Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 13 NOVEMBRE 2013
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/02856
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Février 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS- RG n° 2010040059
APPELANTE
SARL D'ARCHITECTURE BLANDIN ET LABEL
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée et assistée par : Me Yann GASNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0470
INTIMEE
SA INDUSTRELEC METHODE ET INGENIERIE (ANCIENNEMENT DE NOMMEE GODAMAR-PSI) Société INDUSTRELEC METHODE ET INGENIERIE anciennement dénommée GODAMAR-PSI
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée et assistée par : Me Patrick ATLAN de la SCP PATRICK ATLAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0006
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Septembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-José THEVENOT, Présidente de chambre
Madame Dominique BEAUSSIER, Conseillère
Madame Maryse LESAULT, Conseillère
qui en ont délibéré
Rapport oral fait par Madame Marie-José THEVENOT, Présidente de chambre, conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Aline NEGRE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-José THEVENOT, Présidente et par Guillaume MARESCHAL, Greffier.
*******
La société BLANDIN ET LABEL, architecte, a signé en 2007 un contrat de maîtrise d'oeuvre avec une société GODAMAR représentée par M. [Q]. Ce contrat portait sur une construction de 21.720m² de SHON pour une enveloppe financière de 28.015.800€ HT.
Les dossiers de permis de construire ont permis d'obtenir une surface de SHON supérieure. Les permis de construire ont été déposés par une société COGESPRIM.
Estimant que conformément à son contrat il avait droit au paiement total de la phase 1 des prestations, et des honoraires calculés sur l'assiette réelle des m² obtenus et revalorisés, la société BLANDIN ET LABEL a assigné la société GODAMAR en paiement des sommes principales de 1.482.714,69€ TTC et 19.734€.
GODAMAR a formé une demande reconventionnelle en remboursement de la somme de 198.000€ versée à titre d'honoraires.
Par jugement du 2 février 2012 le tribunal de commerce de Paris a débouté les parties de leurs demandes et a condamné la société BLANDIN ET LABEL à verser à la société GODAMAR la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société BLANDIN ET LABEL a formé appel principal.
Dans ses conclusions du 15 février 2012 elle demande à la cour d'infirmer la décision, de constater que les permis de construire ont été cédés au profit de la société COGESPRIM, ce qui rend le solde d'honoraires exigible, subsidiairement de dire que si la cession n'est pas établie, la condition contractuelle est réputée acquise dès lors que la société GODAMAR en a empêché la réalisation, et très subsidiairement de dire que la rupture du contrat d'architecte est intervenue prématurément avant l'achèvement de la phase 1, de condamner la société INDUSTRELEC METHODE ET INGENIERIE venant aux droits de la société GODAMAR à lui payer les sommes de 1.239.728€ HT soit 1.482.714,69€ TTC au titre de la facture 958 portant sur les honoraires de la phase 1 avec intérêts au taux contractuels de 4,72% à compter du 23 octobre 2009, de 16.500€ HT soit 19.734€, objet de la facture 945 en date du 9 juin 2008 prévue à l'art P 5-2 des clauses particulières du contrat d'architecte , avec intérêts contractuels de 4,73% à compter du 20 juin 2008, subsidiairement de la condamner au paiement des sommes principales de 1.113.382,27€ HT outre intérêts et 16.500€ HT outre intérêts, ou encore de la condamner au paiement des sommes de 495.891€ ou 445.353€ , en tout état de cause de dire abusive la rupture, et de condamner la société INDUSTRELEC METHODE ET INGENIERIE au paiement de la somme de 450.000€ à titre de dommages et intérêts ainsi qu'à la somme de 20.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions du 16 juillet 2012 la société INDUSTRELEC METHODE ET INGENIERIE, qui avait formé une demande relative à l'irrecevabilité de l'appel de la société BLANDIN ET LABEL mais a déclaré à l'audience y renoncer, demande à la cour d'infirmer le jugement, de condamner la société BLANDIN ET LABEL au remboursement de la somme de 181.500€, de débouter la société BLANDIN ET LABEL de ses demandes, subsidiairement de juger que la somme à laquelle il peut prétendre ne peut excéder 571.000€ , de débouter la société BLANDIN ET LABEL pour le surplus, en tout état de cause de la condamner au paiement de la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour se réfère pour plus ample exposé des demandes aux conclusions ainsi visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le contrat d'architecte signé le 10 avril 2007 entre la société BLANDIN ET LABEL architecte et la société GODAMAR en qualité de maître d'ouvrage, prévoit qu'il s'exécutera en deux phases :
- la première :
'autorisations administratives, permis de construire et permis de démolir'
comprenant :
A) une rémunération forfaitaire de 198.000€ jusqu'au dépôt des autorisations de permis de construire et de permis de démolir,
B) à la cession du permis de construire par le maître d'ouvrage ou à la déclaration d'ouverture du chantier un solde d'honoraires égal à 32% des honoraires de 8,4% du montant HT prévisionnel des travaux (28.015.800€)
C) en cas de SHON supérieure à 21721m², un complément d'honoraires de 37€ HT par m² de SHON supplémentaire à la cession du permis de construire par le maître d'ouvrage ou à la déclaration d'ouverture du chantier.
- la seconde :
'chantier',
entraînant le versement d'honoraires égaux à 68% de 8,4% du montant des travaux.
En l'espèce les permis ont été obtenus en février 2009 mais il n'y a pas eu de phase 2, les relations contractuelles ayant pris fin le 10 septembre 2009 à l'initiative de GODAMAR.
La société BLANDIN ET LABEL soutient qu'il y a eu cession des permis au profit de la société COGESPRIM, distincte de GODAMAR, que ce fait constitue le fait générateur du droit à ses honoraires de la phase 1.
Cependant les permis de construire ont dès l'origine été déposés au nom de la société COGESPRIM, ainsi qu'il a été demandé par la société GODAMAR par lettre du 21 juillet 2008. Les certificats de propriété de COGESPRIM ont également été transmis pour l'essentiel à cette date à BLANDIN ET LABEL. Et surtout dès le début de l'opération, suivant lettre du 29 mars 2007 donc antérieure à la signature du contrat d'architecte, le dirigeant de la société GODAMAR précisait au cabinet BLANDIN ET LABEL que la société GODAMAR 'avait reçu mission de la sarl COGESPRIM actuel propriétaire des terrains et bâtiments' de [Localité 2], que la société BLANDIN ET LABEL se voyait confier la mission d'architecte jusqu'à l'obtention du permis de construire, qu'il devait établir la facture au nom de la société GODAMAR et adresser les correspondances à une société ICM.
Si postérieurement à cette lettre de 2007 les conditions financières voire l'ampleur du contrat ont été modifiées, la société BLANDIN ET LABEL ne pouvait ignorer les conditions d'intervention de GODAMAR, qui ne s'est jamais présentée comme propriétaire des terrains et titulaire des droits à construire mais est toujours intervenue en la seule qualité de maître d'ouvrage.
Il résulte de ces éléments qu'aucune cession de permis de construire au sens contractuel n'est intervenue.
La société BLANDIN ET LABEL savait dès l'origine que le véritable bénéficiaire et titulaire des droits à construire et du permis de construire était GOGESTRIM . Pour autant une cession de ces droits à un tiers, susceptible d'entraîner la réalisation de la clause 1)B du contrat demeurait possible et GODAMAR disposait en sa qualité de maître d'ouvrage du pouvoir de procéder à l'ouverture du chantier. Par conséquent aucun agissement de GODAMAR de nature à empêcher la réalisation de la clause n'est démontrée.
L'ouverture du chantier n'est pas intervenue, la société GODAMAR ayant pris la décision en septembre 2009 de retirer à la société BLANDIN ET LABEL les deux dossiers en cours, celui litigieux concernant l'opération de [Localité 2] et un autre concernant une opération à [Localité 1].
Subsidiairement la société BLANDIN ET LABEL soutient avoir rempli sa mission et avoir droit au versement de l'indemnité de rupture anticipée prévue par l'article 6. 2 du contrat, qu'elle chiffre à 496.891€ ou 445.353€ selon que l'assiette de calcul est réactualisée ou non.
Elle réclame en outre une somme de 450.000€ au titre de la rupture abusive du contrat.
De son côté la société INDUSTRELEC METHODE ET INGENIERIE (GODAMAR) soutient qu'elle a usé du droit qui lui était reconnu contractuellement de mettre fin au contrat après l'obtention des autorisations administratives, que la rupture est imputable aux carences de la société BLANDIN ET LABEL qui ne peut prétendre à aucun paiement dès lors que le travail qu'il a fourni a été inutile puisque dépassant les prévisions contractuelles, que l'obligation est donc dépourvue de cause.
Le contrat prévoit un montant d'enveloppe financière prévisionnelle de 26.064.000€ HT pour 21720m² de SHON soit 1200€HT le m², et 28.015.800€ travaux annexes de démolition et espaces verts compris.
Il prévoit également que, en cas de SHON supérieure à 21720m² 'il sera versé un complément d'honoraires de 37€ HT par m² supplémentaire à la cession du permis par le maître d'ouvrage ou à la déclaration d'ouverture du chantier' et précise que si le solde des honoraires de la phase 1 se calcule sur le montant prévisionnel des travaux, celui de la phase 2 est toujours assis sur un pourcentage du montant des travaux engagés.
Les permis de construire ont été obtenus en février 2009 pour une surface de SHON valorisables que la société BLANDIN ET LABEL indique être de 29.419m² dont 1462m² de SHON 'déplafonnés' ce que ne conteste pas IMI-GODAMAR .
Selon les calculs de la société BLANDIN ET LABEL et au regard de cette surface et de l'évolution du coût de travaux, le montant prévisionnel des travaux à la date de la rupture aurait été de 45.481.774€.
La société INDUSTRELEC METHODE ET INGENIERIE-GODAMAR soutient que le motif de la rupture a été cette évolution considérable du coût de l'opération, qui lui rendait impossible sa poursuite.
Cependant force est de constater qu'à aucun moment avant la rupture elle ne justifie avoir invoqué ce fait. De surcroît le coût de l'opération tel que le fixe actuellement la société BLANDIN ET LABEL n'a été précisé qu'à l'occasion de sa première facture du 13 octobre 2009 postérieure à la rupture. Enfin les motifs de la rupture entre les parties, tels que contenus dans la seule lettre en ce sens de la société GODAMAR en date du 10 septembre 2009 concernent en réalité des difficultés relatives à l'exécution d'un autre contrat concernant une autre opération 'LILLE HELEMMES' pour laquelle la société GODAMAR indique 'vous n'avez pas tout mis en oeuvre, selon votre obligation pour satisfaire à la condition essentielle du délai et ' ..'au surplus vous ne vous êtes pas acquitté de l'obligation d'information pour valider que les travaux étaient dans l'objectif tant architectural qu'économique'.
Il est produit un seul courrier précédent cette lettre et relatif à l'opération '[Localité 2]', en date du 30 avril 2009, dans lequel GODAMAR s'inquiète uniquement des surfaces du projet tout en rappelant que la société BLANDIN ET LABEL a disposé d'une grande liberté dans l'élaboration de ce projet.
Il sera observé que le maître d'ouvrage a signé les demandes de permis de construire et connaissait donc la notable évolution des surfaces du projet; que de plus le contrat lui-même prévoyait une augmentation des honoraires en cas d'augmentation de cette surface, cette augmentation étant due même en cas de non terminaison des travaux puisque due dès la DROC ou en cas de cession du permis de construire. L'absence de dépassement du budget prévisionnel n'était donc pas en l'espèce une condition essentielle du contrat d'architecte et le maître d'ouvrage en ayant approuvé les demandes de permis de construire a validé l'évolution financière du projet.
Aucun élément ne permet donc de retenir que la rupture est intervenue en raison de fautes de l'architecte, et il doit être retenu que celui-ci a rempli sa mission d'obtention des permis de construire.
Selon l'article 6.2 du contrat d'architecte 'le maître d'ouvrage a la possibilité de résilier sans justification et sans pénalité le présent contrat après la fin de la phase 1 (AUTORISATIONS ADMINISTRATIVES) et avant le début de la phase 2".
Tel a été le cas en l'espèce et la société BLANDIN ET LABEL ne peut se prévaloir de l'absence de motif valable de rupture pour en tirer un caractère abusif de celle-ci, alors que le contrat prévoyait précisément la possibilité pour la société GODAMAR de rompre sans motif.
Aux termes de cet article 6.2, 'en cas de résiliation à l'initiative du maître d'ouvrage que ne justifierait pas le comportement fautif de l'architecte, ce dernier aura droit au paiement, outre ses honoraires liquidés au jour de cette résiliation, d'une indemnité égale à 40% de la partie des honoraires qui lui auraient été versés si sa mission n'avait pas été prématurément interrompue.
La page 12 de ce contrat définit très précisément les assiettes et calcul des sommes dues pour cette phase 1, sans faire aucune référence à des actualisations ni à des modifications de calcul du budget prévisionnel contractuel, quelles qu'elles soient.
En application de ce contrat la société BLANDIN ET LABEL a droit:
- au versement d'une somme forfaitaire de 198.000€.
- à 40% du solde des honoraires correspondant à l'achèvement de la phase 1, laquelle s'achève à la déclaration d'ouverture du chantier.
Le contrat précise que le solde de ces honoraires a pour assiette contractuelle 32% de 8% du montant HT prévisionnel des travaux de 28.015.800€ soit un montant total phase 1 établi contractuellement à 753.000€, et à 557.000€, déduction faite du forfait qui est compté pour 196.000€ dans cette partie d'article.
- à un complément d'honoraires de 37€ HT par m² de SHON supplémentaire.
Il résulte de ces éléments précis contractuels que la société BLANDIN ET LABEL a droit au versement de 40% de 753000€ soit 301.200€ HT dont il y a lieu de déduire 198000€ puisque la société BLANDIN ET LABEL reconnaît qu'ils ont été versés, ce qui donne un solde de 103.200€ HT, ainsi qu'à un complément pour les m² de SHON supplémentaires de 37x 7699= 284.863€HT, soit un total de 103200+ 284.863= 388.063€ HT.
Il n'est aucunement justifié, au regard des dispositions claires de ce contrat de procéder à des actualisations ou modifications du montant prévisionnel des travaux qui forme la seule base de l'indemnisation en cas de cessation des liens contractuels.
La société BLANDIN ET LABEL réclame une somme de 16500€ HT au titre d'une facture 945 pour l'intégration de parcelles, dont rien ne vient corroborer le fondement et la justification et qui sera ne sera donc pas retenue ;
Les intérêts de cette somme sont dus à compter de la mise en demeure justifiée par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 novembre 2009.
Les dépens doivent être mis à la charge de la société INDUSTRELEC METHODE ET INGENIERIE de même qu'une somme de 5000€ qu'il y a lieu d'allouer à la société BLANDIN ET LABEL au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société GODAMAR devenue société INDUSTRELEC METHODE ET INGENIERIE de ses demandes,
Statuant à nouveau pour le surplus,
Condamne la société INDUSTRELEC METHODE ET INGENIERIE à payer à la société BLANDIN ET LABEL la somme de 388.063€ HT soit 460.242,72€ TTC à titre d'honoraires complémentaires avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2009 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
La condamne aux dépens et au paiement d'une somme de 5000€ à la société BLANDIN ET LABEL sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute la société BLANDIN ET LABEL de ses autres demandes.
Autorise le recouvrement des dépens par les avocats et avoués de la cause dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,