La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2013 | FRANCE | N°12/08162

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 14 novembre 2013, 12/08162


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 14 NOVEMBRE 2013



(n°637, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/08162



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Avril 2012 -Tribunal de Commerce de RENNES





APPELANTE



SAS CARREFOUR HYPERMARCHES

agissant poursuites et diligences de son président en exercice domicilié en cette qualité aud

it siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toq...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 14 NOVEMBRE 2013

(n°637, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/08162

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Avril 2012 -Tribunal de Commerce de RENNES

APPELANTE

SAS CARREFOUR HYPERMARCHES

agissant poursuites et diligences de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Caroline DEMEYERE avocat au barreau de Lille

INTIMEE

Société SODISHAGUE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée de Me Vincent GACOUIN avocat au barreau de Rouen, toque : 62

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Frédéric CHARLON, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Frédéric CHARLON, président

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseillère

Madame Sylvie MAUNAND, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Frédéric CHARLON, président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier.

ELEMENTS DU LITIGE :

La société par actions simplifiée Sodishague (la société Sodishague ), adhérente du mouvement E. Leclerc, exploite un hypermarché à [Localité 1] dans la Manche, à proximité de l'hypermarché de sa concurrente la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarché (société Carrefour), situé à [Localité 3].

Le 25 mars 2011 la société Carrefour a interdit aux salariés de la société Sodishague d'effectuer dans son magasin des relevés de prix par des moyens électroniques si bien que le 7 mars 2012 celle-ci a assigné la société Carrefour devant le juge des référés du tribunal de commerce de Rennes pour demander, au visa des articles 873 du code de procédure civile, L.420-2, L.420-7 et R.420-3 du code de commerce, de condamner sous astreinte la défenderesse laisser pratiquer dans ses locaux des relevés de prix par ses propres salariés, y compris par des moyens électroniques.

Par ordonnance du 10 avril 2012, le juge des référés a':

- ordonné à la société Carrefour de permettre à la société Sodishague de pratiquer des relevés de prix au moyen d'un lecteur optique de codes-barres au sein de son magasin exploité à [Localité 3], et ce sous astreinte de 3 000 euros par infraction constatée par huissier, pour une durée de 3 ans à compter du jour de la signification de l'ordonnance,

- commis un huissier de justice pour procéder au constat des éventuelles infractions à cette ordonnance,

- condamné la société Carrefour à payer la société à Sodishague la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Sodishague du surplus de ses demandes,

- condamné la société Carrefour aux dépens.

La société Carrefour a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 2 octobre 2013 la société Carrefour demande':

* in limine litis

- de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à rendre par la Cour Européenne des Droits de l'Homme sur la requête qu'elle a déposée le 19 mars 2012,

- de débouter la société Sodishague toute demande contraire,

* au fond

- de constater l'absence d'urgence démontrée par la société Sodishague,

- de constater que les demandes de la société Sodishague se heurtent à une contestation sérieuse,

- de constater à tout le moins l'absence de trouble manifestement illicite démontré,

- de donner acte en toute hypothèse à la société Carrefour de son accord pour laisser pratiquer des relevés de prix par les préposés de la société Sodishague moyennant le choix d'un jour précis et en conséquence,

- de constater que si trouble manifestement illicite il y a eu, celui-ci a cessé et de dire n'y avoir lieu à référé,

- d'infirmer de ce chef et en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par président du tribunal de commerce de Rennes,

- de débouter la société Sodishague de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

* A titre reconventionnel et s'il était fait droit aux demandes de Sodishague':

- de constater le trouble manifestement illicite résultant du refus de la société Sodishague - de laisser pénétrer dans son point de vente la Société Iri France aux fins de relevés de prix,

- d'ordonner en conséquence à la société Sodishague d'avoir à laisser pratiquer des relevés de prix par la Société Iri France ou par les préposés de la société Carrefour au moyen de lecteurs optiques de codes barres ou par tout autre moyen approprié en son établissement Leclerc de [Localité 1], et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée,

- de condamner la société Sodishague au paiement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions du 27 septembre 2013 la société Sodishague demande':

- de confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Rennes le 10 avril 2012,

- de condamner la société Carrefour aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI LA COUR';

Sur la demande de sursis à statuer

Considérant que, dans un autre litige opposant la société Carrefour à une société de distribution sous l'enseigne E. Leclerc, la Cour de cassation a rendu le 4 octobre 2011 un arrêt (Chambre commerciale, Bulletin 2011, IV n°146) dans lequel elle énonce qu'il résulte de l'article L. 410-2 du code de commerce que, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les'prix'des biens et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence et que la fixation des'prix'par ce libre jeu de la concurrence commande que les concurrents puissent comparer leurs'prix'et en conséquence en faire pratiquer des'relevés'par leurs salariés dans leurs magasins respectifs';

Que par requête du 19 mars 2012 la société Carrefour a saisi la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour faire constater que par cette décision de la Cour de cassation, l'Etat français n'avait pas respecté les exigences de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel n°1;

Que la société Carrefour sollicite un sursis à statuer jusqu'à la décision que rendra la CEDH sur cette requête, ce à quoi s'oppose la société Sodishague';

Considérant que le'sursis'à'statuer'dans l'attente d'une décision de la CEDH, n'étant pas prévu par la loi, l'opportunité de le prononcer relève du pouvoir discrétionnaire du juge du fond'; qu'il suffit en l'espèce de constater que, compte tenu de la durée des délais d'instruction et de jugement devant la CEDH, le recours pendant devant cette juridiction supranationale repousse à une date trop lointaine la survenance de l'évènement qui mettrait fin à un sursis à statuer, ce qui apparaît incompatible avec le droit de la société Sodishague d'obtenir dans un délai raisonnable une décision définitive dans le présent litige';

Que dès lors la demande de sursis à statuer sera rejetée';

Sur le trouble manifestement illicite

Considérant que la société Sodishague fonde ses demandes notamment sur les dispositions de l'article 873 du code de procédure civile dont l'application n'est pas subordonnée à la preuve de l'urgence de la mesure sollicitée';

Considérant qu'il est licite que chaque commerçant puisse comparer, pour l'information du public, les caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des biens ou services qu'il vend, avec ceux que ses concurrents proposent à leur propre clientèle, la caractéristique la plus objective et la plus directement comparable étant le prix d'un produit';

Que la société Carrefour ne saurait sérieusement opposer la protection de son domicile et de sa propriété privée';

Qu'en effet le droit à la protection du domicile ne s'étend aux locaux d'une personne morale que si les individus qui y travaillent sont susceptibles d'exercer sur place des activités relevant de leur sphère privée, afin qu'ils soient protégés contre toute intervention arbitraires ou disproportionnée de quiconque';

Qu'il n'en est pas ainsi en l'occurrence puisque la société Sodishague réclame l'accès par ses préposés aux espaces de vente de l'hypermarché Carrefour ouverts sans obligation d'achat à tout public et dans lesquels la direction et le personnel de l'établissement n'exercent que des activités ostensibles dépourvues de caractère privé';

Que par ailleurs la présence de tiers, fussent-ils mandatés par un concurrent pour procéder à un recensement de prix, au sein de l'établissement exploité par la société Carrefour ne constitue pas de toute évidence une atteinte au droit d'usage (usus), qui est l'une des prérogatives du droit de propriété, dès lors que la liberté d'accès est consubstantielle à l'activité d'un hypermarché et que l'information sur le prix d'un produit affiché dans les lieux de vente ne constitue pas un bien dont la société Carrefour serait propriétaire';

Considérant que l'attitude de la société Carrefour à l'égard de la société Sodishague constitue donc un trouble manifestement illicite qui n'a pas cessé dans la mesure où l'appelante continue à s'opposer à tous relevés de prix dans son hypermarché de [Localité 3] par la société Sodishague';

Considérant que toutefois, afin de ne pas gêner, les jours de grande affluence, l'accès des clients aux présentoirs ni fausser les opérations de relevés de prix qui nécessitent concentration et minutie, il apparaît nécessaire de n'autoriser les interventions des préposés de la société Sodishague que du lundi au jeudi inclus';

Sur la demande reconventionnelle de la société Carrefour

Considérant que la société Carrefour demande reconventionnellement à être autorisée à faire pratiquer par un prestataire de service des relevés de prix dans l'hypermarché Leclerc de [Localité 1]';

Qu'effectivement la société Carrefour justifie de ce qu'à trois reprises un de ses prestataires s'est vu opposer un refus d'effectuer de tels relevés dans l'établissement qu'exploite la société Sodishague à [Localité 1] '; qu'en conséquence il convient de faire droit à cette demande reconventionnelle';

Considérant que pour assurer la bonne exécution des condamnations respectives ainsi prononcées il y a lieu de les assortir d'une astreinte identique pour chaque partie, selon les modalités indiquées dans le dispositif ci-après';

Qu'il n'y a pas lieu de commettre un huissier de justice pour constater d'éventuelles infractions' et qu'il appartiendra aux parties, le cas échéant, de recourir elles-mêmes et à leurs frais à un huissier à cette fin';

Que les autres dispositions de l'ordonnance du 10 avril 2012 seront confirmées';

Considérant qu'en application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, chaque partie devra supporter la moitié des dépens d'appel et conserver à sa charge ses frais irrépétibles';

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l'ordonnance rendue le 10 avril 2012 par le juge des référés du tribunal de commerce de Rennes en ce qu'elle ordonne à la société Carrefour Hypermarché de permettre à la société Sodishague de pratiquer des relevés de prix au moyen d'un lecteur optique de codes barres au sein de son magasin exploité à [Localité 3] et en ce qu'elle condamne la société Carrefour aux dépens y compris le coût du constat du 25 mars 2011 et à payer à la société Sodishague une somme de 3.000 euros pour frais de procédure';

INFIRME les autres dispositions de cette ordonnance';

Statuant à nouveau':

DIT que la condamnation ci-dessus est assortie d'une astreinte provisoire de 2.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision';

Y ajoutant':

ORDONNE à la société Sodishague de laisser pratiquer des relevés de prix en son établissement Leclerc de [Localité 1] (Manche) par la Société Iri France ou par les préposés de la société Carrefour, au moyen de lecteurs optiques de codes-barres ou par tout autre moyen approprié, et ce sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision';

DIT que les astreintes ainsi prononcées seront liquidées, si besoin est, par le juge de l'exécution territorialement compétent';

FAIT MASSE des dépens d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties';

LAISSE à la charge de la société Carrefour et de la société Sodishague leurs frais exposés et non-compris dans les dépens ;

ACCORDE aux avocats postulants des parties le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu de provision ;

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/08162
Date de la décision : 14/11/2013

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°12/08162 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-14;12.08162 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award