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20/11/2013 | FRANCE | N°12/12884

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 20 novembre 2013, 12/12884


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2013



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/12884



Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2009 par le Tribunal de Commerce de CRETEIL - 1ère Chambre - RG n° 06/00345





APPELANTE



Société EUROMODALE SRL pris en la personne de ses représentants légau

x

[Adresse 8]

[Localité 1] - ITALIE



Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assistée de Me Gilles GRAMMONT plaidant pour le Cabinet FIDAL, avoc...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/12884

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2009 par le Tribunal de Commerce de CRETEIL - 1ère Chambre - RG n° 06/00345

APPELANTE

Société EUROMODALE SRL pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 8]

[Localité 1] - ITALIE

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assistée de Me Gilles GRAMMONT plaidant pour le Cabinet FIDAL, avocat au barreau de CHALON- SUR- SAÔNE

INTIMÉS

SA ACE EUROPEAN GROUP LIMITED

Le Colisée

[Adresse 6]

[Localité 8]

SA ALLIANZ MARINE & AVIATION

[Adresse 1]

[Localité 5]

Cabinet GROUPAMA TRANSPORT

[Adresse 4]

[Localité 6]

Société LLOYD'S OF LONDON SYNDICAT 1414 (RTH) REITH représentée par S.A LLOYD'S FRANCE

Ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Localité 5]

Société LLOYD'S OF LONDON SYNDICAT 2488 (AGM) ACE GLOBAL MARKETS LTD représentée par SA LLOYD'S FRANCE

Ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Localité 5]

Société XL INSURANCE COMPANY

[Adresse 5]

[Localité 7]

Société AXA CORPORATE SOLUTIONS

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentées par Me Jean-philippe AUTIER de la SCP AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

Assistées de Me Florence LE BRIS MUNCH, avocat au barreau de PARIS, toque R 96

Société FARO SPA

[Adresse 9]

[Localité 2] ( Italie)

Maître [Y] [G] es qualité de commissaire liquidateur de la

Société FARO SPA

[Adresse 9]

[Localité 2] (Italie)

Représentées par Me Frédéric INGOLD-SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque B 1055

Assistées de Me Anna ATALLAH, plaidant pour le Cabinet REED SMITH LLP, avocat au barreau de PARIS, toque J 097

Société GENERALI ASSICURAZIONI GENERALI SPA

Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit- siège

[Adresse 7]

[Localité 4] (Italie)

Représentée par Maître Patricia HARDOUIN, SELARL HJYH AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L 0056

Monsieur [K] [Q]

[Adresse 10]

[Localité 3] - ITALIE

Défaillant

Société TRANSPORTEUR MELINA ROBERTINO

[Adresse 10]

[Localité 3] - ITALIE

Défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2013, en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par Madame Irène LUC conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de Procédure Civile devant la Cour composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Président

Madame Irène LUC, Conseiller rapporteur

Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC

ARRÊT :

- PAR DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Président et par Madame Denise FINSAC, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat stagiaire.

******

Vu le jugement du 20 janvier 2009, par lequel le Tribunal de commerce de Créteil a débouté les sociétés Euromodale SRL, Assicurazioni Generali Spa et Faro Spa de leur fin de non-recevoir pour défaut de qualité ou d'intérêt à agir formée à l'encontre des sociétés Axa Corporate Solutions Assurances, Allianz Marine & Aviation, Lloyd's of london Syndicat 2488 (AGM), ACE Global Markets Ltd représentée par Lloyd's France, Lloyd's of London Syndicat 1414 (RTH) Reith représentée par Lloyd's France XL Insurance Company, Ace Europe Group Limited et Groupama Transport, déclaré recevable les demandes formées à l'encontre de la société Faro Spa et débouté cette dernière de sa demande d'irrecevabilité, condamné solidairement, sous le régime de l'exécution provisoire, les sociétés Euromodale Srl, Assicurazioni Generali Spa, Melina Robertino et Faro Spa à payer aux sociétés Axa Corporate Solutions Assurances, Allianz Marine & Aviation, Lloyd's of london Syndicat 2488 (AGM), ACE Global Markets Ltd représentée par Lloyd's France, Lloyd's of London Syndicat 1414 (RTH) Reith représentée par Lloyd's France XL Insurance Company, Ace Europe Group Limited et Groupama Transport la somme de 316.332,00 euros, dans la limite, pour ce qui concerne la société Assicurazioni Generali Spa, de 150.000 euros avec déduction d'une franchise de 5.000,00 euros et avec intérêts au taux de la CMR de 5% à compter du 4 janvier 2006 et avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, outre celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté les sociétés Axa Corporate Solutions Assurances, Allianz Marine & Aviation, Lloyd's of london Syndicat 2488 (AGM), Age Global Markets Ltd représentée par Lloyd's France, Lloyd's of London Syndicat 1414 (RTH) Reith représentée par Lloyd's France XL Insurance Company, Ace Europe Group Limited et Groupama Transport du surplus de leur demande et, enfin, débouté les sociétés Euromodale Srl et Assicurazioni Generali Spa de leur appel en garantie formée à l'encontre des sociétés Melina Robertino et Faro Spa ;

Vu l'appel interjeté le 19 juin 2012 par la société Euromodale et ses conclusions du 6 septembre 2013 dans lesquelles elle demande à la Cour de réformer ledit jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'appel en garantie diligenté à l'encontre de Monsieur [K] [Q] et de la société Faro Spa, et statuant de nouveau, à titre principal, dire et juger que la perte des marchandises a pour cause des circonstances que le transporteur ne pouvait éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait obvier, au visa de l'article 17-2 de la CMR, débouter les sociétés Axa Corporate Solutions Assurances, Allianz Marine & Aviation, Lloyd's of london Syndicat 2488 (AGM), Age Global Markets Ltd représentée par Lloyd's France, Lloyd's of London Syndicat 1414 (RTH) Reith représentée par Lloyd's France XL Insurance Company, Ace Europe Group Limited et Groupama Transport de leurs demandes, condamner solidairement les sociétés Axa Corporate Solutions Assurances, Allianz Marine & Aviation, Lloyd's of london Syndicat 2488 (AGM), Age Global Markets Ltd représentée par Lloyd's France, Lloyd's of London Syndicat 1414 (RTH) Reith représentée par Lloyd's France XL Insurance Company, Ace Europe Group Limited, Groupama Transport à payer à la société Euromodale la somme de 15.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à titre subsidiaire, dire que l'article 23§3 de la CMR est applicable et que l'indemnité due aux intimées est plafonnée à 208.416,6 DTS (8,33 X 25 020 kg), à convertir en euros au jour de l'arrêt à intervenir, dire que les intérêts se calculeront à compter du 4 janvier 2006 au taux de la CMR (5%) sans capitalisation des intérêts, dire que Monsieur [K] [Q], la société Faro Spa et Monsieur [Y] [G], ès qualités de liquidateur de la société Faro Spa, seront tenus de garantir la société Euromodale de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre dans le cadre de la présente procédure, à titre infiniment subsidiaire, dire que la garantie de Monsieur [K] [Q], la société Faro Spa et Monsieur [Y] [G], ès qualités de liquidateur de la société Faro Spa, est due à la société Euromodale à concurrence de 90% des condamnations, dire que la garantie de la société Generali Assicurazioni Generali Spa s'élève à 200 000 euros, en tout état de cause, condamner solidairement Monsieur [K] [Q] et la société Faro Spa à payer à la société Euromodale la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 8 octobre 2013 de la société Generali Assicurazioni Generali Spa, dans lesquelles elle demande à la Cour de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, déclarer les demandes des sociétés Axa Corporate Solutions Assurances, Allianz Marine & Aviation, Lloyd's of london Syndicat 2488 (AGM), ACE Global Markets Ltd représentée par Lloyd's France, Lloyd's of London Syndicat 1414 (RTH) Reith représentée par Lloyd's France XL Insurance Company, Ace Europe Group Limited et Groupama Transport tant irrecevables que mal fondées et les en débouter, très subsidiairement, sur les dommages, faire application des limitations de responsabilité prévues par l'article 23.3 de la C.M.R, déclarer recevable et bien fondé l'appel en garantie de la société Generali Assicurazioni S.p.A, assureur de la société Euromodale, et dire et juger que Monsieur [K] [Q] et son assureur, Monsieur [Y] [G], ès qualités de Commissaire Liquidateur de la société Faro, devront relever et garantir la société Generali Assicurazioni S.p.A de toutes condamnations, en principal, intérêts et indemnités qui pourraient être prononcées à son encontre au profit des sociétés demanderesses, débouter Monsieur [K] [Q] et son assureur Monsieur [Y] [G], ès qualités de commissaire liquidateur de la société Faro, de l'ensemble de leurs demandes, dire et juger que la compagnie Generali Assicurazioni S.p.A ne sera tenue à garantir son assurée Euromodale SRL que dans les conditions et limites de la police n°250001169 souscrite soit à hauteur de la somme maximale de 200.000 € et condamner solidairement les sociétés Axa Corporate Solutions Assurances, Allianz Marine & Aviation, Lloyd's of london Syndicat 2488 (AGM), ACE Global Markets Ltd représentée par Lloyd's France, Lloyd's of London Syndicat 1414 (RTH) Reith représentée par Lloyd's France XL Insurance Company, Ace Europe Group Limited et Groupama Transport à payer à la société Generali Assicurazioni la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 7 octobre 2013 des sociétés Lloyd's of London Syndicat 1414 (RTH) Reith représentée par la société Lloyd's France, Allianz Marine & Aviation, Axa Corporate Solutions Assurances, Compagnie Ace European Group Limited, Groupama Transport, XL Insurance Company Limited et Lloyd's of London Syndicat 2488 Ace Global Markets Ltd, dans lesquelles elles demandent à la Cour de confirmer le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêts, condamner in solidum les sociétés Euromodale, Euromodale SRL, Generali, Les Transport Melina Robertino, la société Faro et Monsieur [G], ès qualités, à payer aux assureurs requérants la somme de 316.332,00 euros outre les intérêts au taux CMR de 5% à compter du jour de la réclamation matérialisée par une lettre du 2 septembre 2005 ou encore du 28 novembre 2005, outre la capitalisation des intérêts, à titre subsidiaire, condamner in solidum les sociétés Euromodale, Euromodale SRL, Generali, Les Transport Melina Robertino, la société Faro et Monsieur [G], ès qualités, à payer aux assureurs requérants la contrevaleur en euros au jour du prononcé de l'arrêt de la somme de 208. 416,6 DTS outre les intérêts à compter du jour de la réclamation matérialisée par une lettre du 2 septembre 2005 ou encore du 8 novembre 2005, en tout état de cause, condamner in solidum les sociétés Euromodale, Euromodale SRL, Generali, Les Transport Melina Robertino, la société Faro et Monsieur [G], ès qualités, à payer aux assureurs requérants, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 15.000 € ;

Vu les conclusions du 1er octobre 2013 de Maître [Y] [G], ès qualités de liquidateur de la société Faro, demandant à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire que la demande dirigée contre la société Faro est irrecevable, l'action directe n'existant pas en droit italien, à titre subsidiaire, les assureurs n'étant pas régulièrement subrogés dans les droits de la victime, et, au fond, de constater que le transporteur n'a commis aucune faute lourde, en présence de circonstances de force majeure, et, condamner les assureurs de Moët et Chandon, ainsi que les sociétés Euromodale et Generali Assicurazioni Generali Spa, à payer à la société Faro la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Moet & Chandon a confié à la société Euromodale le transport d'une caisse mobile contenant 2400 cartons de bouteilles de champagne, de [Localité 10] (Marne) à destination de [D] [I] (chez [V] [N], près de [Localité 9], en Italie).

Les opérations devaient se dérouler dans l'ordre suivant : enlèvement de la caisse mobile scellée à [Localité 10], affrétement d'un tractionnaire jusqu'au port de [1], transport par train jusqu'au terminal ferroviaire de [2] (Italie) et affrétement d'un tractionnaire jusqu'à destination, à [D] [I].

La société Euromodale a chargé le transporteur Melina Robertino de prendre la caisse mobile en gare de [2] pour livraison à [D] [I], chez [V] [N], par ordre de transport 60547. Cet ordre mentionnait « toutes les précautions d'usage doivent être prises », et « Merci de bien vouloir respecter les délais indiqués dans le cahier des charges ».

La marchandise a été enlevée le 11 août et la caisse mobile est restée stockée du 14 août au 17 août au terminal ferroviaire de [2] où le transporteur est venu la prendre le matin du 17 août.

Durant ce transport, le véhicule et le chargement ont été dérobés. Le chauffeur a pris la route pour [Localité 9], lorsqu'arrivé sur un rond point de la commune de Trere, il a été agressé par un individu armé, puis sequestré jusqu'à 18 heures. La remorque et la caisse mobile ont été retrouvées le 4 septembre 2005 à Cusago.

Les assureurs de la société Moet & Chandon, les sociétés Axa Corporate Solutions Assurances, Allianz Marine & Aviation, Lloyd's of London Syndicat 2488, Age Global Markets LTD, représentée par Lloyd's France, Lloyd's of London Syndicat 1414 représentée par Lloyd's France, XL Insurance Company, Age European Group Limited et Groupama Transport, agissant en qualité d'assureurs, ont demandé à la société Euromodale le remboursement de l'indemnité de 316.332,00€ versée à la société Moët & Chandon.

Par acte d'huissier en date du 4 janvier 2006, délivré à personne se déclarant habilitée, les sociétés précédemment citées ont assigné la société Euromodale devant le Tribunal de commerce de Créteil aux fins de la faire condamner à leur verser la somme de 316.332,00 €. Puis, par acte du 24 février 2006, elles ont assigné Euromodale, son assureur, Generali, et la société Molina Robertino, le transporteur. Le 1er juin 2006, la société Euromodale a appelé le transporteur Molina Robertino et son assureur, la société Faro Spa, en garantie.

Maître [Y] [G] a été désigné commissaire liquidateur de la société Faro en 2011.

Dans le jugement entrepris, le Tribunal a jugé que le commissionnaire de transport, la société Euromodale, avait commis une faute personnelle en ne respectant pas les articles 14 c et 14 e de son cahier de charges, le chauffeur ayant stationné de manière prolongée durant le week end et le transporteur choisi ne figurant pas sur la liste des « affrétés » soumise au donneur d'ordre. Il a estimé que le transporteur avait par ailleurs commis une faute lourde en omettant de verrouiller la porte passager de son camion et a condamné solidairement commissionnaire et transporteur ainsi que leurs assureurs respectifs à rembourser la somme versée aux assureurs de Moet & Chandon, sous réserve d'une franchise pour Generali, assureur du commissionnaire.

Sur la recevabilité de l'action des assureurs de la société Moet & Chandon

Considérant qu'en vertu de l'article 121-12 du Code des assurances, « L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur » ;

Considérant que l'assureur qui veut faire jouer la subrogation légale doit démontrer qu'il a réglé une indemnité en vertu d'une garantie régulièrement souscrite pouvant seule lui conférer la qualité d'indemnité d'assurance ; que par ailleurs le bénéfice de la subrogation conventionnelle nécessite la concomitance du paiement et de la quittance subrogative ;

Considérant que si, pour contester aux assureurs de la société Moët et Chandon, le bénéfice de la subrogation légale prévue par l'article L.121-12 du Code des assurances, Maître [Y] [G], ès qualités de liquidateur de la société Faro Spa, expose que les conditions de la subrogation légale ou conventionnelle ne sont pas réunies, il convient de constater que les assureurs se prévalent à juste titre, tant de la subrogation conventionnelle que légale ; que concernant la subrogation conventionnelle, outre la communication du chèque versé à l'assurée, l'acte de subrogation, dont la date est concommittante, vise « Axa Corporate Solutions Assurances et co-assureurs », le numéro de police et la liste des assureurs, et couvre la période du sinistre, justifiant la recevabilité de l'action des assureurs ; que concernant la subrogation légale, les assureurs ont communiqué la police d'assurance en vertu de laquelle ils ont indemnisé leur assuré ; que l'action des assureurs de la société Moët et Chandon est donc recevable et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Sur la responsabilité du transporteur

Considérant que la société Euromodale soutient qu'aucune faute ne peut être imputée au transporteur dans la mesure où, en l'espèce, les circonstances de la perte des marchandises correspondent à celles visées à l'article 17.2 de la CMR qui exonère le transporteur de sa responsabilité si la perte totale ou partielle des marchandises a pour cause des circonstances qu'il ne pouvait éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier ; qu'elle allègue que les rapports [Z] et GBA sur lesquels se fondent les intimées ne sont pas contradictoires puisqu'il n'a pas été recueilli les dires et observations des parties et qu'il n'a pas été adressé de projet ni de rapport définitif aux autres parties que les assureurs ayant mandaté le cabinet [Z] ;

Considérant que la société Generali Assicurazioni Generali Spa se prévaut de l'exonération de la responsabilité du transporteur prévue à l'article 17.2 de la CMR en ce que la matérialité de l'agression à main armée est établie et que le chauffeur victime de l'agression ne pouvait empêcher le vol, que sa portière fût ou non fermée ; qu'elle allègue que les rapports établis par le Cabinet [Z] et par « GBA » ne sont pas contradictoires dans la mesure où ils sont établis à la demande des assureurs, que l'expert n'a recueilli aucun dire ni explications et que, concernant le rapport [Z], certaines annexes n'ont pas été traduites en français ;

Considérant que les assureurs considèrent que la société Euromodale ne peut voir sa responsabilité exonérée au titre de l'article 17.2 de la CMR, dans la mesure où le transporteur n'a pas tenu compte de la valeur de la marchandise transportée ni de la zone géographique dans laquelle le transport s'effectuait ; qu'ils relèvent que le transporteur n'avait pas verrouillé sa porte passager, ce qui constituerait une faute lourde engageant sa responsabilité ; qu'ils estiment, par ailleurs, que l'article 17.5 de la CMR, qui prévoit un partage des responsabilités en cas de faute de l'expéditeur ou de défectuosité du produit, ne s'applique pas en l'espèce ; qu'ils font valoir que le rapport d'expertise [Z] sur lequel ils se fondent est contradictoire au motif qu'il a été réalisé en présence de la société Euromodale, de l'expert commis par la société Generali et du chauffeur des transports Melina Robertino ; qu'ils précisent, au surplus, que le rapport « GBA » ne conteste pas le contenu du rapport [Z] ;

Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la convention CMR :

' 1.Le transporteur est responsable de la perte totale ou partielle, ou de l'avarie, qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison, ainsi que du retard à la livraison.

2.Le transporteur est déchargé de cette responsabilité si la perte, l'avarie ou le retard a eu pour cause une faute de l'ayant-droit, un ordre de celui-ci ne résultant pas d'une faute du transporteur, un vice propre de la marchandise, ou des circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier...' ;

Considérant qu'il ressort de la déposition du chauffeur du camion, M. [E], lorsqu'il a porté plainte le 2 août 2005, qu'après s'être arrêté au rond point pour laisser la priorité, un inconnu s'est introduit dans la cabine en pointant un pistolet sur lui, l'obligeant à faire quelques mètres et stationner sur un parking ; qu'il a ensuite été frappé à la tête et jeté à l'intérieur d'une camionnette, puis baillonné et transporté vers une destination inconnue, puis replacé à l'intérieur de la cabine de son véhicule où il a été retrouvé par les gendarmes italiens ; que ce mode opératoire est caractérisé par un comportement particulièrement menaçant et violent de la part de ses auteurs et a laissé un traumatisme au chauffeur constaté par certificat médical ; que ce vol caractérise une situation de guet apens, commis en réunion et avec violence qui ne pouvait être évité ; qu'en effet, le camion a été intercepté à un rond point, et les malfaiteurs ont pénétré avec violence dans la cabine, ont menacé, malmené et sequestré le chauffeur pendant la journée ;

Considérant que si l'expert, M. [Z], a semblé douter de la véracité de certains points de cette déclaration, aucun document versé aux débats n'a permis de donner une autre version des faits ; que le rapport Gestion Budgets d'Assurance (GBA), versé aux débats par la société Generali Assicurazioni Generali Spa, a conclu à l'existence de circonstances de force majeure ; que menacé, le chauffeur n'a pu qu'obtempérer aux ordres des malfaiteurs ; qu'est ainsi établie l'existence de circonstances que le transporteur ne pouvait éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier au sens de l'article précité ; que la circonstance qu'il ait laissé la porte passager ouverte ne peut lui être opposée, car le vol à main armée n'aurait pu être évité par le respect de cette précaution ; que, présent dans le camion, sur une voie non signalée comme dangereuse, il n'avait aucune raison de prendre des précautions particulières ; que cette circonstance ne saurait en soi constituer une faute lourde du transporteur, contrairement à ce qu'ont jugé les Premiers Juges, car il convient de rappeler que cette faute suppose, pour être caractérisée, de rapporter la preuve d'une négligence d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée ; que la faute lourde doit donc se déduire de la gravité du comportement du transporteur, dument circonstanciée et ne peut s'établir sur des présomptions ; qu'aucune pièce du dossier ne permet en l'espèce de lui imputer la responsabilité du vol pour ne pas avoir pris toutes les précautions utiles pour éviter le vol ; que le ralentissement au rond point, qui a permis aux voleurs de faire irruption dans la cabine, n'est pas fautif en soi ; qu'aucune complicité du chauffeur n'a pu être établie ; qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir tenté de résister aux agresseurs ; que contrairement à ce qui a été prétendu par l'expert [Z], il ne pouvait alerter les secours lorsque le véhicule a été arrêté sur le parking du supermarché, car il est toujours resté sous le contrôle de ses agresseurs ; qu'il ne peut être tenu pour responsable de ne pas avoir mis son existence en péril pour protéger son chargement ; qu'en présence de cette circonstance de force majeure, la responsabilité de la société Euromodale ne peut être engagée, en tant que substituée de la société Molina Robertino ; que le jugement entrepris sera donc infirmé ;

Sur la responsabilité du commissionnaire

Considérant que la société Generali Assicurazioni Generali Sp soutient que la responsabilité de la société Euromodale ne peut être recherchée puisqu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles et que l'agression à main armée est survenue pendant le transport par route ;

Considérant que les assureurs soutiennent qu' indépendamment de la faute lourde commise par la société Euromodale, le commissionnaire de transport a commis une faute personnelle en violant des obligations qu'il avait contractées auprès de la société Moët & Chandon ;

Considérant que le commissionnaire s'engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci tous les actes juridiques nécessaires au déplacement d'une marchandise d'un lieu à un autre ; que la commission de transport se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et les moyens de son choix, sous son nom et sa responsabilité ;

Considérant qu'en l'espèce, il résulte de l'article 14 du contrat de prestations de transport « expéditions rail-route Europe », signé le 2 février 2005 entre les sociétés Moët et Chandon et Euromodale, intitulé « obligations de sécurité », que « pour le transport des Produits, le Commissionnaire devra donner priorité aux véhicules disposant de système de localisation par satellite » ( (b) ; que « le trajet devra s'effectuer sans arrêt prolongé tel que week end ou jour férié sur le territoire national, le pays de transit ou dans le pays de destination dans le cas d'un transport complet » © ; qu' « une liste des affrétés du Commissionnaire de Transport devra être communiquée à la Cellule Transport Moët et Chandon avec la réponse à l'appel d'offres pour être validée par les soins du service juridique de Moët et Chandon. Si en cours d'exercice, le Commissionnaire de Transport désire utiliser les services d'un affrété non inclus dans la liste annuelle, une autorisation préalable écrite devra être sollicitée auprès de la Cellule Transport Moët et Chandon pour accord » ; qu'il résulte des constatations de l'expert, que la société Euromodale n'a pas averti sa commettante du choix d'un transporteur ne figurant pas sur la liste des transporteurs affrétés ; que, par ailleurs, le camion n'était pas équipé de GPS ; qu'enfin, la caisse mobile est restée entreposée au terminal ferroviaire durant tout le week end ; que, cependant, ces négligences ne sauraient être révélatrices de l'inaptitude du commissionnaire à l'accomplissement de sa mission contractuelle et, donc, de la commission d'une faute ; que celles-ci, au demeurant, n'ont eu aucun rôle dans la réalisation du préjudice, car le vol à main armée n'aurait pas pu être empêché par ces formalités, ni les auteurs plus facilement interpellés, dans ce cas précis de figure d'infraction avec violence ; qu'en effet, le vol n'a pas été commis au terminal, mais à sa sortie, alors que le véhicule avait entamé sa course ; que le lien de causalité entre le stationnement prolongé au terminal et le vol n'est pas établi ; qu'il n'est pas davantage démontré que l'emploi d'un GPS aurait pu éviter le sinistre, car celui-ci aurait pu permettre de localiser plus vite les malfaiteurs, mais non d'éviter l'agression ; qu'enfin, la liste de transporteurs affrétés ne comporte que des noms de transporteurs français, ceux-ci venant chercher les caisses mobiles dans les entrepôts de Moët et Chandon et étant dès lors en position d'identifier la marchandise, ce que les transporteurs italiens n'étaient pas en mesure de faire, la caisse transportée étant anonymisée ; qu'ainsi, la société Euromodale n'a commis aucune faute personnelle dans l'accomplissement de sa prestation de commissionnaire ; que le jugement entrepris sera infirmé ;

Sur l'appel en garantie de la société Melina Robertino

Considérant que la société Generali Assicurazioni Generali Sp considère que la demande de condamnation de la société Melina Robertino et de son assureur Faro est fondée au motif que l'appel en garantie qu'elle a formé avec la société Euromodale est régi par le droit français qui connaît l'action directe de la victime ; qu'elle prétend être bien fondée à opposer aux assureurs les limitations d'indemnités prévues à l'article 23.3 de la C.M.R ;

Mais considérant que ce moyen est sans objet, en l'absence de mise en cause de l'assuré ;

PAR CES MOTIFS

- INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action des assureurs de la société Moët et Chandon,

- ET, STATUANT À NOUVEAU,

- DÉCLARE que le sinistre est du à une circonstance de force majeure,

- DÉCLARE que la société Euromodale n'a pas commis de faute personnelle et la société Melina Robertino de faute lourde,

- DÉBOUTE les sociétés Lloyd's of London Syndicat 1414 (RTH) Reith représentée par la société Lloyd's France, Allianz Marine & Aviation, Axa Corporate Solutions Assurances, Compagnie Ace European Group Limited, Groupama Transport, XL Insurance Company Limited et Lloyd's of London Syndicat 2488 Ace Global Markets Ltd de leurs demandes à l'encontre des sociétés Euromodale, Generali Assicurazioni Generali Sp, Robertino Melina, ainsi que Maître [Y] [G], ès qualités de liquidateur de la société Faro,

- CONDAMNE les sociétés Lloyd's of London Syndicat 1414 (RTH) Reith représentée par la société Lloyd's France, Allianz Marine & Aviation, Axa Corporate Solutions Assurances, Compagnie Ace European Group Limited, Groupama Transport, XL Insurance Company Limited et Lloyd's of London Syndicat 2488 Ace Global Markets Ltd, in solidum, aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- LES CONDAMNE à payer à chacune des sociétés Euromodale, Generali Assicurazioni Generali Sp, ainsi qu'à Maître [Y] [G], ès qualités de liquidateur de la société Faro, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/12884
Date de la décision : 20/11/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°12/12884 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-20;12.12884 ?
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