Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 04 DÉCEMBRE 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/02418
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/17444
APPELANTE
La SNC CORBERT, prise en la personne de ses représentants légaux,
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Pascale BETTINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0140, avocat postulant
assistée de Me Patrick MAUBARET de la SCP D'AVOCATS INTER - BARREAUX MAUBARET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0614, avocat plaidant
INTIMÉE
La Société ARTS ET TECHNIQUES, prise en la personne de ses représentants légaux,
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334, avocat postulant
assistée de Me Marie-Laetitia CHAUSSY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1063, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle REGHI, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente,
Madame Odile BLUM, Conseillère,
Mme Isabelle REGHI, Conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Faits et prétentions des parties :
Suivant acte sous seing privé du 28 octobre 1999, M. [O] a donné à bail en renouvellement à la société Arts et techniques des locaux commerciaux, à destination de vente de matériaux anciens, restauration, bar, brasserie, situés [Adresse 2].
Suivant acte du 30 juillet 2001, la société Corbert a acquis l'ensemble immobilier.
Par acte du 12 janvier 2009, la société Arts et techniques a demandé le renouvellement du bail. La société Corbert a fait délivrer par acte du 17 avril 2009 un congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction.
Par ordonnance du 14 mai 2009, le juge des référés a ordonné une expertise aux fins de déterminer les montants de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation.
Par acte du 19 novembre 2009, la société Corbert a exercé son droit de repentir. L'expert a déposé son rapport le 26 novembre 2009.
Par jugement du 17 février 2011, le tribunal de grande instance de Paris a dit que le bail s'est renouvelé le 19 novembre 2009 et a fixé le montant du loyer à la somme annuelle de 28 584 euros.
Par acte du 22 novembre 2010, la société Corbert a fait assigner la société Arts et techniques en résiliation judiciaire devant le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 8 décembre 2011, assorti de l'exécution provisoire, a :
- débouté la société Corbert de sa demande de résiliation,
- débouté la société Arts et techniques de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société Corbert ux dépens.
Par déclaration du 8 février 2012, la société Corbert a fait appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions, du 15 octobre 2013, la société Corbert demande :
- l'infirmation du jugement,
- de prononcer la résiliation du bail,
- d'ordonner l'expulsion de la société Arts et techniques,
- de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Arts et techniques, au montant du loyer et des charges,
- de débouter la société Arts et techniques de toutes ses demandes,
- de la condamner au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.
Dans ses dernières conclusions, du 1er octobre 2013, la société Arts et techniques demande :
- la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts,
- le débouté des demandes de la société Corbert,
subsidiairement :
- l'octroi des plus larges délais pour quitter les lieux et la suspension en conséquence de la résiliation du bail,
en toute hypothèse :
- de condamner la société Corbert au paiement de la somme de 15 000 euros à titre d'indemnisation de son préjudice moral et financier, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, d'une somme correspondant à 40 % du loyer depuis l'acquisition des lieux par la société Corbert et à 30 % des indemnités d'occupation payées pendant la période de renouvellement, à titre d'indemnisation pour son préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,
- de condamner la société Corbert au paiement de la somme de 3 659,76 euros en remboursement de ses frais de conseil de première instance, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et de la somme de 2 254,46 euros en remboursement de ses frais d'expertise,
- de la condamner au paiement de la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.
Par conclusions du 20 octobre 2013, la société Arts et techniques demande le rejet des conclusions et des pièces signifiées le 15 octobre 2013 et de dire que les dépens de l'incident suivront le sort principal.
Par conclusions du 21 octobre 2013, la société Corbert demande de déclarer recevables ses conclusions et ses pièces.
CELA EXPOSE,
Considérant que la société Arts et techniques fait valoir qu'elle n'a pu répliquer aux conclusions signifiées le 15 octobre, la clôture ayant été prononcée le 16 octobre, alors que la société Corbert a attendu le 11 septembre 2013 pour déposer de nouvelles conclusions, soit 8 mois après les siennes ; qu'elle a fait preuve de célérité en signifiant ses conclusions en réponse le 1er octobre ;
Considérant que la société Corbert réplique qu'il s'agit de simples concluions additionnelles et que son dispositif est identique ; que la société Arts et techniques n'indique pas en quoi le principe de la contradiction aurait été violé ;
Considérant que la société Arts et techniques n'indique l'existence d'aucun élément réellement nouveau dans les conclusions de la société Corbert et dans les deux pièces produites qui aurait exigé une réponse ; que ces conclusions ne comportent ni moyen nouveau ni demande nouvelle ; qu'en l'absence de violation du principe de la contradiction, il y a lieu de déclarer les conclusions et pièces signifiées le 15 octobre 2013 par la société Corbert recevables ;
Considérant que la société Corbert soutient que la société Arts et techniques utilise les locaux à une autre destination, en ayant affecté une partie à usage d'habitation, ce qui est établi par le rapport d'expertise et le procès-verbal de constat du 8 novembre 2010 ; que la société Arts et techniques ne le conteste d'ailleurs pas, indiquant qu'une partie des lieux est occupée à usage d'habitation par les gérants de la société depuis 1983 ; que la société Arts et techniques ne peut invoquer sa renonciation à se prévaloir de cette infraction qui découlerait de l'exercice de son droit de repentir, sa demande de résiliation étant postérieure et la renonciation impliquant des actes positifs ; que les dispositions contractuelles sont claires et ne mentionnent que l'activité commerciale ; que l'acte d'acquisition des lieux qu'elle a faite ne fait état que d'un bail commercial ; que l'état descriptif de division établi en 2002, effectué pour la mise en copropriété, décrit simplement la situation physique des différents locaux ;
Considérant que la société Arts et techniques fait valoir que les lieux ont été utilisés dès le bail initial comme bail mixte, selon la commune intention des parties ; que la société Corbert avait une parfaite connaissance de cet usage mixte avant son acquisition, par les visites qu'elle a faites à l'immeuble ; que le bail ayant été renouvelé, il y a purge des éventuels manquements intervenus au cours du bail expiré ; que la société Corbert aurait dû faire délivrer un commandement préalable ;
Considérant que le 20 décembre 2002, la société Corbert a fait établir un état descriptif de division décrivant les lieux loués comme composés d'un local commercial, d'un appartement avec une chambre, une verrière, une mezzanine, une salle de bains avec WC ; que le 17 novembre 2009, l'expert judiciaire a remis aux parties une note de synthèse faisant expressément état de l'existence, dans les lieux loués, de deux pièces à usage d'habitation dont une sous verrière, d'un coin cuisine aménagée, de sanitaires et d'une mezzanine avec un coin-douche, descriptions accompagnées de photographies ; que le 19 novembre 2009, la société Corbert a exercé son droit de repentir ;
Considérant ainsi qu'il est établi que la société Corbert avait connaissance, tant au moment du congé avec refus de renouvellement qu'au moment de l'exercice de son droit de repentir, de l'usage d'habitation que la société Arts et techniques faisait d'une partie des lieux, en contravention avec la destination du bail ; que la circonstance qu'elle évoque selon laquelle les gérants de la société Arts et techniques auraient occupé un autre appartement au 6ème étage et que d'autres membres de la famille auraient occupé d'autres appartements dans l'immeuble, ne peut être d'aucune influence ; qu'ainsi que l'ont, à juste titre, considéré les premiers juges, le bailleur qui a été reconnu redevable d'une indemnité d'éviction et qui a usé de son droit de repentir, n'est pas recevable à faire échec à ce repentir en invoquant, par la voie d'une action tendant à faire constater la résiliation du bail, des violations du contrat antérieures à l 'exercice du dit droit, donc au bail actuel, et qui étaient venues à sa connaissance avant même la délivrance du congé avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction ;
Considérant que la société Corbert demande le prononcé de la résiliation judiciaire au motif également que la société Arts et techniques a cessé toute activité dans les lieux ; qu'elle fait valoir que les chiffres d'affaires avoisinent la somme mensuelle de 2 000 euros, ce qui ne permet même pas de payer le loyer ; que les déclarations d'impôts sur les sociétés que la société Arts et techniques produit ont été unilatéralement remplies ; que les comptes ne sont pas publiés au registre du commerce ; qu'en outre, la société Arts et techniques est société d'un Etat membre de la CEE dont le siège est à Luxembourg, l'extrait Kbis du Luxembourg révélant qu'elle est en faillite clôturée depuis le 7 novembre 2003 ; que la société Arts et techniques invoque l'existence de deux sociétés mais n'en justifie pas ;
Considérant que la société Arts et techniques soutient qu'elle a une réelle activité et est inscrite au registre du commerce de Paris ; qu'elle est également régulièrement inscrite au registre du commerce du Luxembourg où se situe son siège et où elle est toujours en activité ; que la non-publication des comptes ne peut être retenue pour poursuivre la résiliation du bail ; qu'il n'est nullement question d'apprécier la rentabilité de l'activité mais uniquement sa réalité ;
Considérant qu'il résulte des extraits du registre du commerce du Luxembourg et de l'extrait du registre du commerce de Paris établi le 19 juin 2012 que la société Arts et techniques, ayant pour responsable en France, Mme [D], est régulièrement immatriculée à son établissement [Adresse 2], le siège étant au Luxembourg où il a existé effectivement deux sociétés dont l'une a été clôturée mais l'autre, ayant pour responsable Mme [D], toujours en activité ; que les déclarations d'impôts sur les sociétés relèvent l'existence d'une activité, même faiblement rentable ; qu'au vu de ces éléments, la société Corbert n'est pas fondée à demander la résiliation du bail pour défaut d'exploitation ;
Considérant que la société Arts et techniques invoque l'absence de décence des lieux et forme une demande en indemnisation ; qu'elle produit un rapport sur l'état des locaux commerciaux et d'habitation ; que, toutefois, au terme du bail seuls les travaux de l'article 606 du code civil sont à la charge du bailleur ; qu'il ne résulte nullement des pièces produites et la société Arts et techniques n'établit pas que l'état des lieux qu'elle invoque relèverait de la responsabilité du bailleur et d'un manquement à ses obligations contractuelles ; que ses demandes au titre du trouble de jouissance et du remboursement des frais d'expertise concernant l'état des lieux doivent donc être rejetées ;
Considérant que c'est par des motif pertinents que les premiers juges ont rejeté également sa demande en remboursement de ses frais de conseil de première instance ainsi que sa demande au titre du préjudice moral et financier, la société Arts et techniques n'ayant pas démontré les fautes qu'aurait commises la société Corbert dans l'engagement de la procédure, susceptibles de lui valoir l'allocation de dommages et intérêts ;
Considérant que la société Corbert doit être condamnée à payer à la société Arts et techniques la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la société Corbert doit être condamnée aux dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS
Déclare les conclusions et pièces signifiées le 15 octobre 2013 par la société Corbert recevables,
Confirme le jugement,
Y ajoutant :
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société Corbert à payer à la société Arts et techniques la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens de l'appel, avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE