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14/11/2013 | FRANCE | N°11/12291

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 14 novembre 2013, 11/12291


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 14 Novembre 2013

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12291



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Octobre 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY Section Encadrement RG n° 10/02410





APPELANTE

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF EST

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Van

ina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985 substituée par Me Nolwenn AGBOVOR, avocat au barreau de PARIS





INTIMES

Me [X] [Q] - Mandataire liquidateur de la SA N SPAT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 14 Novembre 2013

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12291

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Octobre 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY Section Encadrement RG n° 10/02410

APPELANTE

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF EST

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985 substituée par Me Nolwenn AGBOVOR, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Me [X] [Q] - Mandataire liquidateur de la SA N SPATZ ET FILS

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Jean-Noël COURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0079

Monsieur [Y] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne

assisté de Me Martin SALÉ-MONIAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0490

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Monsieur Rémy LE DONGE, Conseiller

Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS-PROCEDURE-PRETENTIONS

Monsieur [Y] [W] a été engagé le 1er août 1978 par la société anonyme N Spatz et fils en qualité d'attaché de direction, relevant de la convention collective nationale des industries de l'habillement (IDCC 247).

Le 17 janvier 1997, l'assemblée générale des actionnaires de cette SA a nommé M [W] administrateur et président du conseil d'administration de la société en fixant sa rémunération à ce dernier titre à la somme annuelle de 500.000 F et a décidé de la suspension de son contrat de travail pendant la durée de son mandat social.

Par jugement du 8 juillet 2008, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire pour cette société, convertie en liquidation judiciaire le 29 octobre 2009.

Le 6 novembre 2009, Maître [X], mandataire liquidateur de cette société, a notifié à M [W] son licenciement pour motif économique aux motifs que la liquidation judiciaire entraînait la cessation d'activité et le dessaisissement du mandat social, que le contrat de travail retrouvait donc ses effets et que son poste était supprimé, sans possibilité de reclassement.

L'AGS a cependant refusé d'avancer les indemnités de préavis, de congés payés et de licenciement, au motif qu' au jour de l'ouverture de la liquidation judiciaire M [W] n'avait pas la qualité de salarié et que la qualité de mandataire primait sur celle de salarié.

S'estimant créancier d'un salaire du 29 octobre au 6 novembre 2009, ainsi que des indemnités de préavis et de licenciement, M [W] a saisi le conseil de prud'hommes le 29 juin 2010.

Par jugement de départage du 28 octobre 2011, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

Fixé les créances de M [W] au passif de la liquidation judiciaire de la société N Spatz et fils aux sommes de :

- 1 421,50 € au titre du salaire pour la période du 29 octobre au 6 novembre 2009,

- 21 322,44 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 2 519,98 € pour l'indemnité de congés payés afférents,

- 61 079,91 € au titre de l' indemnité conventionnelle de licenciement,

Dit que l'AGS devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail dans la limite du plafond 6 prévu aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,

Ordonné l'exécution provisoire du jugement,

Condamné l'AGS à payer à M [W] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné l'AGS aux dépens.

L'Unedic délégation AGS CGEA Ile de France Est a régulièrement fait appel de ce jugement.

APPELANTE, l'Unedic délégation AGS CGEA Ile de France Est demande à la cour de :

Infirmer le jugement, débouter M [W] et ordonner la restitution des sommes avancées au titre de l'exécution provisoire du jugement.

A titre subsidiaire,

Ramener les demandes à de plus justes proportions.

Donner acte à l'AGS de ce qu'elle s'en rapporte dans les limites suivantes :

- rappel de salaire : 1.158,60 €

- indemnité compensatrice de préavis ; 15.448 €

- indemnité conventionnelle de licenciement : 26.060,76 € avec un salaire de référence de 5.330,61 € et une ancienneté de 18 ans et 5 mois sous réserve de la possibilité de cumul en 1996.

En tout état de cause,

Dire que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes des dispositions des articles L 3253-6 et suivants du code du travail, et notamment dans la limite du plafond 6 de 68.616 € en 2009.

Dire qu'en application des dispositions des articles L 3253-6 du code du travail, elle n'est pas concernée par les demandes au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuer ce que de droit sur les dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS CGEA.

INTIME, Monsieur [Y] [W] demande à la cour de :

Confirmer le jugement, sauf en ce qui concerne le montant des créances au titre du rappel de salaire, de l'indemnité de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Statuant à nouveau,

Fixer sa créance au passif de la société N Spatz et fils aux sommes suivantes : - 1.600 € brut au titre du salaire pour la période du 29 octobre au 6 novembre 2009,

- 24.000 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.519,98 € brut au titre des indemnités de congés payés,

- 68.750 € net au titre des indemnités conventionnelles de licenciement.

et subsidiairement aux sommes de :

- 1.421,50 € au titre du salaire pour la période du 29 octobre au 6 novembre 2009,

- 21.322,44 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.519,98 € au titre des indemnités de congés payés,

- 62.190,45 € net au titre des indemnités conventionnelles de licenciement.

Dire la fixation de créance opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA Ile de France Est.

Dire que l'Unedic délégation AGS CGEA Ile de France Est est tenue de garantir la créance et d'en faire l'avance dans la limite du plafond légal, soit 68.616 €.

Condamner l'Unedic et Maître [X], es qualités, à lui verser, sous astreinte journalière de 100€ à compter de l'arrêt, la somme de 5.746,41 € correspondant à la différence entre le plafond légal et la somme de 62.869,59 € versée en exécution, du jugement.

Dire subsidiairement qu'il ne devrait restituer que la somme de 62.869,59 €.

Condamner l'Unedic délégation AGS CGEA Ile de France Est et Maître [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société N Spatz et fils, à lui verser la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner ces derniers aux dépens.

INTIMEE, Maître [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société N Spatz et fils, demande à la cour de :

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Débouter M [W] de toutes ses demandes.

Ordonner la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où il serait fait droit au principe de la demande,

Dire que la créance alléguée ne pourra être supérieure aux sommes de :

- 1.158 € au titre du rappel de salaire,

- 15.448 € à titre d'indemnité compensatrice de prévis,

- 26.060,76 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Condamner M [W] aux dépens.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs écritures visées par le greffe le 27 septembre 2013, auxquelles elles se sont référées et qu'elles ont soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant qu'il est constant que le contrat de travail de M [W] a été suspendu à compter du 17 janvier 1997 et ce pendant la durée de son mandat social dans la SA N Spatz et fils ; que le litige porte sur le point de savoir si, à la suite du prononcé de la liquidation judiciaire de cette société le 29 octobre 2009, M [W] a cumulé ou non les qualités de salarié et d'administrateur jusqu'à son licenciement le 6 novembre 2009 pour motif économique ;

Que l'Unedic délégation AGS CGEA soutient qu'il n'est pas possible de cumuler les qualités de salarié et d'administrateur si les fonctions assumées dans le cadre du contrat de travail ne sont pas distinctes de celles d'administrateur, que sa charge d'attaché de direction ne couvre pas des fonctions techniques distinctes de celles incombant aux administrateurs, qu'il a été rémunéré à compter du 1er janvier 1997 qu'en sa seule qualité de président du conseil d'administration de la société, que cette qualité a subsisté après la liquidation judiciaire en application de l'article L 641-9 II du code du commerce, de sorte que M [W] ne peut prétendre que son contrat de travail a repris effet en raison de la fin de son mandat social ;

Que Maître [Q] [X] fait valoir que si la liquidation judiciaire entraîne la dissolution de la personne morale par application des dispositions de l'article 1844-7, 7° du code civil, les dirigeants sociaux demeurent en fonction après le prononcé de la liquidation judiciaire par application de l'article L 641-9-II du code de commerce issu de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, de sorte qu'il " n'apparaît pas que M [W] puisse soutenir que son contrat de travail suspendu pendant l'exercice de son mandat social, ait repris ses effets à la suite du prononcé de la liquidation judiciaire de la société N Spatz et fils" ;

Que M [W] soutient en substance que :

- en application de l'article 1844-7 du code civil, la dissolution de la société N Spatz et fils par l'effet de la liquidation judiciaire a mis de fait un terme à son mandat social et son contrat de travail, suspendu pendant la durée de son mandat social, a alors repris ses effets le 29 octobre 2009,

- l'article L 641-9-II du code de commerce n'a pas vocation à s'appliquer,

- il n'a touché aucune rémunération en qualité de PDG à compter du 29 octobre 2009.

- M Maître [X] qui lui a conféré la statut de salarié dans la lettre de licenciement, ne peut sans violer le principe de l'estoppel développer dans ses conclusions une argumentation contraire;

Considérant qu'en application de l'article L 121-1 devenu L 1221-1 du code du travail, sauf convention contraire, le contrat d'un salarié devenu mandataire social et qui cesse d'exercer des fonctions techniques dans un état de subordination à l'égard de la société est suspendu pendant la durée du mandat, pour retrouver tous ses effets lorsque le mandat social prend fin ; qu'inversement, le cumul du mandat social avec un contrat de travail est possible à la condition que le salarié exerce des fonctions techniques rémunérées et distinctes de son mandat social, sous la subordination de l'employeur ;

Que selon l'article 1844-7 7° du code civil, la société prend fin par l'effet du jugement ordonnant la liquidation judiciaire ;

Qu'en application de l'article L 122-4 devenu L 1231-1 du code du travail, la liquidation judiciaire de l'employeur n'entraîne pas à elle seule la rupture des contrats de travail ;

Que l'article L 641-9 du code de commerce issu de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 dispose que lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants en fonction lors du prononcé du jugement de liquidation judiciaire le demeurent, sauf dispositions contraires des statuts ou décision de l'assemblée générale ;

Qu'il suit de ces dispositions que le mandat social du dirigeant survit à la dissolution de la société entraînée par sa liquidation judiciaire, pour les besoins de cette liquidation, de même que son contrat de travail, qui n'est pas rompu par le seul effet de la liquidation judiciaire mais par les divers modes de rupture, notamment dans ce cas par le licenciement pour motif économique, survit à la condition d'exercer des fonctions techniques distinctes de son mandat social, sous la subordination de l'employeur ;

Que l'accomplissement de la procédure de licenciement, obligatoire pour mettre fin au contrat de travail qui n'est pas rompu par le seul effet de la liquidation judiciaire, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un contrat de travail, quand bien le mandataire liquidateur, dans sa lettre de licenciement, a considéré M [W] comme étant salarié depuis la liquidation judiciaire ;

Qu'en l'espèce il n'est justifié d'aucun travail effectif de M [W], à compter du 29 octobre 2009 jusqu'à son licenciement, par l'accomplissement de fonctions techniques distinctes de son mandat social maintenu pendant la liquidation judiciaire, ce qui s'explique par le fait que la société N Spatz et fils avait cessé toute activité, alors que le bulletin de salaire produit par M [W] pour la période du 1 au 6 novembre 2009 rémunère, non pas sa fonction d'attaché de direction pour laquelle il avait été engagé à l'origine, mais sa qualité de "PDG" nécessairement liée à son mandat social ;

Qu'il s'en suit que n'étant pas salarié au jour de son licenciement, M [W] n'est pas fondé dans ses demandes dont il doit être débouté, le jugement étant infirmé en toutes ses dispositions;

Qu'il sera rappelé que le présent arrêt vaut titre à l'encontre de M [W] pour recouvrer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement ;

Considérant que M [W] qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 28 octobre 2011 en toutes ses dispositions ;

DEBOUTE M [W] de toutes ses demandes ;

ORDONNE, en tant que de besoin, à M [W] de restituer les sommes réglées au titre de l'exécution provisoire du jugement ;

CONDAMNE M [W] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

L. CAPARROS P. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 11/12291
Date de la décision : 14/11/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°11/12291 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-14;11.12291 ?
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