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04/12/2013 | FRANCE | N°11/08744

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 04 décembre 2013, 11/08744


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9





ARRÊT DU 04 Décembre 2013



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08744



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 Juin 2011 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section commerce - RG n° 08/00391





APPELANTE

Madame [M] [X] épouse [Q]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée

de M. [U] [V] (Délégué syndical ouvrier dûment mandaté)





INTIMÉE

S.A.S. GERER

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Cyrille FRANCO, avocat au barreau de PARIS, P0107





COMPOSITION DE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 04 Décembre 2013

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08744

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 Juin 2011 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section commerce - RG n° 08/00391

APPELANTE

Madame [M] [X] épouse [Q]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de M. [U] [V] (Délégué syndical ouvrier dûment mandaté)

INTIMÉE

S.A.S. GERER

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Cyrille FRANCO, avocat au barreau de PARIS, P0107

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jacques BOUDY, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [M] [Q] a été embauchée par la SAS Gérer, par contrat à durée indéterminée en date du 30 mars 2006, en qualité d'assistante de copropriété.

Il était précisé qu'elle serait affectée à l'un des établissements de la société, situé [Adresse 2].

Le contrat comportait une clause de mobilité aux termes de laquelle il était prévu que la salariée pourrait être amenée à changer de lieu de travail dans la zone géographique d'Île-de-France.

Le 9 mars 2007, les membres du comité d'entreprise ainsi que ceux du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions du travail (CHSCT) ont été informés par l'employeur de sa décision de procéder au déménagement du service auquel appartenait Mme [M] [Q] dans de nouveaux locaux situés [Adresse 4], dans le 15e arrondissement.

Alors que le déménagement effectif devait avoir lieu le 10 septembre 2007, Mme [M] [Q] a adressé à son employeur, le 3 septembre 2007, une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception aux termes de laquelle elle lui indiquait, qu'à la suite de la visite des nouveaux locaux, elle avait pris conscience de ce que son temps de transport serait désormais d'environ deux heures, le matin et deux heures le soir, soit au total 4 heures.

Que compte tenu de ce qu'elle avait à charge deux enfants encore jeunes, elle ne pouvait accepter « cette modification essentielle de (son) contrat de travail ».

Elle précisait qu'elle se tenait donc à la disposition de l'employeur « pour toute proposition de reclassement sur un site ne dépassant pas une heure de transport maximum matin et soir... ».

Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception en date du 10 septembre 2007, la SAS Gérer lui a répondu qu'elle se tenait à sa disposition « afin d'envisager des solutions adaptées y compris une démarche de mobilité au sein du groupe» mais que dans cette attente, il convenait qu'elle se présentât le 10 septembre 2007 sur le nouveau lieu de son travail.

Le 11 septembre 2007, Mme [M] [Q] a répondu qu'il lui était réellement impossible de rejoindre son poste de travail et qu'elle se tenait à disposition pour un entretien.

Elle ne s'est donc pas présentée à son travail à la date convenue.

Dès lors, par courrier daté par erreur du 10 septembre 2007 mais expédié en réalité le 18 septembre 2007, la SAS Gérer lui a demandé de bien vouloir expliquer le motif de son absence et de fournir, le cas échéant, un certificat médical.

Elle lui précisait par ailleurs que concernant son « éventuel projet de mobilité au sein du groupe » elle était invitée à faire parvenir ses « disponibilités » au directeur des ressources humaines.

Entre-temps, Mme [M] [Q] a été placée en arrêt de travail, par son médecin traitant, du 7 septembre 2007 au 23 septembre 2007.

Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception en date du 20 septembre 2007, reçue par l'employeur le 24 septembre, Mme [M] [Q] lui écrivait : «(...) Sans réponse de vos services je prends acte d'une rupture de mon contrat de travail qui nous lie de votre fait, cette affaire n'a que trop duré, la problématique n'a pas été évoquée 10 jours avant le déménagement des locaux comme l'affirme [O] [S].(le directeur des ressources humaines) ».

Aux termes d'un nouveau courrier avec demande d'accusé de réception en date du 28 septembre 2007, Mme [M] [Q] a écrit à l'employeur pour s'étonner de son mutisme et précisait : « Votre refus de formaliser dans le respect des règles le changement géographique de mon poste, l'absence de proposition réelle et sérieuse de reclassement atteste la rupture du contrat de travail qui nous lie de votre fait. ».

Considérant que la prise d'acte de la rupture devait s'analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [M] [Q] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny en vue de se voir allouer diverses sommes.

Par jugement en date du 28 juin 2011, celui-ci l'a déboutée de la totalité de ses demandes.

C'est dans ces conditions que par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception reçue au greffe le 5 août 2011, elle en a interjeté appel.

Devant la cour, elle demande que soit constatée la nullité du licenciement dont elle a fait l'objet en raison de son appartenance au CHSCT depuis le 2 octobre 2006.

Elle sollicite donc la condamnation de la SAS Gérer à lui payer les sommes suivantes :

- 33 000 € à titre d'indemnité correspondant à la période de protection, soit 12 mois de salaire

- 2 500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 250 € au titre des congés payés afférents

- 2 500 € à titre d'indemnité pour défaut de respect de la procédure de licenciement

- 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

Elle demande également la condamnation de l'employeur à lui remettre une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaire conformes, sous astreinte.

De son côté, la SAS Gérer fait valoir que Mme [M] [Q] ne pouvait bénéficier du statut de salarié protégé, que la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'une démission et que par conséquent, il y a lieu de confirmer le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions.

Elle demande aussi sa condamnation à lui verser la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le statut de salarié protégé

Mme [M] [Q] fait valoir qu'elle était membre du CHSCT depuis le 2 octobre 2006, qu'elle a été élue en cette qualité le 16 avril 2007 par le comité d'entreprise, que l'employeur n'a jamais élevé la moindre contestation quant à sa qualité de membre de ce comité et que par conséquent, celui-ci ne pouvait lui imposer une modification de son contrat de travail ni même de ses conditions de travail sans recueillir son accord.

Que dans la mesure où elle a refusé la modification de son contrat de travail, il appartenait à l'employeur d'engager la procédure de licenciement et de requérir l'autorisation de l'inspecteur du travail.

Il est certes exact qu'aux termes d'un procès-verbal de réunion du CHSCT en date du 2 octobre 2006, il a été noté qu'en raison du départ de trois membres, « trois personnes les remplacent, à savoir : Madame [Q] [M]' » et que dans un procès-verbal de réunion du comité d'entreprise en date du 8 février 2007, il a été noté que de nouveaux représentants siégeaient au CHSCT, parmi lesquels Madame [Q].

Mais, c'est à juste titre que l'employeur fait remarquer que la désignation des membres du CHSCT ne peut procéder que d'une désignation par un collège constitué par les membres élus du comité d'entreprise et les délégués du personnel ainsi qu'en dispose l'article L4613-1 du code du travail.

Cette désignation doit résulter d'une procédure spécifique à la suite notamment, d'une convocation par l'employeur des membres de ce collège, et d'opérations de vote régulières.

Or, il est constant que seuls les salariés qui ont été élus par ce collège ad hoc peuvent bénéficier de la protection attachée à la qualité de membre du CHSCT.

Il suffit de constater qu'en l'espèce, si en effet Mme [M] [Q] participait aux réunions du CHSCT et semble en avoir été élue secrétaire, il n'en demeure pas moins qu'il n'apparaît nullement qu'elle a été élue en qualité de membre aux termes d'opérations de vote régulières, après convocation des électeurs par l'employeur, la simple mention dans un procès-verbal de réunion du comité d'entreprise de ce qu'elle aurait été désignée étant insuffisante à cet égard.

Il en résulte donc que la SAS Gérer n'avait pas à solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail dans l'hypothèse où, prenant acte du refus de Mme [M] [Q] de consentir à une modification de ses conditions de travail, il devait en tirer les conséquences et procéder à son licenciement.

Sur la prise d'acte de la rupture

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse , si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Mme [M] [Q] fait valoir en premier lieu que l'employeur aurait considéré, dès le 25 septembre 2007, que le contrat de travail était rompu alors que ce n'est que le 1er octobre 2007 que le courrier aux termes duquel elle prenait acte de la rupture lui avait été présenté.

Mais il résulte clairement des courriers échangés que c'est dès le 20 septembre 2007 que Mme [M] [Q] a, une première fois, fait connaître à l'employeur qu'elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail.

Qu'elle a renouvelé sa décision par un second courrier du 28 septembre 2007 et que ce n'est que le 8 octobre suivant, que par lettre recommandée avec demande accusé de réception, l'employeur a, en conséquence, constaté la rupture du contrat de travail.

Il importe peu à cet égard que dans le certificat de travail, il ait mentionné comme date de fin du contrat, celle du 25 septembre, cette date n'étant d'ailleurs pas inexacte.

Mme [M] [Q] lui reproche en second lieu, de ne lui avoir jamais fait signifier sa mutation par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, de ne pas avoir fait de proposition de reclassement au sein du groupe alors qu'il résultait de sa décision que son temps de transport aurait été de quatre heures aller et retour au lieu d'une heure.

Mais, outre le fait qu'aucune obligation ne pesait sur l'employeur de faire connaître à la salariée sa décision de mutation par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, il est parfaitement établi que celle-ci avait connaissance du déménagement de son service bien avant que celui-ci ne soit effectif ainsi qu'en témoigne par exemple l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail adressé à l'employeur le 27 mars 2007 portant sur cette question et signé justement, notamment, par Mme [M] [Q].

Par ailleurs, le contrat de travail contenait une clause de mobilité circonscrite à l'île de France et par conséquent, l'employeur pouvait s'en prévaloir pour imposer au salarié une mutation de [Localité 3] à [Localité 4].

De plus, l'employeur fait valoir à juste titre qu'indépendamment de l'existence de cette clause de mobilité, il ne s'agissait que d'un simple changement des conditions de travail dans la mesure où la mutation envisagée s'opérait dans un même secteur géographique puisqu'il démontre, à l'aide de captures d'écran de sites Internet de navigation ou de calculs d'itinéraires que le nouveau lieu de travail ne se situait qu'à 14 km du précédent, que le temps nécessaire pour se rendre de l'un à l'autre pouvait être évalué à 25 minutes en utilisant un véhicule automobile ou bien à 50 minutes en utilisant les transports en commun.

De plus, il démontre, de la même manière, qu'en calculant le temps de trajet nécessaire à Mme [M] [Q] pour se rendre de son domicile au nouveau lieu de travail, celui-ci pouvait être évalué à 59 minutes, par les transports en commun, soit 24 minutes de plus que pour se rendre à son précédent lieu de travail, étant observé que dans les courriers qu'elle lui avait adressés, elle lui demandait précisément de lui trouver un reclassement permettant de limiter ses temps de transport à moins d'une heure.

Sur ce dernier point, c'est à tort également que Mme [M] [Q] reproche à la SAS Gérer de n'avoir pas procédé à la recherche d'un poste de travail lui permettant de la rapprocher de son domicile puisqu'au contraire, dans ses courriers, celle-ci n'en n'avait nullement exclu la possibilité et l'avait invitée à se rapprocher de la direction des ressources humaines.

Qu'il convient de noter, avec l'employeur, qu'alors que Mme [M] [Q] ne l'avait averti que le 3 septembre 2007, c'est-à-dire moins d'une semaine avant la mise en 'uvre du déménagement du service, de son impossibilité prétendue de se rendre à son nouveau lieu de travail, elle a pris acte de la rupture dès le 20 septembre suivant sans lui laisser le temps nécessaire pour étudier la possibilité de lui proposer, le cas échéant, une nouvelle mutation en un lieu plus proche.

Il apparaît donc que les reproches adressés à l'employeur étaient injustifiés et que par conséquent, la prise d'acte de la rupture avait produit les effets d'une démission.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes l'a déboutée de la totalité de ses demandes.

Néanmoins, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SAS Gérer les sommes qu'elle a exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 28 juin 2011 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [M] [Q] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 11/08744
Date de la décision : 04/12/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°11/08744 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-04;11.08744 ?
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