aux objectifs globaux fixés globaux par la SAS SIN et Sociétés avec le client, en tant que responsable de site, disposait effectivement de«l'autonomie d'action » pour la gestion, l'organisation, le suivi et la surveillance du personnel du site, requise par la convention collective pour bénéficier du statut de cadre, quand bien même, il devait s'entretenir régulièrement des conditions dans lesquelles il menait sa tâche et les difficultés rencontrées avec les supérieurs hiérarchiques sus mentionnés qui, quant à eux, supervisaient un ensemble de sites, chaque responsable de site ayant manifestement délégation de pouvoir pour agir au quotidien.

Cette condition relative à l'autonomie d'action, posée par la convention collective pour accéder au statut de cadre étant remplie, et M [S] [H] bénéficiant du fait de sa formation et de son expérience, des connaissances, compétences et savoir-faire dans les domaines techniques et management nécessaires à la fonction, ce qui n'est pas discuté, ce dernier aurait dû, lors de sa prise de fonction en tant que responsable de site le 1er février 2007, être classé dans la catégorie cadre.

Au-delà, M [S] [H] étant, ce qui n'est pas discuté, titulaire d'un diplôme de troisième cycle DESS « thermique et régulation » et d'une maîtrise de management filière « ingénierie des techniques et des services des immeubles », il devait, alors, bénéficier de l'échelon CA1.

- ancienneté de 2 ans dans les fonctions : il en résulte qu'aux termes mêmes de la convention collective, M [S] [H] pouvait prétendre « à l'issue d'une période de deux ans » à être positionné à l'échelon supérieur c'est-à-dire en CA2.

La cour fera donc droit aux demandes de repositionnement hiérarchique formulées par M [S] [H] ainsi qu'à la demande de rappel de salaire d'un montant total de 16 114,52 euros, selon le décompte précis et justifié produit par le salarié.

L'employeur devra remettre en conséquence à M [S] [H] des bulletins de paie rectifiés pour la période de février 2007 à mars 2006, ainsi qu'une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision.

De cette nouvelle classification il ressort un salaire de référence sur les trois derniers mois de 2776,30 euros.

Sur la rupture du contrat de travail de M [S] [H]

- Le salarié plaide tout d'abord la nullité de son licenciement, celui-ci ayant été quasi concomitant avec sa candidature pour des fonctions du suppléant délégué du personnel et comité d'entreprise.

Il est en effet constant que :

- le 8 décembre 2009 l'employeur adressait au salarié une lettre recommandée avec avis de réception le convoquant un entretien préalable, lettre qui a été présentée le 11 décembre et retirée par M [S] [H] le 17 décembre 2009.

- Il en ressort qu'à cette date l'employeur n'était, à tout le moins, pas « officiellement» averti de la prochaine candidature de M [S] [H] aux élections dans l'entreprise pour le syndicat FO.

- le 9 décembre 2009 le syndicat FO adressait un fax à l'employeur portant la liste des candidats aux élections déléguées du personnel et comité d'entreprise sur laquelle figurait M [S] [H] pour le collège « agents de maîtrise et cadres » en qualité de suppléant.

- Il en ressort qu'à cette date la lettre de l'employeur convoquant le salarié un entretien préalable n'avait pas encore été présentée à celui-ci.

Il est d'autre part constant que l'employeur par la suite, n'a pas contesté la désignation comme candidat de M [S] [H] devant le tribunal d'instance et n'a donc pas établi de tentative de fraude à ce sujet.

Dans ces circonstances de fait qui restent floues, l'irrégularité de cette procédure de licenciement à l'encontre de M [S] [H] au regard des dispositions de l'article L2111-7 du code du travail, alinéa 2, qui exige l'autorisation de l'inspection du travail pour un tel licenciement lorsque la lettre du syndicat notifiant la candidature à l'employeur a été reçue par celui-ci ou si le salarié fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature, preuve qu'il ne rapporte pas, n'est donc pas établie.

La cour confirmera donc la décision du conseil de prud'hommes et déboutera le salarié de sa demande de nullité du licenciement, ainsi en conséquence que de sa demande de d'indemnité pour violation du statut protecteur.

- M [S] [H] plaide à titre subsidiaire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

La lettre de licenciement adressée à M [S] [H] est rédigée comme suit :

'Nous faisons suite à notre entretien en date du lundi 4 janvier 2010 au cours duquel vous étiez assisté de monsieur [T] [V] et sommes au regret de vous notifier par la présente, votre licenciement.

Notre décision repose sur les motifs suivants :

Lors de la réunion « scorecard » du mercredi 2 décembre 2009 chez notre client JLL sur le site de P&G [Localité 2], réunion au cours de laquelle sont revus avec le client l'ensemble des critères qualités de réalisation de la prestation pour le compte de ce dernier, nous avons constaté plusieurs faits mettant-en évidence des défauts de qualités de service importants.

Ces défauts provenaient directement de l'attitude de notre personnel et du non-respect des procédures lesquels relèvent de votre responsabilité en tant que manager du site.

Or, au cours de cette réunion « scorecard » nous avons été particulièrement surpris que vous n'ayez apporté aucun démenti aux reproches qui ont été formulés à l'encontre de notre personnel, et de surcroît, vous avez reconnu soit ne pas être informé de certains écarts ainsi exposés, ou ne pas avoir entrepris d'action spécifique pour les analyser et les corriger.

Une telle attitude s'était déjà produite systématiquement par le passé au cours de ces mêmes réunions. Votre encadrement s'était mainte fois exprimé sur votre passivité sur des questions ayant trait directement à la maîtrise par Sin&stes de sa prestation.

Vous avez ainsi eu l'occasion d'échanger, juste à la suite de cette réunion, en tête-à-tête avec Monsieur [Y] [L] sur les circonstances de ces écarts. Cet échange n'a fait que confirmer les manquements que nous relevons ci-dessous.

Ainsi, vous n'avez pas démenti, que les règles de port des chaussures de sécurité n'étaient pas systématiquement respectées par nos agents affectés au courrier.

Ces écarts ont été régulièrement relevés. Ainsi, lors de sa précédente visite sur le site le septembre 2009, monsieur [Y] [L] accompagné de [D] [N] vous avait fermement indiqué que nous ne pouvions plus tolérer la répétition de tels dysfonctionnements. Les procédures du site sont claires et doivent être respectées. Il s'agit de règles fondamentales en matière de sécurité du personnel dont vous êtes le garant.

De même, vous, n'avez pas démenti que des hésitations avaient pu être commises dans l'application des procédures par l'une des hôtesses Sin&stes lors de l'arrivée en urgence d'une équipe du SAMU, courant novembre 2009, à la suite d'un malaise d'un salarié P&G.

En effet, vous n'avez pas enquêté sur la conduite adoptée par notre salariée, et vous n'avez pas contrôlé la bonne exécution des procédures. De ce fait, vous n'avez pas apporté à notre client des arguments pour illustrer la conformité éventuelle des démarches opérées par cette hôtesse ou vous n'avez pas pu apporter des éventuelles actions correctives. Cette inertie nuit à notre image auprès de notre client et peut entraîner à terme des conséquences sur la relation commerciale.

Par ailleurs, toujours au cours de cette même réunion, vous avez été informé d'un problème sérieux. Il s'agissait d'un envoi d'aérosols par avion, envoi identifié pourtant comme produits shampooing. Cet envoi a fait l'objet d'un contournement explicite d'une procédure affichée dans le local courrier, interdisant formellement l'expédition par air de ces types d'objets conformément aux règles IATA du fret aérien.

Or, nos propres salariés ont reconnu avoir soupçonné ce fait auprès de notre client, sans vous en informer préalablement. La responsabilité de notre entreprise serait directement engagée en cas d'enquête sur ce sujet grave. Pourtant vous n'avez pas démenti que certains de nos agents avaient connaissance de ces déclarations erronées par les expéditeurs, et vous n'avez rien entrepris vis-à-vis de ces derniers.

Parmi les autres dysfonctionnements, le cas d'un salarié Sin&stes ayant été pris en train de fumer dans un local poubelle, ce qui aurait déclenché l'évacuation complète du site d'[Localité 2] sans l'intervention des services de sécurité.

Le manque de courtoisie de nos agents courrier n'a pas provoqué de réaction de votre part, indiquant que vous admettiez ce reproche, qui touche à une dimension essentielle de notre qualité de service.

Enfin, vous reconnaissez des dires relatifs à des dysfonctionnements importants dans la prestation de nettoyage assurée le Samedi Matin : non-respect des horaires de service, dilettantisme des agents (notre client évacue lui-même les sacs poubelles !), dysfonctionnements qui semblent perdurer de longue date.

Mais vous n'avez à aucun moment entrepris de vous rendre compte par vous-mêmes de cette situation en vous rendant au moins une fois sur site un samedi matin pour constater la réalité des faits.

L'ensemble de ces défauts répétés de mois en mois à chaque revue mensuelle mettent à chaque fois en cause globalement l'attitude de nos personnels, et la qualité de service de notre entreprise. Ils démontrent que vous n'assurez pas votre rôle d'encadrement, et notamment le contrôle des services que nous assurons.

Vous ne recevez pas vos collaborateurs individuellement afin d'analyser les actions en cours et envisager les actions à mener qu'ils s'agissent d'actions à rencontre de nos collaborateurs en cas de comportement fautif ou d'actions auprès de notre client afin de démentir les reproches sur la base d'éléments concrets.

De même, la gestion des pointages ou des plannings de congés font systématiquement l'objet de retards, voire nécessitent un appui extérieur de notre encadrement pour respecter les échéances. A ce niveau également vous témoignez de peu d'importance à des missions essentielles de votre poste à l'égard des salariés.

Les explications que vous nous avez fournies lors de cet entretien préalable n'ont pas été de nature à modifier notre appréciation des faits.

L'ensemble de ces éléments nous conduisent à vous notifier votre licenciement pour cause réel et sérieuse qui prendra effet dès réception de la présente lettre.'

La cour relèvera tout d'abord, que l'employeur se contente de qualifier ce licenciement de « licenciement pour cause réelle et sérieuse ». La cour, au vu des manquements reprochés au salarié, qualifiera ce licenciement du licenciement pour faute.

Or, pour qu'un licenciement pour faute soit fondé il doit reposer sur un ou plusieurs griefs, imputables au salarié, qui doivent être objectifs, c'est-à-dire matériellement vérifiables, établis et exacts, c'est-à-dire constituant effectivement la cause réelle de ce licenciement.

La cause doit également être sérieuse, en ce sens que les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour fonder le licenciement.

Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il estime utile. La lettre de licenciement circonscrit les limites du litige.

Pour dire ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes a retenu que « s'agissant des différents griefs articulés dans la lettre de licenciement, la SAS SIN et Sociétés se trouve dans l'impossibilité d'établir la preuve de la totalité de ses manquements »

En dépit de cette longue lettre de licenciement formulant une longue liste de griefs, l'employeur reconnaît être dans l'impossibilité d'établir la réalité de la plupart de ceux-ci, invoquant, sans en rapporter la preuve, que cette carence est la conséquence du fait que les différents cadres de la SAS SIN et Sociétés au sein des services centraux dont relevait M [S] [H] ont depuis lors quitté l'entreprise, ce qui pourtant ne devrait pas signifier qu'ils sont partis avec les dossiers dont ils avaient la charge.

L'employeur met toutefois en avant le fait que pour deux de ces reproches, le salarié aurait reconnu les faits :

- le fait qu'un membre du personnel de nettoyage ait fumé dans un local à poubelle et déclenché l'alarme.

- la « piètre qualité du travail des collaborateurs placés sous son autorité ».

Ces deux seuls éléments, s'agissant en particulier d'un salarié justifiant, de six ans d'ancienneté et auquel il n'a jamais été fait le moindre reproche, qui soit rapporté, ce que ne conteste d'ailleurs pas l'employeur, sont, de toute manière, et quand bien même le salarié les aurait reconnus, insuffisamment sérieux pour justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

En effet, la cour constate que contrairement à ce que soutient l'employeur, la succession de procès-verbaux des réunions mensuelles de « scorecard », tenues entre le client, M [S] [H] et son N+1 pour évaluer le travail et apporter éventuellement des solutions adéquates en cas de difficultés, confirme des prestations de qualité chez le client Procter et Gamble, dont M [S] [H] avait la charge, qualité reconnue le plus souvent par la note maximum de 4, à l'exception, sur cette période d'un seul 1, motivé par le client dans le compte rendu dans ces termes : « le gestionnaire de BSS sur le site (c'est-à-dire M [S] [H]) est très clair avec toutes les procédures d'hygiène et sécurité, il les répète chaque mois à tous les employés. Mais sur novembre, nous avons eu une personne du nettoyage qui a fumé dans un local poubelle fermé. Ceci a déclenché une alarme incendie.»

Quelques notes 3 apparaissent sur ces évaluations de temps à autre, correspondant le plus souvent à des responsabilités de la SAS SIN et Sociétés elle-même et non au responsable du site.

La cour relèvera toutefois le commentaire du client sur l'évaluation du mois de novembre 2009 qui dit « comme chaque mois du très bon travail délivré par M [S] (responsable BSS sur le site). Il est toujours disponible pour aider et répondre à toutes les questions dans sa sphère de responsabilité'. Sur l'évaluation de décembre 2009 une appréciation aussi élogieuse est portée concernant le travail de M [S] [H].

D'autre part, le salarié produit (pièces de 10 à 13) un ensemble de mail de février 2009 jusqu'au 22 décembre 2009 qui lui ont été adressés par le client Procter et Gamble pour le remercier ainsi que son équipe de la qualité de leurs prestations, de leur implication et leur « gentillesse », notamment à l'occasion de l'organisation d'un certain nombre de manifestations pour lesquelles l'équipe de M [S] [H] avait apporté son aide.

De même, trois salariés affectés à l'équipe de M [S] [H], par des attestations délivrées fin décembre 2009, c'est-à-dire alors qu'ils étaient encore en poste au sein de la SAS SIN et Sociétés, ont régulièrement attesté de la qualité des relations humaines qu'il entretenait avec son équipe mais aussi de son professionnalisme.

Aucun de ces éléments ne pouvait donc justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse décidé par l'employeur, étant rappelé, qu'en revanche, à la même époque, et en tout cas au moment où son licenciement a été décidé, le salarié avait effectivement candidaté pour apparaître sur la liste FO, ce qui pouvait se savoir dans l'entreprise, mais aussi avait par courrier du 4 décembre 2009 formulé une revendication en termes de salaire à laquelle l'employeur a refusé de donner suite dans un courrier du 17 décembre 2009 indiquant « le scorecard (c'est-à-dire l'évaluation) est une notation établie par le client. Or celui-ci n'est pas votre employeur. Pour notre part nous ne partageons pas l'avis de notre client.»

La décision du conseil de prud'hommes sera donc confirmée quant à son principe.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté de six ans dans son emploi du salarié, de son âge de 57 ans lors du licenciement, de ses charges de famille, de l'affection de longue durée dont il justifie pour son épouse et du préjudice qu'il établit avoir subi à la suite de ce licenciement n'ayant depuis lors pu bénéficier que de contrats à durée déterminée le laissant dans une situation instable et donc nécessairement précaire, la cour fixera au montant de 40 000 € la somme due en application de l'article L. 1235-3.

Sur les rappels de salaire pour heures supplémentaires pour l'année 2006

Le salarié soutient que pendant la période pendant laquelle il travaillait au siège social de janvier à décembre 2006, il a dû effectuer de nombreuses heures supplémentaires, précisant qu'il avait l'obligation de « badger», mais s'il pouvait consulter le nombre d'heures supplémentaires effectuées sur le relevé informatique ne pouvait pas imprimer celui-ci.

Il justifie de deux mails de réclamation adressés à l'employeur à ce sujet le 6 avril 2007 et le 25 septembre 2007, tous deux restés sans réponse (pièce 20 et 21), mails par lesquels le salarié rappelait qu'une prime lui avait été promise en contrepartie des heures supplémentaires effectuées en 2006, promesse, non contestée à l'époque mais restée sans suite.

L'employeur s'oppose à cette demande disant que le salarié n'apporte aucun commencement de preuve de la réalisation desdites heures supplémentaires et explique « qu'il se trouve malheureusement dans l'impossibilité de déférer à la demande de versement aux débats des relevés de badgeuse », compte tenu de l'ancienneté de la période litigieuse et du fait, qu'à la suite de la cession du capital social intervenue en juillet 2010, les services centraux de la SAS SIN et Sociétés installée à [Localité 5] ont déménagé à [Localité 3], le responsable informatique, responsable de la paie ayant lui-même quitté l'entreprise, dysfonctionnements qui n'auraient pas permis à la SAS SIN et Sociétés de retrouver les relevés de badgeuse.

En application de l'article L 3171 '4 du code du travail, la charge de la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement, ni à l'une ni à l'autre partie. Si l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, ce dernier doit d'abord fournir des éléments pour étayer sa demande. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par chacune des parties.

Selon le contrat de travail de M [S] [H] celui-ci devait, pendant la période considérée, travailler 7h par jour cinq jours par semaine à l'IMS de [Localité 4].

Il ressort des éléments rapportés ci-dessus que l'employeur porte la responsabilité de l'impossibilité pour le salarié, alors que pourtant celui-ci « badgeait », de rapporter la preuve des horaires réellement effectués, alors que la SAS SIN et Sociétés ne conteste pas que les relevés horaires n'étaient pas imprimables.

D'autre part, l'employeur en dépit de la requête du salarié s'abstient, pour des raisons qu'il n'établit pas, de produire ses propres relevés.

Dans ces conditions, et rappelant que le salarié avait en 2007 réclamé en vain le paiement d'un minimum de 180 heures supplémentaires, sans obtenir la moindre réponse, ne serait-ce que négative, de la part de son employeur, la cour tirera les conséquences de ces deux défaillances imputables à la SAS SIN et Sociétés et fera droit à la demande formulée par M [S] [H] pour le montant sollicité et justifié de 2795,85 euros.

La dissimulation d'heures salariées prévue par l'article L. 8221 '5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. La sanction forfaitaire de six mois de salaire prévu par l'article L. 8223 ' 1 du code du travail, se cumule avec toutes les indemnités dues au salarié au titre de la rupture du contrat de travail, à l'exception de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

La cour, retenant le principe et le montant d'un nombre non négligeable d'heures supplémentaires pendant la seule année 2006, heures supplémentaires que l'employeur, qui disposait des relevés des badgeuses ne pouvait ignorer, considère que celui-ci a, effectivement et de manière intentionnelle, omis de payer et de porter sur les bulletins de salaire de M [S] [H] un certain nombre d'heures travaillées au-delà de son horaire mensuel conventionnel.

La SAS SIN et Sociétés sera donc condamnée à verser à M [S] [H] l'indemnité forfaitaire sus mentionnée.

Le salaire mensuel reconstitué de M [S] [H] depuis le mois de février 2009 s'élevant à 2776,30 euros, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé s'élève à 16 656 €.

Sur l'indemnité pour préjudice de carrière

Le salarié ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct du préjudice indemnisé au titre des conséquences du licenciement, qui intègre déjà le préjudice de carrière évident qu'il subit. Il sera donc débouté de sa demande formulée à ce titre.

La Société Elior Service Propreté et Santé qui vient au droit de la SAS SIN et Sociétés devra délivrer à M [S] [H] des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés conformément à la présente décision.

Sur le remboursement aux organismes sociaux

Le licenciement relevant de l'application de l'article L 12 35-3 du code du travail, conformément à l'article L. 1235 '4 du même code, la cour ordonne, en l'espèce d'office, le remboursement par la Société Elior Service Propreté et Santé qui vient aux droits de la SAS SIN et Sociétés, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à M [S] [H] depuis le jour de son licenciement et dans la limite légale de 6 mois.

Sur les dépens et la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

La Société Elior Service Propreté et Santé qui succombe supportera la charge des dépens.

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par M [S] [H] la totalité des frais de procédure qu'il a été contraint d'exposer. Il sera donc alloué, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 3000 euros, à ce titre pour l'ensemble de la procédure.

Décision de la Cour :

En conséquence, la Cour,

Confirme la décision du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit le licenciement de M [S] [H] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant :

- Fixe à la somme de 2776,30 euros par mois le salaire de M [S] [H] au moment de la rupture du contrat de travail.

- Condamne la Société Elior Service Propreté et Santé venant aux droits de la SAS SIN et Sociétés à payer à M [S] [H].

- 40 000 €, à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application de l'article L 1235-3 du code du travail.

somme avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

- 16 114,52 pour rappel de salaire suite à reclassification à compter de février 2007, congés payés de 10 % en sus.

- 2795,85 euros de rappel de salaire heures supplémentaire pour l'année 2006 avec congés de 10 % en sus.

- 16 656 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Dit que ces intérêts légaux emporteront capitalisation.

Ordonne à l'employeur de remettre au salarié des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés.

Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

Ordonne d'office le remboursement par la Société Elior Service Propreté et Santé venant aux droits de la SAS SIN et Sociétés aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M [S] [H] depuis le jour de son licenciement et dans la limite légale de 6 mois.

Condamne la Société Elior Service Propreté et Santé venant aux droits de la SAS SIN et Sociétés à régler à M [S] [H] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

La condamne aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER,LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 12/00597
Date de la décision : 15/01/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°12/00597 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-15;12.00597 ?
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