REPUBLIQUE FRANCAISE
Au nom du Peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 7
ARRET DU 21 Novembre 2013
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/03989 C.T.
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Février 2011 par le tribunal de grande instance de CRETEIL RG n° 10/252
APPELANTE
SAS DUBOT & BREDY, représentée par son président directeur général, Monsieur [R], [Adresse 2]
Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042
Assistée de Me Mireille HAY, avocat au barreau du MANS
INTIMEES
REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP), représentée par son président directeur général., [Adresse 3]
Représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131
DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE - , [Adresse 1]
Représenté par M. Fabrice COTREL, Commissaire du Gouvernement, en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2013, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller, faisant fonction de Président, désigné par Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS,
Madame Denise JAFFUEL, Conseillère, désignée par Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS
Madame [B] [I], Juge de l'Expropriation au Tribunal de Grande Instance de EVRY, désignée conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
Greffier : Madame Chaadia GUICHARD, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller, faisant fonction de Président et par Madame Chaadia GUICHARD, Greffier.
Postérieurement à un jugement du juge de l'expropriation du 12 février 2009, le juge de l'Expropriation du Val de Marne a statué sur les indemnités d'éviction dues à la SAS [H] et BREDY suite à l'expropriation par le Département du Val de Marne de la parcelle BD [Cadastre 1], devenue BD [Cadastre 2] propriété de Madame [C], qui lui avait donné à bail ladite parcelle en vue de l'exercice de son commerce de vente de bois, emportant la cessation de l'activité de la société locataire.
Ledit jugement avait statué sur l'ensemble des chefs de préjudice à l'exception de l'indemnité représentative de licenciement sur laquelle elle avait sursis à statuer sur le montant.
Les parties ont interjeté appel de ladite décision.
En cours d'appel une transaction est intervenue et la Cour, par arrêt du 21 octobre 2010, a dit parfaits les désistements intervenus.
Il se trouve que la transaction prévoyait en son article 3 :
'A cette indemnité seront à ajouter les frais des licenciements ayant pour cause l'expropriation, engagés par la société [H] et BREDY pour les montants légaux.
En cas de désaccord entre les parties sur le lien de causalité entre les licenciements et l'expropriation ou leur montant, les parties conviennent de soumettre leur différend au juge de l'expropriation compétent, conformément à la loi, sans que cet éventuel désaccord ne remette en cause la validité du présent protocole' .
Les parties ne se sont pas entendues sur ce point.
Par jugement du juge de l'expropriation du 10 février 2010, ce dernier, saisi de ladite difficulté, a ainsi statué :
'-Fixe l'indemnité à allouer à la société [H] et [N] au titre des frais de licenciement à la somme de 19.095,44€ ;
-Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la R.A.T.P. aux dépens' .
La société BREDY a interjeté appel de ladite décision le 10 mai 2013.
Elle demande dans son mémoire en défense du 3 mai 2011, que la R.A.T.P. soit condamnée à lui payer à ce titre la somme de 100.663,19€ augmentée des intérêts légaux à compter du 1er avril 2010 avec anatocisme, outre 10.000€ de dommages-intérêts et 6000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 1er juin 2011, la R.A.T.P. a conclu à l'irrecevabilité du mémoire complémentaire et des pièces jointes produites par la société [H] le 24 mai 2011 pour déchéance, et a sollicité l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il avait évalué les indemnités à 19.095,44€ TTC.
SUR CE ;
Sur la recevabilité du mémoire complémentaire ;
Considérant que le Juge de l'expropriation a été saisi non pas dans le cadre des dispositions dans lesquelles s'applique l'article R 13-49, mais sur difficulté d'exécution d'un protocole transactionnel ainsi qu'en avaient convenu les parties selon l'article 3 de la convention sus-rappelé ; que les dispositions dudit texte ne trouvent point à s'appliquer et que le mémoire complémentaire est parfaitement recevable ;
Sur le montant des indemnités ;
Considérant que le locataire évincé a droit à l'indemnisation du seul mais entier préjudice causé par l'expropriation ;
Considérant qu'il résulte à l'évidence de la lecture du protocole transactionnel que les parties ont entendu régler l'affaire les opposant en prévoyant que l'expropriant supporterait les frais exposés par l'entreprise du fait de sa cessation d'activité qui trouve directement sa source dans l'expropriation ;
Considérant que l'expression 'A cette indemnité seront à ajouter les frais des licenciements ayant pour cause l'expropriation, engagés par la société [H] et BREDY pour les montants légaux' signifie que l'expropriant doit indemniser le locataire évincé des indemnités qu'il était légalement tenu de verser aux neuf salariés qu'il a dû licencier, ce qui est d'ailleurs parfaitement conforme à ses obligations ;
Considérant que les premiers juges ont à tort suivi les explications du Département en ne prévoyant le remboursement que des seules indemnités légales, à l'exclusion des indemnités conventionnelles et autres frais annexes de licenciement ;
Considérant qu'en réalité les obligations conventionnelles, principalement issues des conventions collectives, ont force légale en application des dispositions de l'article 1134 du code civil et que l'entreprise y est donc légalement tenue ; que d'ailleurs la R.A.T.P. ne conteste pas la réalité de ces versements ; que leur nature est attestée par une attestation de l'expert-comptable de l'entreprise ;
Considérant qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de faire totalement droit aux demandes de l'exproprié ;
Sur les dommages-intérêts ;
Considérant que l'entreprise [H] et [N] ne justifie pas d'un préjudice particulier autre que celui qui sera indemnisé par l'intérêt légal ; qu'elle sera déboutée de sa demande ;
Sur les demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que l'équité commande que la R.A.T.P. qui a contraint le locataire évincé à exposer des frais pour le règlement de la dette, et ce malgré une transaction claire, sera justement condamné à lui payer la somme de 6.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
-Infirmant le jugement entrepris,
Statuant à nouveau :
-Condamne la R.A.T.P. à verser à la SAS Etablissement Dubot & Bredy la somme de 100.663,19€ augmentée des intérêts légaux à compter du 1er avril 2010 avec capitalisation selon les règles de l'article 11554 du code civil ;
-La condamne à lui payer la somme de 6000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-La condamne aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT