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14/01/2014 | FRANCE | N°13/06475

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 14 janvier 2014, 13/06475


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 14 JANVIER 2014



(n° 12 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/06475



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 12/00880





APPELANTS



Monsieur [K] [J]

[Adresse 2]

[Localité 2]



Madame [E] [G] épouse [

J]

[Adresse 2]

[Localité 2]





Représentés par Me Jean-loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106

assistés de Me Karl SKOG, avocat au barreau de PARIS, toque : P0463







INTIMEE ET APPEL...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 14 JANVIER 2014

(n° 12 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/06475

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 12/00880

APPELANTS

Monsieur [K] [J]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Madame [E] [G] épouse [J]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentés par Me Jean-loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106

assistés de Me Karl SKOG, avocat au barreau de PARIS, toque : P0463

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE

SAS BABEAU SEGUIN

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-pierre DELAUCHE de la SCP DELAUCHE/CHASSAING, avocat au barreau d'ESSONNE

assistée de Me Benoît MAURIN de la SCPA MAURIN-TEIXEIRA, avocats au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Novembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nicole GIRERD, Présidente de chambre

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

Madame Odette-Luce BOUVIER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nicole GIRERD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

Les époux [J] ont conclu le 6 décembre 2003 avec la SAS BABEAU SEGUIN un contrat de construction de maison individuelle pour l'édification d'un pavillon sur un terrain situé à [Adresse 2]. Le coût de la construction était de 192.543 euros.

Des difficultés sont apparues entre les parties.

Par jugement du 10 février 2011, le tribunal de grande instance d'Evry a débouté les époux [J] de leur demande de nullité du contrat de construction, fixé la date de réception de l'ouvrage au 23 septembre 2005 et condamné solidairement les époux [J] à payer à la société BABEAU SEGUIN la somme de 39.969,86 euros pour solde du prix du marché.

Cette décision a été infirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 juin 2012, le contrat a été annulé et la société BABEAU SEGUIN a été condamnée à restituer la somme de 144.646,50 euros aux époux [J].

La société BABEAU SEGUIN a sollicité la désignation d'un expert aux fins de voir déterminer son indemnisation pour les travaux réalisés consécutivement à l'annulation du contrat de construction ainsi qu'une provision devant le juge des référés du tribunal de grande instance d' Evry qui, par ordonnance du 1er mars 2013, a fait droit à la demande d'expertise rejetant celle de provision.

Les époux [J], appelants, par conclusions du 28 août 2013, demandent à la cour de confirmer l'ordonnance sauf en ce qu'elle a fait droit à la demande d'expertise et en ce qu'elle a rejeté leur demande de frais irrépétibles. Ils sollicitent le rejet de la demande d'expertise et la condamnation de la société adverse à leur payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BABEAU SEGUIN, par conclusions du 22 octobre 2013, souhaite voir confirmer l'ordonnance entreprise, modifier la mission en demandant à l'expert d'estimer la valeur de la maison au 2 août 2005 ou au 23 septembre 2005 et de chiffrer le coût de l'ensemble des prestations effectuées y compris conception, dossier de permis de construire, suivi des travaux outre le coût des matériaux mis en oeuvre et la main d 'oeuvre applicable à la totalité des travaux, réformer la décision en ce qu'il ne lui a pas été accordé de provision et lui allouer de ce chef une somme de 130.000 euros alors que les époux [J] occupent depuis 8 ans la maison ainsi qu'une somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles.

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;

Que lorsqu'il statue en référé sur le fondement de ce texte, le juge n'est pas soumis aux conditions imposées par l'article 808 du code de procédure civile, qu'il n'a notamment pas à rechercher s'il y a urgence, que l'existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre de la mesure sollicitée, l'application de cet article n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé ;

Que l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu'il existe un procès « en germe »  possible, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui ;

Considérant qu'il appartient dès lors à celui qui demande l'expertise de démontrer l'existence d'un fait plausible ne relevant pas d'une simple hypothèse ;

Considérant que les époux [J] considèrent qu'il n'existe pas de motif légitime d'ordonner la mesure dès lors qu'elle ne se situe pas avant tout procès, le litige ayant été tranché par l'arrêt de la cour d'appel du 13 juin 2012 ; qu'ils ajoutent que la demande est aussi irrecevable sur le fondement des articles 122 et 480 du code de procédure civile en vertu de l'autorité de chose jugée et du principe de concentration des moyens ; qu'ils estiment qu'il appartenait à la société de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause et qu'elle pouvait dès la première instance sachant qu'ils demandaient l'annulation du contrat, solliciter la restitution du coût de la construction ; qu'ils précisent qu'en outre sa demande revient à demander la compensation avec les sommes au paiement desquelles elle a été condamnée et que de ce fait, l'autorité de chose jugée peut lui être opposée ; qu'enfin, ils estiment qu'il n'y a pas de motif légitime à ordonner l'expertise dès lors que la nullité du contrat a été prononcée pour des violations d'ordre public et que la faute grave ainsi commise par le constructeur est équipollente au dol et le prive de la possibilité d'exercer l'action de in rem verso ; qu'ils opposent aussi l'article 146 du code de procédure civile, la société disposant des pièces lui permettant d'évaluer le coût des travaux de construction ; qu'enfin, ils estiment que la provision n'est pas due ;

Considérant que la société intimée soutient que dès lors que le maître d'ouvrage conserve l'ouvrage à la suite de la nullité du contrat, il doit indemniser le constructeur du coût de l'ouvrage ; qu'elle ajoute que la seule nullité du contrat a été tranchée par la cour d'appel mais que celle-ci ne s'est pas prononcée sur l'indemnisation ; qu'elle déclare être bien fondée à solliciter dans ces conditions la mesure d'instruction ; qu'elle estime qu'il n'y a pas d'autorité de chose jugée, les demandes étant différentes ; qu'elle ajoute qu'elle n'entend pas par cette mesure suppléer sa carence dans l'administration de la preuve ; qu'elle soutient que les époux [J] occupent les lieux depuis huit ans et n'ont jamais soldé le prix et qu'elle a droit au paiement de ses prestations ce qui justifie sa demande de provision ;

Considérant que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 juin 2012 n'a statué que sur la demande de nullité du contrat de construction de maison individuelle signé entre les parties ; que la nullité qui a été prononcée a pour conséquence l'anéantissement rétroactif du contrat et la remise en état des parties en l'état où elles se trouvaient avant la passation du contrat ;

Considérant que la cour a décidé de la restitution par le constructeur des sommes qui lui ont été versées au titre du contrat ; que les époux [J] n'ont ni sollicité ni fait procéder à la démolition de l'ouvrage ; qu'ils l'ont conservé ; que dès lors, ils peuvent être tenus de payer la valeur des prestations réalisées par la société BABEAU SEGUIN afin de remettre celle-ci dans la situation où elle se trouvait avant le contrat qui a fait l'objet de l'annulation ;

Considérant que la cour ne s'est pas prononcée sur le remboursement éventuel des prestations fournies par le constructeur ; qu'il ne peut être opposé à la société BABEAU SEGUIN aucune autorité de chose jugée ; que la demande d'expertise se situe donc avant tout procès au fond sur cette question, la société BABEAU SEGUIN entendant agir ultérieurement en paiement à l'encontre des époux [J] ;

Considérant que la société BABEAU SEGUIN a un motif légitime de solliciter une expertise aux fins de déterminer le coût des prestations qu'elle a réalisées pour la construction de la maison des époux [J] ;

Considérant que les époux [J] ne sauraient opposer le principe de concentration des moyens dès lors que la société adverse n'invoque pas un nouveau moyen à l'appui d'une demande mais une nouvelle demande qui n'a pas été présentée dans le cadre de l'instance en nullité du contrat ayant abouti à l'arrêt de la cour d'appel précité ;

Considérant que, par ailleurs, les dispositions de l'article 146 relatives aux mesures d'instruction ordonnées au cours d'un procès ne s'appliquent pas lorsque le juge est saisi d'une demande fondée sur l'article 145 du code de procédure civile ;

Considérant qu'il convient de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a désigné un expert afin d'examiner l'ouvrage et d'évaluer le prix des matériaux et de la main d'oeuvre exposés par la société BABEAU SEGUIN pour la construction de la maison des époux [J] ; qu'il y a lieu d'ajouter à la mission de l'expert, le chiffrage du coût de maîtrise d'oeuvre, la juridiction ultérieurement saisie d'une demande en paiement de la somme due au constructeur appréciant alors l'étendue des prestations fournies par celui-ci et leur coût ; que la valeur de la maison est indifférente à la solution du litige ;

Considérant qu'aux termes de l'article 809 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ; que la hauteur de la provision susceptible d'être ainsi allouée n'a d'autre limite que celui du montant de la dette alléguée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1315 code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ;

Considérant que le moyen des époux [J] fondé sur l'existence d'une faute grave opposable à la société adverse dans le cadre de l'action de in rem verso (enrichissement sans cause) est inopérant ; qu'en effet, la demande de remboursement de sommes présentée par la société BABEAU SEGUIN n'est pas sans cause mais liée à la nullité du contrat et à la nécessaire remise en état des parties dans la situation antérieure à la passation du dit contrat ; que le fait que cette nullité ait été prononcée pour des violations de règles d'ordre public est sans effet sur le droit à paiement des sommes déboursées par le constructeur pour la réalisation de l'ouvrage ;

Considérant dès lors que l'obligation à paiement d'une provision n'est pas sérieusement contestable ; que l'ordonnance doit être infirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande de la société BABEAU SEGUIN ;

Considérant qu'il ressort des éléments versés aux débats par la société BABEAU SEGUIN que la provision peut être en l'état arrêtée à la somme de 75.000 euros ; qu'il convient de condamner les époux [J] au règlement de cette somme à la société BABEAU SEGUIN ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit à la demande des parties présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant qu'il convient de laisser à chacune des parties la charge de leurs dépens d'appel dès lors qu'elles succombent chacune partiellement ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de provision présentée par la société BABEAU SEGUIN ;

Y ajoutant et statuant à nouveau :

Dit que l'expert évaluera aussi le coût de la maîtrise d'oeuvre éventuellement exposée par la société BABEAU SEGUIN pour la construction de la maison des époux [J] ;

Condamne les époux [J] à payer à la société BABEAU SEGUIN la somme de 75.000 euros à titre de provision ;

Rejette toute autre demande des parties en ce compris celle formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/06475
Date de la décision : 14/01/2014

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°13/06475 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-14;13.06475 ?
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