RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 11 Décembre 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12208
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 Novembre 2011 par le conseil de prud'hommes d'AUXERRE - section industrie - RG n° 11/00160
APPELANTE
S.A.S. EMBALTECH FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Olivier MOUCHOT, avocat au barreau de PARIS, A0987
INTIMÉ
Monsieur [E] [D]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Bérengère VAILLAU, avocate au barreau d'AUXERRE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Octobre 2013, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Christine ROSTAND, présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Monsieur Jacques BOUDY, conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [E] [D] a été engagé par la SAS Embaltech France par contrat à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2007 en qualité de technicien méthodes moyennant une rémunération annuelle de 28 600 € bruts sur 13 mois.
La convention collective des industries métallurgiques mécaniques et connexe du département de l'Yonne est applicable dans l'entreprise.
L'entreprise comptait plus de dix salariés à la date du licenciement.
M. [D] a été convoqué par lettre remise en main propre datée du 1er juillet 2009 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 juillet suivant avec mise à pied à titre conservatoire.
La SAS Embaltech France saisissait en même temps l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement.
Après enquête, l'inspecteur du travail refusait le 10 septembre 2009 d'autoriser le licenciement.
M. [D] reprenait son travail le 14 septembre 2009.
Il était convoqué le 14 septembre 2009 à un entretien préalable à son licenciement fixé au 21 septembre suivant avec mise à pied conservatoire et licencié pour faute grave par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 24 septembre 2009.
Contestant son licenciement, M. [E] [D] a saisi le conseil de prud'hommes d'Auxerre, qui par jugement du 29 novembre 2011, a condamné la SAS Embaltech France à lui payer les sommes suivantes :
- 4 620 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 462 € au titre des congés payés y afférents
- 1 279,32 à titre de remboursement du salaire correspondant à la mise à pied conservatoire
- 127,93 € au titre des congés payés afférents
- 1 232 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- 13 860 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement abusif (somme nette de CSG et de RDS)
- 1 232 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre du DIF (somme nette de CSG et de RDS)
- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
les intérêts au taux légal courant à compter du 23 février 2011 date de convocation de la défenderesse devant le bureau de conciliation,
a ordonné à la SAS Embaltech France de lui remettre l'attestation Pôle Emploi modifiée,
a débouté M. [E] [D] du surplus de ses demandes, la SAS Embaltech France de sa demande reconventionnelle et condamné celle-ci aux éventuels dépens.
La SAS Embaltech France a régulièrement relevé appel de cette décision par courrier recommandé avec accusé de réception, et à l'audience du 23 octobre 2013, développant oralement ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Auxerre du 29 novembre 2011, et statuant à nouveau, de débouter M. [E] [D] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
M. [E] [D] a repris oralement à l'audience ses écritures visées par le greffier et demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf sur les montants des indemnités allouées au titre du licenciement abusif et de la privation de l'information du droit individuel à la formation, statuant à nouveau, de condamner la société Embaltech France à lui verser les sommes suivantes :
- 27 720 € nets de CSG et et RDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement abusif dont il a été l'objet
- 2 130 € nets de CSG et de RDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre du DIF
- 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
de débouter la SAS Embaltech de l'intégralité de ses demandes et de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
M. [E] [D] était membre élu et secrétaire du CHSCT jusqu'au terme de son mandat qui s'est achevé le 13 février 2009. Il a bénéficié de la protection spécifique lié à son mandat pendant six mois après l'expiration de celui-ci, soit jusqu'au 13 août 2009.
Il lui est reproché aux termes de la lettre de licenciement :
des manquements graves à son obligation générale de loyauté et à son obligation contractuelle de confidentialité
d' avoir mené une opération de « parasitisme » en récupérant le fruit du travail effectué par la société Embaltech France et en le détournant à son profit ainsi qu'à celui de son épouse
d'avoir tenté de détourner la clientèle de l' employeur au profit de son épouse en insérant des mentions trompeuses dans les mots clés de recherche associés au site internet de celle-ci
d'avoir volontairement causé un grand préjudice à l'employeur dans une période particulièrement sensible de lancement de nouveaux produits.
