Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2013
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/06115
Décision déférée à la Cour : Arrêt en date du 14 Février 2012 rendu par la Cour de Cassation - n° 203 F -D
APPELANTE
SARL CHELMARNE VOYAGES prise en la personne de son gérant
ayant son siège : [Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Assistée de Me Philippe PERICAUD, plaidant pour la SCP PERICAUD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 219
INTIMÉE
SAS TUI FRANCE (venant aux droits de la société NOUVELLES FRONTIERES
DISTRIBUTION), prise en la personne de son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS,
toque : C2477
Assistée de Me Carole POLACK, plaidant pour la SELARL ALTANA, avocat au barreau de PARIS, toque : R 021
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Octobre 2013, en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de Procédure Civile devant la Cour composée de :
Madame Françoise COCCHIELLO, Président
Madame Irène LUC, Conseiller
Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller, rédacteur
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC
ARRÊT : prévu le 20 novembre, puis prorogé au 27 novembre 2013
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Président et par Madame Denise FINSAC, Greffier auquel la minute du présent arrêt lui a été remise par le magistrat signataire.
******
Le 27 janvier 1999, la société NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION (NFD), filiale de la SA TOURAVENTURE, elle-même filiale de la SAS GROUPE NOUVELLES FRONTIÈRES, a conclu avec la société CHELMARNE VOYAGES un contrat d'agent de voyages exclusif ayant pour objet la représentation et la commercialisation des produits à l'enseigne ''NOUVELLES FRONTIÈRES' sur le territoire de la ville de [Localité 2].
Le contrat du 27 janvier 1999, conclu pour une durée de quatre années, qui faisait suite a un contrat de correspondant conclu de 1995 à 1998, faute pour la société CHELMARNE VOYAGES d'être à cette date titulaire d'une licence d'agent de voyages, a été renouvelé par tacite reconduction le 27 janvier 2003.
Ce contrat stipulait une clause de non-concurrence ainsi rédigée 'A la fin de la présente convention pour quelque cause que ce soit, le mandataire s'interdit formellement d'exercer directement ou indirectement en qualité notamment d'associé ou de gérant, une activité de mandataire, de transporteur ou d'agent de voyages et de s'intéresser sous une forme quelconque à des entreprises de cette nature susceptibles de concurrencer le mandant soussigné. La présente interdiction est
limitée à la zone territoriale concédée au mandataire et aura une durée de deux
années, à compter de la cessation de la présente convention'.
Dans le courant de l'année 2002, la société TUI AG, premier tour opérator européen et propriétaire de la marque TUI, a pris le contrôle de la SAS GROUPE NOUVELLES FRONTIÈRES. La SA TOURAVENTURE, devenue la SAS TUI FRANCE, a été chargée de la distribution sur le territoire français des produits de la marque TUI.
Au mois de juin 2003, la société NFD a soumis à tous ses agents de voyage exclusifs un nouveau contrat précisant un certain nombre de clauses figurant dans les contrats précédemment établis et notamment celui de la société CHELMARNE VOYAGES (ainsi que les sociétés du même groupe, PHEBUS VOYAGES et CARPE VOYAGES).
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 27 août 2003, confirmée par lettre recommandée avec avis de réception du 3 novembre 2003, la société CHELMARNE VOYAGES a mis en demeure la société NFD de respecter ses obligations contractuelles.
Par courriel du 10 décembre 2003, avec effet du 1er janvier 2004, la société CHELMARNE VOYAGES a dénoncé le contrat qui la liait à la société NFD, ce dont cette dernière a pris acte le 12 décembre 2003.
Le 6 janvier 2004, Maître [X], huissier de justice à [Localité 2], a constaté que la société CHELMARNE VOYAGES avait déposé l'enseigne NOUVELLES FRONTIÈRES et apposé sur son local commercial une nouvelle enseigne au nom de THOMAS COOK VOYAGES.
Par acte du 26 décembre 2003, la société CHELMARNE VOYAGES a assigné la société NFD devant le tribunal de commerce de Paris en résolution judiciaire du contrat d'agent de voyages exclusif aux torts exclusifs de la société NFD.
Par jugement du 21 octobre 2005, le tribunal de commerce a :
- pris acte de la résiliation du contrat signé entre la société CHELMARNE VOYAGES et la société NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION le 27 janvier 1999,
dit :
- que la société NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION n'a commis aucun agissement de concurrence déloyale, d'abus de position dominante et d'exploitation abusive de dépendance économique,
- que la société CHELMARNE VOYAGES ne justifie pas des conditions lui permettant de se prévaloir de l'exception d'inexécution et a résilié unilatéralement et à ses torts, le contrat d'agent de voyages exclusif ;
- qu'il n'y a lieu de prononcer la résolution judiciaire du contrat ;
- que la société CHELMARNE VOYAGES a commis une faute en ne respectant pas les dispositions de l'article 21 du contrat relatives à la clause de non-concurrence,
- condamné la société CHELMARNE VOYAGES à payer à la société NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION 10.000€ à titre de dommages et intérêts pour le non respect de la clause de non-concurrence du contrat en date du 27 janvier 1999 la liant à la société NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION,
- débouté la société CHELMARNE VOYAGES de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la résiliation du contrat, des commissionnements sur les taxes d'aéroport, des frais de dossier, des agissements de concurrence déloyale ;
- débouté la société NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION de sa demande de dommages et intérêts au titre de la fermeture de l'agence de la société CHELMARNE VOYAGES à l'enseigne de ''NOUVELLES FRONTIÈRES' dans la ville de [Localité 2], de la perte de chiffre d'affaires consécutive à l'arrêt de la distribution des produits de la société NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION dans cette même ville et des ventes par téléphone,
- dit les parties mal fondées en leurs moyens et demandes plus amples ou contraires aux termes du jugement, les en a déboutés respectivement,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société CHELMARNE VOYAGES à payer à la société NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens, débouté pour le surplus.
La société CHELMARNE VOYAGES a interjeté appel du jugement.
Par un arrêt du 4 décembre 2008, la Cour d 'appel de Paris a :
- déclaré recevables les appels, principal et incident,
- confirmé le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION de sa demande de dommages et intérêts au titre de la rupture brusque et unilatérale du contrat et limité l'indemnité au titre de la violation de la clause de non-concurrence à 10.000 €,
Et statuant à nouveau,
- condamné la société CHELMARNE VOYAGES à payer à la société NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION une somme de 20.000 € au titre de la réparation globale de ces deux préjudices,
- condamné la société CHELMARNE VOYAGES à payer à la société NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs autres demandes, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société CHELMARNE VOYAGES aux dépens.
La société CHELMARNE VOYAGES a formé un pourvoi contre cet arrêt.
Par arrêt du 14 février 2012, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 4 décembre 2008, 'mais seulement en ce qu'il a condamné la société CHELMARNE VOYAGES à payer à la société NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION une somme de 20.000 € au titre de la réparation globale de ses préjudices'.
Par déclaration du 26 mars 2012, la société CHELMARNE VOYAGES a saisi la cour d'appel de Paris, désignée comme cour de renvoi par la Cour de cassation.
Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 3 octobre 2013, par lesquelles la société CHELMARNE VOYAGES demande à la Cour de :
I- Au visa des articles 14, 15, 784 et suivants du code de procédure civile,
- ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et recevoir en conséquence les présentes conclusions de la société CHELMARNE VOYAGES,
Subsidiairement,
- rejeter comme tardives les conclusions signifiées le 23 septembre 2013 par TUI FRANCE, venant aux droits de NOUVELLES FRONTIERES DISTRIBUTION,
II- Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2012, cassant partiellement l'arrêt de la Cour d'Appel de PARIS du 4 décembre 2008,
- juger recevable et bien fondée la société CHELMARNE VOYAGES en son appel,
- juger irrecevable, sinon mal fondée, TUI FRANCE, venant aux droits de la société
NOUVELLES FRONTIÈRE DISTRIBUTION, en son appel incident,
- l'en débouter,
En conséquence,
- infirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a condamné la société CHELMARNE VOYAGES à payer à la société TUI FRANCE, venant aux droits de NOUVELLES FRONTIÈRE DISTRIBUTION, les sommes de 10.000€ à titre de dommages et intérêts, pour non respect de la clause de non concurrence, et de 1.500€ au titre de l'article 700 code de procédure civile,
- condamner la société TUI FRANCE, venant aux droits de NOUVELLES FRONTIÈRE
DISTRIBUTION, à payer à la société CHELMARNE VOYAGES la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société TUI FRANCE, venant aux droits de NOUVELLES FRONTIERES DISTRIBUTION, aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 23 septembre 2013, par lesquelles la société TUI FRANCE , venant aux droits de la société NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION , demande à la Cour de :
Au visa de l'article 1134 du code civil,
Sur la violation de la clause de non-concurrence
- juger que la clause de non-concurrence stipulée au contrat était proportionnée aux intérêts légitimes qu'elle avait vocation à protéger, c'est-à-dire les intérêts de TUI FRANCE,
- juger, reprenant et complétant la motivation de l'arrêt rendu le 4 décembre 2008 par la Cour d'appel de Paris, que la clause de non concurrencer portait également une atteinte proportionnée aux intérêts de la société CHELMARNE,
- juger que la société CHELMARNE, qui a déposé l'enseigne NOUVELLES FRONTIÈRES pour y substituer une enseigne concurrente le lendemain de la résiliation du contrat ne peut utilement contester l'application de cette clause,
En conséquence,
- condamner la société CHELMARNE à régler la somme de 50.000 € à la société TUI FRANCE à titre de dommages et intérêts,
Sur la rupture brutale du contrat par Chelmarne et ses conséquences préjudiciables pour TUI FRANCE,
- juger que CHELMARNE a sans motif valable unilatéralement et brutalement résilié le contrat,
- juger que cette résiliation, qui a privé TUI FRANCE d'un point de vente, a entraîné une perte de chiffres d'affaires préjudiciable pour TUI FRANCE,
En conséquence,
- condamner CHELMARNE à régler la somme de 143.764 € à TUI FRANCE à titre de dommages et intérêts,
Et en toute hypothèse,
- condamner CHELMARNE à régler à TUI FRANCE la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner CHELMARNE aux entiers dépens.
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :
Considérant que la société CHELMARNE VOYAGES a notifié ses premières conclusions le 3 septembre 2013 ; que lors de l'audience de mise en état du 10 septembre 2013 la clôture a été reportée au 24 septembre 2013 ;
Considérant que la société TUI FRANCE, venant aux droits de NOUVELLES FRONTIÈRES DISTRIBUTION, a notifié ses conclusions portant appel incident, le 23 septembre 2013 ; que lors de l'audience de mise en état du 24 septembre 2013 la date de l'ordonnance de clôture a été reportée au 1er octobre 2013 ;
Considérant que la société CHELMARNE VOYAGES, qui a demandé le report de la clôture par courriers adressés au conseiller de la mise en état les 24 septembre et 1er octobre 2013, a notifié des conclusions le 3 octobre 2013 demandant à titre principal la révocation de l'ordonnance de clôture et à titre subsidiaire le rejet, comme tardives, des conclusions notifiées le 23 septembre 2013 par la société TUI FRANCE, venant aux droits de la société NOUVELLES FRONTIERES DISTRIBUTION ;
Considérant que par conclusions en réponse à l'incident de révocation de clôture, notifiées et déposées le 15 octobre 2013, la société TUI FRANCE demande notamment qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'en rapporte à Justice sur le mérite de la demande de la société CHELMARNE VOYAGES tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 1er octobre 2013 ;
Considérant que la société TUI FRANCE, qui n'a disposé que de vingt jours pour répondre aux conclusions de la société CHELMARNE VOYAGES, a déposé des conclusions le 23 septembre 2013, soit avant la clôture prévue le 24 septembre et prononcée le 1er octobre 2013 ; que l'appel incident, qui peut être formé "en tout état de cause' en application des dispositions de l'article 550 du code de procédure civile, peut être formé par des conclusions qui peuvent être déposées jusqu'à la date de l' ordonnance de clôture ; qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats les conclusions déposées le 23 septembre 2013 par la société TUI FRANCE ;
Considérant qu'il apparaît que la société CHELMARNE VOYAGES, qui a demandé le report de la date prévue pour la clôture, puis la révocation de l'ordonnance de clôture, n'a pas disposé d'un délai suffisant pour répondre à l'appel incident formé par la société TUI FRANCE le 23 septembre 2013 ;
Considérant qu'il existe en conséquence une cause grave , tenant à la nécessité d'assurer le respect du principe de la contradiction, qui justifie que soit révoquée l'ordonnance de clôture rendue le 1er octobre 2013 ; qu'il y a lieu de fixer la clôture de l'instruction à la date du 16 octobre 2013, date des plaidoiries ;
Sur l'étendue de la cassation :
Considérant que la société CHELMARNE VOYAGES soutient que l'arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2012 n'ayant cassé que partiellement l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 4 décembre 2008, la présente procédure ne porte que sur la clause de non-concurrence, à l'exception de tout autre chef de préjudice, et que le jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 octobre 2005 ne peut être querellé qu'en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société NFD la somme de 10.000 € pour violation de la clause de non-concurrence ;
Considérant que la société appelante expose que la demande de dommages-intérêts en réparation de la rupture brutale du contrat présentée par la société TUI FRANCE est irrecevable, l'arrêt de renvoi de la Cour de cassation n'ayant cassé l'arrêt d'appel que sur la condamnation de la société CHELMARNE VOYAGES à payer à la société TUI FRANCE la somme de 20.000 € en réparation de ses préjudices liés à la clause de non-concurrence ; que le jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 octobre 2005 est définitif, en ce qu'il a débouté la société TUI FRANCE de l'ensemble de ses autres demandes reconventionnelles, notamment celles portant sur la réparation d'un préjudice résultant de la rupture du contrat ;
Considérant que la société TUI FRANCE expose que le débat porte à présent sur l'unique question de la validité de la clause de non-concurrence, et sur les préjudices qu'elle a subi en raison, d'une part, de la violation de la clause de non-concurrence, d'autre part, de la rupture unilatérale du contrat par la société CHELMARNE VOYAGES ;
Considérant qu'aux termes de l'article 624 du code de procédure civile 'La censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire' ;
Considérant que les deux premiers moyens du pourvoi de la société CHELMARNE VOYAGES faisant tous deux 'grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la SARL CHELMARNE VOYAGES ne justifiait pas des conditions lui permettant de se prévaloir de l'exception d'inexécution et avait résilié unilatéralement, et à ses torts, le contrat du 27 janvier 1999 et dit n'y avoir lieu de prononcer la résolution judiciaire', ont été non-admis, pour le premier moyen, et rejeté pour le second moyen ; qu'en conséquence ces chefs du dispositif du jugement confirmés par l'arrêt d'appel du 4 décembre 2008 sont devenus irrévocables ;
Considérant que la cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du
du 4 décembre 2008 a été prononcée sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi formé par la société CHELMARNE VOYAGES faisant 'grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société CHELMARNE VOYAGES à payer à la société NFD une sommes de 20 000 € au titre de la réparation globale de ses préjudices' ;
Considérant que le troisième moyen de cassation reprochait à la cour d'appel de ne pas avoir recherché, 'ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée (conclusions p.37), si la clause de non-concurrence litigieuse était indispensable à la protection des intérêts légitimes de la société NFD...' ; qu'en réponse au moyen, le conclusif de l'arrêt de cassation, qui énonce la doctrine de la Cour de cassation, est ainsi rédigé 'qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si la clause était proportionnée aux intérêts légitimes de la société NFD au regard de l'objet du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision' ;
Considérant que la cassation partielle est intervenue sur le seul chef du dispositif de l'arrêt d'appel condamnant la société 'CHELMARNE VOYAGES à payer à la société NFD une sommes de 20 000 € au titre de la réparation globale de ces deux préjudices' ; que, faute d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire, le chef du dispositif de l'arrêt d'appel infirmant le jugement 'en ce qu'il a débouté NFD de sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture brusque et unilatérale du contrat' est devenu irrévocable ; que le chef du dispositif cassé fixait le montant des dommages-intérêts alloués à la société NFD en réparation, d'une part, de la rupture brusque et unilatérale du contrat et, d'autre part, de la violation de la clause de non-concurrence ;
Considérant que la cassation partielle prononcée par l'arrêt du 14 février 2012 remet en discussion devant la Cour , statuant comme cour de renvoi, le quantum des dommages-intérêts demandés par la société NFD en réparation de la rupture brusque et unilatérale du contrat par la société CHELMARNE VOYAGES, ainsi que les demandes de la société NFD relatives à la clause de non-concurrence prévue au contrat du 27 janvier 1999 ;
Sur le quantum de l'indemnisation de la rupture brusque et unilatérale du contrat :
Considérant que seul le troisième moyen du pourvoi de la société CHELMARNE VOYAGES dirigé contre l'arrêt d'appel du 4 décembre 2008 ayant été accueillis, les chefs du dispositif de l'arrêt d'appel décidant que ' la sarl CHELMARNE VOYAGES ne justifie pas des conditions lui permettant de se prévaloir de l'exception d'inexécution et a résilié unilatéralement et à ses torts, le contrat d'agent de voyages exclusif , qu'il n'y a lieu de prononcer la résolution judiciaire du contrat ' et infirmant le jugement' 'en ce qu'il a débouté NFD de sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture brusque et unilatérale du contrat', sont devenus irrévocables ; que la demande de dommages-intérêts de la société TUI FRANCE en réparation de la rupture brutale du contrat du 27 janvier 1999 est recevable ;
Considérant que la société TUI FRANCE expose qu'elle a été informée le 10 décembre 2003 de la décision de M. [O], gérant de la société CHELMARNE VOYAGES, de déposer son enseigne 'NOUVELLES FRONTIÈRES' et que dès le 1er
janvier suivant, cette décision était suivie d'effet ; que la fermeture de l'agence NOUVELLES FRONTIÈRES est intervenue à une date essentielle pour les voyagistes ; qu'en effet, les catalogues printemps/été sortent au début du mois de janvier et qu' à compter du 15 janvier, il s'ensuit une période d'intense activité durant laquelle elle réalise, via ses distributeurs, une part très importante de son chiffre d'affaires annuel ; qu'elle chiffre son manque à gagner pour la période considérée à la somme 143.764 €, correspondant à la perte de chiffre d'affaires consécutive à l'arrêt de la distribution par l'agence de [Localité 2] des produits des catalogues 'NOUVELLES FRONTIÈRES' ;
Considérant que la société CHELMARNE VOYAGES soutient que la demande indemnitaire de la société TUI FRANCE est infondée, puisqu'elle ne justifie pas du préjudice dont elle demande réparation et ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre ce préjudice et la faute de son cocontractant ;
Considérant que la société TUI FRANCE verse aux débats les factures de commissions de la société CHELMARNE VOYAGES pour l'année 2003, ainsi qu'un tableau établi par ses soins chiffrant son préjudice ; qu'il apparaît à la lecture des factures de commissions émanant de la société CHELMARNE VOYAGES que le mois de janvier 2003 a été très nettement le mois le plus important en terme de chiffre d'affaires ; qu'au vu des documents produits il apparaît que la rupture brutale du contrat et la perte consécutive de l'agence de [Localité 2] a entraîné une perte de chiffre d'affaires pour la société TUI FRANCE ; que compte tenu de la marge brute dégagée par la société NFD durant l'année 2003 du fait de l'activité de la société CHELMARNE VOYAGES, le préjudice subi par la société TUI FRANCE, venant aux droits de la société NFD, sera fixé à la somme de 25 000 € ;
Sur la clause de non-concurrence :
Considérant que la société CHELMARNE VOYAGES soutient que clause de non-concurrence insérée au contrat n'est pas valable faute d'intérêt légitime de la société NFD, puisque du fait que cette société dispose d'un important réseau direct, de la notoriété du groupe, de la facilité pour obtenir des brochures et de l'exhaustivité de son site internet, toute personne pouvait acheter des produits NOUVELLES FRONTIÈRES sans difficulté ;
Considérant que la société CHELMARNE VOYAGES expose également que la clause de non-concurrence était disproportionnée au regard de l'objet du contrat ; que la société se trouvait dans une situation financière exsangue et que l'application de la clause de non-concurrence l'aurait empêchée d'essayer de sauver l' entreprise et ses 15 emplois ; qu'en application de l'article L.134-14 du code de commerce, pour les agents commerciaux exclusifs, la clause de non-concurrence doit être limitée au secteur territorial et à la clientèle ayant fait l'objet du contrat ; qu'en l'espèce, si la clause est limitée au secteur territorial, elle concerne toute clientèle, y compris celle n'ayant pas fait l'objet du contrat ; qu'en tout état de cause, la dépose de l'enseigne NF n'a causé aucun préjudice à l'intimée puisque l'agence VAL D'EUROPE a très largement récupéré le volume d'affaires de l'agence de [Localité 2] ;
Considérant que la société TUI FRANCE soutient que la clause de non-concurrence était proportionnée au regard des atteintes portées aux intérêts de la société CHELMARNE VOYAGES mais également proportionnée au regard de la nécessité de protéger ses intérêts ; que la société CHELMARNE VOYAGES, qui a distribué les produits NOUVELLES FRONTIÈRES et représenté l'enseigne NOUVELLES FRONTIÈRES dans la ville de [Localité 2] pendant près de 10 ans, était associée dans l'esprit du public à la marque NOUVELLES FRONTIÈRES ; que la seule manière d'éviter que la société CHELMARNE VOYAGES tire indûment profit de la notoriété ainsi acquise, était de faire en sorte que cette société ait l'interdiction d'exercer l'activité d'agent de voyages, pour une certaine durée, dans la ville de [Localité 2] ;
Considérant que la clause de non-concurrence prévue à l'article 21 du contrat d'agent de voyages exclusif est ainsi rédigée 'A la fin de la présente convention pour quelque cause que ce soit, le mandataire s'interdit formellement d'exercer directement ou indirectement en qualité notamment d'associé ou de gérant, une activité de mandataire, de transporteur ou d'agent de voyages et de s'intéresser sous une forme quelconque à des entreprises de cette nature susceptibles de concurrencer le mandant soussigné. La présente interdiction est limitée à la zone territoriale concédée au mandataire et aura une durée de deux années, à compter de la cessation de la présente convention' ;
Considérant que la clause de non-concurrence interdisait à la société CHELMARNE VOYAGES d'exercer, dans la ville de [Localité 2], une activité concurrente à celle de son mandant, pendant une durée de deux ans à compter de la cessation du contrat ; qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'après avoir résilié le contrat d'agent de voyages exclusif le 10 décembre 2003, avec effet du 1er janvier 2004, la société CHELMARNE VOYAGES a fait déposé, dès la fin du mois de décembre 2003, l'enseigne NOUVELLES FRONTIÈRES' et l'a remplacée par celle de son concurrent la société THOMAS COOK, violant ainsi la clause de non-concurrence ;
Considérant que la clause de non-concurrence post-contractuelle prévue au contrat du 27 janvier 1999 est limitée dans le temps, dans l'espace et quant au secteur d'activité, ces limitations, qui sont raisonnables, ne sont pas contestées ; que la clause de non-concurrence a pour objet de protéger la société NFD des risques de confusion et de détournement de sa clientèle, habituelle ou potentielle, qui était confiée à la société CHELMARNE VOYAGES par l'effet du contrat ;
Considérant que l'atteinte apportée au libre exercice de l'activité professionnelle de la société CHELMARNE VOYAGES par la clause de non-concurrence était proportionnée dès lors que cette société pouvait s'installer et pratiquer la même activité, sous l'enseigne de son choix, dans n'importe quelle autre ville, même limitrophe de celle de [Localité 3] ;
Considérant que la clause de non-concurrence était proportionnée aux intérêts légitimes de la société NFD au regard de l'objet du contrat dès lors que la société CHELMARNE VOYAGES, qui avait représentée l'enseigne NOUVELLES FRONTIÈRES durant 9 années dans la ville de [Localité 2], bénéficiait de la notoriété et de la clientèle attirée par les produits de la société NFD; que la société CHELMARNE VOYAGES présentait un risque concurrentiel pour NFD en cas de rupture du contrat, puisque cette société pouvait mettre au service d'un concurrent direct de NFD la notoriété et la clientèle ainsi acquise ; que l'existence d'agences NOUVELLES FRONTIÈRES dans d'autre villes autour de [Localité 2] ainsi que d'un site Internet ne sont pas de nature a éviter le risque de détournement de la clientèle locale d'un agent de voyages exclusif ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à la société NFD la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la clause de non-concurrence ;
PAR CES MOTIFS :
Révoque l'ordonnance de clôture rendue le 1er octobre 2013 et fixe la clôture au 16 octobre 2013 ;
Dit recevable l'appel incident formé par la société TUI FRANCE, venant aux droits de la société NOUVELLES FRONTIERES DISTRIBUTION ;
Dit valable la clause de non-concurrence stipulée à l'article 21 du contrat d'agent de voyages exclusif en date du 27 janvier 1999,
Condamne la société CHELMARNE VOYAGES à verser à la société TUI FRANCE la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du non-respect de la clause de non-concurrence ;
Condamne la société CHELMARNE VOYAGES à verser à la société TUI FRANCE la somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de la brutale du contrat du 27 janvier 1999 ;
Condamne la société CHELMARNE VOYAGES à verser à la société TUI FRANCE la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne la société CHELMARNE VOYAGES aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT