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19/12/2013 | FRANCE | N°11/11808

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 19 décembre 2013, 11/11808


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2013



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/11808



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/08644





APPELANTE



SA FRANCE TELECOM devenue SA ORANGE

agissant poursuites et diligences de son représentant lé

gal

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND - VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant

Représentée par Me Ghi...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2013

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/11808

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/08644

APPELANTE

SA FRANCE TELECOM devenue SA ORANGE

agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND - VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant

Représentée par Me Ghislain BEAURE D'AUGERES, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN701, avocat plaidant

INTIMES

COMITE D'ETABLISSEMENT SCE DE LA SOCIETE FRANCE TELECOM

Orange Business Service

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représenté par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042, avocat postulant

Représenté par Me Isabelle TARAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 378, avocat plaidant

Syndicat CFE CGC FRANCE TELECOM-ORANGE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042, avocat postulant

Représenté par Me Frédéric BENOIST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0001, substitué par Me Grégoire BRAVAIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 novembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .

**********

Vu l'arrêt rendu par cette chambre le 5 juillet 2012, auquel il est expressément référé pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieurs, arrêt qui, statuant sur l'appel formé par la société FRANCE TELECOM, devenue la société ORANGE, contre un jugement rendu le 17 mai 2011 par le tribunal de grande instance de PARIS, a':

- dit que l'accord du 13 janvier 2005 est conforme aux dispositions légales sur les règles de calcul de la contribution annuelle patronale aux activités sociales et culturelles et peut être en conséquence valablement opposé au comité d'établissement «'Services de communication aux entreprises'» SCE,

- dit qu'en ce qui concerne l'activité sociale de restauration de l'entreprise, la société FRANCE TELECOM s'est engagée par l'accord du 13 janvier 2005 à verser un montant forfaitaire de 62 millions d'euros aux comités d'établissement de l'entreprise, à répartir selon les effectifs desdits comités d'établissement,

- confirmé le jugement déféré, sauf dans l'évaluation de la dotation relative aux activités sociales et culturelles, y compris la restauration, concernant le comité d'établissement SCE, dans la perspective de la reprise de la gestion de la restauration par ce comité,

- sursis à statuer sur l'évaluation de la dotation due au comité d'établissement SCE sur les activités sociales et culturelles, y compris la restauration, en invitant la société FRANCE TELECOM à communiquer avant le 31 décembre 2012 au comité d'établissement SCE les éléments sollicités par celui-ci, sans qu'il y ait lieu en l'état à l'expertise sollicitée,

- renvoyé les parties à l'audience du 14 mars 2013,

- condamné la société FRANCE TELECOM à payer au comité d'établissement SCE et au syndicat CFE CGC à chacun la somme de 2'000 euros, et aux entiers dépens de première instance et d'appel';

Vu les dernières conclusions transmises à la cour par la société ORANGE anciennement dénommée FRANCE TELECOM le 10 octobre 2013, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelante qui demande à la cour de':

- dire irrecevables les demandes formées par le comité d'établissement SCE à raison de':

- l'autorité de chose jugée s'agissant des modalités selon lesquelles ce comité évalue le montant de la dotation pour les activités sociales et culturelles (y compris la restauration collective) lui revenant au titre de la reprise en gestion directe de cette dernière activité,

- de l'existence de demandes non conformes au périmètre du litige défini par l'arrêt du 5 juillet 2012 ou de l'existence de demandes nouvelles s'agissant de la demande tendant à la voir condamner au paiement de la somme de 18'879'000 (en fait 20'212'000) euros au titre du reliquat de la dotation pour les activités sociales et culturelles des exercices 2009 à 2012,

- constater que l'évaluation présentée par le comité d'établissement SCE du montant du budget des activités sociales et culturelles au niveau de l'ensemble de l'entreprise ne peut être retenue eu égard aux nombreuses erreurs qu'elle comporte,

- ordonner une expertise afin de déterminer le budget de restauration collective nécessaire à la reprise en gestion directe de cette activité par le comité d'établissement SCE et notamment de':

- déterminer le montant du budget de restauration revenant au comité d'établissement SCE compte tenu du périmètre exact qu'il entend assigner à sa volonté de reprise en gestion directe de l'activité de restauration,

- calculer le montant de cette dotation en matière de restauration collective en fonction des dépenses réellement exposées par la société ORANGE sur le périmètre concerné,

- veiller à ce que cette dotation respecte les principes définis par l'accord du 13 janvier 2005, notamment en termes de solidarité et de mutualisation,

- évaluer la part respective de cette dotation dans le budget d'activités sociales et culturelles (restauration incluse) du comité d'établissement SCE,

- constater que les dernières conclusions du syndicat CFE CGC FRANCE TELECOM compromettent l'exécution loyale des accords collectifs des 13 juillet 2004 et 13 janvier 2005 que cette organisation syndicale a pourtant signés et que cette situation caractérise une méconnaissance des dispositions de l'article L'2262-4 du code du travail';

Vu les dernières conclusions transmises à la cour le 17 octobre 2013 par le comité d'établissement SCE de la société ORANGE, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de cet intimé qui demande à la cour de':

à titre principal,

- dire qu'à compter du 1er juillet 2009, date à compter de laquelle il a revendiqué la reprise en gestion directe de l'activité de restauration, la société FRANCE TELECOM devenue ORANGE le 1er juillet 2013 devait lui verser une dotation annuelle calculée au prorata de ses effectifs à partir de l'ensemble des dépenses annuelles pour toutes les activités sociales, restauration comprise,

- constater que la société ORANGE n'a pas versé la totalité de la dotation qui lui était due,

- rejeter la demande d'expertise,

- condamner la société ORANGE à lui verser la somme de 20,212 millions d'euros à titre de reliquat restant dû sur le montant de la dotation annuelle aux activités sociales et culturelles pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2012,

- dire qu'à compter du 1er janvier 2013 le budget national des activités sociales et culturelles toutes activités confondues (restauration comprise) versé aux comités d'établissement par la société ORANGE ne peut être inférieur à 4,51'% de la masse salariale brute de l'unité économique et sociale (UES),

- dire que la société ORANGE versera au comité d'établissement SCE sa part sur ce budget national ainsi calculé en application du code du travail au prorata de sa masse salariale,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'expertise sollicitée par la société ORANGE serait ordonnée,

- donner acte au comité d'établissement SCE de son droit au calcul du reliquat budgétaire dû du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2013 et donner mission à l'expert de le calculer,

- enjoindre à l'expert':

- d'écarter de ses calculs les principes de solidarité et de mutualisation de l'accord du 13 janvier 2005 et de n'effectuer son calcul qu'en fonction de la règle légale qui prévoit notamment une répartition des budgets en fonction de la masse salariale,

- de retenir à cette fin l'assiette du compte 641 du plan comptable général au titre de la masse salariale,

- de procéder au calcul du budget légal national incluant les dépenses réalisées depuis 2009 pour l'ensemble des établissements de l'UES et pour l'ensemble des activités sociales et culturelles déléguées ou non par les comités d'établissement,

- d' en déduire pour chaque année le taux légal national puis le budget dû au comité d'établissement SCE en fonction de sa masse salariale brute issue du compte 641,

- d'évaluer le reliquat restant dû au comité d'établissement SCE année par année depuis 2009 au regard des sommes réellement versées par FRANCE TELECOM au dit comité ou pour son compte, les dépenses ne pouvant être déduites qu'en base hors taxe et sur justificatifs probants,

- de déterminer le meilleur taux des trois dernières années qui sera applicable pour l'avenir à compter du 1er janvier 2014,

- mettre les frais d'expertise à la charge de la société ORANGE, fixer les modalités de la consignation et de la transmission à l'expert des pièces sollicitées par celui-ci, fixer une date d'audience à six mois et clore le processus d'expertise en cas d'enlisement,

- ordonner à la société ORANGE de verser au comité d'entreprise SCE à compter du 1er janvier 2014 un budget prévisionnel correspondant à 4,51'% de la masse salariale brute de l'établissement telle qu'issue du compte 641 ainsi qu'une provision de 15 millions d'euros à valoir sur les reliquats budgétaires de la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2013,

en tout état de cause,

- condamner la société ORANGE aux dépens, avec distraction au profit de son avocat, et au paiement de la somme de 7'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus des sommes déjà allouées par l'arrêt du 5 juillet 2012';

Vu les dernières conclusions transmises à la cour le 12 septembre 2013 par le syndicat CFE CGC FRANCE TELECOM ORANGE, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de cet intimé qui demande à la cour de':

- condamner la société FRANCE TELECOM devenue ORANGE à reverser au comité d'établissement SCE le différentiel entre les sommes effectivement engagées au titre de la restauration entre le 1er juillet 2009 et le 31 décembre 2012 et celles qui auraient dû l'être en application des critères d'ordre public, soit la somme de 20'572'000 euros,

- condamner la société ORANGE à verser au comité d'établissement SCE au prorata de sa masse salariale une contribution au budget des activités sociales et culturelles toutes activités confondues (restauration comprise) au moins égale à 4,51'% de la masse salariale brute de l'entreprise,

en tout état de cause,

- condamner la société ORANGE à lui payer la somme de 30'000 euros au titre du préjudice subi du fait de l'absence de versement par l'employeur de l'intégralité des sommes dues au titre de la restauration,

- condamner la société ORANGE aux dépens avec distraction au bénéfice de son avocat et au paiement de la somme de 3'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en plus de la somme allouée par l'arrêt du 5 juillet 2012';

SUR CE, LA COUR :

Sur les faits constants et la procédure antérieure

Les faits ont été largement exposés dans le jugement déféré et dans l'arrêt du 5 juillet 2012.

Il suffira, à ce stade, de rappeler que':

- dans le cadre de la mise en place des institutions représentatives du personnel au sein de la société FRANCE TELECOM (maintenant dénommée la société ORANGE) et de la reconnaissance d'établissements distincts, dont celui regroupant le personnel de la direction des services de communication aux entreprises, dit SCE, plusieurs accords collectifs ont été conclus entre la direction et les syndicats, au nombre desquels le syndicat CFE CGC,

- le 13 juillet 2004, un accord sur la mise en place et le fonctionnement des institutions représentatives du personnel a notamment prévu':

- un audit structurel et comptable des activités sociales et culturelles,

- l'ouverture d'une négociation pour déterminer le montant de la contribution patronale à ce titre et définir les modalités de transfert des dites activités,

- la répartition de cette contribution patronale entre chaque comité d'établissement «'en fonction des effectifs actifs moyens constatés au 31 décembre de chaque année de l'établissement principal concerné'»,

- une liste d'activités qui, sous réserve de la négociation à venir, pourraient rester prises en charge par l'entreprise,

- la possibilité que la restauration du personnel reste gérée directement par l'entreprise, les modalités de cette gestion déléguée devant être définies par l'audit,

- les modalités d'une prise en charge progressive par les comités d'établissement de la gestion des activités sociales et culturelles, selon un contrat de prestation à conclure, d'ici au 1er janvier 2006, date limite pouvant être prolongée,

- le 13 janvier 2005, un accord portant sur la contribution patronale aux activités sociales et culturelles et leur transfert de gestion vers les comités d'établissement a notamment prévu':

- une période transitoire jusqu'au 31 décembre 2006 pendant laquelle l'entreprise agira pour le compte des comités d'établissement, encadrée par une convention de gestion annexée,

- la confirmation du principe de répartition en fonction des effectifs de la contribution patronale entre les comités d'établissement arrêté par l'accord précédent,

- les modalités budgétaires spécifiques pour l'année 2005,

- la liste des délégations de gestion d'activités sociales et culturelles données à l'entreprise et des budgets correspondants,

- les modalités de gestion directe par l'entreprise de la restauration pour le compte des comités d'établissement pour un montant forfaitaire de 62 millions d'euros,

- la définition d'une masse salariale de référence pour la détermination de la contribution patronale, soit celle de 2002, d'un montant global de la contribution patronale, à savoir 161'796'000 euros, soit une somme à répartir entre les comités d'établissement, après déduction des sommes conservées par l'entreprise en vertu des délégations de gestion, de 93'096'000 euros, cette dernière somme représentant 2,25'% de la masse salariale,

- lors d'une réunion tenue les 12 et 13 février 2009, le comité d'établissement SCE a fait savoir qu'il entendait «'revendiquer la gestion de l'activité sociale de restauration à compter du 1er juillet 2009'»,

- le 28 mai 2009, le comité d'établissement SCE a assigné la société FRANCE TELECOM devant le tribunal de grande instance de PARIS, initiant la procédure dont la cour est présentement saisie.

Dans le dernier état de ses demandes devant les premiers juges, le comité d'établissement SCE demandait la condamnation de la société FRANCE TELECOM à lui payer diverses sommes au titre du budget des activités sociales et culturelles hors restauration, une somme de 1'121'553,55 euros au titre des sommes non dépensées par l'employeur pour l'activité de restauration pour les années 2005, 2006, 2007 et 2008 (2009 restant réservé à ce stade du litige), une somme à titre de dommages et intérêts et une somme sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il sollicitait également que lui soit donné acte de l'effectivité de sa demande de reprise de la gestion directe de l'activité de restauration, et que soit ordonnée une expertise pour permettre de déterminer le budget consacré au plan national par la société FRANCE TELECOM au financement de l'activité sociale de restauration des collaborateurs, salariés et fonctionnaires, et le cas échéant des anciens collaborateurs, pour les années 2002 à 2008, de sorte que puisse être calculé le montant de la dotation annuelle légale devant lui être versée au titre de la restauration.

Le jugement frappé d'appel, recevant le syndicat CFE CGC en son intervention volontaire, a':

- condamné la société FRANCE TELECOM à payer au comité d'établissement SCE les sommes de 440'632 euros (budget 2007 des activités sociales et culturelles hors restauration), 4'162,50 euros (distributeurs de boissons), 125'211 euros (restitution des aides pécuniaires restituées par les salariés à la société au cours des années 2005, 2006 et 2007) et 1'121'553,55 euros (soit la somme réclamée au titre du reliquat dû sur la restauration de 2005 à 2008),

- rejeté les demandes en paiement au titre des suites de l'intégration des salariés de la société TRANSPAC au sein de l'établissement SCE, d'expertise et en paiement de dommages et intérêts,

- donné acte au comité d'établissement SCE de sa décision de reprendre la gestion directe de l'activité de restauration au sein de son périmètre,

- constaté que la contribution de la société FRANCE TELECOM aux activités sociales et culturelles relevant des prérogatives des comités d'établissement a été fixée en 2005 lors de la mise en place des comités, conformément aux dispositions de l'article L'2323-86 du code du travail, à la somme de 161'796'000 euros représentant 3,90'% de la masse salariale,

- dit que, compte tenu de la délégation de gestion de certaines activités non remise en cause par le comité d'établissement SCE et du budget arrêté à ce titre, la dotation de ce dernier au titre des autres activités, dont la restauration, s'élève à 5,55'% de 155'096'000 euros sans pouvoir être inférieure à 5,55'% de 3,75'% de la masse salariale de l'entreprise,

- statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Par son arrêt susvisé du 5 juillet 2012, la présente chambre a confirmé le jugement déféré s'agissant des sommes dues par l'employeur au titre des activités sociales et culturelles, hors restauration, ainsi que des sommes dues au titre de la restauration pour les années 2005 à 2008, et des sommes sollicitées à titre de dommages et intérêts. Elle a sursis à statuer sur les modalités de calcul de la dotation relative aux activités sociales et culturelles, y compris la restauration, dans la perspective de la reprise de la gestion de celle-ci par le comité d'établissement SCE.

Sur les fins de non-recevoir

Sur l'autorité de la chose jugée

La société ORANGE oppose d'abord l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 5 juillet 2012 aux demandes du comité d'établissement SCE tendant à ce que la contribution globale de l'employeur aux activités sociales et culturelles soit répartie au prorata de la masse salariale de l'établissement.

Cette décision en dernier ressort, qui tranchait dans son dispositif une partie du principal, et ordonnait sur le surplus une réouverture des débats, était susceptible d'un pourvoi en cassation immédiat, ainsi qu'en dispose l'article 606 du code de procédure civile. Il n'a pas été frappé de pourvoi. C'est à juste titre, en conséquence, que la société ORANGE fait valoir qu'il est revêtu de l'autorité de la chose jugée, pour ce qui concerne les points qu'il a définitivement tranchés.

En approuvant le jugement d'avoir alloué au titre des années 2005 à 2008 une somme de 1'121'553,55 euros au comité d'établissement au titre du reliquat dû par l'employeur sur l'activité de restauration, la cour, suivant en cela le comité d'établissement SCE, a adopté un mode de calcul tenant compte, pour effectuer entre les différents comités d'établissement la répartition de la contribution globale de l'employeur, des effectifs des établissements et non de leur masse salariale.

Elle n'a pour autant pas, ainsi que le fait observer de façon pertinente le comité d'établissement, tranché cette même question pour la période postérieure à l'année 2008.

Si, dans son dispositif, elle a dit que l'accord du 13 janvier 2005 était conforme aux dispositions légales sur le calcul de la contribution annuelle patronale aux activités sociales et culturelles, et pouvait par voie de conséquence être valablement opposé au comité d'établissement SCE, et si elle a également dit que la société FRANCE TELECOM s'était engagée par ce même accord à verser un montant forfaitaire aux différents comités d'établissement à répartir selon les effectifs des établissements, elle n'a, ce faisant, fait qu'affirmer la licéité du mode de calcul conventionnel de la contribution globale de l'employeur, et rappeler l'engagement pris par ce dernier, et n'a pas pour autant expressément dit que cette règle de calcul devrait être adoptée pour répartir pour l'avenir à chaque comité d'établissement la contribution patronale.

Elle a, en effet, en page 13 de son arrêt, distingué la règle de calcul, impérative car résultant de l'article L'2323-86 du code du travail, du montant global de la contribution patronale, des règles de répartition entre comités d'établissement, laquelle peut être faite au prorata des effectifs, comme en a décidé l'accord, ou au prorata de la masse salariale, et elle a enfin indiqué que chaque comité d'établissement avait le droit de percevoir directement de l'employeur la subvention calculée sur la masse salariale de l'établissement concerné. Par ailleurs, avant de décider de surseoir à statuer, elle a notamment rappelé que le comité d'établissement soutenait qu'en dépit de l'accord du 13 janvier 2005, il était en droit de réclamer, en application des modalités légales, la répartition du budget des activités sociales et culturelles sur la base de la masse salariale de l'établissement.

Il en résulte qu'elle n'a pas entendu trancher la question du recours à la masse salariale ou aux effectifs de l'établissement comme critère de répartition entre chaque comité d'établissement de la contribution de l'employeur.

La fin de non-recevoir tirée de l'acquisition de la chose jugée sera rejetée.

Sur les fins de non-recevoir tirées du caractère nouveau de certaines demandes

La société ORANGE oppose aux demandes en paiement formées par le comité d'établissement SCE en paiement d'une somme de 20'212'000 euros à titre de reliquat restant dû sur le montant de la dotation annuelle aux activités sociales et culturelles pour la période allant du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2012 deux fins de non-recevoir, la première tirée du fait que cette demande excéderait le champ de la réouverture des débats décidée par l'arrêt du 5 juillet 2012, la seconde de ce qu'elle serait une demande nouvelle formée en appel.

Le comité d'établissement SCE répond qu'il n'a fait que chiffrer ses demandes, compte tenu du temps écoulé.

Il résulte de l'arrêt du 5 juillet 2012 que la cour n'a statué que sur la période de 2005 à 2008, soit les seules années pour lesquelles lui était présentée une demande chiffrée, étant rappelé que, dans ses dernières écritures avant le dit arrêt, le comité d'établissement demandait que soit ordonnée une expertise destinée à permettre le chiffrage des sommes dues pour la période postérieure et de façon pérenne pour l'avenir.

La cour a dans son arrêt rejeté en l'état la demande d'expertise, mais ordonné la réouverture des débats précisément «'sur l'évaluation de la dotation due au comité d'établissement SCE'», en invitant la société FRANCE TELECOM à communiquer au dit comité les pièces sollicitées par celui-ci, précisant à cet égard dans ses motifs (page 22) qu'au nombre de ces pièces figuraient les résultats d'un audit en cours, et que la production de ces «'éléments nécessaires à l'évaluation des dépenses réelles en matière de restauration'» permettrait «'aux parties d'apprécier la nécessité éventuelle de réévaluer les montants budgétaires devant être alloués au comité d'établissement SCE fixés par l'accord du 13 janvier 2005'».

Le champ ainsi fixé de la réouverture des débats, découlant du fait que la cour avait rejeté, en l'état, l'expertise sollicitée, autorisait évidemment le comité d'établissement SCE, notamment sur la base des éléments produits par la société ORANGE postérieurement à l'arrêt, à chiffrer ses demandes pour la période écoulée pendant la procédure.

Ce faisant, le comité d'établissement SCE n'a fait qu'expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans celles qu'il avait formées devant les premiers juges, comme devant la cour avant l'arrêt du 5 juillet 2012, à savoir principalement la désignation d'un expert qui aurait pour mission de rassembler les éléments permettant de déterminer la dotation nationale annuelle et la contribution qui lui était due.

Ces demandes ont donc été formées dans le respect des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile et ne sont pas nouvelles. La fin de non-recevoir opposée par la société ORANGE sera rejetée.

Au fond

Il doit être rappelé que':

- l'article L'2323-83 du code du travail dispose que «'le comité d'entreprise assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise'», l'article R'2323-21 précisant que le comité assure lui-même cette gestion, ou par une commission spéciale qu'il institue, des personnes qu'il désigne, ou des organismes qu'il crée et à qui il donne délégation,

- l'article L'2323-86 dispose que «'la contribution versée chaque année par l'employeur pour financer les institutions sociales du comité d'entreprise ne peut, en aucun cas, être inférieure au total le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l'entreprise atteint au cours des trois dernières années précédant la prise en charge des activités sociales et culturelles par le comité d'entreprise, à l'exclusion des dépenses temporaires lorsque les besoins correspondants ont disparu'» et que «'le rapport de cette contribution au montant global des salaires payés ne peut non plus être inférieur au même rapport pour l'année de référence définie au premier alinéa'»,

- l'article L'2327-16 prévoit, dans les entreprises comportant des établissements distincts, que «'les comités d'établissement assurent et contrôlent la gestion de toutes les activités sociales et culturelles'», qu'ils «'peuvent confier au comité central d'entreprise la gestion d'activités communes'» et qu'un accord d'entreprise «'peut définir les compétences respectives du comité central d'entreprise et des comités d'établissement'».

Il sera observé, à titre liminaire, que les parties ne contestent nullement la conformité à ces dispositions de la convention de délégation de gestion annexée à l'accord d'entreprise du 13 janvier 2005 laissant à l'employeur à titre provisoire la gestion de certaines activités sociales et culturelles, et notamment de la restauration, convention qui n'a été prise que pour organiser le transfert aux institutions représentatives nouvellement créées de la gestion des dites activités.

Il sera également rappelé que le présent litige ne porte pas sur certaines activités sociales et culturelles qui ont fait l'objet d'une délégation de gestion au profit de l'employeur qui n'est pas remise en question, telles qu'elles étaient énumérées au chapitre 3 de l'accord du 13 janvier 2005.

Sur les sommes sollicitées au titre des années 2009 à 2012

Il doit être rappelé que les premiers juges et la présente chambre ont, pour les années 2005 à 2008, fait droit aux demandes du comité d'établissement SCE concernant les sommes dues au titre de la restauration, dans le respect des accords des 13 juillet 2004 et 13 janvier 2005 et sur la base des pièces produites, c'est-à-dire selon les principes suivants':

- une répartition de la subvention patronale (elle-même calculée au niveau de l'entreprise en fonction de la masse salariale, conformément aux dispositions de l'article L'2323-86 du code du travail) entre les comités d'établissement au prorata des effectifs des établissements concernés,

- la gestion directe par la société FRANCE TELECOM de la restauration pour le compte des comités d'établissement pour un montant forfaitaire annuel de 62 millions d'euros,

- le constat, résultant des pièces produites, que les sommes qui avaient effectivement été consacrées par l'entreprise pour les années correspondantes à l'activité de restauration, avaient été systématiquement inférieures à la somme forfaitaire convenue,

- le fait que le solde entre l'engagement de l'employeur et les sommes effectivement dépensées devait être reversé au titre de la subvention pour les activités sociales et culturelles,

- l'attribution au comité d'établissement SCE d'une part de ce solde au prorata de ses effectifs.

Le comité d'établissement SCE, après réouverture des débats, tenant compte de ce qu'il a revendiqué la gestion de l'activité de restauration à compter du 1er juillet 2009, formule ses demandes pour la période du 1er juillet 2009 à la fin de l'année 2012 selon le mode de calcul suivant':

- il se fonde sur des chiffres figurant dans les bilans établis par la société FRANCE TELECOM qui ne sont, sous la réserve ci-dessous, pas contestés,

- au niveau de l'entreprise (ou plus exactement de l'unité économique et sociale dont le périmètre n'est l'objet d'aucune contestation), il additionne la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles hors restauration (soit, conformément à l'accord du 13 janvier 2005, 2,25'% de la masse salariale) et les dépenses effectuées par l'employeur au titre de sa gestion des activités de restauration (augmentées des frais de personnel correspondants),

- il calcule sur ce total la part qui devrait, selon lui, lui revenir au prorata de la masse salariale (et ce quelle que soit la formulation de son premier chef de demande, tendant à voir dire que la société devait lui verser une somme calculée au prorata de ses effectifs),

- il additionne ensuite les sommes qu'il a effectivement reçues, soit sa part de dotation aux activités sociales et culturelles hors restauration, et le montant des dépenses de restauration engagées par l'employeur dans le périmètre de l'établissement SCE (y incluant la part des frais de personnels engagés par l'employeur à ce titre, toujours au prorata de la masse salariale) -'étant observé que la société ORANGE fait valoir que ce montant qui résulte effectivement des documents qu'elle a produits est néanmoins sous-évalué, puisqu'il ne prend en compte que les dépenses engagées dans dix des soixante-dix implantations géographiques de l'établissement'-,

- il déduit ce qu'il a reçu de ce qu'il aurait selon lui dû recevoir, soit du 1er juillet 2009 (étant observé qu'il divise par deux le solde restant dû pour l'année 2009, de sorte à ne tenir compte que d'un semestre) au 31 décembre 2012, le total de 20'212'000 euros.

Il sera à ce stade précisé, en tant que de besoin, que seul le comité d'établissement est en mesure de former cette demande pour lui-même, et que la demande de condamnation au profit du comité formée par le syndicat CFE CGC, qui vise de surcroît un montant erroné de 20'572'000 euros, ne saurait être prise en compte.

La cour ne saurait suivre le comité d'établissement SCE dans son calcul, et ce dès lors que la volonté du comité d'établissement de prendre en charge la gestion de l'activité de restauration ne s'est pas encore concrétisée, d'une part, et que la répartition de la contribution de l'employeur entre établissements au prorata de la masse salariale est contraire aux accords conclus au sein de l'entreprise, d'autre part.

Sur le premier point, il sera observé que':

- si le comité d'établissement SCE a fait part de son intention de prendre en charge la gestion de l'activité de restauration à compter du 1er juillet 2009, cette décision n'est pas encore devenue effective, sans qu'il soit demandé à la cour de dire si cette situation résulte de la faute de l'une ou l'autre partie,

- la convention de délégation de gestion annexée à l'accord du 13 janvier 2005, qui ne comporte aucune modalité de dénonciation mais envisage la possibilité de sa reconduction à titre exceptionnel et «'en cas d'impossibilité technique de faisabilité de transfert de l'ensemble des activités'», a donc continué à produire ses effets,

- rien ne doit en conséquence conduire à adopter pour les années 2009 à 2012 un autre raisonnement que celui retenu par les premiers juges et la cour, dans une décision définitive, s'agissant des années 2005 à 2008,

- quoiqu'on puisse s'interroger sur le fait de savoir si l'engagement de la société FRANCE TELECOM de consacrer une somme forfaitaire annuelle de 62 millions d'euros à l'activité de restauration, pris en 2005, conserve une pertinence économique, il a servi de base, à la demande même du comité d'établissement SCE, au calcul de la somme qui lui restait due par l'employeur pour les années 2005 à 2008, et il n'est nullement soutenu qu'un nouvel accord serait intervenu modifiant celui de 2005 et réactualisant cette somme,

- il résulte des pièces produites que les dispositions de l'article L'2323-86 susvisé ont été respectées, dès lors, d'une part, que les sommes annuellement consacrées à l'activité de restauration en 2009 (65,5 millions d'euros), 2010 (73 millions), 2011 (82 millions) et 2012 (92,9 millions) ont toutes été supérieures à 62 millions d'euros (soit le total le plus élevé des sommes consacrées par l'employeur à cette même activité pendant les trois années précédentes, étant rappelé qu'en réalité, l'employeur y avait annuellement consacré des sommes inférieures) et, d'autre part, que, si l'on rapporte le montant conventionnellement adopté en 2005 de 62 millions à la masse salariale de référence déterminée dans l'accord, soit celle de 2002, le ratio obtenu de 1,50'% de la masse salariale consacré aux activités de restauration a toujours été respecté par l'employeur au cours des années 2009 à 2012, et ce sans même tenir compte des frais de personnel (1,60'% en 2009, 1,78'% en 2010, 1,99'% en 2011 et 2,19'% en 2012).

Sur le second point, il doit être relevé que':

- les textes susvisés prévoient que la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles est calculée au niveau de l'entreprise, notamment selon un rapport à la masse salariale, et que, dans les entreprises comportant des établissements distincts, c'est le comité d'établissement qui assure la gestion des activités sociales et culturelles, de sorte que le taux légal de la contribution au regard de la masse salariale, calculé au niveau de l'entreprise, est appliqué ensuite à chaque établissement pour déterminer le montant de la contribution reçue par chaque comité,

- si les modalités de calcul de la contribution minimale au sein de l'entreprise, telles que fixées par l'article L'2323-86 susvisé, ne peuvent en aucun cas être écartées par les parties, un accord d'entreprise peut prévoir un mode de répartition de la contribution entre les différents comités d'établissement qui soit plus favorable que le régime résultant de la loi,

- le caractère plus favorable ou non d'un tel accord ne peut s'apprécier qu'au niveau de l'entreprise, dès lors qu'il porte sur le mode de répartition d'une somme elle-même déterminée à ce niveau, sauf à introduire des inégalités entre établissements et compte tenu de l'impossibilité technique d'adopter des critères de répartition distincts suivant les établissements,

- tel a été le choix fait par les accords d'entreprise des 13 juillet 2994 et 13 janvier 2005, qui ont tous deux institué une répartition entre les différents comités d'établissement non pas au prorata de la masse salariale de chaque établissement, mais au prorata de leurs effectifs respectifs,

- il n'est pas sérieusement discuté par le comité d'établissement SCE, qui en avait accepté le principe en première instance et qui en a encore demandé devant la cour l'application pour le calcul des sommes lui restant dues au titre des années 2005 à 2008, que ces accords ont été négociés et conclus dans les conditions fixées par les articles L'2232-11 et suivants du code du travail et qu'en tant qu'ils règlent les compétences respectives du comité central d'entreprise et des comités d'établissement, ils ont été conclus en application de l'article L'2327-16 susvisé,

- il n'est pas davantage contesté, ainsi que l'admettait le comité d'établissement SCE dans ses conclusions devant les premiers juges, que la clé de répartition en fonction des effectifs des établissements a été instituée par ces accords dans un objectif de solidarité, solidarité des établissements regroupant les personnels les mieux rémunérés et ayant donc une masse salariale proportionnellement plus importante que leurs effectifs au regard de l'ensemble de l'entreprise, au profit des autres établissements,

- il résulte des pièces produites que le système de restauration géré par l'employeur bénéficie indifféremment à l'ensemble des effectifs de l'entreprise, sans que le bénéfice des restaurants situés dans le périmètre d'un établissement soit réservé à l'effectif de cet établissement,

- les accords des 13 juillet 2004 et 13 janvier 2005 ont donc pu sans violer les règles susvisées décider que la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles serait répartie entre les comités d'établissement au prorata des effectifs des établissements.

Enfin, il doit être observé, d'une part, que l'affirmation par la société ORANGE que ses propres bilans conduisent à une sous-évaluation de la part des dépenses de restauration qu'elle engage dans le champ de l'établissement SCE est sans incidence sur la solution du présent litige, dès lors qu'une éventuelle augmentation de cette part qui, dans le calcul du comité, vient en déduction des sommes qui lui seraient dues, serait sans effet sur un solde qui, sur la seule base des éléments qui précèdent, est d'ores et déjà négatif et, d'autre part, que l'alinéa 2 de l'article 146 du code de procédure civile (aux termes duquel «'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve'») s'oppose à ce que le champ de l'expertise sollicitée par la société ORANGE puisse porter sur la détermination de cette part exacte, alors que la société reconnaît qu'elle ne dispose pas d'un outil informatique lui permettant de rattacher les dépenses de restauration de chaque salarié à son établissement d'affectation, et qu'il lui suffirait de se doter d'un tel système pour remédier à cette sous-évaluation alléguée.

Dans ces conditions, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner l'expertise sollicitée à titre principal par la société ORANGE, la cour trouve dans les pièces du dossier les éléments qui lui permettent de constater que l'employeur a respecté, de 2009 à 2012, les engagements financiers qu'il avait pris, et ce dans des conditions conformes aux exigences légales, et juge que la clé de répartition de la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles entre les comités d'établissement au prorata des effectifs des établissements n'est pas contraire aux exigences légales, de sorte qu'aucune somme n'est due par l'employeur au titre de la restauration pour les années 2009 à 2012.

Les demandes formées à ce titre par le comité d'établissement SCE, appuyé par le syndicat CFE CGC FRANCE TELECOM-ORANGE, seront en conséquence rejetées.

Sur le montant de la contribution de l'employeur à compter du 1er janvier 2013

Le comité d'établissement SCE demande à cet égard à la cour de dire que le budget national des activités sociales et culturelles de l'entreprise, toutes activités confondues et donc restauration comprise, ne peut être inférieur à 4,51'% de la masse salariale brute de l'unité économique et sociale et que la société ORANGE doit lui verser sa part au prorata de la masse salariale.

Une telle demande est formée dans la perspective de la reprise par le comité d'établissement SCE de la gestion de l'activité de restauration, encore déléguée à l'employeur.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que le comité d'établissement SCE demande qu'il soit procédé, dans les conditions fixées par l'article L'2323-86 susvisé, à une nouvelle détermination de la contribution minimale de l'employeur aux activités sociales et culturelles en pourcentage de la masse salariale, cette fois considérée de manière globale, alors que l'accord du 13 janvier 2005, prenant acte de la délégation de gestion de l'activité de restauration à l'employeur, n'avait procédé à cette détermination que pour les autres activités, fixant ce taux à 2,25'%.

Le mode de calcul proposé par le comité d'établissement SCE, qui choisit de ne pas remettre en question ce dernier taux, et demande seulement qu'il soit complété par la prise en compte de l'activité de restauration pour arriver à un taux global, n'est pas à cet égard contesté par la société ORANGE. Il sera retenu, dès lors que l'année de référence a été fixée, pour les activités autres que la restauration, à 2002 et qu'il n'existe aucune raison de remettre en question le taux de 2,25'% pour les dites activités.

De façon également non contestée, puisque fondée sur les chiffres communiqués par l'employeur, le comité d'établissement SCE a rapporté dans ses écritures le total de la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles (comprenant la somme versée aux comités d'établissement pour les activités hors restauration et la somme dépensée par l'employeur, y compris en frais de personnel, au titre de sa gestion déléguée de l'activité de restauration) à la masse salariale, et ce pour les quatre dernières années.

Il sera tenu compte, en application de l'article L'2323-86, des seules trois dernières années, soit 2010, 2011 et 2012. Le total le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l'entreprise a été atteint en 2012, à hauteur de 191'360'000 euros.

La masse salariale de l'unité économique et sociale s'étant élevée en 2012 à 4'243'710'000 euros, le rapport de cette contribution au montant global des salaires payés pour cette année de référence est de 4,51'%.

Contrairement à ce que la société ORANGE soutient, le montant global des salaires payés, au sens de l'article L'2323-86, doit s'entendre de la masse salariale brute comptable correspondant au compte 641 «'rémunération du personnel'» tel que défini par le plan comptable général, et ce sauf accord plus favorable, aucune partie n'alléguant la conclusion d'un tel accord. Il sera au contraire relevé que les accords du 13 juillet 2004 et du 13 janvier 2005 font expressément référence à la masse salariale (points 2.4.2 et 2.4.3 du premier, point 8.1 du second) et qu'il n'est nullement soutenu que le chiffre retenu pour l'année 2002 dans ce second accord ne correspondrait pas à la masse salariale brute comptable du compte 641.

Dans ces conditions, la cour trouvant à nouveau dans les pièces qui lui sont soumises les éléments nécessaires à la solution du litige, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré de ce chef et de dire que la contribution de la société ORANGE aux activités sociales et culturelles, y compris l'activité de restauration, ne saurait être inférieure, à compter du 1er janvier 2013, à 4,51'% de la masse salariale brute de l'unité économique et sociale.

Pour les raisons qui ont été exposées plus haut, et étant expressément relevé que c'est pour l'avenir et sans limitation de durée tant qu'ils n'ont pas été dénoncés que les accords des 13 juillet 2004 et 13 janvier 2005 ont valablement fixé les modalités de répartition de la contribution de l'employeur entre les comités d'établissement au prorata des effectifs, il ne saurait en revanche être fait droit à la demande du comité d'établissement SCE tendant à voir dire que la société ORANGE devra lui verser sa part sur cette contribution ainsi calculée au prorata de sa masse salariale.

Il sera par ailleurs précisé que cette contribution, répartie au prorata des effectifs, ne pourra être effectivement versée dans son intégralité que lorsque la délégation de gestion de l'activité de restauration à l'employeur aura pris fin et que, tant que celle-ci recevra encore application, il appartiendra à l'employeur de verser au comité d'établissement, toujours au prorata des effectifs, outre la part correspondant aux activités hors restauration (soit 2,25'%), le reliquat de la part consacrée à la restauration qui n'aura pas été effectivement dépensée.

Sur les autres demandes

Pour les motifs exposés ci-dessus et ainsi qu'il a été dit, la demande d'expertise formée en cause d'appel par la société ORANGE sera rejetée.

L'article L'2262-4 du code du travail dispose que «'les organisations de salariés et les organisations ou groupements d'employeurs, ou les employeurs pris individuellement, liés par une convention ou un accord, sont tenus de ne rien faire qui soit de nature à en compromettre l'exécution loyale'».

C'est à juste titre que la société ORANGE soutient, en conséquence, que le syndicat CFE CGC FRANCE TELECOM-ORANGE, qui ne réplique pas sur ce point, en soutenant devant la cour que, contrairement aux accords des 13 juillet 2004 et 13 janvier 2005, la répartition de la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles entre les comités d'établissement devrait être faire au prorata de la masse salariale et non au prorata des effectifs, manque à une telle obligation.

L'arrêt du 5 juillet 2012 a déjà rejeté les demandes formées par le syndicat CFE CGC FRANCE TELECOM-ORANGE en condamnation de la société ORANGE au paiement d'une somme de 30'000 euros au titre du préjudice subi du fait de l'absence de versement, par l'employeur, de l'intégralité de la somme due au titre de la restauration.

Chacune des parties, succombant partiellement, gardera à sa charge les dépens exposés depuis l'arrêt du 5 juillet 2012, sans qu'il y ait dans ces conditions lieu à application des dispositions des articles 699 et 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la société ORANGE';

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'expertise sollicitée par la société ORANGE';

Rejette la demande en paiement de la somme de 20'212'000 euros formée par le comité d'établissement SCE de la société ORANGE contre cette société à titre de reliquat restant dû sur le montant de la contribution annuelle de l'employeur aux activités sociales et culturelles pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2012';

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a fixé la contribution due au comité d'établissement SCE au titre des activités sociales et culturelles dont la restauration (hors celles concernées par une délégation de gestion) «'à 5,55'% de 155'096'000 euros sans pouvoir être inférieure à 5,55'% de 3,75'% de la masse salariale de l'entreprise'»';

Statuant à nouveau,

Dit qu'à compter du 1er janvier 2013, la contribution nationale globale de l'employeur aux activités sociales et culturelles incluant la restauration versée par la société ORANGE ne peut être inférieure à 4,51'% de la masse salariale brute de l'unité économique et sociale telle que déterminée au compte 641 «'rémunération du personnel'» tel que défini par le plan comptable général';

Dit que la part de cette contribution nationale revenant au comité d'établissement SCE de la société ORANGE sera calculée au prorata des effectifs de l'établissement, conformément aux accords des 13 juillet 2004 et 13 janvier 2005';

Dit que cette part ne pourra être effectivement versée dans son intégralité que lorsque la délégation de gestion de l'activité de restauration à l'employeur aura pris fin et que, tant que celle-ci recevra encore application, il appartiendra à la société ORANGE de verser au comité d'établissement SCE, au prorata des effectifs de l'établissement, outre la part correspondant aux activités hors restauration (soit 2,25'%), le reliquat de la part consacrée à la restauration qui n'aura pas été effectivement dépensée par la société';

Dit que le syndicat CFE CGC FRANCE TELECOM-ORANGE a manqué aux obligations découlant pour lui de l'article L'2262-4 du code du travail';

Dit que les parties conserveront la charge des dépens engagés postérieurement à l'arrêt du 5 juillet 2012';

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions des articles 699 et 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/11808
Date de la décision : 19/12/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°11/11808 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-19;11.11808 ?
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