Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 05 DÉCEMBRE 2013
(n° , 17 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/22419
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 octobre 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - 4ème CHAMBRE - RG n° 2007070728
APPELANTES
Société COMPAGNIE D'ASSURANCE DES HYDROCARBURES CASH SPA Société de droit algérien agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège social
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 8] ALGERIE
Société GBH GROUPEMENT CSM BESSAC/HYDRO TECHNIQUE groupement de droit algérien, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux. Elisant domicile en France chez SAS CSM BESSAC, dont le siège est [Adresse 10]
Ayant son siège social
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 8] ALGERIE
SAS CSM BESSAC agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Ayant son siège social
[Adresse 11]
[Localité 2]
Représentées par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistées de Me Pierre Yves GUERIN, avocat au barreau de , toque : P 276
INTIMÉES
SA GENERALI IARD
Ayant son siège social
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
SAS SDV LOGISTIQUE INTERNATIONALE et chez sa Division Projets Industriels Dont le siège social est [Adresse 8]
Ayant son siège social
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Assistée de Me Sylvie NEIGE, avocat au barreau de PARIS, toque : L 0078
SARL TRANSPORTS LOCATIONS COURCELLE représentée par son Gérant en exercice et tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité
Ayant son siège social
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042
Assistée de Me Cécile CHAPEAU de la SCP MONFERRAN CARRIERE ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE
SA GAN EUROCOURTAGE
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Assistée de Me Jérôme de SENTENAC de la SCP INCE'CO FRANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0132
PARTIES INTERVENANTES
SA HELVETIA ASSURANCES venant aux droits de la société GAN EUROCOURTAGE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Assistée de Me Jérôme de SENTENAC de la SCP INCE'CO FRANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0132
SARL CABINET LEVESQUE représentée par ses dirigeants légaux demeurant en cette qualité audit siège
Ayant son siège social
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Luc COUTURIER de la SELARL HANDS Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L 0061
Assistée de Me Pascal HUCHET de la SCP HUCHET, avocat au barreau du HAVRE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 septembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente chargée d'instruire l'affaire
Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère
Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société CSM Bessac a vendu à la société de droit algérien Groupement CSM Bessac / Hydrotechnique (ci-après GBH) un tunnelier de 150 tonnes destiné à la réalisation d'un dédoublement du collecteur de Oued M.[D] à Alger pour le compte de la Willaya d'Alger.
Ce matériel a été assuré auprès de la Compagnie d'Assurance des Hydrocarbures (ci-après CASH).
Le transport devait se dérouler du site de fabrication de la société CSM Bessac à Saint Jory jusqu'à Alger .
La société CSM Bessac a fait appel à la société SDV Logistique Internationale (ci-après SDV LI), qui est un commissionnaire de transports.
Le transport qui devait être exécuté dans le cadre d'un convoi exceptionnel a été confié à la société Transports et Locations Courcelle, qui avait déjà en 2004 réalisé un transport similaire. La société Transports et Locations Courcelle était assurée auprès de la société Groupama Transport devenue la société Helvetia.
Le tunnelier a été chargé le 10 octobre 2006 sur une remorque choisie par la société Transports et Locations Courcelle à l'aide d'un engin de levage de la société ALDR en présence du cabinet Levesque ; le lendemain, sur la RD 24 à [Localité 10] la remorque et le tunnelier se sont renversés alors que le convoi se trouvait dans un virage de près de 8% de dévers.
Le tunnelier a pu être relevé et a été retourné chez son fabricant ; à l'occasion de ce transport retour, un nouveau sinistre est intervenu sur la remorque lors de la traversée de [Localité 12].
Par ordonnance du 21 décembre 2006, à la requête de la société CASH, M. le Président du tribunal de commerce de Nanterre a désigné M.[E] en qualité d'expert.
Par actes du 10 octobre 2007, les sociétés CSM Bessac, GBH et la Compagnie d'Assurance des hydrocarbures CASH ont saisi le tribunal de commerce de Paris en vue d'obtenir indemnisation des préjudices subis.
Par jugement en date du 25 octobre 2012, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
- joint les causes enrôlées sous les N° 2007070728, 2007072568 et 2010073681
- dit les sociétés CSM Bessac, GBH - Groupement CSM Vessac Hydro Technique et la Compagnie d'Assurance des hydrocarbures CASH (Spa) irrecevables à l'encontre de la société SDV Logistic Internationale.
- écarté la qualification de la société SDV Logistique Internationale en tant que commissionnaire de transports et débouté les parties de toute demande à son encontre,
- écarté le reproche de faute lourde imputée à la société Transports Locationss Courcelle, mais retenu que la responsabilité de cette dernière est engagée à hauteur de 50% dans le sinistre survenu au tunnelier,
- fixé le montant de l'indemnité à verser à la Compagnie d'Assurance des hydrocarbures CASH par la société Transports Locations Courcelle à la somme de 30 000 € pour les dommages matériels et 31 000 € pour les autres dommages,
- condamné la SA Groupama Transports à indemniser la société Transports Locationss Courcelle de ces mêmes montants,
- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société Transports Locationss Courcelle et son assureur aux dépens.
Vu l'appel interjeté le 10 décembre 2012 par les sociétés CSM Bessac, GBH et CASH contre cette décision
Vu les dernières conclusions signifiées le 28 août 2013 par lesquelles les sociétés CSM Bessac, GBH et CASH demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Transports et Locationss Courcelle et Groupama Transport (aujourd'hui Helvetia) de leur fin de non recevoir.
- infirmer le Jugement pour le surplus.
1- Sur la prétendue fin de non recevoir tirée de la clause d'arbitrage/conciliation invoquée par SDV LI et/ou Generali IARD
A titre principal,
et juger toute autre partie au litige autre que SDV LI ou GBH irrecevable à se prévaloir d'une clause de conciliation, et débouter la société Generali IARD de cette exception.
Subsidiairement,
- infirmer le jugement en ce qu'il a refusé de qualifier SDV LI de commissionnaire de transport et la condamner en conséquence.
- dire et juger que l'exception de SDV LI (et Generali), à la supposer fondée, n'est susceptible de s'appliquer que pour ce qui concerne la responsabilité pour faute personnelle de SDV LI vis-à-vis de GBH.
- débouter SDV LI de sa fin de non recevoir au titre de la responsabilité du fait de son
substitué et la condamner en conséquence.
Plus subsidiairement,
- Vu l'article 126 al 2 du code de procédure civile, constater que nonobstant les efforts des concluants qui ont proposé à SDV LI, tous droits et moyens réservés par ailleurs, la mise en 'uvre de la procédure d'arbitrage ou de conciliation dont SDV LI revendiquait ' à tort - l'application, le refus de SDV LI de concilier a perduré sans raison valable. En conséquence, dire et juger de plus fort l'exception irrecevable ou mal fondée
En tout état de cause,
- vu l'article 123 du code de procédure civile, et si par extraordinaire SDV LI et/ou Generali étaient jugées recevables ou fondées en leur fin de non recevoir, les condamner à dommages et intérêts à hauteur des sommes allouées au titre de la responsabilité personnelle de SDV LI et statuer dès lors comme ci-après requis.
2- Sur l'intérêt et la qualité à agir
- dire et juger les demandes de CASH et GBH parfaitement recevables.
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté CSM Bessac.
3- Et sur le fond
- constater que le convoi, parti sans réserve le 10 octobre 2006, s'est renversé le 11 octobre 2006 en plein virage à 8 % sans correction de devers, pris sans préparation adéquate et sans précaution par Courcelle à une allure nettement plus rapide qu'en 2004 ;
- dire et juger que ce renversement ne résulte que d'une série de fautes intervenues en cascade, toutes imputables au transporteur et son équipe, insuffisamment préparés, et dont la principale et la plus grossière est le non respect de la consigne de maintenir horizontal le plateau de la remorque et de ne pas avoir stoppé le convoi pour permettre cette correction avant le virage.
- dire et juger que l'ensemble de ces fautes constitue une faute lourde de Courcelle exclusive de toute limitation de responsabilité.
- infirmer le Jugement en ce qu'il a cru devoir partager les responsabilités entre CSM Bessac et Courcelle
- dire et juger que SDV LI commissionnaire de transport a également engagé sa responsabilité pour faute personnelle ;
- statuer ce que de droit sur la mise en cause par Courcelle du Cabinet Levesque, mise en cause que les concluantes estiment toutefois particulièrement abusive et mal fondée ;
En conséquence,
- condamner in solidum ou l'un à défaut de l'autre Transports et Locations Courcelle, Helvetia aux droits de GAN Eurocourtage elle-même aux droits de Groupama Transport, SDV Logistique Internationale et Generali IARD, à payer en principal :
- à CASH la somme de 1.003.435,51 Euros sauf à parfaire des frais d'expertise
- à GBH la somme de 976.367 Euros (ou subsidiairement 402.624 Euros),
- à CSM BESSAC, une somme de 1 euros à titre de dommages et intérêts sauf à parfaire ;
- dire et juger que toutes sommes allouées en principal seront majorées des intérêts de droit au taux légal à compter de l'assignation du 10 octobre 2007 et ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du Code Civil.
En toute hypothèse
- débouter les intimés de toutes fins et conclusions plus amples ou contraires en ce qu'elles seraient dirigées à l'encontre des concluantes.
- condamner in solidum ou l'un à défaut de l'autre SDV Logistique Internationale, Generali IARD, Transports et Locations Courcelle, et Helvetia à payer aux concluantes une somme de 120 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Les appelantes soutiennent en premier lieu que l'intérêt comme la qualité à agir de CASH, de GBH, mais aussi de CSM Bessac sont parfaitement établis :
- CASH en tant qu'assureur du tunnelier
- GBH en tant que destinataire de la marchandise et titulaire du contrat
- CSM Bessac en sa qualité d'expéditeur,
Les appelantes reprochent au tribunal d'avoir considéré que la société SDV LI avait la qualité de transitaire, alors que celle-ci a reconnu avoir 'agi en qualité de commissionnaire de transport de CSM Bessac, sauf en ce qui concerne le choix de Transport Courcelle'. Elles insistent sur le fait que la propre cotation de SDV LI rappelle que le transport se fait sous sa responsabilité aux conditions du contrat.
Elles exposent que le jugement doit être confirmé s'agissant des prétendues fins de non recevoir de la société Transport Courcelle et de Groupama, mais doit être infirmé sur la seule fin de non recevoir de Generali.
Elles affirment que la clause de conciliation n'avait qu'une portée précaire et limitée à l'égard de SDV LI dès lors que celle-ci ne visait que la seule commande de GBH à SDV LI en sa qualité de commissionnaire.
De surcroît, elles soutiennent que cette clause ne présentait aucun caractère coercitif, était rédigée de manière non impérative, et visait le 'département de la Garonne' qui n'existe pas.
Elles font valoir que les conclusions de l'expert judiciaire, aux termes desquelles les opérations de chargement, de calage et d'arrimage étaient irréprochables, sont sans équivoque.
Elles font valoir que tous les autres griefs des intimés visent les man'uvres soi-disant induites par l'impréparation du seul voiturier avant le chargement, mais ne parviennent pas à démontrer que CSM Bessac, dont les opérations de chargement ne sont pas à l'origine de l'accident, a failli dans sa mission.
Elles affirment que le transporteur a commis une faute lourde, et qu'il est de plein droit responsable de tout événement survenu en cours de transport par application de l'article L133-1 du code de commerce. Elles font valoir que c'est sans pertinence que Helvetia rappelle que le législateur a désormais déplacé le curseur au niveau de la faute inexcusable dès lors que le texte n'était pas applicable à l'époque des faits. Elles soulignent également que celui-ci a seul choisi la remorque, réparti les charges, et fait preuve d'une impréparation manifeste.
Elles indiquent que le rapport d'expert démontre que seule l'hypothèse d'une compensation insuffisante du dévers et de la pente de la chaussée a été à l'origine de l'accident. Elles font valoir que le cumul des fautes de la société Courcelle a été la seule cause certaine et déterminante de l'accident.
Elles exposent que le commissionnaire de transport est 'garant des avaries ou pertes de marchandises et effets', et que sa responsabilité est engagée du fait de ses substitués directs ou indirects ainsi que pour sa faute personnelle.
Vu les dernières conclusions signifiées le 3 septembre 2013 par lesquelles la société Helvetia demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 octobre 2012 en ce qu'il a déclaré irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir, l'action de la société CSM Bessac,
- infirmer ce jugement en ce qu'il n'a pas cru devoir faire droit au cas exonératoire tiré de la faute du chargeur pour écarter toute responsabilité des Transports Courcelle et de leur assureur Helvetia.
Et, statuant à nouveau,
- débouter les sociétés appelantes de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
- confirmer - par adoption de ses motifs ou par motifs propres - le jugement du 25 octobre 2012 en ce qu'il a, à bon droit, jugé que les Transports Courcelle et leur assureur Helvetia pouvaient valablement se prévaloir des limitations légales de responsabilité à hauteur de 122 000 € pour la totalité des préjudices, et en ce qu'il a considéré qu'un partage de responsabilité devait être effectué sur ce montant à hauteur de 50% entre les sociétés requérantes et le transporteur routier.
Très subsidiairement,
- constater que le préjudice n'est justifié qu'à hauteur d'une somme, en principal, de 513.435,51 €, les dommages immatériels liés à un éventuel retard du chantier n'ayant jamais été démontrés.
En tout état de cause,
- dire que la société Helvetia, assureur de responsabilité des Transports Courcelle, ne doit sa garantie qu'à hauteur d'un plafond maximum de 653 435,51 €.
- condamner les sociétés CASH, CSM Bessac, et GBH au paiement d'une somme de 50.000 € au profit de la société Helvetia, très raisonnable compte tenu de la durée des procédures d'expertise, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Helvetia soutient en premier lieu que l'action des appelantes est irrecevable dès lors que celles-ci ne peuvent avoir subi en même temps les préjudices allégués dont elles demandent réparation. Elle expose que les sociétés CSM Bessac et GBH réclament conjointement le paiement à leur profit des préjudices qui n'auraient pas été indemnisés par l'assureur CASH
Subsidiairement, la société Helvetia oppose le caractère mal fondé de l'action des appelantes ; elle fait valoir que les erreurs relevées par l'expert judiciaire quant au mauvais marquage du centre de gravité sur le tunnelier ou le défaut de positionnement du tunnelier sur la remorque ne peuvent qu'engager la responsabilité de CSM Bessac comme l'a retenu à bon droit le Tribunal, et qu'elles constituent un cas exonératoire de responsabilité pour les Transports Courcelle sachant que ces défauts n'étaient pas apparents. Ceci expliquerait qu'aucune réserve n'ait été formulée alors qu'un expert était présent sur les lieux pour vérifier le chargement pour le compte des assureurs de la marchandise.
La société Helvetia soutient également que la société Transport Courcelle n'a commis aucune faute. Elle insiste sur le fait que la remorque utilisée était parfaitement adaptée, que les Transports Courcelle ne sont pas les concepteurs de la remorque, que la capacité de charge avait été respectée, qu'aucun défaut d'entretien n'est à l'origine du sinistre, que le conducteur connaissait parfaitement le trajet, que la correction de devers a été effectuée, et que l'ensemble de l'équipe était conforme aux prescriptions. Dès lors, la société Helvetia expose qu'aucune faute ne saurait être sérieusement reprochée au transporteur dans le cadre des opérations qui lui incombaient.
Très subsidiairement, la société Helvetia invoque les limites légales de responsabilité : elle soutient que l'article 20 du contrat type qui est de plein droit applicable prévoit une limitation de responsabilité de 60 000 € pour les dommages matériels, et de 62.000 € (soit le double du prix du transport) pour les autres dommages. La société Helvetia se prévaut donc d'un plafond de responsabilité à hauteur d'une somme globale de 122 000€.
Par ailleurs, elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a effectué un partage de responsabilité entre le transporteur routier et les requérantes sur le montant de la limitation de responsabilité, dès lors que la société CSM Bessac a commis des fautes dans l'exécution des opérations de chargement qui lui incombaient.
En tout état de cause, elle indique que sa garantie ne peut être engagée qu'à hauteur d'un plafond global et forfaitaire de 763 000 € pour les dommages matériels, sous déduction d'une franchise de 2 000 € ou de 8 000 € en cas de faute lourde, et de 150 000€ avec une franchise de 2 000 € les dommages immatériels.
Vu les dernières conclusions signifiées le 7 août 2013 par lesquelles les sociétés SDV Logistique Internationale et Generali IARD demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté purement et simplement les demandes de CSM Bessac GBH et CASH à l'encontre de SDV LI comme se heurtant à une fin de non-recevoir ;
- dire et juger que SDV LI n'est pas garant des Transport Courcelle ;
- dire et juger que la société SDV LI n'a commis aucune faute personnelle en relation directe avec les dommages ;
- en conséquence débouter purement et simplement les demandeurs de toutes demandes fins et conclusions telles que diligentées à son encontre ;
- les condamner aux entiers dépens et à la somme 15 000 € au titre de l'article 700 CPC,
A titre subsidiaire,
- condamner Courcelle et Groupama Transport à lui régler la somme de 94.770,12€
A titre infiniment subsidiaire :
- condamner Courcelle et Groupama Transport à relever et garantir SDV LI et Generali de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre avec toutes conséquences de droit, entiers dépens et 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés SDV LI et Generali IARD soutiennent que l'action principale se heurte à une fin de non recevoir.
Elles font valoir qu'en cas de litige, une tentative de réglement amiable était prévue dans la commande du 12 juillet 2006 et que celle-ci s'impose au juge.
Elles soutiennent que l'action des demandeurs diligentée à l'encontre de SDV LI est mal fondée ; elles font valoir que la société SDV LI n'est pas garante de Courcelle dès lors que SDV LI n'avait pas la qualité de commissionnaire de transport s'agissant du choix de Courcelle, et qu'elle n'a commis aucune faute personnelle. Elles insistent sur le fait que le sinistre a été provoqué par une erreur humaine totalement imprévisible pour elle comme pour la société CSM Bessac.
Sur la garantie de Courcelle et Groupama Transport, les sociétés SDB LI et Groupama Transport indiquent que, si par extraordinaire SDV LI était qualifiée de commissionnaire de transport, elle devrait être relevée et garantie par Courcelle et Groupama Transport dans la mesure de la responsabilité qui serait imputée à Courcelle qu'il y ait ou non faute lourde.
Vu les dernières conclusions signifiées le 7 mai 2013 par lesquelles la société Transports Locations Courcelle demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'irrecevabilité de la demande de la société CSM Bessac
- la recevoir en son appel incident
- réformer le jugement sur les autres dispositions et statuant à nouveau
- constater que la société SDV LI est commissionnaire de transport et responsable de plein droit
- dire et juger qu'aucune faute ne peut lui être reprochée
A titre subsidiaire,
- dire et juger qu'elle est en droit de limiter sa responsabilité à hauteur de 60 000€ pour les dommages et intérêts et de 62 000€ pour les autres dommages, aucune faute lourde ne pouvant lui être imputée
- condamner la société Helvetia venant aux droits de la société Groupama Transports à la relever et à la garantir
- condamner la société SDV LI à la relever et à a garantir de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge
En toutes hypothèses,
- condamner la société Cabinet Levesque à la relever et à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa chargement
- condamner toute partie succombante à lui régler la somme de 30 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La société Transports Locations Courcelle soutient que la société SDV LI est intervenue en qualité de commissionnaire et que, pour sa part elle n'a pas commis de faute lourd ; elle expose qu'elle a pris les précaution nécessaires, conformément aux préconisations du constructeur de la remorque, que son chauffeur connaissait parfaitement l'itinéraire, ayant réalisé un précédent transport de tunnelier et que , si la correction du devers a été insuffisante, elle a néanmoins était réalisée de sorte qu'elle est fondée à bénéficier des limitations de garantie.
Elle fait observer que les opérations de chargement dont le positionnement du tunnelier sur la remorque incombaient à l'expéditeur.
Vu les dernières conclusions signifiées le 6 août 2013 par lesquelles la société Cabinet Levesque demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de condamner la société Transports Courcelle à lui payer la somme de 30 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens .
La société Cabinet Levesque fait valoir qu'elle n'avait reçu aucune mission de son donneur d'ordre, la société CASH, de s'immiscer dans l'opération de chargement du tunnelier, ni d'en assurer la validation ou la vérification de sa conformité et que sa mission était de veiller à la préservation de l'intégrité de la marchandise lors des ruptures de charge et en particulier au départ de l'usine de la société CSM Bessac ; elle fait valoir qu'elle a été tenue à l'écart de la préparation et de la réalisation de la logistique du transport;
Elle affirme que le caractère tout à fait délimité de sa mission ressort de la tarification de ses prestations.
Elle ajoute que les conclusions de l'expert mettent en évidence les fautes de la société Transports et Locations Courcelle dans l'accident.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile
MOTIFS
Sur la recevabilité des sociétés CASH , GBH et CSM Bessac
Considérant que les sociétés CASH, GBH et CSM Bessac soutiennent que leur intérêt comme leur qualité à agir sont parfaitement établis en ce que :
la société CASH est l'assureur du tunnelier
la société GBH est le destinataire de la marchandise et titulaire du contrat
la société CSM Bessac est l'expéditeur;
Considérant que la société Helvetia fait valoir, d'une part, que la société CSM Bessac et la société GBH ne sauraient demander conjointement le paiement à leur profit des préjudices qui n'auraient pas été indemnisés par la société CASH, d'autre part, que la société GBH a été indemnisée de tous les préjudices dont elle a justifié pour un montant supérieur à celui de la franchise soit 100 000€; qu'elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société CSM Bessac.
Considérant que la recevabilité des sociétés CASH et GBH n'est plus contestée;
Considérant que la société CSM Bessac se plaint du préjudice résultant de ce qu'elle a dû en sa qualité d'expéditeur assister aux opérations d'expertise et répondre aux griefs formulés à son encontre; que, bien que n'étant pas l'assurée, sa responsabilité pouvait être mise en cause en sa qualité d'expéditeur de sorte qu'elle a qualité à intervenir dans la cause ne serait-ce qu'au titre des frais de procédure et de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la société GBH, destinataire de la marchandise et titulaire du contrat d'assurance, a été indemnisée à hauteur de 1 003 435,51€ et a gardé à sa charge une franchise de 100 000€ de sorte qu'elle a qualité et intérêt à agir ;
Considérant en conséquence que les sociétés GBH et CSM Bessac ont chacune qualité et intérêt à agir; qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de déclarer recevable la société CSM Bessac.
Sur la qualité de la société SDV Logistique International
Considérant que les sociétés GBH et CSM Bessac et leur assureur font valoir que c'est à tord que les premiers juges ont dit que la société SDV LI était intervenue comme transitaire alors même que dès son dire n°2 à l'expert elle avait reconnu avoir « agi en qualité de commissionnaire de transport de CSM Bessac sauf en ce qui concerne le choix de Transports Courcelle » ;
Considérant que la société Transports et Locations Courcelle affirme que la société SDV LI est intervenue en qualité de commissionnaire, indiquant que la société GBH lui a passé commande du transport du tunnelier selon un marché N°202/2005 du 12 juillet 2006 de [Localité 11] ;
Considérant que le commissionnaire a pour tâche d'organiser le transport d'un bout à l'autre alors que le transitaire n'intervient généralement que lors d'une rupture de charge pour faire passer la marchandise d'un moyen de transport à un autre ;
Considérant que la société SDV LI soutient qu'elle n'avait pas la qualité de commissionnaire de transport dans la mesure où le choix du transporteur n'est pas son fait mais celui de la société CSM Bessac, qu'ainsi elle n'apparait pas en cette qualité sur la lettre de voiture ; qu'elle ne conteste pas sa qualité de commissionnaire pour le reste du transport ;
Considérant que l'absence de la société SDV LI dans les locaux de la société CSM Bessac lors du chargement du tunnelier sur la remorque du transporteur explique qu'elle ne figure pas davantage sur la lettre de voiture, ce qui ne saurait avoir d'incidence sur sa qualification de son intervention et le fait qu'elle a pu choisir le transporteur ;
Que, pour démontrer son affirmation quant au choix du transporteur par la société CSM Bessac et non par elle, la société SDV LI fait état de courriels dont il résulte, selon elle, que la société CSM Bessac aurait négocié le prix du transport directement avec la société Transports et Locations Courcelle ;
Que, si la société CSM Bessac a, par un courriel en date du 3 novembre 2005, écrit à la société SDV « il faut relancer Courcelle sur une hypothèse de livraison en CIF ou DDU », il convient de relever que ce courriel est adressé à la société SDV LI, qui est son commissionnaire habituel et qu'il ne traduit donc pas une relation directe de la société CSM Bessac avec le transporteur, puisqu'elle demande, au contraire, à la société SDV LI d'intervenir ; que la société CSM Bessac a, par un courriel du 21 avril 2006, écrit à la société SDV LI « prix ST Jory/Blagnac : je consulte [Q] (dirigeant de la société Transports et Locations Courcelle) moi-même »; qu'il s'agit à nouveau d'un courrier adressé par la société CSM Bessac à son commissionnaire, par lequel elle lui indique s'informer du prix du transport terrestre directement auprès du transporteur; qu'il ne peut en être déduit qu'elle aurait elle-même négocié ce prix ;
Considérant que l'article L132.9 du code de commerce dispose que la lettre de voiture « indique le nom et le domicile du commissionnaire par l'entremise duquel le transport s'opère s'il y en a un »; que pour autant il ne s'agit pas d'une obligation, de sorte que l'absence d'indication ne démontre pas que la société SDV ne serait pas intervenue comme commissionnaire ;
Considérant que, sur le contrat passé entre la société GBH et la société SDV LI , il a été stipulé que la mission de la société SDV LI était « FOT usine CSM [Localité 9] de Saint Jory » ce qui signifie « Free on truck »ou « depuis sur camion », la société SDV LI estimant que, de par cette mention, la mission du transporteur ne débutait qu'après le chargement du camion ;
Considérant que si, en exécution de cette clause, la société CSM Bessac s'est occupé du levage du tunnelier à Saint Jory, de son chargement et de son saisissage sur le véhicule de la société Transports et Locations Courcelle, il convient de relever qu'aux termes du contrat type les opérations de chargement relèvent du donneur d'ordre, de sorte que cette clause n'a fait que reprendre des dispositions impératives ; que dès lors la société SDV LI ne saurait trouver dans cette clause la démonstration qu'elle-même ne serait intervenue qu'après le choix par la société CSM Bessac du transporteur ;
Que la commande disposait « lors de l'étude de votre offre vous avez tenu compte de toutes les sujétions liées au caractère particulier des matériels à transporter, conformément aux plans de colisage ci-joint,
les prix s'entendent :
incluant frais d'études, suivi, voyages , supervision, coordination , réservation des prestations maritimes » ; qu'il résulte de cette commande que la société SDV LI avait en charge l'organisation de l'ensemble du transport et qu'elle ne se voyait imposer aucun choix quant au transporteur, quand bien même la société Transports et Locations Courcelle avait déjà réalisé une telle opération dans le passé et que la société CSM Bessac pouvait être favorable à ce qu'elle réalise la suivante ;
Que la société SDV LI avait pour obligation de fournir la liste de ses sous traitants avant le chargement ce qui aurait permis de vérifier ses dires quant à la société Transports et Locations Courcelle alors que l'expert relève qu'elle n'a jamais transmis celle-ci ;
Que de plus elle a reçu une offre de cotation de la société Transports et Locations Courcelle dès le 26 avril 2006 et que des échanges sont intervenus sur ce point entre elles; qu'elle ne justifie pas avoir été en relation avec un autre transporteur auquel elle aurait envisagé de faire appel ; que, de plus, elle a assisté seule à toutes les réunions préparatoires, antérieures au chargement du tunnelier alors que la société Transports et Locations Courcelle en était absente ce qui démontre qu'elle était bien chargée d'organiser le transport depuis les locaux de la société CSM Bessac et qu'elle intervenait comme commissionnaire ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la commande confiée à la société SDV LI a porté sur l'acheminement du tunnelier de son lieu de fabrication à Saint Jory jusqu'en Algérie, étant seulement stipulé que le transport terrestre intervenait « free on truck » , sans que cette clause est d'incidence sur la mission globale confiée par la société GBH à la société SDV LI, celle-ci comprenant le choix du transporteur chargé de réaliser le transport terrestre à partir de de Saint Jory, la société SDV LI ne rapportant pas la preuve que l'expéditeur se serait immiscé dans ce choix, de sorte que la société SDV LI doit être qualifiée de commissionnaire et qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris.
Sur la fin de non recevoir tirée de l'existence d'une clause de conciliation préalable
Considérant que la société SDV LI et son assureur, la société Groupama font valoir qu'une tentative de règlement amiable était prévue dans la commande du 12 juillet 2006 et devait donc être suivie par les demanderesses, avant d'engager une instance devant la juridiction compétente ; qu'elle ajoute que, dès lors que cette instance était engagée, elle ne pouvait pas être régularisée par une proposition de mise en oeuvre de cette procédure;
Considérant que les sociétés CASH, CSM Bessac et la société GBH font valoir que cette clause vise la seule commande de la société GBH à la société SDV LI en sa qualité de commissionnaire et non une commande de la société SDV LI auprès de ses substitués et encore moins l'exécution défectueuse du contrat de transport par le voiturier.
Considérant que la clause arbitrage stipule : « Si, au cours des travaux ou après leur achèvement, des difficultés étaient soulevés à propos d'une clause quelconque de cette commande sans qu'aucune solution puisse être trouvée à l'amiable, l'affaire serait soumise à un arbitrage unique (') ou à défaut à une commission d'arbitrage composée d'autant de membres que de parties. Les décisions arrêtées par cette commission devront intervenir dans un délai de 3 mois après la date à laquelle elle a été saisie. La non acceptation par l'une ou l'autre des parties signifiera son intention d'engager l'instance devant la juridiction du département de la Garonne (France) » ;
Considérant que la clause en cause figure dans la commande passée par la société GBH à la société SDV LI ; qu'elle est donc inopposable aux parties qui ne l'ont pas signée, quant bien même elle fait référence « à une commission d'arbitrage composée d'autant de membres que de parties » ;
Que la société Generali, assureur de la société SDV IL qui n'a procédé à aucun règlement et qui n'est pas subrogée dans les droits de son assuré , ne saurait se prévaloir de cette clause, n'étant pas partie au contrat ;
Considérant que cette clause vise le seul contrat passé entre la société GBH et la société SDV LI en sa qualité de commissionnaire et ne saurait être étendue aux commandes passées par celui-ci auprès de ses substitués; qu'elle ne saurait donc s'appliquer en cas de recherche de la responsabilité de la société SDV LI du fait de son substitué.
Que la responsabilité personnelle de la société SDV LI étant invoquée à titre subsidiaire, cette clause ne pourrait que s'appliquer sur ce point ;
Considérant toutefois que cette clause ne comporte aucun terme coercitif de sorte qu'elle ne constituait qu'une possibilité ouverte aux parties; que, de plus, elle renvoie en cas d'échec de la conciliation à une juridiction inexistante de sorte qu'elle était en toute hypothèse inapplicable ;
Considérant qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de rejeter la demande de la société SDV LI tendant à l'application de cette clause.
Sur la responsabilité
Considérant que les premiers juges ont retenu des fautes respectives de l'expéditeur, la société CSM Bessac et du transporteur, la société Transports et Locations Courcelle et un partage de responsabilité ;
Considérant que la société Helvetia, assureur de la société Transport et Locations Courcelle prétend que l'expert n'a pas déterminé les causes précises de l'accident et que les seules erreurs, dont il fait la démonstration, sont relatives au chargement à savoir un marquage erroné du centre de gravité sur le tunnelier et un mauvais positionnement de celui-ci sur la remorque, opérations qui relevaient de la responsabilité de l'expéditeur ;
Considérant que la société CSM Bessac et la société GBH font valoir que le positionnement du tunnelier sur la remorque nécessitait d'élaborer un calcul de répartition des charges en fonction, d'une part, des dimensions et des masses du tunnelier, d'autre part, de la composition de la remorque dont seul le transporteur avait connaissance ;
Considérant que le contrat type « masses indivisibles », d'application impérative, auquel les parties avaient d'ailleurs prévu de soumettre leurs obligations respectives, dispose que « le chargement , la calage et l'arrimage de la marchandise sont exécutés par le donneur d'ordre ou par son représentant sous sa responsabilité.
Le transporteur fournit au donneur d'ordres toutes indications en vue d'une répartition équilibrée de la marchandise propre à assurer la stabilité du véhicule et le respect de la charge maximale par essieu. Il vérifie que le chargement, le calage ou l'arrimage ne compromettent pas la sécurité de la circulation...
Le transporteur procède avant le départ à la reconnaissance extérieure du chargement du point de vue de la conservation des marchandises » ;
Considérant que la société CSM Bessac avait conclu un contrat de levage avec la société ALDR afin qu'elle réalise le chargement du tunnelier sur la remorque ; qu'il résulte du contrat type que cette opération, bien que confiée à un tiers, s'est déroulée dans ses locaux et sous son contrôle; qu'était également présent un expert de la société Cabinet Levesque ; qu'il en résulte que la société CSM Bessac a exécuté ses obligations et pour cela a fait appel à des professionnels ;
Considérant que l'expert ne met pas en cause le calcul du centre de gravité du tunnelier réalisé par la société CSM Bessac , faisant observer, d'une part, que la société Transports et Locations Courcelle n'a pas utilisé la remorque présentée à l'administration, d'autre part que « le nombre d'essieux choisis et leur capacité unitaire ne permettait pas à la remorque de respecter à la fois la limite de charge à l'essieu réglementaire fixé à 12.000KG et la méthode de positionnement du centre de gravité de la charge préconisée par le constructeur »; qu'en conséquence le positionnement du tunnelier n'a pas été conditionné par le calcul préalable de son centre de gravité tel que déterminé par la société CSM Bessac mais par la configuration de la remorque et la nécessité d'équilibrer la charge sur les essieux lors même de son chargement ;
Que la société Levesque a établi un rapport relatant les opérations de chargement, indiquant notamment que « le tunnelier avait été posé une première fois sur le véhicule puis sur requête de la société Transports et Locations Courcelle déplacé à nouveau pour correspondre à ses exigences de transport et notamment de répartition de charges »;
Considérant que l'expert a conclu à « l'entière conformité du calage réalisé par GBH/CSM Bessac au but recherché et son exclusion formelle des causes à l'origine de l'accident du tunnelier le 11 octobre 2006 »;
Considérant que l'expert relate que la méthode empirique utilisée pour le chargement, consistant à apprécier visuellement l'écrasement des pneus entre l'avant et l'arrière de la remorque, a été jugée suffisante par les opérateurs alors même qu « 'il subsistait encore 50% d'écart entre les pressions dans les vérins hydrauliques avant et arrière » et qu'il « aurait suffi aux Transports Courcelle de lire les manomètres situés à l'arrière de la remorque pour apprécier ce déséquilibre »; qu'il en résulte que la société Transports et Locations Courcelle a manqué manifestement à son obligation de contrôler la sécurité du chargement dès le départ du convoi ;
Considérant que la société CSM Bessac fait aussi valoir que l'expert a conclu à l'inadaptation de la remorque utilisée par la société Transports et Locations Courcelle ;
Que l'expert a examiné la remorque constituée le 10 octobre 2006 pour transporter le tunnelier sous 14 aspects différents pour conclure à son inadaptation ;
Que la société Transports et Locations Courcelle fait observer que sa remorque était plus sécurisée que celle utilisée en 2004 en ce qu'elle comportait 15 essieux soit un de plus, ce qui favorisait la répartition de la charge ; que l'expert mentionne qu'il résulte des pièces versées par la société Transports et Locations Courcelle qu'elle a effectué deux autres transports de tunneliers avec des remorques qui présentaient des caractéristiques différentes, retenant en conséquence qu'il existait d'autres configurations possibles que celle utilisée pour le transport en cause et que, « quelles que soient les difficultés rencontrées sur le trajet nécessitant une modification d'assiette, la remorque contribuait à rehausser de façon néfaste à la stabilité le centre de gravité de la charge d'environ 1190 mm en permanence par rapport au sol » ;
Que l'expert relève également l'inadaptation des matériels équipant le convoi en ce qu'il ne permettait pas de procéder à des corrections lorsque le véhicule était en marche, fût-ce à allure réduite ;
Qu'il a ainsi constaté que « les manomètres sont les seuls instruments de mesure équipant le poste de réglage bien que s'agissant d'apprécier l'horizontabilité de la remorque, la présence d'un simple niveau à bulle installé à la hauteur de ses yeux permettrait à l'opérateur d'être rassuré quant à la réussite de ses opérations de correction » ;
Qu'il ajoute concernant cette surveillance qui devait être réalisée et permettre des ajustements en cas de dévers « Cette opération s'avère totalement impossible s'agissant de surveiller deux manomètres dont la lecture exige d'être face aux cadrans, à 70 cm de hauteur, en position accroupie, en marchant, une main sur la manette du réglage et l'autre tenant la radio " ;
Que concernant le poste de pilotage l'expert relève que « Le conducteur ne possédait aucune information chiffrée de la valeur du dévers affronté, ni de la valeur de celui que son collègue a réussi à compenser à l'arrière. Il n'a connaissance de ce que son collègue veut bien lui relater par la liaison radio . Pendant tout ce temps, il continue à avancer à faible vitesse comptant sur la réactivité de son collègue pour que tout se passe bien » ;
Qu'il constate que « le chauffeur n'a aucune capacité d'action autre que celle consistant à stopper son convoi à la demande de son collègue '..Encore faut-il que son collègue situé derrière le convoi et non visible se manifeste clairement par radio »;
Que l'expert conclut que la remorque était particulièrement inadaptée au transport litigieux et l'équipe constituée de deux personnes comme insuffisante au regard de la complexité et de la difficulté des tâches à accomplir pour franchir le dévers existant au lieu de l'accident ;
Que si la société Transports et Locations Courcelle n'est ni le concepteur, ni le constructeur de la remorque, elle en est l'utilisatrice; qu'ayant reçu la tâche de réaliser un transport exceptionnel portant sur un matériel dont elle connaissait les spécificités et les difficultés du transport, il lui appartenait d'adapter sa conduite au matériel utilisé de sorte qu'en l'espèce il lui appartenait d'arrêter totalement le convoi afin de procéder aux ajustements nécessaires à la configuration des lieux ;
Considérant que, concernant les circonstances mêmes de l'accident, l'expert a organisé une visite sur le site, a entendu les deux seuls témoins présents lors du sinistre, à savoir les deux salariés de la société Transport et Locations Courcelle et a, au vu de leurs contradictions, vérifié ses conclusions par l'examen des disques du chronotachygraphe ;
Que la société Transport et Locations Courcelle fait valoir que le binôme, composé du chauffeur et d'un suiveur, était expérimenté, son chauffeur, salarié depuis 20 ans, connaissant parfaitement le trajet et ayant d'ailleurs réalisé sans problème le même transport de 2004 et qu'il correspondait aux exigences préconisées par le constructeur ; qu'elle affirmait que le suiveur était en place, puisqu'il avait procédé à une correction du devers qui avait seulement été insuffisante; qu'il s'agit d'une affirmation nullement vérifiée par l'expert qui, au contraire, après avoir réalisé des calculs, conclut que « La torsion du plateau de la remorque s'est propagée sous le tunnelier à cause de la rupture des chaînes latérales de saisissage qui ont cédé, du côté droit sous l'effort de la tension induit par le décentrage de charge , lui-même résultant d'un devers initial non compensé .La torsion du plateau a provoqué un devers additionnel '.provoquant le basculement de l'ensemble du tunnelier et de sa remorque .. » ;
Considérant que la société CSM Bessac fait observer que le convoi s'est renversé en plein virage à 8 %, pris sans préparation adéquate et sans précaution par la société Transports et Locations Courcelle, à une allure nettement plus rapide qu'en 2004 à l'occasion d'un transport identique, de sorte que que le transporteur n'a pas respecté la consigne du fabriquant de la remorque qui était de maintenir horizontal le plateau de celle-ci et n'a pas stoppé le convoi pour permettre cette correction avant le virage ;
Considérant que l'expert indique que « l'accident s'est produit alors que le convoi circulait de façon certaine à moins 6,5km/ tout en n'étant pas complètement arrêté selon les déclarations de M.[S] » (le chauffeur) et qu'« au maximum 12 secondes séparent le passage du convoi de la position de circulation à cette vitesse à la position renversée » ; qu'il conclut qu'il n'y a pas eu de phase de roulage à allure très réduite à l'approche du virage, ni d'arrêt total du convoi à 40 ou 50 mètres de l'entrée de celui-ci de sorte qu'il n'y a jamais eu de temps suffisant pour une coordination entre MM.[S] et [M] pour permettre à ce dernier d'effectuer la correction d'assiette avant l'accident; que l'expert exclut définitivement l'hypothèse d'une présence de M.[M] comme piéton aux commandes du système de correction d'assiette au moment où débute le basculement du convoi ;
Considérant que la faute lourde est constituée par une négligence grossière d'une extrême gravité assimilable au dol, démontrant l'inaptitude du transporteur à accomplir la mission contractuelle qu'il a acceptée ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société Transports et Locations Courcelle a manifestement commis des fautes dans l'exécution de la mission de transport qui lui a été confiée, à savoir l'absence de vérification du chargement au départ et une omission de s'arrêter avant d'aborder un virage, alors qu'elle ne pouvait ignorer que seul un arrêt lui aurait permis de vérifier l'équilibre de son chargement : que, pour autant ces fautes relèvent de négligences caractérisées mais ne sauraient être qualifiées de faute lourde ;
Considérant en revanche qu'il n'est relevé aucune faute de la société Bessac dans les opérations qui lui incombaient ; qu'il y a lieu de retenir la seule responsabilité du transporteur et de réformer le jugement en ce qu'il a procédé à un partage par moitié de responsabilité entre les sociétés CSM Bessac et Transports et Locations Courcelle ;
Considérant, comme l'a jugé le tribunal, que la société Transports et Locations Courcelle est fondée à se prévaloir des limitations de garantie.
Considérant que l'article 20 du contrat type prévoit des limitations de garantie, soit 60 000€ au titre des dommages matériels et 62 000€ au titre des autres dommages.
Considérant que les assureurs ont versé une somme de 1 003 436€ dont ;
413 436€ au titre des opérations de sauvetage et de réexpédition
590 000€ au titre des pertes d'exploitation;
Qu'au titre des préjudices de la société GBH, l'expert les chiffre à 513.435,51€ en ce qui concerne le préjudice matériel et à 840 234,00€ en ce qui concerne les pertes d'exploitation.
Qu'il y a lieu en application des limitations de responsabilité de condamner le commissionnaire et son assureur à payer la somme de 122 000€ à la société CASH et de condamner la société Transports et Locations Courcelle et son assureur à les garantir et les relever de cette condamnation.
Sur l'existence d'une faute personnelle de la société SDV LI
Considérant que les sociétés CSM Bessac et GBH soutiennent que la faute personnelle de la société SDV LI consiste à n'avoir pas donné à son cocontractant les prestations de suivi, d'études et de coordination telles que visées dans l'offre de transport et qu'elle a manqué à son devoir général de conseil et d'information ;
Considérant qu'il résulte de l'expertise que l'accident résulte des seules fautes de la société CSM Bessac ;
Qu'en conséquence il n'est pas démontré de faute autre qui aurait été commise par la société SDV LI qui aurait été en relation directe avec celui-ci.
Considérant qu'il y a lieu de débouter les sociétés CSM Bessac et GBH et leur assureur de leur demande à ce titre et de ne retenir la responsabilité de la société SDV LI que du fait de son substitué la société Transports et Locations Courcelle ; que dès lors la société SDV LI est fondée à se prévaloir des limitations de responsabilité.
Sur la mise en cause de la société Cabinet Levesque
Qu'il résulte des pièces produites que l'assureur de la société GBH a désigné le cabinet Levesque qui est spécialisé en matière de prévention des risques de transport afin de contrôler les différentes opérations ; que les caractéristiques du tunnelier ont été communiquéess à ce cabinet le 5 avril 2006 soit plus de trois mois avant le contrat passé avec la société SDV LI ; que d'ailleurs le 13 juin 2006 le cabinet Levesque s'est adressé la société GBH afin d'avoir les « instructions relatives au transport, calage et arrimage et manutention » et non à la société SDV LI ;
Que la cour ne retient aucune faute à l'encontre de la société CSM Bessac dans la réalisation des opérations qui lui incombaient ; qu'il s'ensuit qu'aucune faute ne saurait être retenue à l'encontre de la société Levesque qui n'avait pas à vérifier la bonne exécution de ses tâches par le transporteur.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que les sociétés SDV Logistique International, General IARD, Transports et Locations Courcelle et Helvetia ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge , qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a
. déclaré irrecevable la société CSM Bessac
. écarté la qualification de commissionnaire de la société SDV LI
. dit y avoir lieu à un partage de responsabilité entre la société CSM Bessac et la société Transports et Locations Courcelle
et statuant à nouveau
DECLARE recevable la société CSM Bessac
DIT que la société SDV Logistique International a la qualité de commissionnaire de transport
CONDAMNE in solidum la société SDV Logistique International et la société Generali IARD à payer à la société CASH la somme de 122 000€ avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil
CONDAMNE la société Transports et Locations Courcelle et la société Groupama Transports à relever et garantir la société SDV Logistique International et la société Generali IARD des condamnations prononcées à leur encontre
REJETTE toute autre demande, fin ou conclusion
CONDAMNE in solidum les sociétés SDV Logistique International, Generali IARD, Transports et Locations Courcelle et Helvetia à payer la somme de 10 000€ à la société CASH de au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE in solidum les sociétés SDV Logistique International, Generali IARD, Transports et Locations Courcelle et Helvetia aux dépens y compris les frais d'expertise et dit que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
Le GreffierLa Présidente
E.DAMAREYC.PERRIN