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08/01/2014 | FRANCE | N°12/08495

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 08 janvier 2014, 12/08495


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 08 Janvier 2014

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08495



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Octobre 2008 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section commerce RG n° 08/00892





APPELANTES

Mademoiselle [J] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Pascal

TELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0471



SYNDICAT SUD CAISSE D'EPARGNE

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Pascal TELLE, avocat au barreau de PARIS, toque :...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 08 Janvier 2014

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08495

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Octobre 2008 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section commerce RG n° 08/00892

APPELANTES

Mademoiselle [J] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Pascal TELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0471

SYNDICAT SUD CAISSE D'EPARGNE

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Pascal TELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0471

INTIMEE

CAISSE D'EPARGNE ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : C16

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 Novembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente, et Madame Catherine BRUNET, Conseillère, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Marie-Antoinette COLAS Conseillère

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Greffier : M. Bruno REITZER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits :

La Cour d'appel est régulièrement saisie d'un ensemble de procédures engagées par saisine du conseil de prud'hommes de Paris du 23 janvier 2008 contre la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France par diverses salariées, parmi lesquelles Mademoiselle [J] [P] et le syndicat Sud Caisse d'Epargne.

Les jugements rendus le 17 octobre 2008 par ce conseil de prud'hommes, section commerce chambre 5, jugements dont appel, ont débouté les salariées et le syndicat Sud Caisse d'Epargne, de l'ensemble de leurs demandes.

Mademoiselle [J] [P] et le syndicat Sud Caisse d'Epargne demandent à la cour de :

- ordonner à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la rectification des bulletins de paie de novembre 2002 jusqu'à décembre 2009, en rétablissant une nette distinction entre le salaire mensuel de base et les avantages individuels acquis, notamment les prime de durée d'expérience, prime familiale, prime de vacances et 13e mois.

- condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France Île-de-France à régler à la salariée diverses sommes, pour le détail desquelles il est renvoyé à ses conclusions écrites, à titre de :

- rappel de salaire au titre de la RAM (rémunération annuelle minimale), 

- rappel de gratification de fin d'année,

- rappel de PDE (prime de durée d'expérience),

- rappel de l'intéressement,

- rappel de part variable,

- rappel à titre de congés payés afférents,

- condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France et de France à verser à Mademoiselle [J] [P] la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France à verser au syndicat Sud Caisse d'Epargne la somme de 5000 € de dommages et intérêts au titre de l'article L2132-3 du code du travail et de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur étant en outre condamné aux dépens.

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France a formé appel incident.

Elle demande à la cour :

- à titre principal, de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes et de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes ;

- à titre subsidiaire, d'ordonner aux parties d'établir leur décompte sur la base des principes arrêtés par la Cour ;

- à titre reconventionnel, de condamner chaque salariée et le syndicat Sud Caisse d'Epargne à verser une somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les dépens.

Les motifs de la Cour :

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur l'historique des relations entre la Caisse d'Epargne et de Prévoyance et ses salariés

Toutes les salariées concernées par ces procédures ont été engagées avant 2002, toutes à temps partiel.

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France est un établissement bancaire qui fait partie du groupe Caisse nationale des caisses d'épargne.

Les accords collectifs sur la carrière et la rémunération de l'ensemble des salariés répartis dans les différentes caisses régionales ont toujours été négociés et conclus à l'échelle nationale du groupe.

Le statut du personnel était régi principalement par deux accords collectifs nationaux, celui du 19 décembre 1985 portant sur la classification des emplois, celui du 8 janvier 1987 portant sur les mécanismes de rémunération.

L'accord du 19 décembre 1985 prévoyait :

- la création d'une rémunération globale garantie, dite RGG, (article 13) mensuelle et nationale, exprimée en points et en francs,

- une prime de durée d'expérience versée mensuellement (article 15),

- une prime familiale (article 16) versée avec une périodicité mensuelle à chaque salarié du réseau « chef de famille »,

- un 13ème mois (article17), gratification de fin d'année,

- une prime de vacances (article 18) versée à chaque salarié au mois de mai.

L'accord du 8 janvier 1987 définissait le contenu et les conditions de versement de la rémunération minimum garantie (RGG) et précisait que la rémunération effective de chaque salarié devait être au moins égale à la RGG qui lui était applicable, majorée des éléments statutaires garantis en vigueur à périodicité mensuelle, à l'exclusion des éléments statutaires garantis ou aléatoires, en vigueur à périodicité non mensuelle.

Il en résultait, que la rémunération minimum de chaque salarié devait être composée de :

- La rémunération globale garantie,

- les primes à périodicité mensuelle (article 15 et 16 de l'accord de 1985),

mais non inclus le 13ème mois.

Le 20 juillet 2001 la Caisse nationale des caisses d'épargne (CNCE) dénonçait les accords collectifs de 1985 et 1987. Ceci avait pour conséquence, que ces textes devaient survivre jusqu'à l'entrée en vigueur d'une convention ou d'un accord de remplacement qui devaient intervenir au maximum dans les 15 mois. À défaut, d'accord de remplacement, la convention ou l'accord dénoncés cessent de produire effet à l'issue de ces 15 mois.

Ainsi à l'expiration du délai légal de 15 mois, en octobre 2002, aucun accord de substitution n'étant conclu en remplacement de deux accords dénoncés, et alors que les dispositions de ces accords dénoncés cessaient de produire leurs effets, la CNCE modifiait de manière unilatérale la forme des bulletins de paie, décidant seule d'intégrer et de fondre l'ensemble des avantages individuels acquis (PDE, prime familiale, prime de vacances) avec le salaire de base de chacun des salariés, le 13e mois n'apparaissant plus.

Le 11 décembre 2003, un accord collectif national était conclu instaurant une nouvelle « rémunération annuelle minimum » dite RAM, versée à hauteur de 13 mois sur l'année.

L'article 2 de cet accord précisait qu'à chaque niveau de classification des emplois était associée une rémunération brute annuelle minimum, à laquelle la rémunération de chaque salarié dans ce niveau de classification devait être au moins égale.

Sur la prescription de l'action des salariés

La Caisse d'épargne, rappelant que selon les dispositions de l'article L 3245-1 du code du travail « l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du Code civil » soutient qu'en l'absence d'accord de substitution 15 mois après la dénonciation par l'employeur de l'accord de 1985, celui-ci a cessé de produire effets, la prescription pour agir s'étant dès lors trouvée acquise cinq ans après le 22 octobre 2002, date à laquelle les différents éléments de rémunération ont été intégrés à la rémunération mensuelle, ce que n'a pu ignorer la salariée.

Selon la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France, l'action prud'homale au titre des anciens avantages acquis individuels, était donc prescrite le 22 octobre 2007, l'employeur se trouvant dès lors libéré de toute obligation envers le salarié.

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France considère donc que toutes les demandes de rappel de salaire découlant de la dénonciation désaccord 1985 et 1987 auraient du être introduites avant le 22 octobre 2007.

Selon l'employeur, les salariés sont donc irrecevables.

Les salariés soutiennent tout d'abord, à juste titre, que la prescription quinquennale n'est pas applicable à la demande de rectification des bulletins de salaire, qui n'est pas en soi une demande de paiement ou de répétition de salaire, mais correspond à une obligation de faire dont l'inexécution peut être sanctionnée par des dommages et intérêts qui étaient soumis à la prescription de 30 ans.

Ils soutiennent, également à juste titre, que conformément aux dispositions de l'article L3245-1 du code du travail, la prescription quinquennale est acquise au fur et à mesure de l'échéance de salaire, c'est-à-dire de sa date d'exigibilité.

Dès lors, s'il est exact qu'en introduisant leur action le 23 janvier 2008, alors que les salariées avaient connaissance depuis le 22 octobre 2002 de la modification introduite de manière unilatérale par l'employeur concernant la rémunération, la prescription est donc opposable aux demandes à celles ci pour les sommes réclamées jusqu'au mois de décembre 2002, en revanche les réclamations formées pour les sommes dues à compter du mois de janvier 2003, ne sont pas prescrites.

En conséquence, la cour retiendra que l'action en rectification des bulletins de paie n'est pas prescrite et que les actions en rappel de rémunérations à des titres divers et variés, ne sont prescrites que si ces sommes étaient exigibles depuis plus de cinq ans avant la saisine du CPH, soit avant le 23 janvier 2003, les salaires et accessoires échus entre le 22 octobre 2002 et le 23 janvier 2003 étant donc prescrits, et l'action les concernant étant irrecevable.

Sur le principe du maintien de la structure de rémunération et la rectification des bulletins de paie.

L'article 1 de l'accord du 8 janvier 1987 précisait que la rémunération effective de chaque salarié doit être au moins égale :

- 'à la rémunération globale garantie majorée des éléments statutaires garantis en vigueur',

- 'à périodicité mensuelle pour leurs stricts montants et conditions d'attribution statutaire',

- mais, 'compte non tenu des éléments de rémunération statutaire garantis ou aléatoires, en vigueur, à la périodicité non mensuelle, pour leurs stricts montants des conditions d'attribution statutaire.'

Il en résultait que pour vérifier que le salarié percevait bien une rémunération conforme à ses droits au regard du minimum conventionnel, il fallait additionner la RGG et toutes les primes mensuelles (PDE, prime familiale, prime de vacances),  mais sans tenir compte des primes ou gratifications non mensuelles, notamment 13ème mois, opération qui ne posait pas de difficultés dans la mesure où le bulletin de salaire rendait compte de ces différents éléments.

En revanche, depuis le mois d'octobre 2002 les bulletins de salaire, font apparaître, sur une seule ligne,  un salaire de base intégrant l'ensemble des avantages individuels acquis (PDE, prime familiale, prime de vacances), à l'exclusion du 13ème mois.

C'est cette rémunération « intégrée », qui a été confirmée par l'accord collectif de décembre 2003 instaurant la RAM.

Il en résulte que le « niveau de rémunération »dont justifiait la salariée a, au moment de la dénonciation de l'accord collectif, été régulièrement maintenu après octobre 2002.

Cependant la nouvelle présentation de la rémunération mensuelle des salariés qui fusionnait salaire de base et primes mensuelles, aboutissait, de fait à une modification de la structure de la rémunération, réalisée hors accord collectif mais aussi sans l'accord personnel du salarié, alors que cette structure de rémunération, incorporée au contrat de travail de chacune des salariées, constituait un avantage individuel.

Il en ressort que, ces différentes primes ou gratifications procurant à chacun des salariés un avantage salarial dont il bénéficiait à titre individuel, attribué en fonction de critères personnels, nombre d'enfants, année d'ancienneté, rémunération etc., l'employeur ne pouvait modifier unilatéralement la structure de la rémunération des salariées résultant certes de l'accord collectif dénoncé, mais reprise dans les contrats de travail des intéressées, sans l'accord de chacune des salariées, et ce, même dans les cas où de nouvelles modalités de rémunération pourraient apparaître plus favorables aux intéressés.

Les salariées sollicitent la rectification de leurs bulletins de paie pour que ceux-ci fassent apparaître distinctement, comme du temps des accords de 1985 /1987 le salaire de base et leurs avantages individuels acquis, tout en faisant, aussi, à nouveau apparaître la gratification de fin d'année dite 13ème mois.

Toutefois force est de relever que le nouvel accord collectif du 11 décembre 2003 a validé à travers la RAM un système de rémunération intégrée, en dehors des sommes éventuellement versées au titre de la participation de l'intéressement et de la part variable de chaque salarié travaillant à temps complet.

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France devra donc rectifier les bulletins de salaire depuis le mois d'octobre 2002 au mois de décembre 2003, en opérant la distinction entre le salaire de base et les avantages individuels acquis ; le prononcé d'une astreinte n'étant toutefois pas utile dans la mesure où la salariée peut saisir le juge de l'exécution en cas de difficultés.

Pour la suite, l'accord collectif de décembre 2003, dont les modalités s'imposent aux parties, est applicable. Il y a donc pas lieu à rectification des bulletins de salaire après le mois de décembre 2003.

Sur le maintien de la garantie de la rémunération

Si le « niveau de rémunération » constituait pour les salariés ayant été embauchés sous le régime antérieur un avantage acquis ne pouvant être remis en cause, de même, les modalités de réévaluation de leur salaire pour l'avenir, tout comme les coefficients résultant de l'accord dénoncé, dans la mesure où ils étaient inscrits au contrat de travail de chacun ont continué à s'imposer à l'employeur, jusqu'en décembre 2003, en dépit de la dénonciation intervenue de l'accord collectif.

En revanche, le nouvel accord collectif du 11 décembre 2003, introduisant la rémunération brute annuelle minimale dite RAM correspondant à la rémunération garantie, s'est imposé à compter de cette date, fixant la rémunération minimale annuelle garantie, pour chaque salarié, au plan national, en fonction de sa classification.

Au sein de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France, la RAM est majorée de 256 € brut mensuel par rapport à la RAM nationale.

Or, les salariés contestent le fait que depuis l'accord de décembre 2003 et contrairement à ce qui se faisait antérieurement du temps de la RGG, la RAM, qui constitue désormais la rémunération minimale garantie, en fonction de la classification de chacun, inclut tout à la fois l'ancienne RGG et les avantages individuels qu'ils avaient déjà acquis, fondus dans une seule et même rémunération.

Ce système mis en place en décembre 2003 aboutissait, à classification égale, à garantir au nouveau salarié un niveau de rémunération annuelle minimale incluant déjà l'équivalent des primes acquises par ses collègues plus anciens.

Les salariés considèrent que ce nouveau système de rémunération leur faisait perdre les avantages acquis précédemment.

L'employeur soutient toutefois que le principe « à travail égal salaire égal » ne s'oppose pas à ce que l'employeur fasse bénéficier, par engagement unilatéral, les salariés engagés postérieurement à la dénonciation d'un accord collectif, d'avantages identiques à ceux dont bénéficient, au titre des avantages individuels acquis, les salariés plus anciens, engagés antérieurement à la dénonciation de l'accord.

Il soutient également que les partenaires sociaux en 2003 n'ont pas entendu donner la même définition de la rémunération minimale qu'en 1987 « de sorte que les deux systèmes ont leurs propres règles qui ne peuvent être abusivement mélangées en violation des accords intervenus ».

Il n'en reste pas moins que si la nouvelle RAM a été calculée par intégration du salaire de base et des avantages individuels acquis antérieurement par les salariés embauchés avant 2002, ce nouveau système de rémunération qui ne prend plus en compte un calcul différencié des primes notamment au regard de l'ancienneté, est défavorable aux anciens salariés, dans la mesure où il aboutit, à classification égale, à un même salaire pour l'ensemble des salariés, quelles que soient leur ancienneté ou la composition de leur famille,

étant rappelé qu'aucun rapport « mécanique » n'est invoqué ni établi entre l'ancienneté et la classification.

Hors, s'agissant d'une règle générale de calcul des salaires pour tous les nouveaux embauchés découlant de l'accord de 2003, cette rémunération plus favorable ne peut être justifiée par l'employeur au titre de son pouvoir d'octroyer de manière unilatérale et discrétionnaire des avantages individuels à certains des salariés, dans le cadre de contrats individuels de travail.

Il en ressort donc effectivement que la règle « à travail égal salaire égal » se trouve violée, au détriment des salariés embauchés avant 2002 par les dispositions du nouvel accord de décembre 2003.

Ces salariés et le syndicat Sud Caisse d'Epargne contestent à ce titre la décision de la Cour de Cassation du 24 avril 2013 qui a retenu que « les avantages individuels acquis constitués par le versement, en plus du salaire de base, de primes de vacances, familiales et d'expérience ne font pas partie dans l'accord instituant une RAM minimale conventionnelle des éléments exclus de l'assiette de comparaison pour déterminer ladite rémunération ».

Ils relèvent, à juste titre en effet, que lors de l'accord du 11 décembre 2003, les partenaires sociaux ne pouvaient pas prévoir expressément l'inclusion ou l'exclusion dans l'assiette de calcul de la RAM des éléments de rémunération correspondant aux avantages acquis, dans la mesure où la mention de ceux-ci avait disparu des bulletins de salaire, sur décision unilatérale de l'employeur, depuis octobre 2002, le seul élément apparaissant sur ces bulletins de salaire étant dénommé « salaire de base ».

Mais au-delà, si la nouvelle RAM, constituant le salaire de référence pour tous, a effectivement absorbé le salaire de base antérieur et les primes contractuelles, elle a dans le même temps «gommé » les avantages acquis par les salariés les plus anciens, puisque leur équivalent en rémunération se trouvait à compter de l'accord de 2003 garanti, à classification égale, pour l'ensemble des salariés dès leur embauche.

Il en résulte que la RAM qui a remplacé la RGG, avantageusement au profit de nouveaux salariés, devait pour les anciens continuer à être complétée par les diverses primes qu'ils percevaient, en sus de la RGG dans l'ancien système ; l'accord collectif de 2003 ne pouvant être invoqué pour justifier un manquement au principe « à travail égal salaire égal » au détriment des salariés les plus anciens, la commune volonté des parties ne pouvant, quand bien même elle aurait existé, créer une dérogation massive à ce principe.

Cette analyse est d'ailleurs confortée, tant par les termes de la circulaire de la CNCE du 9 janvier 2008, qui indique qu'il convient de calculer le « salaire annuel brut de comparaison » en se fondant sur le salaire de base des mois de décembre dont sont à exclure, notamment, les avantages individuels acquis pour la période au cours de laquelle l'intégration a eu lieu, avantages qui doivent être exclus pour leur valeur revalorisée et non celle constatée lors de leur intégration dans le salaire de base.

Enfin, il est en outre résulté de l'interprétation du système de rémunération retenu par la CNCE que, pour certains des salariés, leur rémunération ancienne, constituée pour partie de diverses primes, est alors apparue supérieure à la RAM telle qu'introduite en 2003 et correspondant à leur classification.

Ce phénomène a abouti à ce que les promotions ultérieures que certains ont pu obtenir, modifiant leur classification, ne se sont pas traduites en termes d'augmentation de salaire, mais n'ont fait qu'aboutir à réduire l'écart existant entre leur salaire et la RAM correspondant à leur classification.

En conséquence, la cour considère, que les sommes versées à titre de PDE, prime familiale, et prime de vacances antérieurement à octobre 2002, devaient rester acquises aux salariés, à titre des avantages individuels acquis en sus de la RAM, mise en place par l'accord de décembre 2003.

Ces sommes arriérées, doivent être revalorisées, et versées par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France, à la salariée pour la période non prescrite c'est-à-dire, à compter du mois de janvier 2003.

Sur le rappel de gratification de fin d'année (13ème mois)

Avant le mois de décembre 2002, en application des accords préalablement signés, les salariés bénéficiaient d'une gratification de fin d'année, dénommée 13ème mois, égale au montant des éléments de rémunération effective du mois de décembre, dont le versement était mensuel.

À compter du mois de décembre 2002 les salariés nouvellement embauchés ont bénéficié également d'un 13ème mois, sur des modalités de calcul identiques pour tous les salariés de l'entreprise.

Il en résulte que les anciens salariés ont continué à recevoir un 13e mois égal à celui qu'il percevait précédemment. Leur avantage acquis à ce titre n'a donc pas été remis en cause, nonobstant le fait que les nouveaux salariés aient également eu droit à versement de ce 13e mois, étant rappelé que ce 13ème mois, qui n'a fait que reprendre un « usage » instauré précédemment, n'est pas corrélé à l'ancienneté dans l'entreprise et a le même objet « gratification de fin d'année », et que cette gratification ne viole pas le principe « à travail égal, salaire égal ».

D'autre part, l'accord collectif de 2003, ayant validé une proratisation du 13e mois en fonction du temps de présence dans l'entreprise, cette règle, qui se substitue à la mesure conventionnelle précédente, est applicable à l'ensemble des salariés.

La salariée sera donc déboutée de sa demande de rappel de gratification de fin d'année.

Sur le rappel de primes d'expérience dite PDE

Alors que le dispositif initial, posé par l'article 15 de l'accord du 19 décembre 1985, prévoyait qu'une prime de durée d'expérience dans le réseau des caisses d'épargne était attribuée, avec un système de points, aux salariés justifiant de plus de 3ans de présence, avec une périodicité mensuelle, les salariés soutiennent qu'aucun système de proratisation en fonction des heures de travail effectuées n'ayant été à l'époque prévu, la CNCE a ensuite décidé de proratiser le montant des primes de durée d'expérience à raison du temps de travail effectif de ses salariés, créant ainsi un système de primes réduites notamment, comme c'est le cas en l'espèce, pour les salariés à temps partiel.

Cependant, il convient de rappeler que les dispositions de l'article L3123-10 du code du travail prévoient que la rémunération du salarié à temps partiel est proportionnelle à celle du salarié qui, à qualification égale occupe à temps complet un emploi équivalent.

L'article 3123-11 du code du travail prévoit que le salarié à temps partiel bénéficie des droits reconnus au salarié à temps complet par la loi, les conventions et les accords collectifs sous réserve, en ce qui concerne les droits conventionnels, de modalités spécifiques prévues par une convention ou un accord collectif.

En l'espèce, et en l'absence de modalités spécifiques prévues pour les travailleurs à temps partiel, le principe général de proportionnalité doit être appliqué au montant de la PDE, pour les travailleurs à temps partiel.

La demande de rappel de salaire formulée au titre du rappel de PDE sera donc rejetée.

Les autres demandes formulées par la salariée n'étant ni explicitées ni justifiées dans les conclusions écrites développées oralement à l'audience, seront rejetées.

Sur l'intervention volontaire du syndicat Sud Caisse d'Epargne

L'intervention du syndicat Sud Caisse d'Epargne aux côtés des salariés dans le cadre de la présente procédure, étant justifiée, faute d'avoir pu obtenir la régularisation de tous les droits des salariés dans le cadre de négociations avec l'employeur, par la préservation des droits de ceux-ci mais aussi de l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, la cour, en application de l'article L 2132-3 du code du travail prononcera la condamnation de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France à verser au syndicat Sud Caisse d'Epargne une somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts.

Les circonstances de l'espèce et le caractère fluctuant de la jurisprudence afférente, ne justifient pas de faire droit à la demande formulée par la salariée de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur les dépens et la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

En revanche, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France qui succombe supportera la charge des dépens.

Par ailleurs, la Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par les salariés mais aussi par le syndicat Sud Caisse d'Epargne, la totalité des frais de procédure qu'ils ont été contraints d'exposer.

Il sera donc alloué, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 1500 € pour la salariée et de 1000 € pour le syndicat Sud Caisse d'Epargne, pour l'ensemble de la procédure.

Décision de la Cour :

En conséquence, la Cour,

Infirme la décision du Conseil de prud'hommes ;

et statuant à nouveau et y ajoutant :

- Ordonne la rectification, par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France, des bulletins de paie d'octobre 2002 à Décembre 2003,

- Dit que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France devait continuer à verser à la salariée, en sus de la RAM instaurée par l'accord de décembre 2003, les diverses primes, revalorisées, qu'elle percevait, en sus de la RGG dans l'ancien système : PDE, prime familiale, prime de vacances,

- Dit que l'arriéré de ces sommes doit donc être versé par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France, à la salariée, à compter du mois de janvier 2003 ;

- Renvoie les parties à faire leurs comptes, selon les modalités arrêtées par la cour en ce qui concerne cet arriéré, en y ajoutant 10 % de congés payés afférents,

somme avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes ;

- Condamne la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France à verser au syndicat Sud Caisse d'Epargne la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts ;

- Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires ;

- Condamne la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France à régler au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure, à Mademoiselle [J] [P] la somme de 1500 €, au syndicat Sud Caisse d'Epargne la somme de 1000 € ;

- Dit que chaque partie gardera la charge des dépens engagés ;

- La condamne aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER,LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 12/08495
Date de la décision : 08/01/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-08;12.08495 ?
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