Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 07 JANVIER 2014
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/09461
Décision déférée à la Cour : Recours en révision de l'arrêt d'appel du 9 novembre 2010 rendu par le Pôle 1 - Chambre 1 de la cour d'appel de Paris
DEMANDEUR AU RECOURS EN RÉVISION :
Monsieur [N] [L] né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 3]
COMPARANT
[Adresse 2]
[Localité 2]
représenté par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018
assisté de Me Géraldine ROCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D0320
DÉFENDERESSE AU RECOURS EN RÉVISION :
Société GAZPROMBANK société de droit russe
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
(RUSSIE)
représentée par Me François TEYTAUD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : J125
assistée de Me Ivan URZHUMOV et Hery RANJEVA, avocats plaidant du barreau de PARIS, toque : B 1190
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 novembre 2013, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur ACQUAVIVA, Président
Madame GUIHAL, Conseillère
Madame DALLERY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame PATE
MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame ARRIGHI de CASANOVA, substitut général, qui a visé le dossier le 10 septembre 2013
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
M. [N] [L] a été condamné par deux jugements du tribunal de district de Tchérémouchchki du 6 décembre 2005 à payer à la société GAZPROMBANK une somme globale de 6.114.331 euros, en sa qualité de caution des emprunts contractés par la société de droit russe ZAO JEAN LION, spécialisée dans le commerce du sucre, placée sous procédure de surveillance le 25 novembre 2004, puis en faillite le 24 mai 2005 par la Cour d'arbitrage de Moscou.
A la suite du rejet par décisions des 14 février et 2 mars 2006 des pourvois en cassation formés contre ces jugements, ceux-ci ont été revêtus de l'exequatur par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 21 octobre 2009, confirmé par un arrêt de cette cour du 9 novembre 2010, à l'encontre duquel un pourvoi a été formé qui a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 30 janvier 2013.
M. [L] a formé un recours en révision de l'arrêt d'appel le 24 mai 2012.
Suivant conclusions signifiées par RPVA le 17 octobre 2013, il demande à la cour de déclarer ce recours recevable, de rétracter l'arrêt entrepris, de dire n'y avoir lieu de déclarer exécutoires en France les décisions russes en cause, enfin de condamner GAZPROMBANK à lui payer 50.000 euros de dommages-intérêts, outre 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [L] invoque deux causes de révision : la fraude et la découverte de pièces décisives qui avaient été retenues par le fait de l'autre partie. Il fait valoir, en substance, que GAZPROMBANK a dissimulé au juge de l'exequatur, en première instance et en appel, divers paiements dont elle avait bénéficié entre décembre 2006 et juillet 2008 de la part de la société ZAO JEAN LION et de la société Sibirsky Sahar, débitrice de la société ZAO JEAN LION, paiements qui venaient en déduction des deux créances dont l'une s'est trouvée entièrement éteinte. M. [L] soutient qu'il n'a pu avoir connaissance de ces règlements avant l'arrêt entrepris, compte tenu des circonstances très brutales dans lesquelles il avait dû quitter la Russie, de l'opacité de la procédure de faillite de la société ZAO JEAN LION, laquelle aurait, du reste, poursuivi ses activités sous un autre nom, et des refus opposés par GAZPROMBANK à ses demandes de communication de pièces. Il prétend qu'il n'a finalement obtenu la révélation des paiements, ainsi que de la prescription, depuis le 9 juin 2010, des jugements russes, que dans une seconde procédure d'exequatur engagée en 2011 aux Pays-Bas, à l'issue de laquelle un arrêt de la cour d'appel de La Haye du 28 mai 2013 a rejeté la demande d'exécution de GAZPROMBANK faute de caractère exécutoire des jugements russes. Il prétend que l'arrêt entrepris doit être rétracté dès lors, d'une part, que la décision de la cour de La Haye, qui n'est pas un simple exequatur mais un jugement au fond, bénéficie d'une reconnaissance automatique en France en vertu du règlement CE/44/2001, d'autre part, que GAZPROMBANK n'a pas d'intérêt à obtenir l'exequatur d'un jugement qui a été exécuté, enfin que les allégations mensongères de GAZPROMBANK ont mis le juge français de l'exequatur dans l'impossibilité de moduler la créance en fonction des paiements effectués.
Suivant conclusions signifiées par RPVA le 7 novembre 2013, GAZPROMBANK demande à la cour de déclarer l'action en révision irrecevable, de rejeter les prétentions de M. [L] et de le condamner à payer une amende civile de 3.000 euros en raison du caractère abusif de son action, outre 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que l'existence de paiements partiels n'est pas une circonstance nouvelle, qu'elle a déjà été invoquée devant le juge de l'exequatur; que les ordres de virement réalisés en 2006 et 2008 par le liquidateur de la société ZAO JEAN LION et par la société Sibirsky Sakhar, apparaissaient déjà dans l'ordonnance du tribunal de commerce de Moscou, ordonnance produite devant cette cour dans l'instance en exequatur, faisant état de l'apurement d'environ 19 % du passif de la société en liquidation; qu'en toute hypothèse, l'existence d'un paiement partiel aurait été sans influence sur la décision du juge de l'exequatur; qu'au surplus, elle n'a jamais contesté avoir reçu des paiements de tiers et qu'il ne peut lui être fait grief de n'avoir pas communiqué des pièces dont le juge de la mise en état n'avait pas estimé utile d'ordonner la production, de sorte qu'aucune manoeuvre ne peut lui être reprochée; enfin, qu'une demande d'exequatur ne peut être déclarée irrecevable que lorsque la créance consacrée par le jugement étranger a été intégralement apurée, mais non pas lorsque, comme en l'espèce, ne sont intervenus que des règlements partiels, dont, du reste, il a été tenu compte lors des saisies exercées contre M. [L]. GAZPROMBANK fait encore valoir que le moyen tiré de la prétendue prescription des jugements russes est irrecevable au soutien de l'action en révision faute de l'allégation de l'une des causes énumérées par l'article 595 du code de procédure civile et faute de démonstration par M. [L] de l'impossibilité de connaître cette circonstance avant que l'arrêt d'exequatur soit passé en force de chose jugée, qu'en outre, la prescription n'est en réalité nullement acquise, son délai ayant été interrompu par les procédures d'exécution forcée engagées en Russie, enfin, qu'en toute hypothèse, cette circonstance est indifférente pour l'issue du présent litige, dès lors qu'il n'est nullement allégué que la prescription était acquise à la date d'introduction de la demande d'exequatur. GAZPROMBANK ajoute que la décision de la cour de La Haye qui se borne à constater le caractère exécutoire des jugements russes aux Pays-Bas n'a pas d'autorité de chose jugée en France, que la situation jugée aux Pays-Bas se présentait du reste en des termes différents de celle qui était soumise aux juridictions françaises, enfin que l'arrêt de la cour de La Haye étant relatif à une procédure d'exequatur n'entre pas dans le champ d'application du règlement CE/44/2001, qu'il ne bénéficie donc pas d'une reconnaissance de plein droit et que, n'ayant pas fait l'objet d'une reconnaissance expresse, il est sans efficacité en France.
Par des conclusions signifiées le 18 novembre 2013, GAZPROMBANK demande à la cour, principalement, de révoquer la clôture afin de lui permettre de produire une consultation sur l'interprétation du droit russe, subsidiairement, d'écarter des débats la pièce adverse n° 25 produite le jour même de la clôture.
Par des conclusions signifiées le 19 novembre 2013, M. [L] demande à la cour, principalement, de rejeter les demandes formées par GAZPROMBANK dans ses conclusions du 18 novembre, subsidiairement, de rejeter les conclusions et pièces nouvelles déposées par GAZPROMBANK le 14 novembre.
SUR QUOI :
Sur les conclusions de procédure :
Considérant que les conclusions et les pièces signifiées le 14 novembre 2013, jour de la clôture, n'ont pas été échangées dans des conditions permettant une discussion contradictoire; qu'elles seront écartées des débats;
Qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner la révocation de la clôture pour permettre à GAZPROMBANK de produire une consultation en réponse à celle de son adversaire, laquelle se trouve écartée des débats;
Sur le recours en révision :
Considérant qu'aux termes de l'article 595 du code de procédure civile : 'Le recours en révision n'est ouvert que pour l'une des causes suivantes :
1. S'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue;
2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie;
3. S'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement;
4. S'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
Dans tous les cas, le recours n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision soit passée en force de chose jugée';
Considérant que M. [L] se prévaut des deux premières causes de révision et allègue le fait que GAZPROMBANK aurait dissimulé à cette cour les règlements intervenus ainsi que la prescription, au regard du droit russe, des jugements dont l'exequatur était requis;
Considérant, en premier lieu, que la fraude ne saurait, en l'absence de manoeuvres, résulter de la seule circonstance que la partie au profit de laquelle la décision a été rendue n'aurait pas informé la juridiction de circonstances utiles à la solution du litige;
Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutient M. [L], le moyen tiré de règlements opérés par le liquidateur de la société ZAO JEAN LION ou par d'autres cautions de cette société a été soumis à cette cour et expressément écarté par l'arrêt entrepris; qu'en ce qui concerne la prescription des jugements russes, le demandeur qui prétend qu'elle serait acquise depuis le 9 juin 2010, n'établit pas s'être trouvé, sans faute de sa part, dans l'impossibilité de faire valoir cette circonstance avant que l'arrêt du 9 novembre 2010 soit passé en force de chose jugée;
Considérant que M. [L] n'établissant aucune des causes de révision qu'il allègue, il convient de le débouter de son action;
Sur les demandes de dommages-intérêts et d'amende civile :
Considérant qu'il convient, au regard du sens de l'arrêt, de rejeter la demande de dommages-intérêts de M. [L];
Considérant qu'il n'y a pas lieu à amende civile, la démonstration n'étant pas faite que le droit d'agir en justice ait dégénéré en abus;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que M. [L], qui succombe, ne saurait bénéficier de ces dispositions; qu'il sera condamné, sur ce fondement, à payer la somme de 10.000 euros à GAZPROMBANK;
PAR CES MOTIFS :
Rejette le recours en révision formé par M. [L] contre l'arrêt rendu entre les parties le 9 novembre 2010.
Rejette l'ensemble de ses demandes.
Dit n'y avoir lieu à amende civile.
Condamne M. [L] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Condamne M. [L] à payer à la société GAZPROMBANK la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT