Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRET DU 05 DECEMBRE 2013
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/13275
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juin 2012 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 10/06330
APPELANTES
SAS POLE ILE DE FRANCE IMMOBILIER & FACILITIES (P.I.I.F) anciennement dénommée VISUAL ILE DE FRANCE agissant en la personne de son Président
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046, avocat postulant
Représentée par Me Frédéric-Guillaume LAPREVOTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P461, avocat plaidant
SNC VISUAL agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant
Représentée par Me Annie GULMEZ, avocat au barreau de MEAUX, avocat plaidant
INTIME
SYNDICAT GENERAL DES TRANSPORTS CENTRE FRANCILIEN C.F.D.T.
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Henri-José LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0469, avocat postulant et plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 31 octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Nicolas BONNAL, Président
Madame Martine CANTAT, Conseiller
Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
MINISTERE PUBLIC :
Représenté lors des débats par Monsieur Patrick HENRIOT, qui a fait connaître son avis
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .
**********
Statuant sur les appels formés par la SNC VISUAL et par la SAS POLE ILE DE FRANCE IMMOBILIER AND FACILITIES (PIIF) d'un jugement rendu, le 11 juin 2012, par le tribunal de grande instance d'Evry qui a :
-déclaré recevable l'action du Syndicat Général des transports Centre Franciliens CFDT,
-déclaré inopposable aux salariés concernés la location-gérance du 17 mars 2006 par laquelle la société VISUAL ILE DE FRANCE, devenue la SAS POLE ILE DE FRANCE IMMOBILIER AND FACILITIES (PIIF), a confié l'exploitation de son fonds de commerce de transport de voyageurs à la société VISUAL uniquement en ce qu'elle les a privés de leur droit à participation sur les résultats bénéficiaires de la société VISUAL ILE DE FRANCE, devenue la société PIIF, pour l'exercice 2006, sans remise en cause des autres effets de la location gérance qui subsistent,
-ordonné à la SAS PIIF de constituer la réserve de participation pour l'année 2006, d'en calculer le montant et de le répartir entre les salariés employés au cours de l'exercice,
-dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
-débouté le Syndicat Général des transports Centre Franciliens CFDT de sa demande de dommages et intérêts,
-condamné, in solidum, la SAS PIIF et la SNC VISUAL à verser au Syndicat Général des transports Centre Franciliens CFDT la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens';
Vu les dernières conclusions, signifiées le 26 juin 2013, de la SNC VISUAL qui demande à la Cour'de':
*à titre principal':
-infirmer le jugement,
-déclarer irrecevable l'action du Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT,
-condamner le Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner le Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP FISSELIER et ASSOCIES, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
*à titre subsidiaire':
-débouter le Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT de l'ensemble de ses demandes,
*à titre infiniment subsidiaire':
-réduire le montant des dommages et intérêts accordés au Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT,
-réduire le montant de l'indemnité accordée au Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT, au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Vu les dernières conclusions, déposées le 29 juillet 2013, par le Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT qui demande à la Cour'de :
*à titre principal':
-confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré inopposable aux salariés de VISUAL (ex VISUAL SUD), anciennement salariés de PIIF (ex VISUAL ILE DE FRANCE), la location-gérance conclue entre ces deux sociétés,
-infirmer le jugement et dire que, par suite de cette inopposabilité, la substitution légale de la société VISUAL SUD à la société VISUAL ILE DE FRANCE, renommée PIIF, n'a pu s'opérer et que cette dernière doit donc être réputée avoir conservé la qualité d'employeur des salariés dont le contrat était en cours,
-ordonner à la SAS PIIF de constituer une réserve de participation avec toutes les conséquences de droit,
-rejeter l'ensemble des demandes des deux sociétés,
-condamner solidairement les deux sociétés à lui payer la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice causé aux salariés de l'entreprise par leurs man'uvres frauduleuses,
-condamner, in solidum, les deux sociétés à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
*à titre subsidiaire':
-juger ladite location-gérance inopposable aux salariés que lesdites sociétés se sont abstenues d'informer, directement et par le truchement de leurs représentants élus jusqu'au 30 janvier 2008';
Vu les dernières conclusions, signifiées le 13 février 2013, de la SAS POLE ILE DE FRANCE IMMOBILIER ET FACILITIES (P.I.I.F) qui demande à la Cour'de :
*à titre principal':
-infirmer le jugement,
-déclarer le Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT dépourvu de droit à agir et irrecevable en ses demandes,
-condamner le Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner le Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP NABOUDET-HATET, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
*à titre subsidiaire':
-constater l'absence de tout droit à participation des salariés au titre des bénéfices qu'elle a réalisés au cours de l'exercice clôturé le 31 décembre 2006,
-constater l'absence de toute man'uvre frauduleuse,
-rejeter comme mal fondées l'intégralité des demandes du Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT ;
SUR CE, LA COUR :
FAITS ET PROCEDURE
La société VISUAL ILE DE FRANCE, dénommée POLE ILE DE FRANCE IMMOBILIER AND FACILITIES (PIIF) à partir du mois d'avril 2007, qui exploitait un fonds de commerce de transport en commun de voyageurs à la demande, a signé, le 3 mai 2005 avec un tiers, une promesse de vente portant sur un bien immobilier lui appartenant à [Adresse 4], moyennant le prix de 5.447.370 euros hors taxes, qui constituait son siège social, un dépôt et les ateliers de son parc automobile.'La signature de l'acte authentique, initialement prévue au plus tard le 30 décembre 2005, a eu lieu le 21 décembre 2006, soit une dizaine de jours avant la clôture de l'exercice 2006. Alors qu'elle n'avait, jusque là, pas dégagé de résultats bénéficiaires, elle a présenté un résultat bénéficiaire de 4.010.180 euros, à la clôture de cet exercice.
Quelques mois auparavant, elle a également donné son fonds de commerce en location-gérance, suivant contrat du 17 mars 2006 avec effet au 1er mars 2006, à la société VISUAL SUD, dénommée VISUAL à partir de ce même mois.
La SAS PIIF et la SNC VISUAL font partie du groupe TRANSDEV, devenu VEOLIA- TRANSDEV.
Le Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT a fait assigner les sociétés PIIF et VISUAL devant le tribunal de grande instance d'Evry en constitution d'une réserve de participation, au profit des salariés sur les bénéfices réalisés au cours de l'exercice 2006, et répartition de son montant entre les salariés employés au cours de cet exercice, sur le fondement des articles L.2132-3, L.3322-1 et R.3326-1 du code du travail et de l'article 1167 du code civil.
Par jugement, en date du 11 juin 2012, le tribunal de grande instance d'Evry a déclaré recevable l'action du Syndicat Général des transports Centre Franciliens CFDT, a déclaré inopposable aux salariés concernés la location-gérance du 17 mars 2006, mais uniquement en ce qu'elle les a privés de leur droit à participation sur les résultats bénéficiaires de l'exercice 2006 de la société VISUAL ILE DE FRANCE, sans remise en cause des autres effets de la location gérance qui subsistent, et a ordonné à la SAS PIIF de constituer la réserve de participation pour l'année 2006, d'en calculer le montant et de le répartir entre les salariés employés au cours de l'exercice.
La SNC VISUAL et la SAS PIIF sont appelantes.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'action du Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT
Considérant que l'article L.2132-3 du code du travail, invoqué par le Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT, prévoit que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent';
Que le Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT vise à la constitution d'une réserve de participation pour l'exercice 2006 et à la répartition de son montant entre l'ensemble des salariés et non à la constitution de droits déterminés au profit de salariés nommément désignés'; qu'ainsi, l'objectif poursuivi par ce syndicat est la défense d'un intérêt de nature collective et non de situations particulières';
Que, par ailleurs, l'absence de réserve de participation, instituée «'collectivement'»' par l'article L.3322-1 du code du travail au profit des salariés, cause nécessairement un préjudice direct à l'intérêt collectif de la profession que ce syndicat représente';
Considérant que l'article L.3326-2 du code du travail, invoqué par la SNC VISUAL, prévoit que des astreintes peuvent être prononcées par le juge judiciaire contre les entreprises qui n'exécutent pas les obligations qui leur incombent en matière de participation'et que les salariés de l'entreprise et le procureur de la République ont seuls qualité pour agir ;
Que ces dispositions, qui restreignent le nombre de personnes ayant qualité pour agir uniquement en ce qui concerne les demandes tendant au prononcé d'astreintes, sont inapplicables en l'espèce, le Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT ne sollicitant aucune astreinte';
Considérant que l'article 1167 du code civil, invoqué par Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT devant le tribunal de grande instance, et toujours contesté par la SNC VISUAL, prévoit que les créanciers peuvent en leur nom personnel attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits';
Que le Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT reconnaissant dans ses écritures que les conditions de l'action paulienne ne sont pas réunies, ce moyen est devenu sans objet';
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déclarer recevable l'action du Syndicat Général des transports Centre Francilien CFDT, sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail';
Qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point';
Sur l'inopposabilité aux salariés de la location-gérance et la constitution de la réserve de participation pour l'année 2006
Considérant que le syndicat, qui n'avait en première instance demandé que l'inopposabilité partielle du contrat de location-gérance en ce qu'il avait privé les salariés de leur droit à participation,'demande à la Cour de réformer le jugement et de dire que, par suite de cette inopposabilité, la substitution légale de la société VISUAL SUD à la société VISUAL ILE DE FRANCE, renommée PIIF, n'a pu s'opérer et que cette dernière doit donc être réputée avoir conservé la qualité d'employeur des salariés dont le contrat était en cours';
Que cette demande nouvelle ne peut être accueillie en cause d'appel';
Qu'il y a lieu de débouter le syndicat de cette demande';
Considérant que le tribunal de grande instance, dans sa décision du 11 juin 2012, a, avec précision, examiné les prétentions des parties et analysé les différentes pièces produites par celles-ci au regard, notamment, des dispositions des articles L.2323-19, L.3322-1, L.3323-5, L.3326-1 et L.3326-2 du code du travail';
Qu'il a, par des motifs pertinents, considéré que la location-gérance avait été conclue en fraude des droits des salariés à la participation aux résultats de l'entreprise pour l'année 2006 et, qu'en conséquence, elle était inopposable aux salariés en cette matière, mais sans remise en cause de ses autres effets, lesquels subsistaient ;
Qu'il a également considéré, par des motifs tout aussi pertinents, qu'il incombait à la SAS PIIF de constituer la réserve de participation pour l'année considérée, d'en calculer la montant et de la répartir entre les salariés, sans astreinte ;
Qu'il y a lieu de confirmer purement et simplement le jugement déféré sur ces points, par motifs adoptés';
Qu'il y a lieu de débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes';
Sur les dommages et intérêts
Considérant que le syndicat sollicite la condamnation solidaire des deux sociétés à lui payer la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice causé aux salariés de l'entreprise par leurs man'uvres frauduleuses, sur le fondement de l'article L2132-3 du code du travail';
Que la location-gérance du 17 mars 2006, par laquelle la société VISUAL ILE DE FRANCE (qui deviendra en 2007 la société PIIF) a confié l'exploitation de son fonds de commerce de transport de voyageurs à la société VISUAL SUD, a eu pour objet de priver l'ensemble des salariés de la société VISUAL ILE DE FRANCE qui les employait de leur droit à participation aux résultats bénéficiaires de l'année 2006, en les séparant de celle-ci';
Qu'une telle violation des droits des salariés en matière de participation, à laquelle ont participé les deux sociétés dans la cause, porte manifestement atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le Syndicat Général des transports Centre Franciliens CFDT';
Qu'il y a lieu de condamner, in solidum, les deux sociétés au paiement au Syndicat Général des transports Centre Franciliens CFDT de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail';
Qu'il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce point';
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant qu'il y a lieu de condamner, in solidum, la SAS PIIF et la SNC VISUAL à verser au Syndicat Général des transports Centre Franciliens CFDT au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 3.000 euros pour la procédure de première instance et de 3.500 euros pour la procédure d'appel';
Qu'il y a également lieu de condamner, in solidum, la SAS PIIF et la SNC VISUAL aux entiers dépens';
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté le Syndicat Général des transports Centre Franciliens CFDT de sa demande de dommages et intérêts,
Le réformant de ce chef et y ajoutant
Condamne, in solidum, la SAS POLE ILE DE FRANCE IMMOBILIER AND FACILITIES (PIIF) et la SNC VISUAL à verser au Syndicat Général des transports Centre Franciliens CFDT la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice causé aux salariés de l'entreprise par leurs man'uvres frauduleuses, sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail,
Condamne, in solidum, la SAS POLE ILE DE FRANCE IMMOBILIER AND FACILITIES (PIIF) et la SNC VISUAL à verser au Syndicat Général des transports Centre Franciliens CFDT la somme de 3.500 euros pour la procédure d'appel'au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes les autres demandes,
Condamne, in solidum, la SAS PIIF et la SNC VISUAL aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT