Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/13614
Décision déférée à la Cour : Jugements des 10 décembre 2008 et 11 mai 2011 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 08/00037
APPELANTE
La SARL SOCIETE DES AFFAIRES [V], prise en la personne de ses représentants légaux,
Appelante dans le n°RG 13/11246
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Luc COUTURIER de la SELARL HANDS Société d'Avocats, avocat au barreau de Paris, toque : L0061,
ayant pour avocat plaidant Me David LEVY, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS,
INTIMÉS
Monsieur [S] [Q]
Intimé dans le n°RG 13/11246
[Adresse 1]
[Localité 1]
Madame [X] [B] épouse [Q]
Intimée dans le n°RG 13/11246
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentés par Me Laurence TAZE BERNARD de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de Paris, toque : P0042,
ayant pour avocat plaidant Me Denis THEILLAC, avocat au barreau de PARIS, toque : A550,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Septembre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle REGHI, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Chantal BARTHOLIN, président
Mme Odile BLUM, conseiller
Mme Isabelle REGHI, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Annick MARCINKOWSKI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Faits et prétentions des parties :
Suivant acte sous-seing privé du 1er juillet 1984, Mme [Q], aux droits de qui sont venus M. [Q] et Mme [B], a donné en location à M. [N], aux droits de qui sont venus successivement M. et Mme [K] puis la société des affaires [V] (ci-après la société SAK), des locaux situés [Adresse 3], à usage de commerce de marchand de vins, café, hôtel, restaurant avec tables de débit et comptoir, terrasse sur le trottoir, l'activité annexe de bureau de pari PMU ayant été judiciairement autorisée.
Par arrêt du 21 novembre 2001, la cour d'appel de Paris, dans la procédure de renouvellement de bail et de fixation de loyer, a, dans sa motivation, dit que les locaux étaient monovalents et a, dans son dispositif, fixé le montant du bail renouvelé au 28 mars 1997 à la somme annuelle de 24 894,92 €.
Par jugement du 14 février 2007, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Bobigny a fixé le loyer révisé à la somme annuelle de 29 967,85 €.
Par acte du 16 janvier 2007, la société SAK a demandé le renouvellement du bail.
Dans leur réponse, M. [Q] et Mme [B] ont fait connaître qu'ils acceptaient le renouvellement et proposé un loyer annuel de 48 000 €
M. [Q] et Mme [B] ont saisi le juge des loyers commerciaux qui a, par jugement avant dire-droit du 10 décembre 2008, constaté que M. [Q] et Mme [B] acceptent le principe du renouvellement, dit que le bail s'est renouvelé à effet du 1er avril 2007 et avant dire-droit sur le loyer de renouvellement, ordonné une expertise aux fins de fournir tous éléments susceptibles de permettre au juge de déterminer au 1er avril 2007 la valeur locative réelle des locaux monovalents donnés à bail.
Par jugement du 11 mai 2011, assorti de l'exécution provisoire, le juge a :
- déclaré irrecevable la demande du locataire relative à l'absence de monovalence des lieux,
- fixé le loyer annuel de renouvellement à compter du 1er avril 2007 à la somme annuelle de 44 350 € hors taxes,
- dit que la société SAK devra compléter le dépôt de garantie et payer le rappel de loyers depuis le 1er avril 2007; avec intérêts au taux légal à compter du jugement, avec capitalisation,
- dit qu'à défaut d'un acte de renouvellement régularisé entre les parties, le jugement vaudra bail,
- partagé les dépens par moitié entre les parties.
Par déclaration du 19 juillet 2011, la société SAK a fait appel du jugement du 11 mai 2011.
Par déclaration du 5 juin 2013, la société SAK a fait appel du jugement du 10 décembre 2008.
Par ordonnance du 12 juin 2013, les affaires ont été jointes.
Par ordonnance du 24 septembre 2013, le conseiller chargé de la mise en état a déclaré recevable l'appel formé par la société SAK contre le jugement du 10 décembre 2008.
Dans ses dernières conclusions, du 17 septembre 2013, la société SAK demande :
- l'infirmation des jugements,
- de dire qu'au 1er avril 2007, les locaux n'avaient plus le caractère monovalent reconnu en 2001,
- d'appliquer les règles du plafonnement,
- le débouté des demandes de M. [Q] et Mme [B],
très subsidiairement :
- de fixer le loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 21 215 €,
- d'ordonner en tant que de besoin un complément d'expertise,
- la condamnation de M. [Q] et Mme [B] au paiement de la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.
Dans leurs dernières conclusions, du 26 juillet 2013, M. [Q] et Mme [B] demandent :
- de déclarer la société SAK irrecevable en son appel du jugement du 10 décembre 2008,
- le débouté de ses demandes,
- de dire que les locaux sont monovalents et que le loyer doit être fixé à la valeur locative,
- l'infirmation du jugement en ce qui concerne le prix du loyer,
- de fixer le loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 73 547 €
subsidiairement :
- de le fixer à la somme de 71 551 €,
très subsidiairement :
- de le fixer à la somme de 63 517,96 €,
- la condamnation de la société SAK au paiement de la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.
CELA EXPOSE,
Considérant qu'en application de l'article 914 du code de procédure civile, M. [Q] et Mme [B] ne sont plus recevables à invoquer l'irrecevabilité de l'appel de la société SAK contre le jugement du 10 décembre 2008 ;
Considérant que la société SAK fait appel du jugement du 10 décembre 2008 en ce que le jugement du 11 mai 2011 a déclaré irrecevable sa demande relative à l'absence de monovalence des lieux aux motifs que la cour d'appel, dans son arrêt du 21 novembre 2001, a considéré que les lieux présentaient un caractère monovalent et que le juge des loyers commerciaux, saisi le 16 janvier 2007, à l'occasion du renouvellement suivant la période considérée par la cour, a tranché la question de la monovalence des lieux ;
Considérant que, pour dire que le caractère monovalent des locaux objets du litige a été définitivement fixé par le jugement rendu le 10 décembre 2008 par le juge des loyers commerciaux, le jugement du 11 mai 2011 retient que dans sa motivation, le jugement définit le caractère monovalent des locaux litigieux et définit une mission d'expertise prévoyant que l'expert devra fournir tous éléments susceptibles de permettre au juge de déterminer au 1er avril 2007 la valeur locative réelle des locaux monovalents donnés à bail ; que toutefois les motifs, fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'ont pas l'autorité de la chose jugée pas plus que la mention de la monovalence des lieux dans la mission donnée à l'expert avant dire-droit ; que les moyens articulés par la société SAK contre le jugement du 10 décembre 2008 sont donc sans portée ; qu'il doit être confirmé ; qu'en revanche, la demande de la société SAK concernant la monovalence des lieux doit être déclarée recevable ;
Considérant que M. [Q] et Mme [B] font valoir alors que la cour d'appel de Paris a retenu, dans son arrêt du 21 novembre 2001, le caractère monovalent des lieux, cette décision devenue définitive ayant l'autorité de chose jugée ; que le seul fait invoqué par la société SAK que le café-restaurant a été donné en 2005 en location-gérance n'est pas de nature à modifier le caractère monovalent, la monovalence n'étant pas à géométrie variable ; que l'immeuble a été construit, dès l'origine, pour un usage d'hôtel, que la grande majorité des surfaces est affectée à cet usage et que la configuration des lieux est demeurée strictement identique ; que les parties hôtelière et café-restaurant sont toujours imbriquées, la salle de café-restaurant communiquant avec la partie hôtel, les toilettes et la cuisine du café-restaurant étant toujours dans la partie hôtel, les réserves, les livraisons et la chaudière étant accessibles par l'hôtel ou se trouvant dans cette partie ; que, d'ailleurs, le contrat de location-gérance prévoit que les dépendances autres que la partie bar, salle de restaurant et cuisine et la partie hôtel, font l'objet d'une jouissance commune ; qu'il existe une identité de clientèle, les clients de l'hôtel pouvant facilement déjeuner ou prendre une consommation dans la partie café-restaurant ; qu'il ne serait pas possible d'affecter la partie des locaux hôteliers sans transformations importantes et onéreuses ; que la société SAK ne peut invoquer le fait que la monovalence ayant déjà entraîné le déplafonnement, ce motif ne pourrait plus être invoqué à nouveau, le loyer des locaux monovalents étant toujours fixé conformément aux dispositions de l'article R145-10 du code de commerce ;
Considérant que la société SAK fait valoir que la monovalence n'a pas de caractère immuable ; que la cour d'appel avait motivé la monovalence par le fait qu'il ne serait pas possible de rendre les deux parties des locaux totalement indépendantes sans une réorganisation complète des lieux, alors que précisément depuis 2005, les deux parties des locaux sont totalement indépendantes et qu'à la date du renouvellement, les deux activités sont exploitées de façon distincte, séparée et indépendante ; que les entrées des deux parties sont différentes ; que le consommateur du bar restaurant n'a pas accès à l'hôtel ; que les clientèles sont différentes ne bénéficiant pas d'un ensemble de services ; que les locaux permettent donc l'exploitation d'activités différentes, pouvant être facilement transformés en vue d'une autre utilisation, ce qui est le cas de façon effective depuis 2005 ; que, par ailleurs, le bailleur ne peut obtenir deux déplafonnements successifs fondés sur le même motif ;
Considérant que la cour d'appel, dans les motivations de son arrêt du 21 novembre2001, a retenu le caractère monovalent des lieux composés d'une partie hôtelière et d'une partie café-restaurant ; que, contrairement à ce que soutiennent M. [Q] et Mme [B], la décision de la cour en ce qui concerne la monovalence n'a pas l'autorité de chose jugée dans la mesure où ce caractère monovalent n'est affirmé en tant que tel que dans les motivations de l'arrêt ;
Considérant que l'appelante a conclu un contrat de location-gérance pour la partie café-restaurant ; que l'ensemble des locaux ne pourrait être qualifiés de monovalent qu'à la condition que les activités qui y sont exercées aient vocation, au regard de la configuration des lieux, à être interdépendantes ; qu'il résulte des constatations mêmes de l'expert que la salle dans laquelle est exploitée l'activité de café-restaurant est séparée de l'hôtel, les deux parties disposant d'un accès séparé, la [Adresse 3] pour la partie café-restaurant, l'[Adresse 4] pour l'hôtel ; que la gestion de chacune des parties est autonome ; que la partie café-restaurant occupe une surface de 85 m2 pondérés et la partie hôtel de 227 m2 ; que la partie occupée par l'hôtel demeure indépendante de celle du restaurant, même s'il existe une communication interne et que les parties au contrat de location-gérance sont convenues d'une jouissance commune pour les dépendances autres que la partie hôtel et la partie café-restaurant ; qu'il ressort des plans fournis que rien ne s'oppose à ce que les accès aux toilettes, la cuisine et la livraison de fûts de bière nécessaires à l'exploitation du café-restaurant puissent lui être spécialement réservés, moyennant des aménagements ne nécessitant pas des travaux importants et financièrement coûteux ; que la clientèle de l'hôtel occupe des chambres au mois, sans que la restauration découle nécessairement de l'hébergement, l'hôtel ne fournissant pas d'autres prestations que l'hébergement ; qu'au vu de ces éléments, il convient de dire que les lieux ne sont pas monovalents, de rejeter la demande de fixation du loyer en application de l'article R 145-10 du code de commerce présentée de ce chef par les bailleurs et de dire que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à sa valeur indiciaire en application des dispositions de l'article L145-34 du même code ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu à paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que M. [Q] et Mme [B] doivent être condamnés aux dépens de première instance et de l'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du 10 décembre 2008,
Infirme le jugement du 11 mai 2011,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit que les lieux situés [Adresse 3] ne sont pas monovalents,
Dit que le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2007 doit être fixé à sa valeur indiciaire en application de l'article L145-34 du code de commerce,
Dit n'y avoir lieu à paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [Q] et Mme [B] aux dépens de première instance et de l'appel, avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE