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15/01/2014 | FRANCE | N°11/08416

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 15 janvier 2014, 11/08416


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 15 Janvier 2014



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08416



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 Avril 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/00406





APPELANT

Monsieur [H] [M]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Olivier BONGRAN

D, avocat au barreau de PARIS, K0136





INTIMÉE

CENTRE DENTAIRE NORD MAGENTA

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Nicolas MANCRET, avocat au barreau de PARIS, K0061





COMPOSIT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 15 Janvier 2014

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08416

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 Avril 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/00406

APPELANT

Monsieur [H] [M]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, K0136

INTIMÉE

CENTRE DENTAIRE NORD MAGENTA

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Nicolas MANCRET, avocat au barreau de PARIS, K0061

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Novembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jacques BOUDY, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le centre dentaire Nord Magenta est une association à but non lucratif qui exerce une activité de dispensaire assurant, avec ou sans rendez-vous, des soins dentaires sur la base du tarif conventionné de la sécurité sociale tout en prenant également en charge les bénéficiaires de la carte CMU.

M. [H] [M] a été embauché par le centre dentaire Magenta à compter du 27 avril 2005 en qualité de praticien dentiste.

Le centre dentaire employait une trentaine de praticiens dentistes et des assistants, dénommés coordonnateurs référents, avaient pour mission de recevoir les clients puis de les orienter équitablement entre les différents praticiens.

Faisant valoir en particulier qu'il était victime d'un harcèlement de la part de l'employeur qui avait donné des instructions pour que la répartition des clients se fasse à son désavantage à la fois en nombre mais aussi en raison de la nature des actes pratiqués, M. [H] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 26 juillet 2007 afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 24 septembre suivant, il a été convoqué par l'employeur à un entretien préalable à un éventuel licenciement et c'est le 29 octobre suivant que celui-ci lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par jugement en date du 1er avril 2011, le conseil de prud'hommes a débouté M. [H] [M] de la totalité de ses demandes.

Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception expédiée le 27 juillet 2011, il en a interjeté appel.

Devant la cour, M. [H] [M] conclut à la condamnation du centre dentaire Magenta à lui payer les sommes suivantes :

- 27 360 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2736 € au titre des congés payés afférents

- 8 550 € à titre d'indemnité de licenciement

- 68 400 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- 25 598 € à titre de dommages et intérêts en raison de la baisse d'activité subie

- 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral dont il a été victime

- 4 515,60 € à titre de rappel de commissions sur les prothèses pour la période de mai 2005 à novembre 2005 et 451,56 € au titre des congés payés afférents

- 34 722 € à titre de rappel de commissions sur les radiographies pour la période de mai 2005 à juillet 2005 et 3472 € au titre des congés payés afférents

- 19 992 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente aux salaires versés du 2 mai 2005 au 29 octobre 2007

- 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

De son côté, le centre dentaire Magenta conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. [H] [M] à lui payer la somme de 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

À l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, M. [H] [M] invoque un certain nombre de manquements qu'il impute à son employeur.

1 ) - Sur les rappels de commissions relatives aux prothèses CMU

Les chirurgiens-dentistes praticiens étaient rémunérés sur la base de commissions calculées sur les actes réalisés.

En ce qui concerne M. [H] [M], son contrat de travail prévoyait un taux de 20 % sur les prothèses dentaires, de 25 % sur les soins et de 15 % lorsqu'il s'agissait de prothèses dites « CMU ».

M. [H] [M] affirme que pour la période courue de mai 2005 à novembre 2005, il n'a effectivement perçu, conformément à ce que prévoyait son contrat de travail, que des commissions de 15 % sur les prothèses CMU alors qu'en réalité, tous les autres praticiens percevaient des commissions calculées sur la base de 20 %.

À la suite d'une réclamation qu'il avait adressée à son employeur à ce sujet notamment, le 22 mars 2007, celui-ci lui avait rappelé, dans un courrier du 2 avril 2007, qu'il avait accepté de pratiquer désormais un taux égal à 20 % à compter du mois de novembre 2005 ce qui, selon M. [H] [M], révélait la différence injustifiée de traitement qui existait antérieurement entre les autres praticiens et lui-même.

Cependant, ce courrier ne saurait être considéré comme la preuve que les autres praticiens qui exerçaient dans le centre bénéficiaient effectivement d'un taux de commission égal à 20 % et par ailleurs, M. [H] [M] ne produit au débat aucun autre élément de preuve en ce sens.

Par conséquent, ce grief n'est pas établi et la demande en paiement qui en est la conséquence ne peut qu'être rejetée.

2 ) - Sur les rappels de commissions relatives aux radiographies

M. [H] [M] soutient qu'un taux de reversement de 5 % sur les radiographies était réalisé au profit de l'ensemble des praticiens mais qu'en ce qui le concernait, aucun versement n'avait été effectué, ce qui constituait donc une inégalité de traitement.

Il faut noter en premier lieu que le contrat de travail de M. [H] [M] ne prévoyait aucun commissionnement à ce sujet.

Par ailleurs, celui-ci ne démontre pas non plus que les autres praticiens bénéficiaient d'une telle rémunération et ce d'autant moins qu'il résulte des explications de l'employeur que si des radiographies étaient effectivement réalisées de façon systématique au moment de l'arrivée de nouveaux clients, celles-ci étaient ordonnées avant même leur attribution à l'un des chirurgiens-dentistes exerçant dans le centre.

S'il demeure une certaine incertitude sur l'identification du praticien qui ordonnait l'exécution des radiographies, il apparaît que M. [H] [M] n'explique pas de quelle manière il justifie la somme de 34 722 € à titre de rappel sur les commissions qui lui seraient dues alors de surcroît, qu'ainsi que le fait justement remarquer l'employeur, sa demande ne porte que sur la période, très courte, de mai à juillet 2005, ce qui laisserait supposer qu'il aurait ordonné, au cours de la période en question, l'équivalent de plus de 700 000 € à titre de radiographies.

Ce grief n'est donc pas établi et la demande qui en résulte sera écartée.

3) - Sur le rappel de congés payés

M. [H] [M] fait valoir qu'il est fondé à réclamer le paiement des congés payés concernant l'ensemble de la période pendant laquelle il a été salarié au motif que si le contrat de travail prévoyait que sa rémunération incluait les congés payés, cette mention était insuffisante dans la mesure où le contrat devait faire apparaître, distinctement, la majoration du taux des commissions, seule de nature à permettre au salarié de vérifier qu'il avait bien été rempli de ses droits.

Le centre dentaire Magenta invoque la prescription de cinq ans prévue par l'article L3245-1 du code du travail, qui renvoie lui-même à l'article 2224 du Code civil et qui est applicable à toutes les créances de nature salariale au motif que cette demande, qui n'avait pas été présentée en première instance, n'avait été formée et n'avait été notifiée à l'intimé qu'aux termes de conclusions déposées lors de l'audience du 8 avril 2013.

Cependant, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en va autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concerne l'exécution du même contrat de travail.

Par conséquent, la prescription a été interrompue par l'introduction de la procédure le 30 juillet 2007, date de réception de la convocation devant le conseil de prud'hommes, peu important que cette demande n'ait été formée que par la suite.

Sur le fond, le Centre dentaire Magenta rappelle que le contrat de travail prévoyait expressément que le salaire était un salaire annuel brut, congés payés et remboursement du transport inclus et que l'appelant ne démontre en aucune façon en quoi il n'aurait pas été réglé des congés payés.

Mais, ainsi que le fait valoir M. [H] [M], cette seule mention est insuffisante et en cas de paiement d'un salaire à la commission, le contrat doit clairement faire apparaître d'une part, le calcul des commissions et d'autre part, le calcul des congés payés.

Par conséquent, faute par l'employeur de démontrer que les congés payés ont été réglés au salarié, indépendamment des commissions, la demande ne peut qu'être accueillie.

Sur la base du calcul non contesté opéré par l'appelant, il y a lieu de lui accorder, à ce titre, la somme de 19 992 €.

4 ) - Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au titre des faits susceptibles de caractériser un harcèlement, M. [H] [M] invoque en premier lieu la circonstance qu'à partir du mois de septembre 2006, l'un des chirurgiens-dentistes du centre médical, le docteur [S] ainsi que le directeur du centre, le Dr [L] avaient entrepris de procéder à une surveillance étroite de son activité ainsi que de celle de son épouse, elle-même dentiste praticien dans le même centre, car ils les soupçonnaient de se livrer à un détournement de clientèle au profit d'un autre centre médical concurrent.

À l'appui de ses allégations, il produit :

- une attestation de Mme [Y] [R], assistante dentaire d'octobre 2006 à août 2007, selon laquelle le docteur [S] consultait presque tous les jours le logiciel « Visiodent», destiné à enregistrer le dossier des patients et à retracer l'historique des différentes opérations les concernant et avait édité, en février 2007, une liste de patients destinée à accuser M. [H] [M] d'un détournement de clientèle.

Elle précise qu'un jour, il avait « intercepté » une patiente qui sortait du cabinet de M. [H] [M] pour accuser ce dernier d'un « détournement de prothèse » alors qu'il s'était avéré qu'il s'agissait en réalité d'une opération qui n'était pas couverte par la sécurité sociale.

- une attestation de Mme [K] [G], secrétaire médicale, selon laquelle le docteur [S] lui avait indiqué qu'il établissait une liste de patients détournés vers une autre structure tandis que le docteur [L] avait fait convoquer certains des patients de M. [H] [M] pour le vérifier

M. [H] [M] fait aussi valoir, en second lieu, que dans le même temps, le directeur de l'établissement, avec l'aide du docteur [S], avait fait en sorte de réduire le nombre des clients qui lui étaient attribués ou de ne lui attribuer que ceux dont l'état de santé nécessitait les actes les moins rémunérateurs et que de surcroît, il avait formellement interdit aux dentistes référents de lui attribuer de nouveaux clients pendant la période du 10 au 20 février 2007.

Pour le démontrer, il produit :

- les attestations susvisées aux termes desquelles le docteur [L] avait donné des instructions en ce sens tandis que les dentistes référents avaient évoqué des pressions et une attestation de Mme [U], qui ayant été l'assistante dentaire de M. [H] [M] du 2 mai 2006 à janvier 2007, précisait avoir constaté une baisse du nombre des patients

- une attestation de Mme [Q] [C], secrétaire médicale, indiquant que le docteur [L], à l'aide de la liste établie par le docteur [S], avait interdit d'attribuer de nouveaux clients à M. [H] [M] ainsi qu'à son épouse

- des attestations ou des courriers de certains clients relatant que bien qu'ayant demandé expressément un rendez-vous avec M. [H] [M], ils s'étaient vu refuser celui-ci et avaient été dirigés vers d'autres praticiens

- un document récapitulant les chiffres d'affaires réalisés par M. [H] [M] ainsi que par son épouse, faisant apparaître qu'alors qu'au cours de l'année 2006, ceux-ci représentaient respectivement 9 et 12 % de l'activité totale du centre, en 2007, ils ne représentaient plus que, respectivement, 5 % et 9 % du chiffre d'affaires total pour les 7 premiers mois de l'année 2007.

Sur ces deux points, l'employeur explique que la règle qui devait être observée dans le centre était que la clientèle était répartie entre les différents cabinets dentaires de façon à ce que chaque dentiste puisse disposer du temps nécessaire pour traiter correctement les patients et qu'il fallait éviter qu'un même dentiste effectue le même jour plusieurs actes lourds, tels que des prothèses ou des soins longs, de façon successive, ce qui était nécessairement à l'origine d'un stress et d'une fatigue, mettant ainsi en danger la qualité des soins pour les patients.

Il affirme que M. [H] [M], ainsi que son épouse, avait mis au point, par un mécanisme de collusion ou en exerçant des pressions sur les dentistes référents, une méthode leur permettant de se faire attribuer les patients qui seraient à l'origine de la rémunération la plus intéressante, c'est-à-dire en particulier, ceux pour lesquels il était nécessaire de faire des prothèses.

Que ce n'est que grâce à la mise en 'uvre du logiciel « Visiodent » qu'il a pu être remédié à cette situation, ce qui a, par voie de conséquence, nécessairement entraîné une diminution du chiffre d'affaires des intéressés.

Il produit en ce sens une attestation du Docteur [A] [P], indiquant avoir, de nombreuses fois, attiré l'attention de la direction sur « les abus anti-confraternels du docteur [M] et du docteur [X] qui, grâce à un réseau de complicités internes, savamment mis en place depuis des années, s'attribuaient un nombre de patients largement supérieur à la moyenne des autres confrères.

Les contrôles, le suivi et les recoupements informatiques, ont permis d'assainir cette situation.

Le protocole de répartition équitable étant devenu la règle à suivre, il s'en est suivi de la part de ces deux confrères, une hostilité manifeste entraînant un climat des plus défavorables dans notre exercice au sein du centre... ».

De la même manière, le docteur [S] relate que quelques mois après leur arrivée les deux confrères sus-cités « avaient mis en place, avec la complicité des référents en place, un système assez favorable à leurs conditions d'exercice en s'octroyant les cas les plus rémunérateurs au détriment des autres confrères qui ne recevaient que les cas les moins intéressants tant et si bien que leur planning était saturé de patients avec prothèse tandis que les autres praticiens voyaient des grands espaces libres dans leur cahier de rendez-vous ' ».

Le docteur [J] atteste dans le même sens et ajoute que que dès l'arrivée et l'instauration du système « Visiodent » il avait vu enfin son activité reprendre des couleurs et qu'il avait pu enfin apprécier l'équité de l'attribution de cas et travailler dans des conditions plus agréables.

En ce qui concerne les attestations produites aux débats par M. [H] [M], le centre dentaire Magenta produit des éléments qui sont de nature à laisser douter de l'impartialité de celle rédigée en particulier par Mme [R], puisque celle-ci s'était vue adresser par l'employeur plusieurs lettres de mise en demeure et qu'après avoir été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, elle avait quitté l'entreprise au mois de juillet 2007.

Il produit aussi des documents de comptabilité laissant apparaître qu'au cours du mois de février 2007, loin d'avoir connu une diminution de son chiffre d'affaires, M. [H] [M] avait au contraire, vu celui-ci augmenter considérablement par rapport au mois de février de l'année précédente.

Au regard de ces différents éléments, les faits invoqués par M. [H] [M] ne sont donc pas établis.

Par voie de conséquence, la demande d'indemnisation de la perte de revenus alléguée par l'intéressé sera rejetée.

M. [H] [M] invoque en troisième lieu, le comportement intrusif du directeur du centre, le docteur [L], ce comportement ayant connu son paroxysme lorsque celui-ci s'était rendu dans le cabinet de son épouse, le 21 septembre 2007 alors qu'un client était en cours de soins, avait entrepris de fouiller ses dossiers de sorte qu'étant intervenu, celui-ci l'avait poursuivi dans la salle d'attente en l'empoignant et en lui donnant des coups de pied.

Cependant, s'il produit en ce sens trois attestations émanant d'un client qui se trouvait dans le cabinet dentaire, d'une personne qui l'attendait dans la salle d'attente et d'une autre personne qui se trouvait au niveau de l'accueil, MM. [D] et [O] et Mme [N], ainsi qu'une copie d'une déclaration de main courante et une décision de la Chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des chirurgiens-dentistes ayant confirmé une décision de la Chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des chirurgiens-dentistes d'Île-de-France qui avait infligé au docteur [L] une sanction de blâme, ces éléments sont contredits par les attestations de deux témoins, Mme [Z] et M. [T] mais aussi par l'exploitation de la bande vidéo de la caméra qui se trouvait précisément dans la salle d'attente, effectuée au moyen d'un constat d'huissier.

S'il est donc certain, et non contesté, qu'il y a eu ce jour-là, et à ce moment, une discussion extrêmement vive entre les deux hommes, les faits de violence ne sont, quant à eux, pas établis.

Dans ces conditions, l'ensemble des reproches adressés au Centre dentaire Magenta par l'appelant ne permettent pas de justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail et sur ce point, le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé.

I I- Sur le licenciement

La lettre de licenciement notifiée à M. [H] [M] le 29 octobre 2007 comportait la motivation suivante :

« Nous avons découvert, au début de l'année 2007, que vous tentiez d'instaurer une organisation inéquitable qui consistait à refuser de soigner des patients sur lesquels des soins mineurs peuvent être effectués, pour ne vouloir traiter que de grosses interventions, lesquelles occasionnent pour vous une rémunération plus importante.

Ne tenant pas compte de notre refus à voir s'installer un tel système, vous avez adopté une attitude irresponsable. En effet, vous avez exercé en toute impunité des menaces à l'encontre de Messieurs [E] et [V], allant même jusqu'à leur imposer un chantage s'ils ne satisfaisaient à vos demandes.

Dans le même temps, votre politique professionnelle laissait à désirer, comme en témoignent vos actes médicaux défectueux de l'époque.

À réception de votre courrier de protestation du 22 mars 2007, intégrant cette fois-ci des critiques sur votre mode de rémunération, j'ai pris la peine de vous répondre 10 jours plus tard pour justifier que vos demandes étaient sans fondement. J'espérais alors que cette mise au point mettrait fin à vos agissements fautifs.

À ma grande déception, vous n'avez pas tenu compte de cette mise en garde puisque votre comportement des dernières semaines a dû justifier l'engagement de la présente procédure.

En effet, au prétexte que vous entretenez un contentieux prud'homal afférent à votre taux de commissionnement, vous adoptez un comportement inacceptable.

Nous déplorons tout d'abord l'envoi de courriers recommandés successifs qui sont non seulement insultants et provocateurs, mais dépassent largement la liberté d'expression reconnue à tout collaborateur.

En témoigne votre courrier indigne du 25 septembre 2007 par lequel vous accusez le centre dentaire de faire travailler des personnes non qualifiées au noir, laissant croire que nous serions des délinquants.

Plus consternant encore, vous provoquez une nouvelle fois le centre en déclarant désormais être l'objet de harcèlement et avoir été agressé physiquement le 21 septembre 2007, ce qui est totalement faux. En réalité, vous vous êtes, ce même jour, interposé dans une discussion que j'avais avec le docteur [X] en me menaçant verbalement en présence d'autres collaborateurs du centre.

Votre comportement violent et menaçant, tout comme les déclarations mensongères sur les actes auxquels vous vous livrez et votre provocation perpétuelle, ne permettent plus de vous conserver dans le centre.

À cela vient s'ajouter votre participation à la subtilisation de dossiers médicaux appartenant à d'autres praticiens et concernant des patients qui n'ont jamais été soignés par vous. Loin d'être un incident isolé, il apparaît qu'en violation de vos règles ordinales et du principe de délicatesse, vous avez reproduit à l'insu des médecins concernés et avec la complicité du docteur [X], des dossiers médicaux confidentiels dans le but de les emporter avec vous.

La provocation quasi quotidienne à laquelle vous vous êtes livré au long du mois de septembre, a conduit tant le personnel administratif que de nombreux praticiens à se plaindre de vous; ces derniers expliquant que par votre attitude quotidienne (insultes et injures, vexations, provocations et menace de chantage) il devenait impossible de continuer à travailler sereinement.

Une rapide enquête a permis de découvrir qu'avec la complicité du docteur [X], votre épouse, vous vous êtes livré à des man'uvres de déstabilisation du personnel du centre, lesquelles ont malheureusement entravé la qualité du travail réalisé et mis en péril notre activité. Il ne fait d'ailleurs nul doute que ces agissements ont été menés sciemment avec la volonté évidente de provoquer sans cesse les dirigeants du centre, afin d'arriver à une rupture... ».

Il suffit de constater, ainsi que le rappelle l'appelant, qu'aux termes de l'article L 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoirs relatés et que l'article L 1152-3 du même code prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance, notamment de ce dernier texte, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Il en résulte donc que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

En l'espèce, la lettre de licenciement pour faute grave était en partie motivée par l'accusation de harcèlement moral que l'employeur estimait infondée.

Si ces faits de harcèlement moral n'ont pas été établis il n'est pas démontré pour autant que leur dénonciation par M. [H] [M] résultait d'une mauvaise foi de sa part et ce d'autant moins qu'il existait incontestablement au sein du centre dentaire un climat délétère et une opposition entre le docteur [M] et son épouse et le directeur de ce centre.

Les licenciement ne peut donc qu'être déclaré nul.

III - Sur les conséquences de la nullité du licenciement

Il n'est pas contesté que le salaire moyen de référence doit être fixé à la somme de 6 840,25 €.

Il est donc dû à l'appelant une indemnité compensatrice de préavis, dont le calcul non contesté, correspond à quatre mois de salaire, soit la somme de 27 360 €, outre les congés payés afférents.

De la même façon, en application de la convention collective, qui prévoit une indemnité de licenciement calculée sur la base d'un demi mois de salaire par année d'ancienneté, il est dû à M. [H] [M], à ce titre, la somme de 8 550 €.

Le salarié dont le licenciement est nul, et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, en toute hypothèse, en plus des indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire, quels que soient son ancienneté et l'effectif de l'entreprise.

En l'espèce, il sera donc accordé à M. [H] [M], à ce titre, la somme de 42 000 €.

Il n'apparaît pas équitable d'accorder à ce dernier, qui a dû agir en justice pour faire valoir ses droits, une indemnité d'un montant de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 1er avril 2011 ;

DÉCLARE nul le licenciement prononcé à l'encontre de M. [H] [M] ;

En conséquence,

CONDAMNE le Centre dentaire Magenta à payer à M. [H] [M] les sommes suivantes :

-19 992 € au titre des congés payés pendant la durée du contrat

- 27 360 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2736 € au titre des congés payés afférents

- 8 550 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 42 000 € à titre d'indemnité pour licenciement illicite

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE le Centre dentaire Magenta à payer à M. [H] [M] la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 11/08416
Date de la décision : 15/01/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°11/08416 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-15;11.08416 ?
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