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28/11/2013 | FRANCE | N°11/12125

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 28 novembre 2013, 11/12125


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 28 Novembre 2013

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12125

11/12151



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS Section Industrie RG n° F 11/00327





APPELANTE

Madame [H] [P]

[Adresse 2]

[Localité 2] - FRANCE

représentée par Me

Stéphane LÉVI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1220







INTIMEE

SAS EXACOMPTA

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Laurence BELLEC, avocat au barreau de REIMS substitu...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 28 Novembre 2013

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12125

11/12151

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS Section Industrie RG n° F 11/00327

APPELANTE

Madame [H] [P]

[Adresse 2]

[Localité 2] - FRANCE

représentée par Me Stéphane LÉVI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1220

INTIMEE

SAS EXACOMPTA

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Laurence BELLEC, avocat au barreau de REIMS substitué par Me Pascal DELIGNIERES, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre, chargé du rapport..

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS-PROCEDURE-PRETENTIONS

La société Exacompta a engagé Mme [H] [P] le 19 septembre 1988 en qualité de conductrice offset.

Mme [P] a été en arrêt de travail à compter du 8 mars 2004 sans discontinuer.

A l'issue de la seconde visite de reprise le 12 septembre 2007, le médecin du travail a déclaré Mme [P] "inapte définitivement aux postes de travail dans un atelier (port de charges, mouvements répétitifs, station debout) pour raison médicale".

La société Exacompta a convoqué Mme [P] a un entretien préalable le 8 octobre 2007 et l'a licenciée le 11 octobre 2007 pour inaptitude définitive à la suite de son accident de travail du 8 mars 2004 et impossibilité de la reclasser après consultation des délégués du personnel le 26 septembre 2007.

Contestant le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes le 5 janvier 2011.

Par jugement du 15 septembre 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Mme [P] de ses demandes, lui a laissé la charge des dépens et a débouté la société Exacompta de sa demande de remboursement de l'indemnité de préavis versée.

Mme [P] a régulièrement fait appel du jugement et demande à la cour de :

Infirmer le jugement,

Condamner la société Exacompta à lui verser les sommes suivantes :

- 160.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 11.373,45 € à titre de complément d'indemnité de licenciement,

- 30.000 € sur le fondement de l'article L 1226-12 du Code du Travail,

- 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Intimée, la société Exacompta demande à la cour de :

Juger que le licenciement de Mme [P] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Rejeter les demandes de Mme [P] sur le fondement des articles L 1226-12 et L 1226-14 du Code du Travail,

Condamner Mme [P] à lui restituer la somme de 4.718,70 € indûment perçue,

Condamner Mme [P] à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs écritures visées par le greffe le 89 octobre 2013 pour la société Exacompta et le 18 octobre 2013 pour Mme [P], auxquelles elles se sont référées et qu'elles ont soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant qu'il convient de joindre les procédures enrôlées sous les numéros RG 11/ et 11/12151 qui concernent les mêmes parties et litige et qui seront jugées sous le premier numéro;

Sur le licenciement

Considérant que la société Exacompta soutient pour l'essentiel que l'inaptitude de Mme [P] n'est pas d'origine professionnelle, s'agissant d'un accident de trajet, que n'est pas créatrice de droit l'erreur ayant consisté à affirmer dans la lettre de licenciement que l'inaptitude est d'origine professionnelle, qu'elle a recherché loyalement et activement tant au sein de l'entreprise qu'auprès des sociétés du groupe un reclassement pour la salariée, que ses recherches n'ont pas permis de trouver une solution et que donc le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu'elle ajoute que l'inaptitude n'étant pas d'origine professionnelle, elle a réglé indûment à la salariée une indemnité compensatrice de préavis de 4.718,70 € dont elle réclame le remboursement ;

Que Mme [P] fait valoir en substance qu'elle a été victime d'un accident de trajet déclaré comme accident du travail, pris en charge comme accident du travail par la CPAM et reconnu comme tel par l'employeur, lequel ne justifie pas avoir consulté les délégués du personnel à la suite de son avis d'inaptitude et n'a pas respecté son obligation de reclassement de sorte que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et qu'elle est fondée dans ses demandes ;

Considérant que la protection spécifique prévue par la loi s'applique aux accidents du travail proprement dits survenus au temps et sur le lieu de travail et aux maladies professionnelles, mais non aux accidents de trajet ;

Considérant qu'en l'espèce Mme [P] a été victime le 8 mars 2004 d'un accident de trajet, a proximité de son domicile, alors qu'elle se rendait à son travail le matin ; que cet accident a été déclaré par l'employeur à la sécurité sociale comme accident de trajet-travail, reconnu et pris en charge par la sécurité sociale comme accident du travail ayant abouti à l'attribution le 1er août 2007 à Mme [P] d'une rente accident du travail pour un taux d'incapacité de 25%, puis après rechute en 2008 de 50% à compter du 1er janvier 2011, ce qui résulte de la simple application de l'article L 411-2 du code de la sécurité sociale qui considère comme accident du travail, l'accident survenu à un travailleur pendant le trajet d'aller et retour entre la résidence principale et le lieu de travail ;

Que pour autant cette reconnaissance d'un accident de travail, tant par la sécurité sociale que par l'employeur dans la lettre de licenciement, à la suite de cet accident de trajet, ne peut faire bénéficier la salariée des dispositions protectrices prévues par le Code du Travail aux victimes d'accident du travail hors accident de trajet, notamment en ce qui concerne l'obligation faite à l'employeur de consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à son poste et les indemnités prévues aux articles L.1226-14 et L.1226-15 ( ancien L 122-32-6 et L 122-32-7) du Code du Travail ;

Que l'accident de trajet dont a été victime Mme [P] en se rendant au travail lui a causé un traumatisme de la cheville gauche et une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, ayant entraîné, malgré une réparation chirurgicale, une algodystrophie de l'épaule directement à l'origine de son inaptitude constatée par le médecin du travail, ce qui n'est pas au demeurant contesté ;

Que dès lors doit s'appliquer l'article L 122-24-4 alinéa 1 devenu L 1226-2 du Code du Travail qui dispose que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail ;

Que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, au sein du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Qu'aux termes de l'article L 241-10-1 devenu L 4624-1 du code du Travail, l'employeur est tenu de prendre en considération les propositions faites par le médecin du travail pour les aménagements de poste ou les changements d'emploi que l'état de santé du salarié lui paraît justifier ; qu'en cas de refus, il doit faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite ;

Que c'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue;

Considérant que Mme [P] a été déclarée le 12 septembre 2007 par le médecin du travail "inapte définitivement aux postes de travail dans un atelier (port de charges, mouvements répétitifs, station debout) pour raison médicale" ; que la lettre de licenciement affirme donc de façon erronée l'inaptitude de la salariée "au sein de l'entreprise et du groupe" ; que l'inaptitude étant limitée définitivement aux postes de travail dans un atelier, une recherche de reclassement devait être effectuée sur les postes de nature administrative ou commerciale de l'entreprise ou des autres entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu permettaient d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel et qui ne nécessitaient pas des "port de charges, mouvements répétitifs, station debout" ; que si la société Exacompta a adressé le 13 septembre 2007 une lettre circulaire à 52 entreprises du groupe auquel elle appartient (qui ont répondu négativement), en vue de rechercher une solution de reclassement pour cette salariée, elle ne justifie en rien d'une telle recherche au sein de sa structure comportant alors 205 salariés, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail, et n'allègue même pas dans la lettre de licenciement avoir recherché un reclassement en son sein, étant relevé que même si la consultation des délégués du personnel n'était pas obligatoire, il n'est cependant pas justifié par l'employeur d'une telle consultation le 26 septembre 2007, comme il l'affirme dans la lettre de licenciement ;

Qu'il suit de ces constatations que la société Exacompta n'a pas procédé sérieusement et loyalement à une recherche de reclassement de la salariée et que donc le licenciement de Mme [P] est sans cause réelle et sérieuse, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé ;

Sur les conséquences du licenciement

Considérant que licenciée sans cause réelle et sérieuse à l'âge de 47 ans, Mme [P] a perdu le bénéfice d'un salaire moyen brut mensuel de 1.387,93 €, selon ses bulletins de paie, et de 2.359,35 € selon les indemnités de préavis et de licenciement versées et d'une ancienneté de dix neuf années dans l'entreprise de plus de onze salariés ; que sa demande d'inscription auprès de l'ANPE a été rejetée le 29 novembre 2007 au motif qu'elle ne recherchait pas d'emploi compte tenu de son état de santé ; qu'il résulte de son relevé de carrière dressé par l'assurance retraite en octobre 2010, qu'avant et après son licenciement elle a reçu des indemnités en raison de son arrêt maladie et de ses congés de maternité jusque fin 2009 pour un montant non précisé; qu'elle a touché à compter du 1er août 2007 une rente d'invalidité de 350,08€ par mois, puis à compter du 1er janvier 2011 une rente d'invalidité d'un montant brut mensuel de 1.288,04 € ; que le préjudice ainsi causé sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 35.000 € ; Que victime d'un accident de trajet et non d'un accident du travail au sens strict, Mme [P] qui a déjà perçu une indemnité de licenciement de 12.216,55 €, n'est pas fondée dans sa demande de doublement de l'indemnité de licenciement sur le fondement de l'article L 1226-14 du Code du Travail ;

Que dès lors que la société Exacompta a considéré dans la lettre de licenciement que l'état de santé de Mme [P] ne lui permettait pas d'effectuer son préavis qu'elle s'est engagée à lui régler, et non pas que l'inexécution du préavis était la conséquence d'un accident du travail ouvrant droit au paiement du préavis, elle ne peut prétendre avoir indûment réglé une telle indemnité et n'est pas fondée à en réclamer la répétition sur le fondement des articles 1235 et 1376 du code civil ;

Sur les frais et dépens

Considérant que la société Exacompta qui succombe versera à Mme [P] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

ORDONNE la jonction des procédures enrôlées sous les numéros RG 11/12125 et 11/12151 qui seront jugées sous le premier numéro;

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 septembre 2011 en ce qu'il a débouté Mme [H] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau,

DIT le licenciement de Mme [P] sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Exacompta à payer à Mme [P] la somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Exacompta aux dépens de première instance ;

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Exacompta à payer à Mme [P] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

CONDAMNE la SAS Exacompta aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

L. CAPARROS P. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 11/12125
Date de la décision : 28/11/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°11/12125 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-28;11.12125 ?
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