Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2013
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/03481
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2012 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 11/09410
APPELANTE
La Syndicat FEDERATION DE LA PLASTURGIE - UNION DES SYNDICATS,
prise en la personne de ses représentants légaux,
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RÉCAMIER AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148, avocat postulant
assistée de Me Benoît DE LA TAILLE de la SELARL CABINET DE LA TAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0352, avocat plaidant
INTIMÉE
L'Etablissement Public CHANCELLERIE DES UNIVERSITES DE PARIS, prise en la personne de ses représentants légaux,
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Cécile ATTAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0338, avocat postulant
assistée de Me Hervé JOYET, avocat au barreau de Paris, toque : C0337, avocat plaidant.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente
Madame Odile BLUM, Conseillère
Madame Isabelle REGHI, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Annick MARCINKOWSKI
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte authentique du 26 novembre 1976, le recteur de l'académie de [Localité 3], agissant au nom de l'ancienne Université de [Localité 3], a donné à bail à la Fédération de la plasturgie des locaux situés [Adresse 2], objet d'un legs accepté de la part la baronne [D] née [V] de Rosemont, pour une durée de neuf années à compter du 1er décembre 1976 ; le bail a été ensuite renouvelé par périodes de neuf années.
Par acte sous seing privé du 8 décembre 2000, la Chancellerie des universités de [Localité 3] a notamment renouvelé le bail pour une durée de 9 ans à compter du 1er octobre 2000, pour les locaux situés aux 1er, 2ème, 3ème, 4ème et 5ème et 6ème étages de l'immeuble. Par avenant du 22 septembre 2003, la Fédération de la plasturgie a renoncé à la location du 6ème étage et en contrepartie, la Chancellerie des Universités de [Localité 3] a mis à sa disposition le local qui servait de loge situé au rez-de-chaussée première porte à gauche de l'immeuble.
Le loyer s'élèvait à la somme de 155 878,80 euros par an ht et hc au 30 septembre 2009.
Par acte extra judiciaire du 23 mars 2009, la Chancellerie des Universités de [Localité 3] a fait délivrer à la Fédération de la plasturgie un congé pour le 30 septembre 2009 et proposé le renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2009 moyennant un loyer annuel de 478 240 euros.
A défaut d'accord des parties sur le prix du loyer du bail renouvelé, la Chancellerie des Universités de [Localité 3] a sollicité du juge des loyers la fixation du prix du loyer du bail renouvelé.
Par jugement en date du 8 février 2012, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté la Fédération de la plasturgie de sa demande en irrecevabilité pour défaut de qualité à agir, défaut de pouvoir et défaut d'autorisation de la Chancellerie des Universités de [Localité 3],
- constaté que par l'effet du congé avec offre de renouvellement délivré le 23 mars 2009 par la Chancellerie des universités de [Localité 3], le bail concernant les locaux situés [Adresse 2] s'est renouvelé à compter du 1er octobre 2009,
Avant dire droit au fond,
- désigné en qualité d'expert [C] [W] avec pour mission :
de convoquer les parties, et dans le respect du principe du contradictoire,
de se faire communiquer tous documentes et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
de visiter les locaux situés [Adresse 2] , les décrire,
d'entendre les parties en leurs dires et explications,
procéder à l'examen des faits allégués par les parties,
rechercher la valeur locative des lieux loués au 1er octobre 2009 au regard : des caractéristiques des locaux, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité, des prix couramment pratiqués dans le voisinages, en retenant tant les valeurs de marché que les valeurs fixées judiciairement en application des dispositions des articles L145-33 et R 145-3 à R 145-8 du code de commerce,
rendre compter de tout et donner son avis motivé,
dresser un rapport de ses constatations et conclusions,
- dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport avant le 15 décembre 2012,
- fixé à la somme de 2 500 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par la Chancellerie des Universités de [Localité 3] avant le 8 mai 2012,
-dit que faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,
- fixé le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au montant du loyer contractuel en principal, outre les charges,
-ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- réservé les dépens.
La Fédération de la plasturgie a relevé appel du jugement et par ses dernières conclusions en date du 10 juin 2013, demande à la Cour de :
Infirmer le jugement et statuant à nouveau,
Déclarer le congé délivré le 23 mars 2009, le mémoire déposé le 11 février 2010, et l'assignation du 22 juin 2011 irrecevables,
Condamner la Chancellerie des universités de [Localité 3] à restituer l'ensemble des frais occasionnés par le déménagement, soit la somme de 321 815 euros,
Condamner la Chancellerie des Universités de [Localité 3] à payer la somme de 1 933 567 euros + 37 016,20 et 195 504 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts à compter de l'arrêt à intervenir,
Dire n'y avoir lieu à la désignation d'un expert,
Condamner la Chancellerie des Universités de [Localité 3] à porter et payer à la concluante la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la Chancellerie des Universités de [Localité 3] en tous les dépens,
Subsidiairement,
Déclarer nul et de nul effet le congé délivré le 23 mars 2009, le mémoire déposé le 11 février 2010 et l'assignation du 22 juin 2011,
Encore plus subsidiairement,
Fixer le loyer à un prix qui ne saurait être supérieur à 223 348,80 euros.
La Chancellerie des Universités de [Localité 3], par ses dernières conclusions en date du 29 mars 2013, demande à la Cour de :
Déclarer la Fédération de la plasturgie irrecevable et en tous cas mal fondée en son appel et l'en débouter,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,
Condamner la Fédération de la plasturgie au paiement de la somme de 60 000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,
La condamner au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
Débouter la Fédération de la plasturgie de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;
SUR CE,
Sur les exceptions de nullité tirées du défaut de qualité et de pouvoir :
La Fédération de la plasturgie fait valoir que la chancellerie des universités de [Localité 3] est dépourvue de qualité, que les locaux appartiennent de façon indivise aux treize universités de [Localité 3], que le renouvellement d'un bail constitue une acte de disposition, que la chancellerie des universités qui administre les biens indivis des universités n'a pas le pouvoir d'en disposer, que cette distinction résulte du régime des chancelleries tel que prévu par le décret du 30 décembre 1971, que le décret du 27 février 1976 réglant le transfert des droits et obligations des anciens établissements d'enseignement supérieur ainsi que leurs biens opère bien une distinction entre la propriété des biens et leur administration confiée à la chancellerie, que le jugement du tribunal administratif du 4 mai 2012 reprend cette distinction entre la propriété indivise des treize universités et leur gestion par la chancellerie, que seuls les conseils d'administration des treize universités sont compétents afin de procéder au renouvellement du bail commercial sur l'immeuble, que la délibération du 18 novembre 2011 par laquelle le conseil d'administration de la chancellerie a affirmé sa compétence pour conclure et renouveler les baux portant sur des locaux dont elle n'était pas propriétaire est nulle, qu'elle est survenue postérieurement au congé et alors que le délai de forclusion de l'action en matière de bail commercial était expiré puisqu'il s'est écoulé plus de deux ans entre la date d'effet du congé et la délibération, que sans qualité pour délivrer le congé, la chancellerie l'est tout autant pour agir en justice, que subsidiairement, la chancellerie des universités n'était pas spécialement mandatée par un mandat exprès pour effectuer un acte qui ne ressort pas de l'exploitation normale d'un bien indivis, que les délibérations des 20 octobre 2009, 22 octobre 2010 et 18 novembre 2011 ne valent pas autorisation d'agir en justice dés lors qu'elles ne contiennent aucune précision sur la date et l'instance concernée, que seuls les procès verbaux des délibérations des conseils d'administration font foi de leur date, qu'ils n'ont pas été produits.
Or suivant l'article L 222-1 du code de l'éducation, le recteur d'académie en qualité de chancelier des universités représente le ministre chargé de l'enseignement supérieur auprès des établissements publics .. Il dirige la chancellerie, établissement public national à caractère administratif, qui notamment assure l'administration des biens et charges indivis entre plusieurs établissements, en conformité du décret du 10 avril 2002 modifiant le décret du 6 mars 1971 ; l'article 4 du décret a notamment été modifié en ce que pour l'académie de [Localité 3], il est prévu que lorsque le conseil d'administration délibère sur les matières prévues au deuxième alinéa de l'article 2 - soit les biens et charges indivis entre plusieurs établissements publics - les présidents et directeurs des établissements publics d'enseignement supérieur (dont la liste est fixée par l'arrêté du ministre de l'enseignement supérieur) sont membres du conseil d'administration ;
En conséquence, le recteur de l'académie de [Localité 3] président du conseil d'administration de la chancellerie dûment habilité par ledit conseil composé des présidents des treize universités propriétaires indivises des biens loués, tant à conclure, renouveler et résilier le bail commercial portant sur les locaux situés [Adresse 2] dont elle a la gestion (délibération produite aux débats en date du 18 novembre 2011) qu'à représenter ledit conseil en justice a qualité et pouvoir tant pour délivrer congé que pour représenter le conseil d'administration de la chancellerie en justice ;
A cet égard, le recteur d'académie en tant que représentant légal du conseil d'administration de la chancellerie, n'avait nul besoin d'un mandat spécial pour agir dès lors qu'il dispose par la loi (article 6 du décret du 31 décembre 1971) de la capacité à représenter le conseil d'administration dans tous les actes de la vie courante mais également en justice après en avoir reçu autorisation ; il a engagé l'action en fixation du loyer du bail renouvelé le 22 juin 2011 après avoir reçu habilitation spéciale à cet effet le 18 novembre 2011, l'habilitation visant expressément le bail dont s'agit, le congé délivré et le mémoire en défense notifié par la fédération de la plastrugie, étant observé que la régularition de l'action pouvait intervenir postérieurement à l'engagement de la procédure mais avant que le juge ne statue, dès lors que la nullité invoquée tirée du défaut d'autorisation donnée par le conseil d'administration de la chancellerie à son président d'agir en justice constitue une nullité susceptible d'être couverte ;
Le fait encore que le conseil d'administration n'ait délibéré en donnant pouvoir au recteur d'académie en tant que représentant de la chancellerie de donner congé à la fédération de la plasturgie pour les locaux qu'elle occupe, que le 18 novembre 2011, soit postérieurement à la date d'effet du congé, n'a pas davantage pour conséquence d'entacher le congé de nullité dès lors que le délai de prescription de deux ans prévu par l'article L145-60 du code de commerce, qui a commencé à courir à la date d'effet du congé soit le 1er octobre 2009, a été interrompu par la notification du mémoire de la chancellerie le 1er février 2010, l'interruption continuant de produire son effet jusqu'à l'issue de l'instance ;
Il doit enfin être fait observer que c'est la chancellerie des universités de [Localité 3] représentée par son recteur d'académie qui a signé le bail renouvelé le 8 décembre 2000 à effet du 1er octobre 2000 pour lequel congé a été délivré le 23 mars 2009 à effet du 30 septembre 2009 et qu'il n'existe aucune contestation quant à la validité de ce bail.
Il s'ensuit que les exceptions de procédure soulevées par la fédération de plasturgie et tirées du défaut de qualité et de pouvoir du recteur d'académie représentant la chancellerie des universités sont inopérantes et doivent être rejetées, le jugement étant confirmé à cet égard.
Sur la valeur locative :
La fédération de la plasturgie estime que le juge des loyers était compétent pour apprécier la valeur locative et qu'il était donc inutile de recourir à une expertise, le prix du bail devant être fixé, s'agissant de locaux de bureaux par référence aux prix de locaux équivalents ;
Or l'article R 145-30 du code de commerce dispose que si les divergences entre les parties portent sur des points de fait qui ne peuvent être tranchés sans recourir à une expertise, le juge désigne un expert dont la mission porte sur les éléments de fait permettant l'appréciation des critères définis aux articles R 145-3 à R 145-7, R 145-11 ;
Le premier juge ayant fait le constat de la divergence des parties quant aux éléments de fait permettant d'apprécier la valeur locative que ni un constat ni les vérifications personnelles ne suffisaient à résoudre, a pu en conséquence à bon droit désigner un expert pour lui permettre de déterminer la valeur locative des locaux à usage de bureaux.
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé également sur ce point.
Sur les autres demandes :
Le congé ayant été régulièrement délivré, la fédération de la plasturgie est recevable en sa demande de dommages intérêts accessoire à sa demande principale, mais elle est mal fondée à invoquer le préjudice résultant pour elle de l'obligation d'avoir à quitter les lieux en raison du congé, la chancellerie n'ayant commis aucune faute en usant de la faculté dont elle dispose, de proposer un nouveau loyer dans le cadre du congé comportant offre de renouvellement du bail.
La chancellerie des universités de [Localité 3] est elle-même mal fondée en sa demande de dommages intérêts, faute de caractériser l'abus du droit d'agir par la fédération de plasturgie, le fait que les parties aient négocié en vain avant l'introduction de l'instance ne pouvant caractériser un tel abus et l'indemnisation des frais de la procédure exposés par la chancellerie relevant d'un fondement distinct.
La fédération de la plasturgie supportera les entiers dépens et paiera à la chancellerie des universités de [Localité 3] la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la fédération de la plasturgie aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et la condamne à payer à la chancellerie des universités de [Localité 3] la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE