Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRET DU 21 NOVEMBRE 2013
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/10768
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 4ème chambre - - RG n° 09/01524
APPELANTE :
SOCIETE ALLIANZ IARD,
(nouvelle dénomination des ASSURANCES GENERALES DE FRANCE IART SA)
ayant son siège [Adresse 3]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par : Me Dominique OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069
assistée de : Me Béatrice MACHTOU, avocat au barreau de VAL D'OISE substituant Me Marcel PORCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
INTIME :
Monsieur [M] [Y]
né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 3] (Algérie)
de nationalité algérienne
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par : Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
assisté de : Me Laure PARIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0570 plaidant pour la SELARL Guy PARIS associés, avocat au barreau de PARIS, toque : G0570
INTIME :
Monsieur [C] [D]
né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 4]
de nationalité française
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par : Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
assisté de : Me Isabelle DE CRÉPY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1736
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François FRANCHI, Président et Madame Michèle PICARD, Conseillère, magistrats chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur François FRANCHI, Président de chambre
Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller
Madame Michèle PICARD, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Michèle PICARD dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François FRANCHI, président et par Madame Violaine PERRET, greffier présent lors du prononcé.
Monsieur [M] [Y] exerce la profession de restaurateur à l'enseigne L'ABREUVOIR. Il a fait appel aux services du cabinet d'expertise comptable de Monsieur [C] [D] et avait pour interlocutrice au sein de ce cabinet Madame [T] [D], épouse [R], salariée du cabinet et soeur de Monsieur [D].
Le tribunal correctionnel de Paris a condamné Madame [D] par jugement du 4 octobre 2007pour des faits d'escroquerie et d'abus de confiance commis entre le 1er janvier 2001 et le 23 mars 2005. Il l'a condamnée à indemniser la partie civile , Monsieur [M] [Y] à hauteur de 43.441, 98 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et 800 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
Les 15 et 16 janvier 2009 Monsieur [M] [Y] a fait assigner Monsieur [D] et son assureur la compagnie ALLIANZ en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du code civil.
Par jugement rendu le 15 avril 2010, assorti de l'exécution provisoire le tribunal de grande instance de Paris a condamné in solidum Monsieur [C] [D] et la compagnie ALLIANZ à payer à Monsieur [M] [Y] les sommes de 45.041, 98 euros à titre de dommages et intérêts et de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, a condamné la compagnie ALLIANZ à garantir Monsieur [D] de ces condamnations dans les limites des plafonds et franchises définies à la police d'assurance et rejeté les autres demandes.
Le tribunal a considéré que Monsieur [D] était responsable des dommages causés à la Monsieur [M] [Y] sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du code civil, la responsabilité du commettant pour les fautes commises par son préposé. Il a rejeté le moyen de la compagnie ALLIANZ qui faisait valoir que le comportement de Monsieur [D] avait entraîné, par ses négligences, la disparition de l'aléa qui constitue l'essence du contrat d'assurance, cette négligence n'étant pas intentionnelle, et rejeté le moyen tiré de la déchéance de la garantie, aucune clause n'existant dans le contrat.
La société ALLIANZ IARD a interjeté appel de ce jugement le 19 mai 2010.
***
Dans ses dernières conclusions transmises par RPVA le 4 septembre 2013 elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions faisant grief à la Compagnie ALLIANZ et statuant à nouveau,
-Dire que l'application du contrat d'assurance se trouve exclue par suite de l'absence d'aléa par application de l'article L 113-1 du Code des Assurances, la faute de Monsieur [D] constituant une faute volontaire avec la connaissance et la conscience par l'assuré des conséquences inéluctables et préjudiciables de sa faute et par suite la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu.
-Subsidiairement, prononcer la déchéance de garantie pour déclaration tardive de sinistre faisant grief à la Compagnie ALLIANZ.
-Débouter Monsieur [M] [Y] des fins de son appel incident.
-Condamner la partie qui succombera à payer à la Compagnie ALLIANZ la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.
*
Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 août 2013 Monsieur [M] [Y] demande à la cour de :
Vu les articles 1384- alinéa 5 du code civil,
-Confirmer, le jugement rendu le 15 avril 2010 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur [D] et sa Compagnie
d'assurance ALLIANZ à lui payer la somme de 45.041, 98 euros à titre de dommages et intérêts,
- Réformer le jugement et le recevant dans son appel incident condamner solidairement Monsieur [C] [D] et la société ALLIANZ IARD qui l'assure à lui verser la somme de 1.084 euros du fait du chèque n° 7645909 du 15 mars 2005 ainsi que la somme de 1.814 euros qu'il a dû débourser à titre de pénalité de retard vis à vis du fisc,
' Condamner solidairement Monsieur [D] et sa Compagnie d'assurance ALLIANZ à payer à Monsieur [M] [Y] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance et d'appel.
*
Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 mars 2011 Monsieur [C] [D] demande à la cour de réformer partiellement le jugement de débouter Monsieur [Y] de l'intégralité de ses demandes, de dire que la société ALLIANZ sera condamnée in solidum avec lui au paiement de toutes condamnations qui seraient prononcées au profit de Monsieur [Y] et condamner la société ALLIANZ au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
SUR CE,
Sur la disparition de l'aléa entraînant l'inexistence du contrat d'assurance
La compagnie ALLIANZ reproche au tribunal d'avoir fait une interprétation très restrictive des dispositions de l'article L113-1 du code des assurances. Elle fait valoir que Monsieur [D] a été sciemment à l'origine du dommage. Selon elle, il a été informé dès 2002 d'une faute commise par sa soeur qui avait déposé sur son compte personnel un chèque en blanc signé par un client et il s'était alors borné à lui envoyer une lettre évoquant une faute lourde sans prendre aucune mesure pour se séparer d'elle ni exercer sur elle une quelconque surveillance. Il résulte par ailleurs des procès verbaux d'audition de Monsieur [D] que ce dernier n'exerçait aucun contrôle sur sa soeur, qu'il savait que des clients lui confiaient des chèques en blanc, qu'il avait été contacté personnellement par l'avocat d'un commerçant (Monsieur [O]) qui l'avertissait d'un probable détournement de chèque, qu'en juillet 2002 le service des impôts l'avait informé qu'un chèque de TVA avait été détourné au profit de sa soeur et qu'il n'a rien fait pour remédier à cette situation. Ce faisant, Monsieur [D] s'est rendu coupable d'une faute intentionnelle excluant tout aléa ce qui conduit à écarter la garantie de l'assureur.
Cependant, la cour relève qu'en l'espèce, les procès verbaux d'audition montrent que Monsieur [D] n'a pris aucune mesure pour contrôler l'activité de sa soeur alors qu'il ne pouvait ignorer qu'elle avait commis des fautes professionnelles au préjudice de ses clients. Ils établissent que s'il n'a pas eu la volonté de provoquer le dommage et de causer un préjudice aux clients concernés, il n'a pas pu ne pas avoir conscience, à raison même de la nature des prestations assurées dans le cadre de son activité spécifique, du préjudice que causaient les actes de sa soeur, de même qu'il ne pouvait dés lors ignorer s'être placé dans une situation telle qu'elle ne pouvait que conduire inéluctablement aux dommages causés.
C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré qu'en l'absence d'intention de commettre le dommage le moyen tiré de l'absence d'aléa soulevé par la compagnie d'assurances doit être écarté.
Sur la déchéance
La compagnie d'assurance soutient que Monsieur [D] qui n'a pas déclaré le sinistre dans le délai d'un mois prévu au contrat est déchu des garanties du contrat.
La cour constate que les dispositions de la police d'assurance intitulées 'Dispositions diverses' précisent dans leur article 1 que ' le délai de déclaration du sinistre est porté de cinq jours à un mois à partir de la date à laquelle vous avez eu connaissance du sinistre'. Cette dispositions n'est complétée par aucune autre disposition prévoyant une sanction au défaut de déclaration dans ces délais.
C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté ce moyen en considérant qu'il ne peut être opposé à l'assuré la déchéance de la garantie pour déclaration tardive du sinistre dés lors que celle ci ne fait l'objet d'aucune clause dans la police versée aux débats.
Sur la double indemnisation de Monsieur [Y]
Monsieur [D] soutient qu'il ne pourrait être condamné à indemniser Monsieur [Y] puisque sa soeur a également été condamnée à l'indemniser et qu'ainsi Monsieur [E] pourrait recevoir deux fois la même indemnisation pour le même préjudice.
Le tribunal a relevé par des motifs pertinents que la responsabilité du commettant est indépendante de la responsabilité du préposé et a pour finalité essentielle de protéger les victimes contre l'insolvabilité du salarié, étant précisé qu'il n'est pas contesté qu'en l'espèce Madame [D] n'a versé aucune indemnisation à Monsieur [Y] et qu'il appartiendra à Monsieur [D] de se retourner contre sa soeur le cas échéant.
Ce moyen sera en conséquence rejeté.
Sur l'appel incident de Monsieur [D]
Monsieur [D] fait valoir que Monsieur [Y] n'est pas fondé à obtenir sa condamnation, les fautes qu'il a commises ayant été à l'origine de la constitution du dommage qu'il allègue. Il lui reproche d'avoir remis à Madame [D] des chèques en blanc permettant ainsi à cette dernière de commettre l'infraction à l'origine du préjudice allégué.
La cour considère que Monsieur [D], dont la négligence sérieuse dans le contrôle de ses employés a contribué fortement à la constitution du dommage ne peut reprocher à Monsieur [Y] de lui avoir fait confiance.
Sa demande sera donc rejetée.
Monsieur [D] soutient également que le préjudice réel subi par Monsieur [Y] n'est pas de 45.041, 98 euros mais est moindre, le surplus étant constitué des honoraires destinés au cabinet d'expertise comptable et de cotisations URSSAF, ces sommes n'ayant pas été réclamées par l'un et l'autre.
La cour, comme le tribunal, relève que ces sommes ont bien été décaissées par Monsieur [Y], peu important qu'elles n'aient pas été perçues par leur destinataire.
Ce préjudice est donc établi et le jugement sera confirmé également sur ce point.
Sur l'appel incident de Monsieur [Y]
Monsieur [Y] sollicite le paiement de la somme de 1.084 euros , montant d'un chèque du 15 mars 2005 qui aurait été détourné par Madame [D] et de 1.814 euros au titre de pénalités qu'il aurait du régler à l'administration fiscale.
Il a été débouté de ces demandes par le tribunal de grande instance au motif qu'il ne rapportait pas la preuve du détournement de ce chèque par Madame [D] et du lien entre les agissements frauduleux de cette dernière avec les pénalités de retard qui lui ont été demandées par l'administration fiscale.
La cour constate que Monsieur [Y] n'établit toujours pas la preuve que Madame [D] a détourné le chèque litigieux ni le lien de causalité entre les pénalités de retard et les agissements de cette dernière.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ce point.
Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile
La compagnie ALLIANZ IARD sollicite la condamnation de la partie qui succombera au paiement de la somme de 5.000 euros à ce titre.
Monsieur [D] sollicite la condamnation de la compagnie ALLIANZ IARD à lui payer la somme de 5.000 euros à ce titre.
Monsieur [Y] sollicite la condamnation in solidum de Monsieur [D] et de la compagnie ALLIANZ IARD au paiement de la somme de 5.000 euros à ce titre.
La compagnie ALLIANZ et Monsieur [D] succombant à toutes leurs demandes dans la présente instance, leur demande sera rejetée.
En revanche, il parait équitable de condamner in solidum la compagnie ALLIANZ IARD et Monsieur [D] à payer à Monsieur [Y] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions,
Condamne in solidum la compagnie ALLIANZ IARD et Monsieur [C] [D] à payer à Monsieur [M] [Y] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne in solidum la compagnie ALLIANZ IARD et Monsieur [C] [D] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRESIDENT,
V.PERRET F. FRANCHI