Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2013
(n°311 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/23262
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 16 Décembre 2011par le Tribunal de Commerce de PARIS - 16ème Chambre - RG n° 2009023128
APPELANTE
SAS MOV'IN
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Assistée de Me François-Luc SIMON plaidant pour la SELARL SIMON ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque P 411
INTIMÉS
Maître [N] [V]
es qualité de Mandataire de la SARL MONTPARNASSE BIEN ETRE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Monsieur [T] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [Z] [B] épouse [Y]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
SA MMA IARD
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée et Assistée par Me Stéphane BRIZON, avocat au barreau de PARIS,
toque : D2066
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise COCCHIELLO, Président, chargée d'instruire l'affaire et Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Françoise COCCHIELLO, Président, rédacteur
Madame Irène LUC, Conseiller
Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Président et par Madame Denise FINSAC, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire
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RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société Mov'in est une spécialiste du fitness tant pour les hommes que pour les femmes. Fin 2005, début 2006, la société Mov'in a décidé de commercialiser, par le biais d'un système de franchise, un nouveau concept exclusivement réservé aux femmes, « Ladymoving ». Ce concept a pour objet de permettre à des femmes d'effectuer de brèves séances de gymnastique dans le but de mincir et de tonifier leur corps.
Les époux [T] [Y] et [Z] [B], épouse [Y], décidaient de s'engager dans l'exploitation d'un centre Lady Moving à Paris.
Un contrat de réservation est ainsi régularisé pour la zone de [Localité 6], [Localité 7] et [Localité 5], moyennant versement par les époux [Y] d'une somme de 7.774 euros.
A la fin de l'année 2006, la société Mov'in a proposé à Monsieur et Madame [Y] un local situé [Adresse 6] d'une superficie de 220m2 avec un loyer de 73.200 euros annuels/HT HC. Le bail a été régularisé le 23 novembre 2006 entre la société DPS, société Civile Immobilière au capital de 300.000 euros, et Madame [Z] [Y], avec une faculté de substitution. Monsieur et Madame [Y] ont disposé d'une somme de 50.000 euros à titre de fonds propres. Ils ont ensuite pris contact avec la société Générale, agence située à [Adresse 5]. Celle-ci a accordé à la société Montparnasse Bien Etre, crééé par les époux [Y], immatriculée au RCS le 22 février 2007, qui s'est substituée à eux, un prêt de 97.000 euros le 5 février 2007.
Le 21 mars 2007, un contrat «de licence de marque Lady Moving » a été signé par la société Mov'in et la société Montparnasse Bien Etre, et cette dernière a démarré son activité au mois de mai 2007.
Par acte du 26 mars 2009, Maître [N] [V], ès qualité de liquidateur de la société Montparnasse Bien Etre, Madame et Monsieur [Y] ont assigné la société Mov'in devant le Tribunal de commerce de Paris en alléguant qu'ils ont été trompés délibérément par la société Mov'in qui a fait état d'un concept qui n'avait pas été suffisamment testé au moment de la signature de la convention. Par acte du 2 novembre 2009, la société Mov'in a assigné en intervention forcée la société anonyme MMA Iard.
Par jugement du 16 décembre 2011, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :
- prononcé la nullité du contrat liant la société Montparnasse Bien être à la société Mov'in pour absence de cause ;
- condamné en conséquence la société Mov'in à verser à Maître [V] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Montparnasse Bien être une somme de 42.256,99 euros HT au titre des restitutions consécutives à la nullité ;
- condamné la société Mov'in à verser à Maître [V] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Montparnasse Bien être une somme de 140.280 euros au titre de dommages et intérêts complémentaires ;
- condamné la société Mov'in à verser aux époux [Y] une somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- condamné la société Mov'in à verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC à Maître [V] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Montparnasse Bien être et la somme de 1.500 euros à la SA MMA Iard ;
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires.
La société Mov'in a interjeté appel le 29 décembre 2011 de cette décision, intimant Maître [V] en sa qualité de liquidateur judiciaire de Montparnasse Bien être, les époux [Y] et la société MMA Iard.
Par ordonnance du 12 février 2013, objet d'un déféré à la cour qui l'a rejeté par arrêt du 5 juin 2013, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de l'appel formé contre le jugement du 16 décembre 2011 par la société Mov'in à l'égard de Maître [V] es qualités et des époux [Y]
Seule subsiste la procédure d'appel entre Mov'in et la société MMA Iard.
Par conclusions signifiées le 24 septembre 2013, la société Mov'in demande à la Cour de :
- déclarer recevable la société Mov'in en ses demandes,
- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 16 décembre 2011 en ce qu'il a débouté la société Mov'in de l'intégralité de ses demandes formulées à l'égard de la société MMA Iard,
- dire que la société MMA Iard est tenue de garantir Mov'in de toutes les conséquences résultant de l'action engagée par Me [V], ès qualités et les époux [Y],
- condamner en conséquence la société MMA Iard au versement de la somme de 252.536,99 euros au profit de Mov'in, suite à la condamnation dont a fait l'objet Mov'in en application du jugement du 16 décembre 2011,
- condamner la société MMA Iard au remboursement, à l'égard de Mov'in, de la somme de 6.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, et aux frais d'avocat engagés par Mov'in, condamnations prononcées contre la société Mouv'in en application du jugement du 16 décembre 2011,
- rejeter l'ensemble des prétentions formulées par la société MMA Iard,
- condamner la société MMA Iard au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au paiement de la somme de 5.000 euros au profit de la société Mov'in.
La société Mov'in soutient que la déclaration d'appel formée à l'encontre de la société MMA Iard est valable en ce que l'action intentée contre Maître [V] et les époux [Y] et celle exercée contre la société MMA Iard ne poursuivaient pas le même objet : la première portait sur la validité du contrat conclu entre Mov'in et Montparnasse Bien être et la seconde vise à mettre en cause la garantie souscrite par la société Mov'in auprès de la société MMA Iard du fait de l'action introduite par Me [V] et les époux [Y]. Dès lors, ces deux actions sont donc divisibles, ce qui justifie la décision rendue par la Cour d'appel de Paris le 12 février dernier et la présente instance qui se poursuit à l'égard de la société MMA Iard et de Mov'in.
La société Mov'in considère que la condamnation prononcée contre elle par le jugement du Tribunal de commerce de Paris le 16 décembre 2011 résulte de son activité professionnelle, et plus particulièrement de la conclusion du contrat avec la société Montparnasse Bien être, ce qui entre dans le champ d'application de la garantie souscrite par la société Mov'in.
D'autre part, elle fait valoir qu'aucune exclusion de garantie ne peut être valablement invoquée par la société MMA Iard tirée de sa faute intentionnelle ou d'un « évènement non aléatoire » au sens de l'article 1964 du Code civil, qu'il n'existe en effet de sa part aucune faute intentionnelle ou dolosive à l'origine de l'annulation du contrat, qu'il ne peut être soutenu non plus que tout aléa était supprimé.
Par conclusions signifiées le 23 septembre 2013, la société MMA Iard demande à la Cour de :
- Constater l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Mov'in à l'encontre des MMA Iard,
En tout état de cause,
- Dire que la Société MMA Iard n'a pas, en tout état de cause, vocation à garantir la Société Mov'in des condamnations résultant de l'action engagée par Maître [V] es qualités et les époux [Y],
- Débouter la société Mov'in de l'intégralité de ses demandes,
- Dire que la Société MMA Iard ne saurait être tenue au delà des termes de la police souscrite,
- Condamner la Société Mov'in à verser à la Société MMA Iard la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous dépens.
La société MMA Iard soutient que l'appel formé par la société Mov'in est irrecevable en ce qu'il existe une indivisibilité entre les appels formés à l'encontre de la société MMA Iard et des consorts [Y] et de Maître [V] es qualités et que la société Mov'in entend obtenir la garantie de la société MMA Iard du fait du contrat passé avec les consorts [Y] alors que ce contrat a été définitivement annulé par le Tribunal de commerce.
La société MMA Iard se prévaut de l'article 17 des Conditions Générales du contrat qui prévoit que ne sont pas garantis les dommages résultant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré au sens de l'article L 113-1 du Code des Assurances et que les dommages n'ont pas vocation à être garantis, s'ils résultent d'un événement non aléatoire au sens de l'article 1964 du Code Civil. Elle indique que la société Mov'in ne pouvait pas ignorer qu'en s'abstenant de transmettre un quelconque savoir-faire à son franchisé, elle ne respectait pas ses obligations de franchiseur, ce qui entraînerait des préjudices à l'égard du franchisé. Le comportement de la Société Mov'in s'apparente à un comportement dolosif expressément exclu du contrat.
Lors de l'audience, il a été demandé aux parties de faire connaître au moyen d'une note en délibéré à faire parvenir à la cour leurs observations sur la compétence exclusive du conseiller de la mise en état pour connaître de la recevabilité de l'appel et du défaut de pouvoir qui en résulte pour la cour pour connaître de l'irrecevabilité soulevée par la société MMA Iard de l'appel de Mov'In pour les dispositions du jugement qui les concernent, compte tenu de l'existence d'une indivisibilité entre les appels .
SUR CE :
I sur la recevabilité de la demande tendant à l'irrecevabilité de l'appel :
Considérant que l'article 914 du Code de procédure civile donne compétence exclusive au conseiller de la mise en état jusqu' à son déssaisissement pour statuer sur la caducité de l'appel, sur l'irrecevabilité de l'appel et trancher toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel, dès lors que leur cause n'est pas survenue ou révelée postérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état ;
Considérant que l'irrecevabilité de l'appel invoquée par MMA Iard résulterait de la caducité de l'appel de la société Mov'in à l'égard de Maître [V] es qualités et des époux [Y], qui, en raison de l'indivisibilité du litige, rendrait caduque l'appel interjeté contre cette société ;
Considérant que la cause invoquée a été révélée avant le dessaisissement du conseiller de la mise en état ;
Considérant que la cour d'appel n'a pas pouvoir d'en connaître, que la demande d'irrecevabilité est irrecevable ;
II Sur le fond :
Considérant que par le jugement critiqué, le tribunal de commerce a annulé le contrat qui liait la société Montparnasse Bien Etre à la société Mov'in et condamné cette dernière à restituer à la société Montparnasse Bien Etre diverses sommes au titre des restitutions et au titre de dommages-intérêts ;
Considérant que le tribunal avait relevé que les époux [Y] avaient conclu le contrat « en considération d'un concept », avec transmission d'un savoir faire éprouvé au moyen de techniques commerciales expérimentées, mises au point et périodiquement recyclées et de l'usage d'un signe de ralliement de la clientèle, au moyen d'une exploitation uniforme de la formule ; que l'exploitation rentable d'un savoir faire expérimenté était ainsi la cause du contrat, la contrepartie des redevances versées périodiquement, que le contrat devait permettre à la société Montparnasse Bien Etre d'exploiter un savoir-faire rentable autrement dit de réitérer une réussite commerciale ;
Considérant que le tribunal de commerce considérait que la société Montparnasse Bien Etre avait servi de véritable « cobaye », relevant que la marque « Lady Moving » n'avait été enregistrée qu'en 2006 et qu'elle ne disposait lors de la signature du contrat d'aucune notoriété, qu'il concluait : « la société Montparnasse Bien Etre a conclu un contrat de franchise alors que le franchiseur n'avait aucun savoir faire spécifique à réitérer » ;
Considérant que le tribunal de commerce annulait le contrat pour absence de cause ;
Considérant que la société MMA Iard conteste sa garantie en invoquant les dispositions de l'article 17 des dispositions générales du contrat qui lie les parties ;
Considérant que l'article 17 précise : « la société ne garantit pas, indépendamment des exclusions spécifiques à chaque garantie les dommages de toutes nature résultant :
17-1 - d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré au sens de l'art L 113-1 du code,
17-2 - d'un événement non aléatoire au sens de l'article 1964 du Code civil... » ;
Considérant quant à l'application de l'article 17-2 que la société Mov'in fait valoir que l'article 1964 du code civil est mal interprété par la société MMA Iard et qu'en l'espèce, l'aléa a existé pendant toute l'exécution du contrat et qu'elle ne savait pas que le contrat serait annulé, qu'il n' y avait « aucune certitude absolue des faits qui ont donné lieu au dommage » ;
Considérant que l'aléa est apprécié à la date où les faits reprochés à la société Mov'in ont été commis, soit lors de la conclusion du contrat ; qu'en signant un contrat par lequel elle transmettait un concept qu'elle venait de créer et qui n'avait jamais été éprouvé de sorte qu'il n'existait aucun savoir-faire ce qu'elle savait pertinemment, en faisant ainsi volontairement supporter les risques d'un echec par son concontractant, la société Mov'in s'est placée dans une situation dépourvue de tout aléa ; que la garantie de la société MMA Iard doit pour ces motifs, lui être refusée ;
Considérant qu'il n' y a pas lieu d'examiner les conditions d'application de l'article 17-1 aux faits de l'espèce ;
Considérant qu'il y a lieu d'allouer à la société MMA Iard une indemnité pour frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
DÉCLARE irrecevable la demande d'irrecevabilité de l'appel de la société Mov'in à l'égard de la société MMA Iard,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la société Mov'in de sa demande de garantie formée contre la société MMA Iard et l'a condamnée à verser à la société MMA Iard une indemnité pour frais irrépétibles,
CONDAMNE la société Mov'in à payer à la société MMA Iard la somme de 3000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE la société Mov'in aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT