Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 11 DÉCEMBRE 2013
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/01348
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Décembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 10/01883
APPELANTE
La Société d'Economie Mixte SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE, prise en la personne de ses représentants légaux,
100-104 avenue de France
[Localité 1]
représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029, avocat postulant
assistée de Me Christophe SOVRAN-CIBIN, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : T195, avocat plaidant
INTIMÉE
Madame [I] [V] divorcée [V]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Dov GHNASSIA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0431,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente
Mme Odile BLUM, Conseillère
Mme Isabelle REGHI, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Annick MARCINKOWSKI
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure :
Mme [V], à la suite de l'acquisition du fonds de commerce de pharmacie qu'elle a faite le 27 novembre 1987 est devenue locataire d'un local commercial abritant l'officine situé dans l'ensemble commercial Les graviers à [Localité 3] (Val de Marne) appartenant à la Société de gestion immobilière ci-après Sagi ;
Deux entrées principales permettaient traditionnellement d'accéder à ce centre, une par le nord rue Roland Garros et une autre par le sud [Adresse 2], créant une circulation transversale à l'intérieur du centre ; à l'automne 2006, en raison de l'insécurité régnant sur la dalle commerciale, la Sagi a procédé à une opération de renovation du centre et fait installer des grilles d'une hauteur de 2,50 mètres munies de portillons de sécurité destinés à fermer l'entrée sud du centre commercial et supprimer l'aspect traversant, source selon la Sagi, de nuisances ;
Mme [V] a protesté contre cette installation au motif que celle-ci a rendu plus difficiles les conditions d'accès au centre des habitants de la [Adresse 2] et des rues avoisinantes, la privant d'une partie de sa clientèle ;
Mme [V] a, par acte du 19 janvier 2010, assigné la Sagi en indemnisation de la perte de son chiffre d'affaires, de la perte de valeur du fonds et de son préjudice moral.
La Sagi a fait l'objet d'une fusion absorption par la Société nationale immobilier dite Sni à effet du 24 juin 2010 ; celle-ci vient donc aux droits de la Sagi ;
Par jugement du 30 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Créteil a :
- donné acte à la Sni aux droits de la Sagi de son intervention volontaire,
- condamné la Sni à payer à Mme [V] la somme de 100 000 € à titre de dommages intérêts pour perte de chiffre d'affaires,
- condamné la Sni à payer à Mme [V] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- débouté Mme [V] de ses autres demandes,
- condamné la Sni aux dépens.
La société nationale immobilière a interjeté appel du jugement ; elle demande à la cour par conclusions signifiées le 7 octobre 2013 de :
Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Sni à payer à Mme [V] les sommes de 100 000 € à titre de dommages intérêts et 5 000 € (en réalité 2 000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirmer le jugement pour le surplus,
Déclarer Mme [V] irrecevable et mal fondée en ses demandes et l'en débouter,
Condamner Mme [V] à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.
Mme [V], par conclusions signifiées le 1er octobre 2013, demande à la cour de :
Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la fermeture de l'accès par la [Adresse 2] a modifié de façon substantielle l'utilisation des locaux loués qui constitue un des accessoires du bail au sens des dispositions des articles 1719 et 1723 du code civil et en ce qu'il a jugé que Mme [V] était fondée à se prévaloir du préjudice résultant de cette modification, en ce qu'il a condamné la Sni aux dépens et à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,
Infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamner la Sni aux droits de la Sagi à lui verser la somme de 141 928 € à titre de dommages intérêts au titre de la perte de marge générée par la baisse du chiffre d'affaires, pour la période allant d'octobre 2006 à juin 2009,
Condamner la Sni aux droits de la Sagi à lui verser la somme de 219 377 € au titre de la perte subie sur le prix de cession du fonds de commerce en juillet 2009,
Condamner la Sni aux droits de la Sagi à lui verser la somme de 50 000 € au titre de son préjudice moral,
Condamner la Sni aux droits de la Sagi à lui verser la somme de 23 409,08 € au titre du remboursement des intérêts d'emprunts contracté pour faire face à la baisse de son chiffre d'affaires, outre la somme de 6 458,34 € au titre des frais bancaires contractés par Mme [V] suite à des découverts bancaires et incidents de paiements,
Condamner la Sni aux droits de la Sagi à lui verser la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.
SUR CE,
La Sni fait valoir que les locaux loués dépendent d'un ensemble immobilier comportant 7 bâtiments répartis autour d'une dalle sur laquelle se trouvent 3 immeubles R + 10 pour un total de 720 logements, que durant les années 90 et en raison de la montée de l'insécurité, de nombreux commerçants ont donné congé, que la bailleresse a donc envisagé en partenariat avec la ville de [Localité 3], la chambre de commerce et d'industrie et les comités de locataires de procéder à une restructuration des bâtiments, des espaces extérieurs et du centre commercial, que dès l'origine, il a été envisagé de fermer l'accès coté [Adresse 2] afin de supprimer l'aspect traversant de cet espace ; parallèlement, la bailleresse expose avoir fait procéder à la sécurisation des accès des halls d'immeubles et au ravalement des parties communes, à l'amélioration de l'intégration des commerces dans l'espace environnant; elle souligne que certains habitants des rues avoisinantes s'étant plaint de la fermeture de l'accès sud du centre, elle a à la demande du médiateur du parquet de Créteil, envisagé une solution de réouverture qui a été rejetée par les habitants du secteur, que ce n'est que quatre ans après avoir cédé sa pharmacie que Mme [V] a entrepris d'attraire la Sagi en justice ;
Elle soutient qu' elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations dans la mesure où elle n'a cherché qu'à remédier aux problèmes d'insécurité et s'est largement inspirée d'un rapport demandé auprès de la Cci qui rappelle l'attachement des commerçants à la fermeture des espaces, que la concertation qui a eu lieu avec Mme [V] a consisté à réaménager l'ouverture de la pharmacie en l'orientant vers le nord, qu'elle s'est donc conformée à ses obligations de bailleur, que s'agissant de la modification alléguée de la forme de la chose louée, la seule pose de grilles de protection sur un coté de la dalle ne répond pas à un changement substantiel de la forme de la chose louée, qu'il s'agit d'un centre de proximité destiné aux habitants des bâtiments situés sur la dalle elle-même qui n'ont subi aucun changement de leurs habitudes, que les difficultés évoquées des habitants des rues avoisinantes ne constitue pas un trouble grave et anormal et qu'il n'est justifié d'aucune perte de la clientèle, que le constat d'huissier produit par Mme [V] n'est pas probant et est démenti par un autre constat dressé à l'initiative de la Sni qui confirme que le détour pour les habitants de la zone sud est de faible amplitude, que le report de cette clientèle sur la pharmacie concurrente n'est pas établie, la distance à parcourir pour rejoindre cette pharmacie étant plus importante que celle résultant du détour pour rejoindre le centre commercial, qu'aucun manquement du bailleur à une jouissance paisible de sa locataire n'est caractérisée.
Mme [V] soutient au contraire que la bailleresse a imposé la fermeture de la porte principale de la pharmacie, modifié la configuration du centre lui-même par la pose de grilles de sécurité de sorte que l'entrée sud par la [Adresse 2] s'est trouvée condamnée, sans que des portillons durant les horaires d'ouverture des commerces aient été aménagés, qu'il s'agit de modifications substantielles de la chose louée, qui ont affecté négativement la fréquentation de la pharmacie, que la zone de chalandise a été diminuée, ce qui a eu pour effet l'enclavement de la pharmacie, la diminution de son chiffre d'affaires et partant de la valeur du fonds de commerce, constatée lors de la cession en juillet 2009, que l'obligation du bailleur de garantir la jouissance paisible de la chose louée s'applique aux accessoires que sont les parties communes, que les travaux ont modifié l'accessibilité de la pharmacie et contraint les clients à effectuer un trajet plus long ou à changer de pharmacie d'autant que la clientèle en provenance des rues avoisinant la [Adresse 2] était importante, que le constat dressé par l'huissier à la demande de la bailleresse ne prend pas en compte l'intégralité de la zone de chalandise, que la Sagi s'est opposée à la recherche de toute solution amiable comme celle de l'ouverture de portillons, se prévalant de l'opposition des habitants du quartier dont les modalités de consultation ne sont pas transparentes, leur responsable n'étant autre que l'adjoint au maire de [Localité 3], que les recommandations de la Cci n'ont pas été suivies et que l'objectif de sécurité ne saurait permettre au bailleur d'enfreindre ses obligations.
Il résulte d'une étude effectuée en 2002 par la chambre de commerce et d'industrie du Val de Marne citée par les deux parties que le centre commercial des Graviers prend place sur une dalle où sont implantés trois immeubles, que sa particularité est d'être surélevé par rapport à la voirie, ce qui occulte sa visibilité, qu'il se caractérise par une totale inadéquation entre sa capacité d'accueil et le nombre de commerces en activité, puisque sur douze cellules commerciales, six seulement étaient en activité en 2002, le taux de vacance témoignant de la situation de précarité du centre : l'offre alimentaire n'est représentée que par la boulangerie, l'offre en équipement de la personne et de la maison est inexistante, s'y ajoutent un tabac presse et une pharmacie ; la cci notait que la configuration du centre avec la multitude d'accès, la présence de contre allées couvertes, de zones d'ombre crée un environnement hostile et favorise la petite délinquance, ce qui a pour conséquence la fuite des activités commerciales, la désertification du centre par la clientèle de passage puis par celle des immeubles, relevant que la nouvelle population qui s'implante dispose de revenus faibles ; néanmoins, le rapport conclut qu'il existe une clientèle locale notamment pour la pharmacie allant au delà de la rue des Thimonniers, qu'une restructuration du centre s'impose avec ouverture sur la voirie, création d'un linéaire commercial favorisant le parcours d'achat, la mise en place d'un programme de sécurité, l'implantation d'une locomotive alimentaire, la réhabilitation de l'environnement urbain.
L'étude précise que la zone de chalandise du centre s'étend sur un axe nord/sud le long de la RN 6 et s'inscrit dans un isochrone de 5-10 mn à pied, la clientèle étant principalement une clientèle de résidents se déplaçant le plus souvent à pied, et accessoirement en voiture pour les zones les plus éloignées, soit une zone 1 de proximité immédiate s'inscrivant dans un rayon de 300 mètres qui constitue la zone de chalandise principale du centre, et la zone 2 dans un rayon de moins de un km qui constitue la zone secondaire majeure du centre.
C'est dans ce contexte de dégradation progressive du centre commercial que la Sagi a entrepris une opération générale de réhabilitation non seulement du centre mais de l'espace urbain environnant qui a conduit notamment à la pose de grilles de sécurité destinées à interdire toute circulation du sud au nord en empêchant tout accès par la [Adresse 2] située au sud, privilégiant l'accès par le nord [Adresse 3].
La Sni indique elle-même que la Sagi s'est à cette occasion rapprochée de Mme [V] pour lui permettre du fait des modifications apportées à l'accès sud à proximité duquel est implantée la pharmacie, d'orienter la porte principale de son officine en direction du nord, la circulation piétonne s'effectuant désormais du nord au sud en direction de la pharmacie ;
La fermeture de l'accès sud a cependant entraîné une émotion et un mécontentement de la part des habitants du secteur sud qui composent une partie de la clientèle de l'officine et qui avaient l'habitude de se rendre au centre par cet accès ; elle s'est traduite par des pétitions et la saisine du médiateur ;
Vainement la Sni aux droits de la Sagi qui a ainsi modifié l'accès du centre commercial, fut-ce pour en permettre un meilleur attrait pour la population essentiellement locale, prétend elle que ces modifications n'ont pas un caractère substantiel alors que le but recherché était précisément par des solutions d'ampleur de redynamiser un centre devenu peu attractif, voire hostile où l'offre commerciale périclitait en raison de sa configuration et des problèmes de sécurité induits ;
Mme [V] soutient que son préjudice est constitué par la perte de chiffre d'affaires qui était jusqu'en octobre 2006 en constante progression, ce qui représente à compter de cette date en tenant compte d'une progression attendue de 6,5 % une perte de 534 960,10 €, que si les résultats sont néanmoins restés positifs, cela est dû à une compression du personnel passé de 7 personnes en 2006 à 4 personnes en 2009 avant la cession, et d'un recours aux moratoires auprès de son fournisseur de médicaments la société Allianz Healthcare représentant sur une période de deux ans une somme de 379 359,53 €, ce qui a contribué à gonfler artificiellement son résultat, qu'elle n'est parvenue ainsi à se sauver de la faillite que par la cession de son officine effectuée cependant à moindre prix mais qui lui a permis de régler ses dettes accumulées et grâce aux concours bancaires qui ont cependant généré frais et intérêts ; elle souligne que le prix de cession est moindre que celui qu'elle pouvait escompter en raison de l'enclavement de la pharmacie du fait de la pose des grilles d'accès et de la diminution consécutive de l'attrait commercial de celle-ci ; elle estime cette perte de la valeur du fonds à la somme de 219 377 € en se fondant sur la moyenne des coefficients appliqués au dernier chiffre d'affaires ou au coefficient de 8,3 appliqué au dernier excédent brut d'exploitation ;
Mme [V] fait état en outre de ses difficultés à payer les cotisations sociales, ses propres impôts et avoir dû recourir à des emprunts ou des découverts bancaires qui ont entraîné des frais et intérêts dont elle demande le remboursement, sans compter le préjudice moral qu'elle affirme avoir subi du fait de la détérioration de ses conditions d'exploitation ; ces demandes qui ne sont que le complément de celles formées en première instance sont recevables en appel.
Si le chiffre d'affaires de la pharmacie a été de :
1 031 352 € en 2004,
1 100 644 € en 2005
1 171 474 € en 2006
1 160 345 € en 2007
1 112 580 € en 2008,
ce qui représente, après une période de progression de 2004 à 2007, une quasi stagnation en 2007 puis un recul de - 4,2 % en 2008, ces chiffres sont à corréler au départ de certains de ses collaborateurs pharmaciens, dont un est parti à la retraite en juin 2006 et un autre a quitté la pharmacie en janvier 2007 sans qu'il soit démontré que ce dernier départ résulte d'une mesure de compression de personnel consécutive aux difficultés économiques alléguées ; les achats ont eux-mêmes fléchi en 2008 de - 88 075 €, ce que Mme [V] explique non comme une anticipation des difficultés mais comme le résultat des moratoires obtenus auprès de son fournisseur ;
Cependant le recours massif dès 2007 à un endettement de 247 878 € au lieu de 162 839 € en 2006 est sans proportion avec la baisse du chiffre d'affaires constaté à cette période qui n'était que d'à peine - 1% et ne peut donc s'expliquer par celle-ci ;
En outre, et dans les mêmes conditions matérielles concernant la situation de la pharmacie au sein du centre et les possibilités d'accès par la clientèle, le successeur de Mme [V] a obtenu dès la première année de fonctionnement des résultats bien supérieurs (1 213 003 € sur les douze premiers mois et 1 345 997 € l'année suivante) à ceux réalisés en 2007 et 2008 par Mme [V] qui échoue à démontrer que ceux-ci résultent essentiellement de la capacité de son successeur à financer des investissements, du fait du moindre prix payé pour la cession, alors qu'elle convient que le montant des travaux réalisés par son successeur n'a été entre 2009 et 2011 que de 30 567 €, ce qui représente un faible coût rapporté au chiffre d'affaires ; les explications concernant la variation du stock et le nombre de salariés sont par ailleurs inopérantes dès lors que la preuve n'est pas faite par Mme [V] que la propre réduction de son stock ou encore la diminution de son personnel n'est pas davantage en rapport avec la cession envisagée qu'avec les difficultés matérielles alléguées.
La preuve n'est d'ailleurs pas établie que malgré la gêne occasionnée pour les habitants du secteur sud, cette clientèle se soit réellement détournée de l'officine pour se rendre dans une officine concurrente, en l'état des procès verbaux contradictoires et peu probants à cet égard de chacun des huissiers concernant les distances pouvant séparer désormais ces clients de l'officine du centre commercial ;
Enfin, s'agissant de la cession du fonds que Mme [V] indique avoir cédé à moindre prix en raison des conditions d'accès rendues plus difficiles, la démonstration n'est pas davantage faite que le prix de cession résulte des mesures prises par la Sagi en 2006 ; en effet, l'étude de la Chambre de commerce décrivait en 2002 un centre commercial de médiocre commercialité en raison de sa configuration et des problèmes de sécurité induits, soulignant la paupérisation des habitants des immeubles environnants ; Mme [V] indique elle même que la pose des grilles dites de sécurité n'a pas réglé les problèmes de sécurité du centre commercial ;
Mme [V] avait signé une promesse de cession du fonds au prix de 845 000 € avec Mme [H] son assistante et ensuite accepté de réduire ce prix à 780 000 € en janvier 2008 sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt, qui ne s'est pas réalisée ; elle a cédé le fonds en juillet 2009 au prix de 750 000 € ;
Le fait que cette dernière somme représente 67,4 % du montant du dernier chiffre d'affaires précédant la vente et que, selon diverses études, les méthodes de valorisation des fonds tiennent compte de coefficients bien supérieurs pouvant aller jusqu'à 100 % du dernier chiffre d'affaires, ne fait cependant pas la démonstration suffisante, dans le contexte de morosité de la commercialité du centre, que le prix de cession ne résulte que des conditions d'accès à la pharmacie dès lors que dès janvier 2008, Mme [V] avait accepté un prix de 780 000 € représentant alors 67,2% du dernier chiffre d'affaires de 2007 ;
Il s'ensuit que Mme [V] ne fait pas la preuve qui lui incombe que les modifications imposées par la bailleresse qui ont eu pour effet de changer les habitudes de la clientèle venant du sud et qui se déplace à pied, ont eu un impact négatif sur son chiffre d'affaires et partant sur la valeur du fonds ; elle ne peut prétendre davantage dans ces conditions que le recours massif aux emprunts et découverts ou encore l'octroi par son fournisseur de moratoires soit le résultat d'un désintérêt de la clientèle consécutif aux changements ainsi imposés ;
Le seul préjudice dont elle est fondée à obtenir réparation et qui est en lien direct avec les mesures de sécurité prises par la bailleresse résulte du trouble apporté en 2006/2007 dans les conditions d'exploitation, l'ouverture principale de la pharmacie ayant dû être modifiée, ainsi que dans la mise en place de solutions de livraisons pour rassurer la clientèle âgée et ne pouvant se déplacer aussi facilement. Ce préjudice sera suffisamment réparé par l'octroi d'une somme de 50 000 € incluant l'indemnisation du préjudice moral personnellement subi par Mme [V].
La Société nationale immobilière appelante qui succombe en partie supportera les dépens ; il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, la somme allouée par les premiers juges sur ce fondement à Mme [V] étant confirmée.
PAR CES MOTIFS
Reformant le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à la somme allouée à Mme [V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
Condamne la Société nationale immobilière à payer à Mme [V] la somme de 50 000 € à titre de dommages intérêts en réparation de son entier préjudice,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la Société nationale immobilière aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE