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09/01/2014 | FRANCE | N°13/00754

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 09 janvier 2014, 13/00754


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 09 JANVIER 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/00754



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Janvier 2013 -Président du TGI de PARIS - RG n° 12/57269





APPELANTE



SOCIETE CIVILE DES MOUSQUETAIRES

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qu

alité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]



Assistée de Me Bruno CHEMAMA de la SELAFA JEAN CLAUDE COULON ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0002

Représentée...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 09 JANVIER 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/00754

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Janvier 2013 -Président du TGI de PARIS - RG n° 12/57269

APPELANTE

SOCIETE CIVILE DES MOUSQUETAIRES

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Assistée de Me Bruno CHEMAMA de la SELAFA JEAN CLAUDE COULON ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0002

Représentée par Me Marie-laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936

INTIME

Monsieur [N] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assisté de Me Sabine BERNERT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1615 substituée à l'audience par Me Jean-Michel CHEULA

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Novembre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Frédéric CHARLON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Frédéric CHARLON, président

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseillère

Madame Sylvie MAUNAND, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Frédéric CHARLON, président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier.

ELEMENTS DU LITIGE':

La société civile des Mousquetaires détient la totalité du capital de la société ITM Entreprises, franchiseur des commerçants exerçant leurs activités sous les enseignes du groupement des Mousquetaires, notamment l'enseigne Intermarché, et statutairement seuls les dirigeants exploitant l'un des points de vente sous l'une de ces enseignes peuvent être associés de la société civile des Mousquetaires si bien qu'un associé qui cesse d'exercer de telles fonctions doit démissionner de cette société ou en être exclu.

M. [D], qui exploitait un magasin Intermarché dans le Calvados, était propriétaire de 60 parts du capital de cette société civile et à la suite de son départ en retraite celle-ci lui a proposé de lui racheter ses parts pour un montant de 478.768,80 euros.

M. [D] a refusé cette offre et a demandé une conciliation puis, faute d'accord, la désignation en justice d'un expert en application de l'article 1843-4 du code civil.

Statuant en la forme des référés le 13 mars 2012, le juge du tribunal de grande instance de Paris a désigné M. [V] [J] avec mission d'évaluer la valeur actuelle et réelle des droits détenus par M. [D] dans la société civile des Mousquetaires et de donner son avis sur les comptes entre les parties.

La société civile des Mousquetaires a interjeté un appel-nullité contre cette décision, mais ce recours a été rejeté par arrêt du 24 janvier 2013.

Le 29 août 2012 la société civile des Mousquetaires a saisi le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en la forme des référés pour voir dire que M. [J] a manifesté par des déclarations publiques et concomitantes à sa désignation un préjugé et un parti-pris au sujet de l'évaluation des parts litigieuses de sorte qu'il ne disposait pas de l'impartialité nécessaire à l'exercice de sa mission et pour voir dire en tout état de cause qu'il y avait des raisons légitimes de douter de l'impartialité de M. [J] et en conséquence de procéder à sa récusation.

Par ordonnance du 8 janvier 2013, le juge saisi a déclaré irrecevables les demandes de la société civile des Mousquetaires et rejeté les demandes d'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société civile des Mousquetaires a interjeté appel de cette ordonnance le janvier 2013.

Par conclusions du 6 novembre 2013 la société civile des Mousquetaires demande':

- d'infirmer la décision entreprise,

- de dire que M. [J] a manifesté par des déclarations publiques un préjugé et un parti-pris au sujet de l'évaluation des parts litigieuses, de sorte qu'il ne disposait pas de l'impartialité nécessaire à l'exercice de sa mission,

- de dire, en tout état de cause, que la société civile des Mousquetaires a des raisons légitimes de douter de l'impartialité de M. [J],

- en conséquence de récuser M. [J], désigné par l'ordonnance du 13 mars 2012 en qualité d'expert par application de l'article 1843-4 du code civil,

- de condamner M. [D] à payer à la société civile des Mousquetaires la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [D] aux dépens.

Par conclusions du 7 novembre 2013 M. [D] demande':

- de déclarer irrecevables et infondées les demandes de la société civile des Mousquetaires,

- de l'en débouter,

- de la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI, LA COUR,

Considérant que M. [V] [J] a été désigné par ordonnance rendue en la forme des référés par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris le 13 mars 2012 afin d'évaluer les droits sociaux de M. [D] dans la société civile des Mousquetaires, selon la procédure prévue par l'article 1843-4 du code civil qui édicte que dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ;

Considérant que la demande présentée par la société civile des Mousquetaires devant le même juge le 29 août 2012 ne constitue pas un recours contre la décision du 13 mars 2012 et ne porte pas atteinte à l'autorité de la chose jugée attachée à celle-ci';

Considérant que la société civile des Mousquetaires ne conteste pas la désignation initiale de M. [J] mais soulève un incident dont l'objet est la récusation de ce dernier'et que si l'expertise prévue à l'article 1843-4 du code civil n'est pas soumises aux règles du code de procédure civile relatives aux mesures d'instructions confiées à un technicien, le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés a néanmoins le pouvoir de trancher dès sa survenance un tel incident, dont dépend la bonne exécution de l'expertise qu'il a ordonnée et qui est déterminante pour les droits et obligations des parties, sans que la solution de la contestation doive être reportée jusqu'à l'issue d'une action en nullité pour erreur grossière après que l'expertise aura été achevée ;

Que dès lors cette demande en récusation de l'expert est recevable dans la mesure où elle ne constitue pas une voie de recours contre l'ordonnance l'ayant désigné et ne porte pas atteinte à la chose jugée par l'ordonnance prise en application de l'article 1843-4 du code civil et dont l'objet est différent';

Sur le bien fondé de la demande de récusation

Considérant qu'en février 2009, c'est-à-dire avant d'être désigné dans le litige opposant M. [D] à la société civile des Mousquetaires, M. [D] et un autre auteur avaient fait publier dans le numéro 82 de la revue «'Experts'» une chronique intitulée «'L'article 1843-4 du code civil': bombe à retardement lors d'évaluation à dire d'expert de titre de société'''», dans laquelle était notamment commenté un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 4 décembre 2007 qui avait cassé une décision ayant jugé que les règles statutaires d'une société l'emportaient sur l'article 1843-4 du code civil'; que les auteurs s'interrogeaient sur le nécessité de tenir compte dorénavant des clauses statutaires dans les différentes méthodes d'évaluation de titres et que, pour y répondre, ils distinguaient d'une part les cas dans lesquels la valorisation de la valeur économique se rapproche de la valeur déterminée par les statuts avec alors la possibilité de pratiquer les abattements usuels pour régler en partie le problème, d'autre part les cas dans lesquels l'écart est trop important, obligeant l'expert à évaluer la valeur réelle et/ou économique, que M. [D] et son coauteur poursuivaient en estimant que «'pour les parties et leurs conseils, l'existence de clauses statutaires fixant le prix de cession de manière déconnectée de la valeur réelle doit les inciter à une grande prudence car les conséquences économiques et financières peuvent à terme être de nature à remettre en cause l'économie du contrat. Ainsi, les sociétés (par exemple dans la grande distribution) au capital desquelles les associés ont souscrit initialement à un prix volontairement bas et qui souhaitent sortir à la valeur économique vont devoir, soit trouver de nouveaux associés acceptant le nouveau prix, soit procéder à une réduction de capital avec de facto une réduction de leurs capitaux propres. En effet, l'écart entre la valeur statutaire et la valeur économique viendra réduire les capitaux propres de la société. L'équilibre financier de celle-ci peut alors s'en trouver gravement affecté »';

Considérant qu'ainsi les auteurs de l'article, dont les propos ainsi publiés n'ont pas le moindre caractère menaçant à l'égard de quiconque ni de visée polémique, ne faisaient qu'indiquer certaines conséquences que pourrait avoir cette jurisprudence de la Cour de cassation pour les sociétés dont les statuts fixent un prix de cession des parts sociales ne correspondant pas à leur valeur économique, sans qu'il en ressorte l'expression d'une opinion de M. [J] révélant que s'il était désigné en application de l'article 1843-4 du code civil pour évaluer les droits sociaux dans une société de la grande distribution, il privilégierait les intérêts de l'associé qui en demandera paiement';

Qu'il en résulte que la teneur de l'article de M. [J] ne révèle aucun parti-pris de sa part ni motif légitime de douter de son absence de préjugé dans l'évaluation des parts de M. [D] dans le capital de la société civile des Mousquetaires';

Considérant que cette dernière ne peut mieux faire douter de l'impartialité de M. [J] parce que, dans un autre dossier concernant la même société et M. [L], cet expert avait déposé son rapport le jour même où une action en récusation était engagée à son égard'; qu'en effet les pièces produites aux débats ne démontrent pas que l'expert avait à dessein précipité ce dépôt, intervenu plus d'un an après la désignation de M. [J], délai qui n'apparaît pas anormal comparé à une précédente expertise dans un dossier similaire concernant M. [C] ;

Considérant que par ailleurs la lettre de mission que M. [J] a tenté de faire signer à la société civile des Mousquetaires ne met en évidence aucun préjugé de sa part'; qu'en effet, loin de demander à la société civile des Mousquetaires un accord anticipé sur une évaluation comptable des parts détenues par M. [D], l'expert n'avait fait que rappeler dans ce document la jurisprudence de la Cour de cassation découlant d'un arrêt du 5 mai 2009 qui accordait à l'expert le libre choix de la méthode à suivre et d'un autre arrêt du 16 février 2010 selon lequel il appartient à l'expert nommé en application de l'article 1843-4 du code civil de déterminer lui-même, selon les critères qu'il juge appropriés à l'espèce, sans être lié par la convention ou les directives des parties, la valeur des droits sociaux litigieux et qu'il peut notamment écarter les directives d'évaluation contenues dans les statuts et le règlement intérieur de la société';

Que l'on ne saurait encore déduire un manquement à l'impartialité de ce que, dans son projet de lettre de mission, M. [J] demandait aux parties de limiter son éventuelle responsabilité au seul cas de faute lourde, cette limitation s'appliquant autant à la société civile des Mousquetaires qu'à M. [D]';

Considérant que, pareillement, dans des courriers, datés respectivement du 26 septembre 2012, 29 novembre 2012 et 10 décembre 2012, M. [J] avait adressé une argumentation à chacun des avocats des parties puis au magistrat chargé de la procédure de récusation, en se bornant à exprimer son avis et à produire des documents qui permettraient, selon lui, d'entraîner le rejet de cette demande, sans que l'on trouve dans ces observations d'éléments hostiles à la société civile des Mousquetaires ou même simplement de nature à faire raisonnablement croire à un manque d'impartialité envers celle-ci';

Que notamment la connaissance par M. [J] dès le 10 décembre 2012 d'un arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2012 rendu dans un autre litige opposant la société civile des Mousquetaires à l'un de ses anciens adhérents, ne signifie pas qu'il existe des relations privilégiées entre ceux-ci et l'expert, pas plus que l'on ne saurait supputer un tel parti-pris découlant d'un intérêt financier qu'aurait M. [J] à favoriser les adversaires de la société civile des Mousquetaires, de telles allégations n'étant étayées par aucun élément ;

Considérant qu'en définitive la demande en récusation de M. [J], pour être recevable, n'en est pas moins infondée et qu'il convient d'en débouter la société civile des Mousquetaires'qui sera en outre condamnée aux dépens et au paiement d'une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

PAR CES MOTIFS

INFIRME l'ordonnance rendue le 8 janvier 2013 par le président du tribunal de commerce de Paris statuant en la forme des référés';

Statuant à nouveau':

DÉCLARE recevable la demande en récusation de M. [V] [J] formée par la société civile des Mousquetaires';

DÉBOUTE la société civile des Mousquetaires de sa demande en récusation de M. [J]';

LA CONDAMNE aux dépens';

LAISSE à sa charge ses frais irrépétibles';

LA CONDAMNE à payer à M. [N] [D] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

ACCORDE à Me Bernabé le bénéfice du recouvrement direct des dépens avancés sans avoir reçu provision';

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/00754
Date de la décision : 09/01/2014

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°13/00754 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-09;13.00754 ?
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