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12/12/2013 | FRANCE | N°11/01829

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 12 décembre 2013, 11/01829


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 12 Décembre 2013

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01829



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Janvier 2001 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de CRETEIL RG n° 1424/99



APPELANT

Monsieur [R] [B]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Fabien BODIN, avocat au barreau de PARIS, t

oque : T10 substitué par Me Jessica GARNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/022483 du 08/11/2010 accordée par...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 12 Décembre 2013

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01829

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Janvier 2001 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de CRETEIL RG n° 1424/99

APPELANT

Monsieur [R] [B]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Fabien BODIN, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Jessica GARNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/022483 du 08/11/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEES

CAF 94 - VAL DE MARNE [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 3]

défaillante

CRAMIF (CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE)

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par M. [U] en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Président, chargé d'instruire l'affaire, et Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, président

Madame Claudine ROYER, conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Marion MELISSON, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, Président, et par Madame Marion MELISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur renvoi après cassation de l'arrêt du 6 septembre 2007 ayant confirmé le jugement du 18 octobre 2006 par lequel le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil avait débouté M. [B] de ses demandes contre la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France (CRAMIF) ;

Les faits, la procédure, les prétentions des parties :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Il suffit de rappeler que M. [B] était titulaire d'une pension d'invalidité et bénéficiait de l'allocation aux adultes handicapés lorsqu'il a demandé, en août 1994, l'allocation supplémentaire du fonds spécial d'invalidité ; que le bénéfice de cette prestation lui a été reconnu à compter du 1er septembre 1994 ; que toutefois, en raison de son caractère subsidiaire, le service de l'allocation aux adultes handicapés a cessé à partir du mois de mars 1995 ; que souhaitant percevoir cette allocation plutôt que celle du Fonds spécial d'invalidité, M. [B] a alors agi en justice pour en obtenir le rétablissement ; qu'ayant été débouté de sa demande tendant au versement de l'allocation aux adultes handicapés, il s'est retourné auprès de la CRAMIF, le 19 novembre 2003, pour que celle-ci lui verse l'allocation supplémentaire du fonds spécial d'invalidité ; que cet organisme lui a servi cette prestation à compter du 1er décembre 2003 mais en a annulé l'attribution pour la période écoulée entre 1995 et 2003 au motif que l'intéressé y aurait renoncé ; que M. [B] a contesté cette dernière décision devant la commission de recours amiable, puis a saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale afin d'obtenir le versement des arriérés d'allocation pour la période du 1er septembre 1994 au 30 novembre 2003 ; que, par arrêt confirmatif du 6 septembre 2007, il a été débouté de cette demande au motif qu'il y aurait renoncé jusqu'en novembre 2003 ;

Par arrêt du 25 février 2010, rendu au visa des articles 1234 du code civil et L815-3 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, la Cour de cassation a censuré l'arrêt de la Cour d'appel, dont les motifs ne caractérisaient pas la renonciation non équivoque de M. [B] au bénéfice de l'allocation supplémentaire, et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel autrement composée.

M. [B] fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à infirmer le jugement, condamner la CRAMIF au versement de l'allocation supplémentaire du fonds spécial d'invalidité à compter du 1er septembre 1994, avec les intérêts au taux légal et leur capitalisation à compter de la saisine de la commission de recours amiable, condamner la CRAMIF à lui payer la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence du fait de la privation de l'allocation et condamner cet organisme à la somme de 1 794 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Après avoir rappelé que les conditions de résidence et d'invalidité prévues à l'article L 815-3 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige n'ont jamais été contestées par la CRAMIF, il reproche à cet organisme de s'être opposé au paiement de l'allocation supplémentaire sous prétexte qu'il y aurait renoncé et que cette allocation ne pouvait être attribuée rétroactivement. Il se prévaut de l'article R 815-36 du code de la sécurité sociale alors en vigueur qui dispose que la notification attributive de l'allocation supplémentaire constitue titre pour le bénéficiaire et invoque la décision du 2 février 1995 par laquelle la CRAMIF lui attribue cette allocation à effet du 1er septembre 1994. Il soutient n'avoir jamais renoncé aux droits qui lui ont été reconnus par cette notification mais avoir uniquement cherché à préserver ses moyens d'existence en pensant à tort mieux y parvenir avec l'allocation aux adultes handicapés. Il indique que la renonciation à un droit doit émaner du bénéficiaire lui-même et non de l'assistante sociale et être dépourvu de toute équivoque, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il indique ensuite que ses prétentions ne se heurtent pas à la règle de non-rétroactivité selon laquelle l'entrée en jouissance de l'allocation supplémentaire ne peut être antérieure au premier jour du mois suivant la date de réception de la demande puisqu'il poursuit le paiement des arrérages d'une pension accordée à compter du 1er septembre 1994. Il fait grief au jugement d'avoir considéré à tort que qu'il avait demandé l'allocation supplémentaire en novembre 2003 alors qu'en réalité sa demande remonte au mois d'août 1994. Enfin, il s'oppose à la prescription soulevée par la Caisse en faisant observer qu'il était dans l'impossibilité d'agir avant que le litige relatif au versement de l'allocation aux adultes handicapés ait été tranché puisqu'il ignorait l'étendue de ses droits. De même, il considère que la règle "aliments ne s'arréragent pas" ne s'applique pas ici. Il indique aussi que la nature de ses ressources n'a pas varié depuis 1994 et qu'il peut en justifier.

La CRAMIF fait déposer et soutenir oralement par son représentant des conclusions de confirmation du jugement attaqué en ce qu'il dit que M. [B] ne peut bénéficier de l'allocation supplémentaire d'invalidité pour la période du 1er septembre 1994 au 30 novembre 2003. Elle conclut également au rejet de toutes ses autres demandes. Si elle n'invoque plus la renonciation de l'intéressé au bénéfice de cette prestation, elle fait remarquer qu'il a refusé à deux reprises les sommes qui lui étaient adressées au titre du fonds spécial d'invalidité au motif que leur montant était inférieur à l'allocation aux adultes handicapés dont il demandait le rétablissement. Elle précise que ce n'est qu'au mois de novembre 2003 que M. [B] a sollicité de nouveau le versement de l'allocation supplémentaire. Selon elle, cette allocation ne pouvait lui être servie qu'à compter du 1er décembre 2003 car la date d'entrée en jouissance ne peut être fixée antérieurement au premier jour du mois suivant la date de réception de la demande. Elle fait valoir que le paiement de l'allocation a été suspendu à la demande expresse de M. [B] au cours de la procédure engagée contre la Caisse d'allocations familiales du Val de Marne au sujet de l'allocation aux adultes handicapés. Elle précise aussi qu'à aucun moment, il n'a demandé la mise en réserve des sommes litigieuses. Elle invoque la prescription de l'action en paiement de ces sommes pour la période antérieure à novembre 1998. Elle se prévaut également du caractère alimentaire des minima sociaux et de l'adage "aliments ne s'arréragent pas" pour s'opposer au règlement d'un rappel de prestations relevant d'un fonds de solidarité. Enfin, elle fait observer que l'allocation est soumise à condition de ressources et considère ne plus être en mesure aujourd'hui de contrôler les revenus de M. [B] de 1995 à 2003.

Par ailleurs, elle conteste avoir commis une faute dans la gestion du dossier de M. [B] qui s'est lui-même placé en situation de précarité en refusant les allocations avant d'en réclamer tardivement le paiement.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

Sur quoi la Cour :

Considérant qu'aux termes de l'article R 815-36 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, "l'organisme ou le service liquidateur notifie à l'intéressé sa décision d'attribution ou de rejet de l'allocation supplémentaire" ; que selon l'alinéa 2, la notification attributive constitue titre pour le bénéficiaire ;

Considérant qu'en l'espèce, la CRAMIF a rendu, le 2 février 1995, une décision d'attribution de l'allocation supplémentaire en faveur de M. [B] avec effet au 1er septembre 1994 ;

Considérant qu'il existe donc un titre de créance antérieur à la décision du 26 mai 2004 par laquelle la CRAMIF notifie de nouveau à l'intéressé une décision d'attribution de l'allocation supplémentaire à effet du 1er décembre 2003 ;

Considérant que pour s'opposer au paiement des arrérages pour la période antérieure au mois de novembre 2003, la CRAMIF ne se prévaut plus de la renonciation de l'intéressé mais invoque d'abord le fait que l'entrée en jouissance de l'allocation ne peut être fixée antérieurement à la demande;

Considérant cependant que c'est à tort que cet organisme fixe au 19 novembre 2003 la date de la demande alors que celle-ci a été présentée en août 1994 ; qu'en exigeant, en novembre 2003, le versement des allocations dont le service était arrêté depuis septembre 1994, M. [B] n'a pas formulé de demande nouvelle mais a poursuivi l'exécution du titre dont il était titulaire depuis le 2 février 1995 ;

Considérant qu'en tout état de cause, le rejet de la demande en paiement des arrérages antérieurs à novembre 2003 ne peut être justifié par l'annulation de l'allocation supplémentaire pour la période de 1995 à novembre 2003 puisque cette annulation reposait uniquement sur le fait erroné que l'intéressé avait renoncé à cette prestation ;

Que le jugement attaqué qui s'est fondé sur une telle renonciation sera donc infirmé ;

Considérant qu'en revanche c'est à juste titre que la CRAMIF se prévaut de la prescription de l'action de M. [B] qui a attendu le 19 novembre 2003 pour réclamer les arrérages échus depuis septembre 1994 alors qu'antérieurement il avait au contraire refuser de les percevoir ;

Considérant que cette action en paiement des arrérages de l'allocation supplémentaire est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2277 du code civil alors applicable pour tout ce qui est payable par année ou à terme périodique plus court ;

Considérant qu'à cet égard, l'allocataire ne peut valablement soutenir avoir été empêché d'agir avant de connaître l'issue de la procédure engagée au sujet de l'allocation aux adultes handicapés ; que cette procédure ne constituait pas un obstacle à l'exercice d'une action en paiement des arrérages échus quitte pour l'intéressé à réserver l'hypothèse d'un rétablissement du service de l'allocation aux adultes handicapés ; qu'en tout état de cause, il n'ignorait pas ses droits à l'allocation supplémentaire qui avaient donné lieu à une notification au mois de février 1995 ;

Considérant qu'en revanche la règle "aliments ne s'arréragent pas", simple présomption que le créancier ne serait pas réellement dans le besoin, n'interdit pas au bénéficiaire d'une prestation soumise à condition de ressources de demander le rappel des arrérages échus depuis moins de cinq ans ;

Considérant que, dans ces conditions, la CRAMIF sera condamnée à verser à M. [B] les arrérages de l'allocation supplémentaire entre novembre 1998 et novembre 2003 ; que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la commission de recours amiable par M. [B] et la capitalisation des intérêts s'opérera selon les règles prévues à l'article 115'4 du code civil ;

Considérant que si la caisse fait observer que les ressources de M. [B] n'ont pas été contrôlées au cours de cette période, il lui appartenait de procéder à cette vérification en temps voulu ; qu'en tout état de cause, il n'est pas justifié de l'impossibilité d'un tel contrôle à posteriori et M. [B] y consent ;

Considérant qu'enfin, la caisse fait justement observer que l'attitude de l'intéressé a contribué au préjudice qu'il invoque aujourd'hui au soutien de sa demande de dommages-intérêts ; qu'en effet, alors qu'on ne peut renoncer au paiement de l'allocation supplémentaire pour bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés, M. [B] a préféré retourner à deux reprises les sommes versées par la CRAMIF au titre du fonds spécial d'invalidité dans l'espoir non fondé de continuer à percevoir la seconde allocation ; que ce comportement est directement à l'origine du versement tardif des arrérages dont il se plaint ;

Considérant qu'il sera donc débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions sur la charge des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

Déclare M. [B] recevable et partiellement fondé en son appel ;

Infirme le jugement attaqué ;

Statuant à nouveau :

Déclare irrecevable comme prescrite la demande portant sur les allocations antérieures à novembre 1998 ;

Condamne la CRAMIF à verser à M. [B] les arrérages de l'allocation supplémentaire entre novembre 1998 et novembre 2003, sous réserve de remplir la condition de ressources applicable durant cette période ;

Dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la commission de recours amiable ;

Dit que les intérêts dus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts à compter du 17 octobre 2013, date à laquelle l'appelant a soutenu cette demande de capitalisation ;

Déboute M. [B] de sa demande de dommages-intérêts et de celle présentée au titre des frais irrépétibles.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 11/01829
Date de la décision : 12/12/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°11/01829 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-12;11.01829 ?
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