RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 19 Novembre 2013
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12689
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 09/14380
APPELANTE
Madame [L] [X]
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparante en personne,
assistée de Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER, avocat au barreau de TOURS
INTIMEE
SNCF
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Jean-luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665 substitué par Me Susan VIDES MEUNIER-MICHAUD, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Caroline PARANT, Conseillère
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [L] [X], qui avait été engagée par la SNCF le 2 mai 2006 en qualité de responsable des achats, a été licenciée pour faute grave le 12 novembre 2009.
Elle a saisi la juridiction prud'homale le 6 novembre 2009 d'une demande de résiliation de son contrat de travail et de paiement de diverses indemnités au titre de la rupture et d'une mise à pied disciplinaire dont elle avait fait l'objet précédemment.
Par jugement du 8 juillet 2011 notifié le 15 décembre, le conseil de prud'hommes de Paris l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
A l'audience du 7 octobre 2013, elle demande à la Cour de condamner la SNCF à lui payer les sommes de :
- 5000 € au titre de l'annulation de la mise à pied disciplinaire
- 1745 € à titre de rappel de salaire de la mise à pied disciplinaire
- 694 € au titre des congés payés afférents
- 100000 € de dommages-intérêts en raison de la résiliation judiciaire du contrat de travail ou subsidiairement du licenciement
- 9202 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 920,20 € au titre des congés payés afférents
- 3220,70 € au titre de l'indemnité de licenciement
- 100000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail
- et 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
avec intérêts capitalisés à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, en ordonnant la remise des bulletins de paie, certificat de travail et attestation 'Assedic' rectifiés, sous astreinte provisoire de 50 € par document et par jour de retard, en se réservant la liquidation.
Elle expose que, s'étant vu confier en plus de la charge de la passation des contrats de nettoyage celle des contrats de gardiennage en juin 2008, elle a immédiatement alerté sa hiérarchie sur les dysfonctionnements constatés dans ce domaine et, face à cette situation, a demandé à quitter la Direction des achats, et a été affectée le 1er février 2009 à la branche Voyages. Elle s'est vu reprocher trois mois plus tard de n'avoir pas pris les mesures nécessaires après s'être aperçue qu'un intérimaire avait essayé de faire référencer sur un appel d'offre une entreprise dans laquelle il était intéressé, ce qui lui a valu une mise à pied disciplinaire. Puis elle a été licenciée au motif de l'éviction d'une entreprise d'un appel d'offres pour le gardiennage de la Gare [2].
Elle demande l'annulation de la première sanction aux motifs d'irrégularités dans la composition du conseil de discipline et de son absence de justification, ayant immédiatement donné des instructions pour qu'il ne soit pas tenu compte de la candidature de la société litigieuse, et ayant demandé à sa hiérarchie de se séparer de l'acheteur intérimaire sans être suivie.
Elle ajoute que sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était fondée compte tenu de la manière dont les deux procédures disciplinaires ont été conduites, dans la précipitation et entièrement à charge, comme en ont témoigné aussi bien son défenseur qu'un des membres du conseil de discipline.
A titre subsidiaire, elle allègue que son licenciement est injustifié, l'employeur ayant épuisé son pouvoir disciplinaire à la date à laquelle il est intervenu par le prononcé de la mise à pied disciplinaire le 20 octobre 2009 pour tous les faits survenus et connus antérieurement, ce qui est le cas du motif de son licenciement sur lequel il lui a été demandé des explications le 3 août 2009. Elle soulève par ailleurs la nullité du licenciement pour défaut de qualité du signataire de la lettre de licenciement au regard des dispositions de l'article 3 du chapitre 9 du statut du personnel de la SNCF, et réfute en tout état de cause les griefs qui lui sont reprochés, sa hiérarchie ayant bien été avisée de l'éviction de la société G4S et elle-même n'ayant pas avalisé l'attribution du marché à APS qui a été signée par son supérieur hiérarchique sans son approbation. Elle souligne d'ailleurs qu'en matière de rejet des offres ou d'attribution de marchés, la décision doit être avalisée par au moins six personnes. Elle estime donc qu'elle a servi de bouc émissaire lorsque la société G4S s'est plainte des conditions de son retrait du marché de gardiennage, alors que la qualité de ses services et son respect des règles de transparence ont toujours été considérés comme irréprochables tant par ses collègues que dans toutes ses notations.
Elle considère avoir fait l'objet en conséquence de harcèlement moral, l'employeur n'ayant pas exécuté loyalement le contrat de travail dans le but de trouver un coupable, et sollicite, outre des dommages-intérêts à ce titre, une indemnité en réparation du préjudice moral et financier que lui a causé son licenciement, n'ayant pas retrouvé d'emploi à ce jour et subissant toujours les effets d'une dépression.
La SNCF demande pour sa part la confirmation du jugement et le rejet de l'intégralité des demandes, ainsi que la condamnation de Mme [X] à lui payer la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle allègue que la demande de résiliation judiciaire ne peut prospérer dans la mesure où la faute qui est reprochée à l'employeur découle du simple exercice de son pouvoir disciplinaire, qui s'est fait dans le respect, comme pour tout agent contractuel, des dispositions de la RH0254, laquelle renvoie au chapitre 9 du statut des relations collectives du personnel de la SNCF, dont la procédure est plus protectrice que celle de droit commun puisqu'elle prévoit la possibilité pour l'agent de faire valoir ses droits à de multiples reprises.
S'agissant de la mise à pied disciplinaire, elle considère qu'elle n'avait pas à communiquer la liste des représentants au conseil disciplinaire, que la composition de celui-ci était régulière, et que la sanction était justifiée, Mme [X] ayant laissé inscrire comme entreprise référencée la société créée par un acheteur intérimaire de la SNCF, en violation des règles concernant les conflits d'intérêts.
En ce qui concerne le licenciement, elle soutient que le signataire de la lettre de notification avait qualité s'agissant du service auquel l'intéressée était affectée au moment des faits litigieux, que dès lors qu'il existe des garanties statutaires, elles entraînent des délais qui doivent être respectés, et que le rapport du Contrôle Général totalement indépendant a établi une éviction non justifiée de la société G4S de la passation du marché de gardiennage de la Gare [2] alors qu'elle avait été titulaire du marché, et un traitement de favoritisme à l'égard de la société APS qui présentait un risque financier, imputables l'un et l'autre à l'intéressée.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
I. Sur la mise à pied disciplinaire
Attendu que Mme [X] s'est vu notifier le 21 octobre 2009 par le directeur des achats une mise à pied disciplinaire de 12 jours au motif qu'en tant que responsable du pôle achats gardiennage et nettoyage de la Centrale d'achats interrégionale de Paris (CAIP) au moment des faits, elle n'avait pas formalisé d'action, vis-à-vis de ses collaborateurs ou de sa hiérarchie, pour empêcher la société de gardiennage RBK Sécurité d'être consultée et ce, même en apprenant la codification dans l'ERP de cette société, alors qu'elle connaissait le lien étroit entre ladite société et un acheteur intérimaire de la SNCF et l'intention de cette société de répondre aux appels d'offre de la SNCF ;
Attendu en premier lieu, sur la régularité de la procédure disciplinaire, que Mme [X] soutient d'abord que les représentants de la direction faisant partie du conseil de discipline tenu en application du chapitre 9 relatif aux 'garanties disciplinaires et sanctions' du statut du personnel de la SNCF ne correspondaient pas à la liste remise avant la tenue du conseil, sans en justifier, la dite liste n'étant pas produite par l'appelante et n'ayant pas à être remise à l'agent à la lecture des dispositions conventionnelles ;
qu'elle invoque également le fait qu'un des membres représentant la direction au conseil était en lien étroit avec la direction des achats et figure sur l'organigramme de cette direction, s'agissant de Mme [R], chef du département juridique marchés ; que cependant, seuls ne peuvent siéger au conseil de discipline, selon l'article 6.6 du chapitre 9 du statut susvisé, le chef direct qui propose la punition et le ou les dirigeants qui ont eu à intervenir dans l'instruction de l'affaire ; que Mme [R] ne rentre dans aucun de ces deux cas, son nom n'apparaissant à aucun moment dans le rapport d'enquête comme ayant été entendue à cette occasion et l'appelante ne tirant la supposition de ce qu'elle l'a été que de la qualité de la personne ('du fait de sa position de conseil juridique elle n'a pas pu faire autrement que d'être consultée') ou de sa connaissance des faits faisant l'objet de la seconde sanction, sans rapport avec l'exclusion précise précitée ;
qu'elle allègue encore que les membres de la direction auraient mené une instruction à charge, sans justifier que cet élément de fait ait pu l'empêcher de faire valoir sa défense, alors que, d'une part, le conseil est composé de trois cadres supérieurs représentant la direction et de trois représentants du personnel appartenant au même collège que l'agent traduit afin précisément de conserver un équilibre dans l'examen de l'affaire, et que, d'autre part, elle était assistée d'un défenseur qui a pu intervenir ;
qu'enfin, elle estime que le signataire de la sanction ne pouvait être le directeur des achats, l'article 3 du chapitre 9 susvisé désignant comme autorité habilitée à prononcer la sanction dans le collège cadre le 'directeur ou chef de l'organisme pour les agents des directions', lequel aurait dû s'entendre comme celui de la direction dans laquelle elle était affectée au moment de la prise de la sanction, c'est-à-dire de la direction des voyages où elle avait été nommée à partir de février 2009 ; que toutefois, le texte doit être interprété comme donnant le pouvoir disciplinaire à la personne qui avait qualité pour l'exercer au moment des faits reprochés, qui seul peut avoir un intérêt à faire respecter au sein de son organisme les règles transgressées et en comprendre le mieux le fonctionnement ;
que la sanction a donc été prise dans le respect des garanties statutaires ;
Attendu en second lieu, en ce qui concerne le bien-fondé de la mesure disciplinaire, qu'il résulte du rapport d'enquête du contrôle général de la SNCF d'avril 2009 que les faits à l'occasion desquels Mme [X] a été sanctionnée étaient relatifs à un conflit d'intérêts, un salarié intérimaire acheteur au sein du pôle gardiennage de la CAIP de la SNCF ayant fait référencer une société de gardiennage dans laquelle il avait des intérêts sur la liste des entreprises candidates à un appel d'offre de la SNCF grâce à la complicité active de deux agents acheteurs ; que si l'enquête a démontré que Mme [X] avait refusé cette inscription et qu'elle ne l'avait pas validée, elle a mis toutefois en lumière qu'elle l'avait favorisée par sa passivité et sa 'non acquisition des valeurs éthiques de l'entreprise' ;
qu'en effet, elle a, dans un premier temps, donné un accord de principe à la sollicitation du salarié intérimaire concerné, et ce n'est que sur les conseils d'un agent, Mme [I], qui l'a remplacera ensuite dans son poste, qu'elle a renoncé à l'idée de confier à l'intéressé le gardiennage de locaux de la SNCF ; que si, interrogée le 8 janvier 2009 par la salariée chargée de la 'codification' des sociétés prestataires sur son accord à cette inscription demandée par l'agent intérimaire, elle lui a alors indiqué qu'il était hors de question que la société RBK Sécurité soit référencée, elle n'a jamais convoqué l'intéressé lui-même pour lui faire connaître son refus, ce qui aurait été le plus sûr moyen de lui faire cesser ses pressions, et a le lendemain envoyé un courriel à une collègue de la direction des achats pour lui demander : 'Nous avons une demande d'inscription d'un nouveau fournisseur, merci de me dire si en qualité d'acheteur famille tu dois valider cette demande' ; que vis-à-vis de son équipe qui était mise en copie, elle n'apparaissait donc plus si opposée que ça à l'inscription en question ; que le 16 janvier, avertie par un courriel de sa subordonnée de ce que la codification de la société litigieuse allait être effectuée par un autre agent à la demande du salarié intérimaire, elle n'a pas répondu, et celle-ci venant la voir dans son bureau pour savoir quelle attitude adopter, elle lui indique que la consultation d'un prestataire nécessitant la validation de quatre intervenants, cette procédure suffit à empêcher toute consultation de ladite société ; que cependant, elle n'a aucunement avisé les acheteurs de son équipe de sa position de refus ni tenu informé sa hiérarchie de l'inscription frauduleuse qui allait avoir lieu effectivement le 22 janvier, alors même qu'elle avait auparavant alerté sa hiérarchie du manque de fiabilité de l'acheteur intérimaire et prévenu son responsable hiérarchique, directeur de production, de sa demande de référencement de la société RBK dans laquelle il comptait se faire embaucher ; que si le fait qu'elle allait quitter le service peut en partie expliquer sa négligence, elle ne saurait la justifier puisqu'elle aurait dû, à l'inverse, aviser son 'N+1" des derniers rebondissements de l'affaire, lequel aurait pu prendre la décision adéquate à sa place ; que l'on doit considérer dans ces conditions, comme l'a fait le contrôleur général, que le message d'alerte éthique du 16 janvier 2009 relatif à l'imminence de la codification de la société n'a suscité aucune réaction chez la responsable du pôle, ce qui a favorisé sa réalisation, qui n'a été découverte par la responsable qui l'a remplacée dans ses fonctions que le 10 février 2009 ; que l'intéressée a donc une véritable responsabilité dans la commission des faits litigieux par son indifférence ou sa bienveillance à leur égard s'apparentant à une complicité passive qui lui permettait, tout en ayant pris une position officielle contraire la dégageant de toute responsabilité, de laisser subsister le référencement d'une société qui n'avait pas été validé ; que la SNCF se devant d'être exemplaire dans la passation de ses contrats, compte tenu de sa qualité d'entreprise nationale avec de gros marchés contrôlés, la sanction sévère prise à l'encontre de Mme [X], qui n'était certes pas la plus impliquée dans les faits mais qui était la responsable du service, apparaît en conséquence justifiée ;
II. Sur la rupture du contrat de travail
Attendu en premier lieu que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à être à son service, et qu'il est licencié ultérieurement, il convient d'abord de rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était justifiée et si tel est le cas, de fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement, et dans le cas contraire seulement, de se prononcer sur le licenciement ;
Attendu en l'espèce que Mme [X] a saisi la juridiction prud'homale juste avant le prononcé de la mesure de licenciement à son égard, au motif qu'elle estimait faire l'objet d'un acharnement disciplinaire du fait de la succession de deux procédures injustifiées ; que cependant, et sans dénier les répercussions qu'a pu avoir sur sa santé une procédure disciplinaire longue et nécessairement stressante, il a été vu que la première mesure a été prise régulièrement et légitimement ; que le fait qu'elle a été suivie, à la suite de la découverte de nouveaux griefs, d'une autre procédure qui a donné lieu à un nouveau déroulement des différentes étapes statutaires prévues par le règlement du personnel ne peut s'apparenter à du harcèlement ; que le jugement doit être en conséquence confirmé en ce qu'il a considéré comme non fondées tant la demande de résiliation préalable au licenciement que celle de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral ;
Attendu en second lieu, s'agissant de ce licenciement, que l'appelante considère que l'employeur aurait épuisé son pouvoir disciplinaire, par la notification de sa mise à pied disciplinaire, à l'égard de faits dont il avait déjà connaissance à cette époque ; que toutefois, si le prononcé d'une sanction disciplinaire interdit à l'employeur de reprendre une nouvelle sanction pour des faits connus de lui antérieurement à la première, c'est parce qu'il est présumé avoir renoncé à les sanctionner lorsqu'il a exercé son pouvoir disciplinaire ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, le chevauchement des deux procédures n'étant dû qu'à la découverte successive des deux griefs et à l'obligation qu'a la SNCF de respecter les garanties statutaires de bout en bout, sans sauter une étape de la procédure disciplinaire ;
Qu'il est également invoqué la nullité du licenciement pour défaut de qualité du signataire de la lettre de licenciement pour les raisons précédemment exposées, à savoir qu'il aurait dû s'agir de la directrice du service SNCF Voyages auquel Mme [X] était désormais affectée et non du directeur des achats ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit, il est légitime que la sanction soit prise par le 'directeur de l'organisme' auquel appartenait l'agent au moment des manquements reprochés, le mieux placé pour apprécier la globalité du contexte et exercer le pouvoir disciplinaire ;
Attendu que l'appelante conteste enfin le bien-fondé du licenciement, qui lui a été notifié à la fois par formulaire motivé daté du 12 novembre 2009 remis en main propre le 14 novembre et par lettre recommandée avec accusé de réception non motivée datée du 13 novembre 2009 et reçue le 14, si bien qu'elle ne peut arguer du défaut de motivation de celle-ci ;
Que les termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il convient d'indiquer que son licenciement pour faute grave est intervenu pour les motifs suivants: 'Dans le cadre de vos fonctions de responsable du pôle gardiennage à la CAI de Paris:
- vous avez accepté le rejet de l'offre de G4S pour non-conformité au cahier des charges de consultation en conseillant à la maîtrise d'oeuvre de ne pas motiver ce rejet, bafouant ainsi les fondamentaux de la traçabilité et de la transparence des décisions prises,
- vous avez omis d'informer votre hiérarchie du rejet de l'offre du prestataire sortant et des motifs qui ont présidé à cette éviction alors qu'il s'agit d'un point de contrôle essentiel,
- vous avez écarté sans justification la préconisation de votre acheteur d'exiger de la maîtrise d'oeuvre la formulation par écrit des réserves émises sur les offres techniques,
- vous n'avez pas respecté les critères de sélection du nouvel entrant (APS) mentionnés dans la note de stratégie et dans la note d'attribution en ne vérifiant pas tant les capacités économiques et financières que les capacités de ce nouveau prestataire,
- vous avez omis d'alerter votre hiérarchie sur le risque potentiel de défaillance financière d'APS dans la note d'attribution (un privilège a été inscrit au profit de l'URSSAF depuis juin 2009),
- vous avez avalisé, dans la note transmise à la hiérarchie, l'attribution à APS, nouvel entrant, dudit marché dont le montant (3M€) et 6 fois supérieur au dernier chiffre d'affaires déclaré (453 K€) de ce prestataire mettant ce dernier en situation de dépendance économique,
- vous n'avez pas respecté le principe d'égalité de traitement des offres des candidats en n'apportant aucun justificatif à la distinction entre les offres 'recevables sans réserve' et les offres 'recevables avec réserves',
- vous avez favorisé APS en classant son offre recevable sans réserve malgré les questions complémentaires posées alors que 3 autres offres, pour lesquelles des questions de même nature ont été posées, ont été déclarées recevables avec réserves.
Dans l'appel d'offres précédent concernant le Centre de gestion des appels (CGA) de PSI, vous avez avalisé l'introduction d'APS dans le panel des prestataires à consulter en non-respect des critères de sélection des candidats publiés au JOUE.' ;
qu'en résumé, à la suite de la plainte du 7 avril 2009 de la société G4S, prestataire sortant du marché de gardiennage de la gare de [1], il a été diligenté une enquête par le Contrôle Général de la SNCF qui a mis en évidence non seulement l'éviction non justifiée de la société G4S, mais également un soupçon de favoritisme au profit de la société Advantys Protection et Surveillance (APS), nouveau prestataire entrant, qui s'est vu attribuer le marché de 3 M€ pour une durée de 21 mois ; que l'enquête n'a pas permis d'identifier de malversation avérée, mais que, selon le rapport du contrôleur, les faits ont été favorisés par le comportement inacceptable observé, à plusieurs degrés de responsabilité, de la part de plusieurs agents de la CAIP et de la direction des achats ; qu'à cet égard, s'il est indéniable que plusieurs agents tant à des niveaux inférieurs que supérieurs ont fait preuve au mieux, d'incompétence, au pire, de connivences graves pour attribuer à une société qui présentait un risque important de défaillance financière avéré un marché après en avoir évincé son titulaire sans raison, il ressort des constatations et des déclarations mêmes de l'intéressée que Mme [X] a elle-même fortement contribué à cette situation de par sa fonction de responsable du pôle gardiennage ; qu'elle a ainsi, d'une part, approuvé une grille d'évaluation de l'offre technique de G4S signée des trois représentants de la maîtrise d'oeuvre et d'ouvrage avec pour seule mention 'la commission de notation juge cette offre non recevable, la proposition ne correspond pas au cahier des charges et à nos attentes', sans autre précision, en violation du Manuel Achat s'imposant à elle qui exige de motiver le rejet des candidatures à un marché, -a fortiori quand il s'agit du prestataire sortant-, reconnaissant après coup qu''il faut des indications factuelles' mais 'qu'il s'agissait d'une phrase qui a été validée dans le cadre de l'irrecevabilité des dossiers de nettoyage et qu'elle a été transposée au gardiennage', et qu'elle n'a, de surcroît, procédé à aucun signalement spécifique à ses supérieurs hiérarchiques, dans un 'rapport flash' dont c'est l'objet, du risque particulier résultant de l'éviction du prestataire sortant, si bien qu'aussi peu curieux qu'elle, leur contrôle s'est révélé tout aussi défaillant ; que d'autre part, nonobstant deux alertes concernant la société APS qui faisaient apparaître ses risques d'insolvabilité et dont Mme [X] avait eu connaissance (son exclusion d'un précédent marché pour cause de risque d'insolvabilité, transmis à Mme [X] le 19 septembre 2008 par son 'N+1", qui n'a au demeurant pas été plus vigilant qu'elle, et la note de la Coface de 7/20, qu'elle a jugé 'non révélatrice') , elle a validé la note de stratégie et la liste des candidats à consulter incluant la société, sans effectuer de contrôle à ce stade, et a classé l'offre d'APS comme recevable sans réserve, à l'inverse d'autres sociétés auxquelles il était demandé des informations complémentaires, permettant ainsi à cette société d'être ensuite retenue pour l'attribution du marché ; que la salariée ne peut tirer argument du fait que ce n'est pas elle qui a validé l'attribution du marché mais ses deux supérieurs hiérarchiques, dès lors qu'elle ne les a pas mis en capacité d'avoir un rapport complet et objectif sur les différents candidats ; que le contrôleur, répondant de manière préventive à un argument de l'appelante, souligne que l'intéressée avait reçu 192 heures de formation achat dont elle ne semble pas avoir retiré de profit, étant précisé que ce qui lui est reproché n'est pas un manque de compétence dans le domaine du gardiennage mais un manque de connaissance des règles de transparence en matière de passation des marchés, quelle que soit la matière dans laquelle sont passés les achats ; qu'il faut donc conclure avec le contrôleur que la salariée a démontré son incompétence professionnelle totale dans le domaine des achats, un manque de respect et de rigueur grave dans le traitement des candidats, et une absence complète de prise de conscience des risques financiers (la société G4S ayant présenté une revendication importante), judiciaires (G4S ayant introduit un recours administratif contre son rejet) et d'image (la presse s'étant emparée de l'attribution problématique de ce marché de gardiennage) qu'elle faisait courir à son employeur, en se retranchant derrière la responsabilité soit de ses subordonnés (la jeune acheteuse), soit de ses supérieurs ; que son licenciement est donc justifié par une cause réelle et sérieuse ;
Attendu toutefois que l'enquête n'a pas révélé de malversation avérée, et notamment pas à l'encontre de Mme [X], son attitude ayant cette fois encore simplement favorisé des 'connivences' surprenantes à un niveau inférieur relevées par le contrôleur ; que dans ces conditions, l'intéressée ayant à l'époque de la sanction quitté le service Achats pour un autre où elle donnait satisfaction, ses fautes professionnelles n'apparaissent pas d'une gravité telle qu'elles justifiaient la rupture immédiate de son contrat de travail sans indemnités de rupture ;
qu'en conséquence, l'appelante est justifiée à réclamer, son dernier salaire brut s'élevant au vu de son attestation pour Pôle Emploi à 4351,12 €, les sommes de :
- 8702,24 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis légale
- 870,22 € au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés incidents
- et 3045,78 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande du 10 novembre 2009, et capitalisation de ceux-ci ;
Que la SNCF devra remettre un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation pour Pôle Emploi portant mention de la période de préavis, sans qu'une astreinte ne se justifie en aucune manière ;
Attendu enfin qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante la totalité de ses frais de procédure ; qu'une somme de 1000 € lui sera allouée à ce titre;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une faute grave ;
Statuant de nouveau sur les demandes en découlant,
Condamne la SNCF à payer à Mme [L] [X] les sommes de :
- 8702,24 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis légale
- 870,22 € au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés incidents
- et 3045,78 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2009, et capitalisation de ceux-ci,
- et 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamne la SNCF aux dépens d'appel, outre ceux éventuels de première instance.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT FF