Invoquant les dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail aux termes duquel aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, M. [D] soutient en premier lieu que les faits qui lui sont ainsi reprochés sont prescrits.
Il fait valoir que l'employeur en a eu connaissance à tout le moins le 16 juin 2009, date du procès-verbal de constat fait par huissier de justice qui était joint à la convocation pour la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 10 juillet 2009 saisi pour consultation sur le projet de licenciement, que le délai de prescription de deux mois a été interrompu le 1er juillet 2009 par la lettre de convocation à l'entretien préalable, qu'un nouveau délai de deux mois a alors commencé à courir à partir de cette date, que la prescription a été acquise le 1er septembre 2009, que dès lors, les faits étaient prescrits lorsque la convocation à l'entretien préalable lui a été remise le 14 septembre suivant.
La société Embaltech France lui oppose que le délai d'un mois à compter du jour fixé pour l'entretien préalable dans lequel, selon l'article L.1332-2 du code du travail, le licenciement doit intervenir, ne court pour les salariés protégés qu'à compter du jour de la notification de la décision de l'inspecteur du travail, que licenciement ayant été notifié le 24 septembre 2009, soit dans le mois de la décision de l'inspecteur du travail notifiée le 10 septembre, la procédure est régulière.
La lettre de convocation à l'entretien préalable qui engage la poursuite disciplinaire a interrompu le délai de prescription de deux mois et marque le point de départ d'un nouveau délai de deux mois.
Selon l'article 1332-2 du code du travail, la date fixée pour l'entretien préalable marque le point de départ du délai d'un mois dans lequel la sanction doit intervenir. Toutefois lorsque l'employeur est tenu de recueillir l'autorisation de l'inspecteur du travail pour licencier un salarié protégé, le délai d'un mois pour notifier le licenciement est suspendu pendant la phase d'instruction de l'inspecteur du travail et court à compter du jour où l'employeur a reçu notification de cette autorisation.
En l'occurrence, la décision de refus de l'inspecteur du travail notifiée à la société Embaltech France le 10 septembre 2009 alors que le salarié ne bénéficiait plus du statut protecteur a fait courir le délai d'un mois dans lequel une sanction était susceptible d'intervenir puisque la procédure pouvait se poursuivre sans autorisation administrative.
Le licenciement pour faute grave notifié le 24 septembre 2009 dans le délai d'un mois de la notification de la décision administrative n' est donc pas atteint par la prescription, peu important que l'employeur ait cru nécessaire de procéder à une nouvelle convocation à un entretien préalable.
M. [D] soutient en second lieu que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour être motivé par des faits commis pendant la période de protection et ayant fait l'objet d'un refus d'autorisation de l'inspection du travail.
Il n'est pas contesté que les faits imputés au salarié aux termes de la lettre de licenciement du 24 septembre 2009 concernent la période faisant l'objet d'une protection et que ces faits sont les mêmes que ceux pour lesquels l'inspecteur du travail a refusé le licenciement.
Dans sa décision de refus d'autorisation du licenciement, l'inspecteur du travail reprend en effet chacun des griefs énumérés dans la lettre de licenciement pour conclure que la matérialité des faits n'est pas établie.
Or, si à l'expiration de la période de protection, l'employeur peut licencier un ancien salarié protégé sans avoir à demander l'autorisation de l'inspecteur du travail, c'est à condition que le licenciement ne soit pas prononcé pour des faits antérieurs ayant déjà fait l'objet d'un refus d'autorisation de l'inspecteur du travail.
Cette condition n'étant pas respectée en l'espèce, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement critiqué sera confirmé sur ce point ainsi que sur le montant des rappels de salaires et indemnités de rupture alloués à M. [D].
Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [D], de son âge, de son ancienneté de près de trois années, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 18 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation de l'indemnité réparant le préjudice subi au titre du défaut d'information sur le droit individuel à la formation et sera confirmé sur ce chef de demande.
Il sera encore confirmé en ce qu'il a ordonné la remise de documents sociaux conformes.
La société Embaltech France sera condamnée aux dépens et versera à M. [D] la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME partiellement le jugement,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Embaltech France à verser à M. [D] la somme de 18 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Embaltech France à verser à M. [D] la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société Embaltech France aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE