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04/12/2013 | FRANCE | N°12/08037

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 04 décembre 2013, 12/08037


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 04 Décembre 2013



(n° , 12 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08037



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 Juin 2012 par le conseil de prud'hommes d'EVRY - section encadrement - RG n° 12/00097



APPELANT

Monsieur [K] [M]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 3]

comparant en personne



INTIM

ÉE

S.A.S. FAURECIA SIÈGES D'AUTOMOBILES

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Bruno COURTINE, avocat au barreau de PARIS, J094 substitué par Me Virgile PUYAU, avocat au barreau de PARIS, J014

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 04 Décembre 2013

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08037

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 Juin 2012 par le conseil de prud'hommes d'EVRY - section encadrement - RG n° 12/00097

APPELANT

Monsieur [K] [M]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 3]

comparant en personne

INTIMÉE

S.A.S. FAURECIA SIÈGES D'AUTOMOBILES

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Bruno COURTINE, avocat au barreau de PARIS, J094 substitué par Me Virgile PUYAU, avocat au barreau de PARIS, J014

PARTIE INTERVENANTE

S.A.S. ADECCO

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me François VACCARO, avocat au barreau de TOURS substitué par Me Pauline LOISEAU, avocate au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 octobre 2013, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat de mission en date du 19 septembre 2005, M. [K] [M] a été mis à la disposition de la SAS Faurecia par la SAS ADECCO.

Ses fonctions étaient définies comme responsable de recouvrement et il était convenu un salaire mensuel brut de 3076,92 € pour 159,25 heures de travail.

Ce contrat a fait l'objet de renouvellements ou d'avenants jusqu'au 28 février 2006.

Si le premier contrat mentionnait que le recours à un travailleur intérimaire était justifié par un accroissement temporaire d'activité, le second comportait comme motivation le remplacement de Madame [I] [E], responsable recouvrement export, en raison de l'absence de celle-ci.

De nouveaux contrats de mission ont été convenus avec M. [K] [M] à compter du 22 mai au 2 juin 2006 , puis du 22 juin au 7 juillet 2006.

Il s'agissait de procéder au remplacement de Madame [B], responsable recouvrement clients France, en congé de maladie.

Le salaire convenu était également de 3076,92 € pour un horaire mensuel de 159,25 heures.

Par la suite, M. [K] [M] a été embauché par la SAS Faurecia, en vertu d'un contrat à durée indéterminée, à compter du 21 août 2006, en qualité de responsable recouvrement export et moyennant un salaire mensuel brut de 3 538,46 € sur 13 mois.

Ce contrat précisait que l'ancienneté du salarié remontait à la date du 21 mai 2006 et qu'il était prévu une période d'essai d'une durée de trois mois, renouvelable.

Par lettre remise en main propre le 20 novembre 2006 mais dont le salarié n'a pas donné décharge, l'employeur a fait connaître à M. [K] [M] sa volonté de renouveler sa période d'essai pour une nouvelle période de trois mois, débutant le 21 novembre.

Il lui demandait de bien vouloir lui confirmer son accord.

Cependant, par lettre du 21 novembre 2006, M. [K] [M] a indiqué à l'employeur qu'il estimait que la période d'essai prévue dans son contrat de travail était abusive puisqu'il avait déjà travaillé pour lui du 19 septembre 2005 au 28 février 2006 puis du 21 mai au 7 juillet 2006.

Il refusait donc d'accepter le renouvellement de la période d'essai.

Dès lors, par message électronique en date du 21 novembre 2006, doublée d'une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, l'employeur a fait connaître à M. [K] [M] qu'il procédait à la rupture de la période d'essai.

Considérant notamment que cette rupture devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, M. [K] [M] a saisi le conseil de prud'hommes d'Étampes en vue de se voir allouer diverses sommes.

Toutefois, un protocole transactionnel a été établi aux termes duquel la SAS Faurecia s'engageait à verser à M. [K] [M] une somme totale de 25 000 € en réparation de ses différents préjudices et à titre de dommages et intérêts.

Ce protocole a été signé par M. [K] [M] le 27 avril 2007.

Dès lors, par jugement en date du 21 septembre 2007, le conseil de prud'hommes a constaté le désistement de M. [K] [M].

Cependant, le 31 janvier 2011, M. [K] [M] a sollicité le conseil de prud'hommes d'Évry en vue du « réenrôlement » de l'affaire.

Après une décision de caducité en date du 21 juin 2011 et ayant donné lieu à un relevé de caducité, le conseil de prud'hommes d'Évry a débouté M. [K] [M] de la totalité de ses demandes, par jugement en date du 11 juin 2012.

Celui-ci en a interjeté appel par déclaration enregistrée au greffe le 31 juillet 2012.

En cause d'appel, M. [K] [M] sollicite en premier lieu la requalification du contrat d'intérim du 19 septembre 2005 en contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation en conséquence de la SAS Faurecia à lui payer les sommes suivantes :

- 3 076,92 € à titre d'indemnité de requalification

- 9 230,76 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 9 230,76 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 923,07 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente

- 710,46 € à titre d'indemnité compensatrice de 13ème mois prorata temporis et 71,04 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente

En second lieu, il demande la requalification en contrat à durée indéterminée du contrat de mission du 3 octobre 2005 et en conséquence, la condamnation de la SAS Faurecia à lui payer les sommes suivantes :

- 3 076,92 € à titre d'indemnité de requalification

- 9 230,76 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 9 230,76 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 923,07 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente

- 710,46 € à titre d'indemnité de treizième mois prorata temporis et 71,04 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente

- 3 091,20 € à titre de paiement d'heures supplémentaires

- 734,16 € à titre d'indemnité compensatrice au titre des repos compensateurs qu'il n'a pas été mis en mesure de prendre

- 1 800 € à titre de dommages-intérêts en raison de l'absence d'information par l'employeur de l'existence de ces repos compensateurs

En troisième lieu, M. [K] [M] conclut à l'existence d'un contrat à durée indéterminée en raison du fait que le contrat de mission du 3 octobre 2005 aurait été prolongé de façon irrégulière et il réclame en conséquence la condamnation de la SAS Faurecia à lui payer les sommes suivantes :

- 3 076,92 € à titre d'indemnité de requalification

- 9 230,76 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 9 230,76 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 923,07 € au titre des congés payés afférents

- 710,46 € à titre d'indemnité compensatrice de 13ème mois prorata temporis et 71,04 € au titre des congés payés afférents

En quatrième lieu, il conclut également à la requalification en contrat à durée indéterminée du contrat de mission du 22 mai au 2 juin 2005 et en conséquence, il sollicite la condamnation de la SAS Faurecia à lui payer les sommes suivantes :

- 3 076,92 € à titre d'indemnité de requalification

- 9 230,76 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 9 230,76 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 923,07 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente

- 710,46 € à titre d'indemnité compensatrice de 13ème mois prorata temporis et 71,04 € au titre des congés payés afférents

- 2 600,65 € au titre des heures supplémentaires exécutées

- 405,72 € à titre d'indemnité compensatrice pour les repos compensateurs qu'il n'a pas été mis en mesure de prendre

- 1 800 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l'absence d'information par l'employeur de l'existence de ces repos compensateurs

En cinquième lieu, M. [K] [M] sollicite la requalification en contrat à durée indéterminée du contrat de mission du 21 juin au 7 juillet 2006 et il demande en conséquence la condamnation de la SAS Faurecia à lui payer les sommes suivantes :

- 3 076,92 € à titre d'indemnité de requalification

- 9 230,76 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 9 230,76 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 923,07 € au titre des congés payés afférents

- 710,46 € à titre d'indemnité compensatrice de 13e mois prorata temporis et 71,04 € au titre des congés payés afférents

M. [K] [M] conclut également à la nullité du protocole transactionnel et demande qu'il soit constaté que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée était fondée sur des faits de discrimination de sorte qu'il sollicite la condamnation de la SAS Faurecia à procéder à sa réintégration dans un délai d'un mois et ce, sous astreinte.

À titre subsidiaire, il sollicite sa condamnation à lui verser les sommes suivantes :

- 10 615,38 € pour défaut de respect de la procédure de licenciement

- 10 615,38 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1061,53 € au titre des congés payés afférents

- 1 769,23 € à titre d'indemnité compensatrice de 13ème mois et 176,92 € au titre des congés payés afférents

- 1 964,60 € à titre de rappel d'indemnité compensatrice de fin de mission d'intérim

- 792,21 € à titre d'indemnité de licenciement

- 299 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 10 615,38 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

- 1 538,46 € à titre de dommages et intérêts pour visite médicale d'aptitude à l'embauche tardive

- 3 392,50 € au titre des heures supplémentaires

- 644 € à titre d'indemnité compensatrice en raison des repos compensateurs qui ne lui ont pas été accordés

- 1 700 € à titre de dommages et intérêts en raison de l'absence d'information par l'employeur sur l'existence de ces repos compensateurs

Sollicitant enfin le bénéfice des intérêt au taux légal à compter de l'introduction des demandes, M. [K] [M] demande aussi la condamnation de la SAS Faurecia à rectifier les différents documents administratifs et sociaux sous astreinte ainsi qu'à lui verser les sommes de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de transaction et de première instance et de 3 500 €, sur le même fondement, au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

Ayant fait assigner par ailleurs la SAS ADECCO en intervention forcée, il sollicite sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :

- 2 117,94 € à titre de différentiel de salaire entre celui perçu par Mme [E] en septembre 2005 et celui qui lui a été proposé

- 5 776,05 € au titre du différentiel de salaire entre celui perçu par Mme [E] en septembre 2005 et celui qui lui a été proposé, au titre des trois indemnités compensatrices de préavis se rapportant aux requalifications des contrats d'intérim en contrat à durée indéterminée

- 6 153,84 € à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche,

le tout avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction des demandes.

Il demande enfin la condamnation de la SAS ADECCO à procéder à la rectification des différents documents administratifs et sociaux sous astreinte ainsi qu'à lui payer la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

De son côté, la SAS Faurecia conclut à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes d'Évry ainsi qu'à la condamnation de M. [K] [M] à lui payer la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour sa part, la SAS ADECCO conclut à l'irrecevabilité des demandes dirigées contre elle en cause d'appel.

Elle oppose également la prescription de ces demandes en ce qui concerne les contrats de mission conclus entre le 19 septembre 2005 et le 16 juillet 2006.

Subsidiairement, elle conclut au rejet de l'ensemble des demandes formées à son encontre ainsi qu'à la condamnation de M. [K] [M] à lui payer la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes dirigées contre la SAS ADECCO

Il résulte de l'article 555 du code de procédure civile que l'intervention forcée d'un tiers qui n'était pas partie au litige en première instance n'est possible qu'en cas de d'évolution du litige.

L'évolution du litige qui justifie ainsi l'intervention forcée d'un tiers en cause d'appel suppose la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant alors les données juridiques du litige.

Il suffit de constater que dans le cas présent, l'appelant ne justifie pas de circonstances particulières, nées postérieurement à la procédure de première instance et qui seraient donc de nature à justifier l'appel en cause de la SAS ADECCO.

Dans ces conditions, les demandes formées contre cette dernière sont irrecevables.

Il n'apparaît néanmoins pas inéquitable de laisser à la charge de celle-ci les sommes qu'elle a exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens.

Sur le protocole transactionnel

Pour conclure à l'irrecevabilité des différentes demandes formées à son encontre, la SAS Faurecia invoque l'autorité de chose jugée qui s'attache à la transaction signée le 12 mai 2007, en application de l'article 2052 du code civil.

Cependant, alors que M. [K] [M] fait remarquer que ce protocole transactionnel portait uniquement sur la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, il convient en effet d'en apprécier la portée, indépendamment des causes de nullité invoquée par ailleurs par l'appelant.

En effet, selon l'article 2049 du code civil, les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.

Or, le préambule du protocole transactionnel rappelle que M. [K] [M] avait été engagé à compter du 21 août 2006 par contrat à durée indéterminée, qu'à la suite de la proposition qui lui avait été faite, le 20 novembre 2006, de renouveler la période d'essai, celui-ci avait refusé de sorte que la SAS Faurecia avait décidé de mettre fin à la période d'essai.

Il y est encore rappelé que « contestant la régularité de la rupture de son contrat de travail, M.[M] a saisi, le 14 décembre 2006, le conseil de prud'hommes d'Étampes afin d'obtenir réparation de ses différents préjudices au titre de demandes s'élevant à environ 56 000 €. ».

Le protocole transactionnel résume ensuite les moyens et arguments des parties dont il résulte que ceux-ci ne concernaient que les conditions dans lesquelles le contrat à durée indéterminée ayant pris effet le 21 août 2006 avait été rompu et les conséquences de cette rupture.

Alors qu'il n'est jamais question dans l'ensemble de ce protocole transactionnel que de ce contrat, l'une des clauses de celui-ci prévoit la renonciation par les parties à toute contestation née ou à naître, à toute instance et toute action à caractère judiciaire ou autre trouvant directement ou indirectement son origine dans la conclusion, l'exécution ou la fin de contrat de travail susvisé.

Il en résulte donc clairement que la portée de cette transaction ne concerne que ce contrat et que par conséquent, les différentes demandes formées aujourd'hui par M. [K] [M] et trouvant leur origine dans les différents contrats de mission, souscrits antérieurement, sont recevables.

Sur la validité du protocole transactionnel, M. [K] [M] invoque en premier lieu l'absence de concessions réciproques mais il suffit de constater qu'aux termes de cette transaction, l'employeur s'était engagé à lui verser la somme de 25 000 € ce qui, compte tenu de son salaire, soit 3 538,46 € et compte tenu de son ancienneté, ne peut être considéré comme une concession dérisoire de la part de l'employeur, quand bien même l'on retiendrait le raisonnement du salarié consistant à dire que son ancienneté totalisait environ 12 mois, en prenant en considération les missions d'intérim qu'il avait effectuées auparavant et le délai de préavis.

En second lieu, M. [K] [M] fait valoir que la SAS Faurecia a exercé sur son conseil un abus de pouvoir de direction alors qu'il avait été congédié le 21 novembre 2006 et sans que le contrat de travail ait été préalablement rompu.

Il en veut pour preuve des messages électroniques du mois d'avril 2006 mais il apparaît qu'en réalité, ces messages électroniques ont été échangés bien après la rupture du contrat de travail, non pas en 2006 mais en 2007.

L'appelant invoque en troisième lieu, l'existence d'un dol qui aurait vicié son consentement, en l'espèce, la circonstance que la SAS Faurecia lui aurait dissimulé la preuve d'une discrimination salariale puisqu'il ignorait le montant du salaire perçu par Mme [E] qui était la personne qu'il avait remplacée pendant la période du 19 septembre 2005 au 28 février 2006.

Mais alors qu'il lui appartient de rapporter l'existence d'un dol, M. [K] [M] ne produit aucun élément en ce sens et ce d'autant moins, qu'il n'apparaît nullement qu'à l'époque du protocole transactionnel la question d'une discrimination salariale ait été évoquée de quelque façon que ce soit.

En toute hypothèse, la SAS Faurecia démontre qu'à l'évidence, il n'existait aucune discrimination salariale.

En effet, alors qu'au titre de ses missions d'intérim, M. [K] [M] était rémunéré à hauteur de 3 076,92 €, Mme [E], qui était titulaire quant à elle un contrat de travail à durée indéterminée, n'était rémunérée qu'à hauteur de 3 462 € en septembre 2005 et 3 549 € en août 2006.

Il existait certes une différence de salaire mais celle-ci était amplement justifiée par l'ancienneté importante de cette salariée, qui avait été embauché en septembre 2000 et par la circonstance qu'elle était soumise à un forfait annuel en jours, sans décompte horaire.

Surtout, il est établi que dès lors qu'il a été embauché par contrat à durée indéterminée, M. [K] [M], au contraire, était rémunéré à hauteur de 3 539 €, c'est-à-dire 10 € de moins seulement que la salariée qu'il remplaçait.

En quatrième lieu, M. [K] [M] invoque, pour conclure à la nullité de la transaction, une erreur inexcusable.

Il explique qu'en effet, la fin de la période d'essai abusivement imposée étant fixée au 20 novembre 2006, le salarié ayant quitté l'entreprise le 21 novembre 2006 et la rupture étant intervenue postérieurement au 27 novembre 2006 la mention dans le protocole d'accord que la rupture serait intervenue pendant la période d'essai « subreptice » rend inéluctable la nullité de ce protocole.

Mais, aux termes de l'article 2053 du code civil, une transaction ne peut être annulée que lorsqu'il y a erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation.

En l'espèce, il n'est pas contestable qu'indépendamment des mentions factuelles de l'acte de transaction qu'il considère comme erronées, il n'apparaît en aucune façon que M. [K] [M] se serait mépris sur l'étendue de ses droits ni sur l'objet de la transaction.

En cinquième lieu, M. [K] [M] invoque un vice de violence.

Mais, pour le caractériser, il se borne à invoquer la circonstance que dans le cadre des négociations ayant abouti à la signature du protocole transactionnel, l'intimée a constamment modifié les projets de ce protocole, en proposant sans cesse de nouvelles versions, ce qui relève à l'évidence non pas d'une violence quelconque mais au contraire de l'essence même de la négociation.

Rappelant qu'en cas de licenciement, la transaction ne peut être valablement conclue avant la réception par le salarié de la lettre de licenciement, date à laquelle il acquiert la connaissance effective des motifs de son licenciement, M. [K] [M] fait valoir en sixième lieu qu'en l'absence de lettre de licenciement, la transaction ne peut qu'être annulée.

Mais, cette règle découle de la règle générale qu'une transaction n'est valable que si elle est conclue postérieurement à la rupture définitive du contrat de travail.

Ce n'est donc que dans l'hypothèse d'un licenciement, que la transaction ne peut être convenue avant la réception par le salarié de la lettre de licenciement.

Bien entendu, lorsque la rupture du contrat de travail a, comme en l'espèce, une autre origine, cette condition ne peut être imposée, l'essentiel étant que la transaction ne soit convenue que postérieurement à la rupture définitive du contrat.

M. [K] [M] soutient encore que la transaction masquait un licenciement illicite, discriminatoire, fondé sur la race, le traitement inégalitaire au regard de la période d'essai et de la convention de forfait jours.

Mais, à supposer que M. [K] [M] ait bien été victime des pratiques qu'il dénonce, celles-ci ne seraient aucunement de nature à justifier l'annulation de la transaction ou à la rendre inefficace.

Il suffit en effet de rappeler qu'aux termes mêmes de la transaction, M. [K] [M] a renoncé expressément « à contester la régularité et les motifs de la rupture de son contrat de travail intervenu pendant la période d'essai et à toute contestation et réclamation amiable et/ou judiciaire à l'encontre de la société, liées tant à la conclusion, l'exécution qu'à la rupture de son contrat de travail ».

En d'autres termes, non seulement les griefs susvisés que M. [K] [M] invoque aujourd'hui ne sont pas de nature à remettre en cause la transaction mais au contraire, celle-ci a justement pour effet, notamment, de lui interdire de se fonder sur eux pour former de nouvelles demandes.

Il résulte donc de tout ceci que l'ensemble des demandes ayant trait tant à l'exécution qu'à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée convenu le 27 août 2006 sont irrecevables.

Sur la requalification des contrats de mission

Selon l'article L 1251-40 du code du travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L 1251-5 à L 1251-7, L 1251-10 à L 1251-12, L 1251-30 et L 1251-35 du même code, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondants à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Or, il résulte de l'article L 1251-35 que le contrat de mission ne peut être renouvelé qu'une seule fois lorsque celui-ci a été conclu pour un terme précis.

En l'espèce, étant observé que la SAS Faurecia ne s'explique en aucune façon sur les différentes demandes de M. [K] [M] tendant à la requalification des contrats de mission et ne fournit aucune pièce justificative, de quelque nature que ce soit, il peut être déduit de celles qui sont versées par l'appelant, certes parcellaires, qu'un premier contrat de mission avait été signé le 19 septembre 2005 avec comme terme précis le 30 septembre suivant, celui ci pouvant être reporté jusqu'au 4 octobre 2005, comme le permet la loi.

Qu'un avenant de prolongation a été établi à compter du 3 octobre 2005 jusqu'au 31 octobre suivant.

M. [K] [M] produit aux débats un avenant de prolongation n°2 à effet du 5 décembre 2005 et un avenant de prolongation n°3 à effet du 2 janvier 2006.

Ces seules constatations suffisent à caractériser l'inobservation de l'article L 1251-35 du code du travail, ce qui entraîne par voie de conséquence la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée qui prend effet à la date du premier contrat.

Il en résulte que les contrats successifs ultérieurs relèvent de la même relation de travail à durée indéterminée.

Il n'y a donc pas lieu, contrairement à ce que réclame l'appelant, de procéder à autant de requalifications en contrats à durée indéterminée qu'il y a eu de contrats successifs ou d'avenants de contrat de mission.

Le contrat, réputé à durée indéterminée, a pris fin le 28 février 2006, date à compter de laquelle l'employeur a cessé de fournir du travail au salarié, celui-ci n'établissant pas, ni ne prétendant par ailleurs, qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur au-delà de cette date.

La rupture du contrat de travail, imputable à l'employeur, doit donc produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Il est donc dû au salarié les sommes suivantes :

- une indemnité de requalification, par application de l'article L 1251-41, égale au moins à un mois de salaire, soit en l'espèce 3 076,92 €

- une indemnité compensatrice de préavis qui, par application de l'article L 1234-1 du code du travail, en l'absence d'invocation d'une convention ou d'un accord collectif contraire, sera d'un montant équivalent à un mois de salaire, compte tenu de l'ancienneté du salarié, soit la somme de 3 076,92 €, outre les congés payés afférents

- une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse qui doit être évaluée en fonction du préjudice subi, lequel en l'espèce, sera fixé à l'équivalent de deux mois de salaire compte tenu notamment de ce que le salarié a bénéficié d'un nouveau contrat de mission moins de trois mois plus tard et de ce qu'il ne justifie pas de sa situation entre temps, soit la somme de 6 153,84 €

Il apparaît que par la suite, M. [K] [M] a bénéficié d'un contrat de mission le 22 mai 2006 jusqu'au 2 juin 2006.

Il était précisé que celui-ci avait pour objet de remplacer Mme [B], responsable recouvrement, en raison de son absence.

Un autre contrat de mission a été établi quelque jours plus tard le 21 juin 2006 jusqu'au 7 juillet 2006, pour un motif identique.

M. [K] [M] conclut à la requalification du premier de ces deux contrats d'intérim au motif d'une part, qu'il ne lui aurait pas été transmis dans le délai de deux jours prévus par l'article L 1251-17 du code du travail et d'autre part, qu'il était prévu une période d'essai irrégulière dans la mesure où l'employeur aurait dû tenir compte d'une reprise d'ancienneté au 19 septembre 2005.

Mais ces deux irrégularités, à les supposer établies, ne sont pas de nature à justifier la requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée, au regard de l'article L 1241-40 du code du travail.

S'agissant du second contrat, c'est-à-dire celui du 21 juin 2006, M. [K] [M] affirme sans être démenti et sans que la preuve contraire soit rapportée, que celui-ci ne comportait pas sa signature puisqu'il ne lui avait été adressé que trop tard.

Or, un contrat de mission qui ne comporte pas la signature du salarié ne peut être considéré comme ayant été établi par écrit de sorte que les dispositions impératives, d'ordre public, de l'article L 1251-16 du code du travail sont réputées ne pas avoir été respectées et dans ces conditions, il ne peut qu'être procédé qu'à la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée.

Le contrat a pris fin du fait de l'employeur le 7 juillet 2006 et ne s'est pas poursuivi au-delà puisqu'il résulte des affirmations de l'appelant lui-même qu'il lui avait été proposé de poursuivre les relations contractuelles, ce qu'il avait refusé, se trouvant engagé auprès d'un autre employeur.

Cette rupture, imputable à l'employeur, a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse de sorte que M. [K] [M] peut prétendre au paiement des sommes suivantes :

- une indemnité de requalification, par application de l'article L 1251-41, égale au moins à un mois de salaire, soit en l'espèce 3 076,92 €

- une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse qui doit être évaluée en fonction du préjudice subi, lequel en l'espèce, sera fixé à l'équivalent d'un mois de salaire puisqu'il est établi que dès la fin du contrat de travail, M. [K] [M] avait retrouvé un nouvel emploi et qu'en toute hypothèse, dès le 27 août suivant, il était embauché par la SAS Faurecia en vertu d'un contrat à durée indéterminée, soit 3 076,92 €

Il y a lieu en revanche de rejeter la demande faite à titre d'indemnité compensatrice de préavis, calculée sur la base de trois mois de salaire alors que, s'agissant d'un salarié justifiant d'une ancienneté inférieure à six mois, l'article L 1234-1 du code du travail prévoit que la durée du préavis est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou bien encore à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession.

Force est de constater qu'en l'espèce, l'appelant n'indique ni ne justifie sur quel fondement il estime que le délai de préavis applicable était de trois mois.

Sur les heures supplémentaires et le solde de prime de treizième mois

M. [K] [M] sollicite le paiement d'une indemnité compensatrice de treizième mois au titre de chacun des contrats de travail qu'il a conclus avec la SAS Faurecia, au prorata de la durée travaillée, au motif que le contrat de travail prévoyait l'allocation d'un treizième mois mais il résulte de l'étude des bulletins de paie produits aux débats que cette prime de treizième mois a été régulièrement payée.

Cette demande sera donc rejetée.

S'agissant des heures supplémentaires, aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié .

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Cela signifie qu'il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.

Or en l'espèce, l'appelant se borne à fournir un décompte d'heures supplémentaires faisant apparaître le détail de celles-ci, semaine par semaine mais il ne précise ni le nombre d'heures effectuées chaque jour ni les horaires qui étaient les siens quotidiennement.

Ce faisant, il ne permet pas à l'employeur de procéder à une discussion sur des éléments suffisamment précis.

Dans ces conditions, à défaut d'étayer sa demande, celle-ci sera rejetée.

Sur les autres demandes

Il y a lieu d'ordonner la délivrance par la SAS Faurecia des différents documents sociaux rectifiés en conformité avec les indications du présent arrêt.

En ce qui concerne les intérêts de retard au taux légal, ceux-ci ne seront dus qu'à compter du présent arrêt, les différentes condamnations prononcées étant de nature indemnitaire et ce, par application de l'article 1153-1 du code civil.

Il n'apparaît enfin pas inéquitable d'accorder à M. [K] [M], qui s'est vu contraint d'agir en justice pour faire valoir ses droits, une indemnité d'un montant de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement du conseil des prud'hommes d'Évry en date du 11 juin 2012 ;

Statuant à nouveau :

REQUALIFIE en contrat à durée indéterminée les contrats de mission s'étant succédés du 17 septembre 2005 au 28 février 2006 ;

En conséquence,

CONDAMNE la SAS Faurecia à payer à M. [K] [M] les sommes suivantes :

- 3 076,92 € à titre d'indemnité de requalification

- 3 076,92 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 316,69 € au titre des congés payés afférents

- 6 153,84 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

REQUALIFIE en contrat à durée indéterminée le contrat de mission du 21 juin 2006 ;

En conséquence,

CONDAMNE la SAS Faurecia à payer à M. [K] [M] les sommes de 3 076,92 € à titre d'indemnité de requalification et de 3 076,92 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

ORDONNE à la SAS Faurecia de délivrer à M. [K] [M] les bulletins de paie, l'attestation destinée à Pôle Emploi et le certificat de travail rectifiés conformément aux indications du présent arrêt ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes pour le surplus ;

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS ADECCO ;

CONDAMNE à la SAS Faurecia à payer à M. [K] [M] la somme de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 12/08037
Date de la décision : 04/12/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°12/08037 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-04;12.08037 ?
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