La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2013 | FRANCE | N°11/20241

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 13 novembre 2013, 11/20241


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2013



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/20241



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Octobre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/12324





APPELANT



Association CONSISTORIALE ISRAELITE DE PARIS-ACIP agissant poursuites et diligences en la pers

onne de son président domicilié en cette qualité audit siège sis

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

assist...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2013

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/20241

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Octobre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/12324

APPELANT

Association CONSISTORIALE ISRAELITE DE PARIS-ACIP agissant poursuites et diligences en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège sis

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

assistée de Me Martine BELAIN, pour Me Chantal TEBOUL ASTRUC, avocats au barreau de PARIS, toque : A 235

INTIMES

Monsieur [G] [C] [W]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Madame [S] [HD] épouse [W]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Madame [B] [NG] épouse [X]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Monsieur [K] [P]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Monsieur [H] [O]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Madame [U] [Z] épouse [O]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Monsieur [V] [R]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Madame [F] [E] épouse [R]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Madame [L] [T]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Monsieur [N] [D]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Madame [Q] [I] épouse [D]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Monsieur [Y] [M]

[Adresse 3]

LONDRES (ROYAUME UNI)

Monsieur [AN] [A]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] représenté par son syndic, la société IMMO DE FRANCE, ayant sojn siège social

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentés par Me Charles TORDJMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0783

assistés de Me Arielle TORDJMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0783

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique DOS REIS, Président

Madame Denise JAFFUEL, Conseiller

Madame Claudine ROYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique DOS REIS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier présent lors du prononcé.

L'Association Consistoriale Israélite de Paris, dite ACIP, a acquis, le 2 avril 2009, les lots n° 1, 38, 48, 49 de la copropriété dans l'immeuble sis [Adresse 5], constitués d'une boutique et d'une arrière-boutique au rez-de-chaussée et de trois caves au sous-sol dudit immeuble, dans lesquels elle a installé un centre communautaire culturel et cultuel où sont célébrés des fêtes et offices religieux et pratiquées des activités confessionnelles.

Les copropriétaires de l'immeuble ont voté, lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 12 mai 2010, la résolution suivante :

« L'assemblée générale donne mandat au syndic pour engager une procédure judiciaire, tant en référé qu'au fond, à l'encontre de l'Association Consistoriale Israélite de Paris, propriétaire du lot 1, afin que soit immédiatement et définitivement stoppée la pratique d'un culte religieux et restituée la destination prévue au règlement de copropriété, soit une boutique à usage commercial »,

et, lors de l'assemblée générale du 1er décembre 2010, une nouvelle résolution donnant :

« mandat au syndic pour engager toute action, en demande ou en défense, ou encore en intervention volontaire, tant en référé qu'au fond, à l'encontre de l'ACIP, afin que soit immédiatement et définitivement restituée à la destination prévue au règlement de copropriété le lot n° 1, qui est à l'usage de boutique, et que soit respecté le règlement de copropriété qui prévoit, notamment l'interdiction de la pratique de chants, l'interdiction de nuisances de toute nature qui ne permettent pas un usage paisible des habitations, l'interdiction de toute activité qui entraîne une surprime d'assurance, l'interdiction de travaux dans l'immeuble sans autorisation ».

Suivant actes extra-judiciaires des 20 août 2010 et 3 février 2011, l'ACIP a assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] représenté par son syndic, la société Immo de France, à l'effet de voir annuler ces deux résolutions et, reconventionnellement, le syndicat des copropriétaires a conclu à la condamnation sous astreinte de l'ACIP à restituer le lot n° 1 à son usage de boutique, sollicitant, en outre,la condamnation de la demanderesse à des dommages-intérêts.

M. et Mme [W], Mme [X], M. [P], M. et Mme [O], M. et Mme [R], Mme [T], M. et Mme [D], M. [M] et M. [A], copropriétaires dans l'immeuble, sont intervenus volontairement à l'instance pour s'associer aux demandes du syndicat des copropriétaires et solliciter des dommages-intérêts pour leur part, en réparation des troubles de jouissance subis et de la dépréciation de leur bien du fait de la présence de l'ACIP.

Par jugement du 5 octobre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :

- annulé la 5ème résolution, adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires du 12 mai 2010,

- débouté l'ACIP de sa demande d'annulation de la 5ème résolution adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires du 1er décembre 2010,

- dit que l'ACIP devrait restituer les locaux constituant le lot n° 1 de l'immeuble à leur destination originaire de boutique, telle que prévue par le règlement de copropriété, dans un délai de six mois suivant la signification du jugement,

- dit que faute par l'ACIP de restituer les locaux, elle serait redevable, passé ce délai, d'une astreinte provisoire de 500 € par jour de retard jusqu'au 31 décembre 2012,

- débouté le syndicat de sa demande de dommages-intérêts formée au titre des désordres affectant les parties communes,

- condamné l'ACIP à payer à chacun des intervenants volontaires une indemnité de 1.000 € en réparation du préjudice de jouissance subi,

- débouté les mêmes intervenants de leur demande de dommages-intérêts formée au titre de la dépréciation de leurs appartements respectifs,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné l'ACIP à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 800 € au syndicat des copropriétaires ainsi qu'une indemnité de 500 € chacun à M. et Mme [W], Mme [X], M. [P], M. et Mme [O], M. et Mme [R], Mme [T], M. et Mme [D], M. [M] et M. [A], en sus des dépens.

L'ACIP a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 24 septembre 2013, de :

- annuler la cinquième résolution de l'assemblée des copropriétaires du [Adresse 5] en date du 12 mai 2010,

- annuler la cinquième résolution de l'assemblée des copropriétaires du [Adresse 5] en date du 1er décembre 2010,

- à tout le moins, constater le caractère non établi ni constitué des griefs invoqués par le syndicat et les copropriétaires intervenants, en l'absence de troubles anormaux de voisinage, d'atteinte à la destination de l'immeuble et aux parties communes, récurrents et actuels,

- débouter le syndicat des copropriétaires de ses demandes comme irrecevables à tout le moins non fondées ni justifiées,

- débouter les copropriétaires de leurs demandes reconventionnelles individuelles et d'appel incident,

- en tout état de cause, dire n'y avoir lieu pour l'ACIP de restituer à son lot une destination « commerciale »,

- dire n'y avoir lieu à prononcer d'une quelconque astreinte,

- infirmer le jugement de ce chef et débouter les intimés de leur demande de ce chef en cause d'appel,

- condamner le Syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 1€ à titre de dommages intérêts ainsi que de celle de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], représenté par son syndic en exercice, la société Immo de France, M. et Mme [W], Mme [X], M. [P], M. et Mme [O], M. et Mme [R], Mme [T], M. et Mme [D], M. [M] et M. [A] prient la Cour, par dernières conclusions signifiées le 20 septembre 2013, de :

* vu la loi du 10 juillet 1965, notamment ses articles 9 et 25, les articles 328 et 330 du code de procédure civile, les articles R. 1334-30 à 1334-33 du code de la santé publique, l'article 9 du règlement de copropriété,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'ACIP de sa demande d'annulation de la 5ème résolution adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires le 1er décembre 2010, ordonné la restitution des locaux constituant le lot n° 1 de l'immeuble du [Adresse 5] à leur destination originaire de boutique, tel que prévue par le règlement de copropriété, et ce dans un délai de 6 mois suivant la notification de la décision entreprise, dit que faute par l'ACIP de restituer les locaux, elle sera redevable passé ce délai, d'une astreinte dont le montant a été fixé à 500 € par jour de retard jusqu'au 31 décembre 2012, condamné l'ACIP à payer une indemnité à chacun des intervenants volontaires en réparation du préjudice subi et à leur verser, ainsi qu'au Syndicat des Copropriétaires, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- y ajoutant, vu le code des procédures civiles d'exécution et notamment son article « L. 131-9 », dire que l'astreinte de 500 € par jour de retard est définitive et en ordonner la prolongation jusqu'au 31 juillet 2014,

- pour le surplus, réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, juger que la 5ème résolution de l'assemblée générale du 12 mai 2010 est valable,

- élever les dommages-intérêts dus par l'ACIP à chacun des copropriétaires intervenants volontaires de première instance, à 10.000 € chacun,

- condamner l'ACIP à verser au Syndicat des Copropriétaires une indemnité de 15.000 € à titre de dommages-intérêts, et la condamner, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à chacun des intervenants volontaires de première instance, ainsi qu'au Syndicat des Copropriétaires, une indemnité complémentaire de 1.500 € chacun, en sus des entiers dépens.

SUR QUOI, LA COUR

Au soutien de son appel, l'ACIP fait essentiellement valoir :

- en ce qui concerne les résolutions querellées de l'assemblée générale des copropriétaires, que la 5ème résolution de l'assemblée générale du 12 mai 2010 viole tant ses libertés fondamentales que les modalités de jouissance de ses locaux privatifs et procède d'un abus de majorité, de même que la 5ème résolution de l'assemblée générale du 1er décembre 2010, qui n'est pas conforme à celle portée à l'ordre du jour figurant à la convocation à l'assemblée générale,

- en ce qui concerne les troubles de voisinage qui lui sont reprochés, qu'ils ne sont pas établis ou exagérés, alors que les copropriétaires ne peuvent se faire de preuve à eux-mêmes quant à la réalité et à l'importance desdits troubles, limités ponctuellement à la célébration de quelques fêtes juives et actuellement inexistants ou supprimés par les travaux d'isolation phonique qu'elle a fait réaliser depuis 2011 pour améliorer les bruits de chants, de raclements de chaises, de climatisation et le fonctionnement du rideau métallique ; elle conteste être responsable de la gêne causée par les services d'ordre policiers dans la rue ou de l'accumulation d'ordures et déchets sur le trottoir devant l'immeuble, recevoir un public nombreux ou célébrer des cérémonies fréquentes (mariages, bars-mitsvahs), comme le prétend le syndicat des copropriétaires,

- relativement aux travaux affectant les parties communes, elle indique que la cabane en branchages édifiée dans la cour de l'immeuble pour la fête de Soukot n'a été en place qu'une semaine au mois d'octobre 2010, que les six carottages percés dans la façade de l'immeuble on été rebouchés, qu'il n'est pas démontré que les fenêtres de son local auraient été antérieurement munies de « petits bois » et que le rideau métallique existait, sous une autre forme, avant son entrée dans les lieux,

quant à la destination de l'immeuble, elle estime la respecter, dans la mesure où le règlement de copropriété n'impose pas aux locaux du rez-de-chaussée d'exercer une activité commerciale, où il n'est pas démontré que son activité provoquerait l'augmentation de la prime d'assurance de l'immeuble ou encore qu'elle n'aurait pas mis en 'uvre les travaux de sécurité contre l'incendie impartis par la préfecture de Paris en 2009 ;

Sur les résolutions des assemblées générales de copropriétaires de mai et décembre 2010

Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la 5ème résolution de l'assemblée générale des copropriétaires du 12 mai 2010 n'a pas pour effet de violer les libertés fondamentales de l'ACIP, consacrées par la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et la Convention européenne des droits de l'Homme ainsi que l'article 9 du code civil, dès lors que cette résolution, quoique maladroitement rédigée, a pour objet essentiel, non pas d'interdire à l'ACIP de pratiquer un culte religieux dans ses lots, mais bien de restituer ceux-ci « à la destination prévue au règlement de copropriété le lot n° 1, qui est à l'usage de boutique, et que soit respecté le le règlement de copropriété qui prévoit, notamment l'interdiction de la pratique de chants, l'interdiction de nuisances de toute nature qui ne permettent pas un usage paisible des habitations, l'interdiction de toute activité qui entraîne une surprime d'assurance, l'interdiction de travaux dans l'immeuble sans autorisation », le syndicat ayant le droit d'agir contre un copropriétaire afin de faire assurer le respect du règlement de copropriété et la destination de l'immeuble, quelle que soit la nature de l'infraction reprochée, l'exercice des libertés fondamentales, incluant la liberté religieuse, trouvant ses limites dans le respect des lois et règlements et celui de la liberté d'autrui ;

Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a annulé la résolution n° 5 de l'assemblée générale des copropriétaires du 12 mai 2010 ;

En revanche, le jugement sera confirmé, par adoption de motifs, en ce qu'il a débouté l'ACIP de sa demande d'annulation de la résolution n° 5 de l'assemblée générale des copropriétaires du 1er décembre 2011, le premier juge ayant exactement retenu que l'adjonction des mots « pour que soit respecté le règlement de copropriété » au projet énoncé à l'ordre du jour annexé à la convocation à l'assemblée générale relevait du pouvoir d'amendement dont disposait l'assemblée générale et n'avait pas pour effet de dénaturer le projet de résolution ;

Sur le respect du règlement de copropriété

Il est constant que l'immeuble du [Adresse 5] est, selon son règlement de copropriété, destiné à l'habitation bourgeoise, avec une activité commerciale autorisée au rez-de-chaussée uniquement : en effet, l'article 9.3° dudit règlement indique :

« L'immeuble ne pourra, en principe, être occupé que pour l'habitation ou l'exercice d'une profession libérale. Les professions commerciales sont autorisées au rez-de-chaussée seulement à l'exception des restaurants, des débits de boisson, de tout commerce d'alimentation et de tous autres commerces entraînant des nuisances semblables à celles énumérées au paragraphe suivant, leur installation étant contraire à la destination de l'immeuble. Sont interdites comme contraires à la destination de l'immeuble, des activités bruyantes ou gênantes par l'odeur, les trépidations (comme les activités à marteaux), le bruit (comme les cours de musique, chants et de danses) ou justifiant une surprime d'assurance » ;

Le même règlement impose aux copropriétaires, dans un article 9.4°, de « veiller à ce que la tranquillité de l'immeuble ne soit en aucune façon troublée par leur fait, celui des personnes de leur famille, de leurs invités, employés ou gens à leur service....en conséquence, ils ne pourront faire ou laisser faire aucun bruit qui soit de nature à gêner leurs voisins et ils devront se conformer en tout ce qui n'est pas prévu au présent règlement aux usages établis dans les maisons bien tenues » ;

Il est constant que l'installation par l'ACIP dans un local initialement dévolu par les dispositions précitées du règlement de copropriété à l'usage de boutique, avec les restrictions apportées à cet usage même, dérogent au respect du règlement de copropriété et à la destination de l'immeuble, en ce que le « centre communautaire » qui y est installé célèbre un culte religieux et des cérémonies impliquant les allées et venues de nombreux fidèles à des heures matinales ou tardives, le bruit de chants, l'organisation de fêtes et de réceptions, d'où il suit que, sans même qu'il y ait lieu de rechercher si les troubles dont s'agit revêtent ou non un caractère anormal, il suffit de constater qu'ils portent atteinte à la tranquillité de l'immeuble et sont donc prohibés par le règlement de copropriété qui a pris soin de limiter les activités pouvant être exercées dans les locaux commerciaux du rez-de-chaussée afin qu'elles n'affectent en rien la tranquillité des copropriétaires, ces limitations étant justifiées par la destination de l'immeuble ;

Indépendamment de cette infraction au règlement de copropriété, il apparaît, et n'est d'ailleurs pas contesté, que l'ACIP a fait réaliser sur les parties communes des travaux non autorisés, notamment des carottages dans la façade de l'immeuble destinés à assurer la ventilation de ses lots, carottages qui, quoique rebouchés, n'ont pas été recouverts d'enduit, qu'elle a édifié dans la cour de l'immeuble une cabane de branchages sans autorisation et installé un dispositif d'extracteur d'air vicié bruyant dans la même cour, sous les fenêtres des copropriétaires du 1er étage (M. et Mme [W]) ;

Enfin, il est démontré que la présence d'un centre communautaire apparenté à une synagogue dans l'immeuble a entraîné pour la copropriété le paiement d'une surprime d'assurance annuelle de 620 € environ, tant l'activité exercée dans les lieux que l'augmentation de la fréquentation des lieux justifiant cette augmentation, ainsi que l'assureur de l'immeuble, Axa Assurances, l'explique dans sa lettre du 10 mai 2011 :

« Les édifices religieux de toutes confessions sont considérés chez Axa au titre de la garantie « incendie » comme des risques lourds, c'est-à-dire des risques pour lesquels la fréquence des sinistres graves est plus importante que celle des autres affaires en portefeuille. La raison essentielle réside dans le fait que ces risques accueillent régulièrement de nombreuses personnes sans disposer de réels moyens de lutte contre l'incendie. C'est ce qui a motivé la majoration de + 20 %, celle-ci ne devant être applicable qu'à la garantie incendie » ;

L'application d'une surprime d'assurance imputable à sa présence ne peut être déniée par l'ACIP qui ne peut reprocher au syndicat des copropriétaires de n'avoir pas mis en concurrence d'autres assureurs avec la société Axa sans ajouter au règlement de copropriété une condition qu'il ne comporte pas ;

L'ensemble de ces éléments établit que la présence d'une synagogue, établissement recevant du public de type V et de 5ème catégorie, susceptible de recevoir dans des locaux non appropriés à cet usage un effectif inférieur à 200 personnes selon la lettre de la préfecture de police du 24 septembre 2009, au sein d'un immeuble destiné essentiellement à l'habitation bourgeoise, n'est en rien compatible avec l'activité d'une boutique, est incompatible avec la destination dudit immeuble, et contraire aux dispositions du réglement de copropriété qui fait la loi des copropriétaires ;

Lorsqu'un copropriétaire exerce dans ses lots une activité interdite par le règlement de copropriété, qu'il utilise son lot contrairement aux prescriptions de ce dernier, qu'il procède à des installations ou travaux interdits, il doit être condamné à remettre les lieux dans un état conforme aux exigences du règlement, en sorte que c'est à juste titre que le tribunal a ordonné à l'ACIP de restituer ses lots à leur usage originaire de boutique ;

Sur les troubles anormaux de voisinage

Quoique l 'ACIP minimise les troubles induits par son activité ou tente de démontrer que ces troubles ont été supprimés à la suite des travaux qu'elle a fait exécuter, il est amplement prouvé par les documents, photographies, lettres, constats d'huissier, attestations et pièces produits aux débats que sa présence est à l'origine de troubles anormaux de voisinage dans l'immeuble du [Adresse 5] ;

Il ressort ainsi des attestations rédigées par de nombreux copropriétaires, en droit de témoigner des troubles qu'ils subissent, du gardien de l'immeuble, d'amis de copropriétaires, locataires, visiteurs et voisins, qu'ils sont constamment gênés par la fréquence et le nombre des allées et venues de fidèles de l'ACIP (jusqu'à une centaine de personnes parfois) dans les parties communes de l'immeuble, le hall étant alors transformé en « hall de gare », le bruit assourdissant de la climatisation dans la courette, les nuisances sonores tôt le matin et tard la nuit (bruits de chaises, chants, cris, clameurs, claquements de mains, sonnerie de trompette, piétinements et tapements de pieds), les rassemblements sur le trottoir, l'engorgement des poubelles de l'immeuble par des monceaux d'immondices, ordures et déchets débordants dans la cour, les reliefs des repas étant jetés dans le désordre dans les conteneurs éventrés de la cour ou directement sur le trottoir, l'envahissement de la cour par les fumeurs fréquentant le centre, le stationnement de voitures devant la porte d'entrée, les restrictions à la circulation des copropriétaires et de leurs enfants imposées par les services de police et forces de l'ordre dans la rue lors de la célébration des fêtes juives, l'encombrement de la cour tantôt par une cabane de branchages tantôt par le stockage de caisses de denrées et bouteilles destinés aux fêtes et repas;

Le gardien de l'immeuble, M . [J], écrivait ainsi au syndic de l'immeuble, le 2 septembre 2010, pour se plaindre de l'aggravation de son travail, en ces termes :

« '.Depuis que la synagogue est installée, les gens font tout le temps des fêtes et apportent beaucoup de nourriture. Comme ils sont très nombreux chaque fois, au minimum 50 et parfois plus de 100, ils remplissent toutes les poubelles qui débordent. Ils mélangent les saletés et les papiers, alors que ce sont des poubelles différentes. Il n'y a plus de place pour personne d'autre dans l'immeuble. Les autres résidents ne peuvent pas vider leurs poubelles, je dois aller les vider dans celles de l'immeuble d'en face, cela me donne beaucoup plus de travail.

En plus, je dois faire le tri à leur place car ils ne font pas comme les autres qui respectent les poubelles mais on doit le faire sinon elles ne sont pas ramassées. En plus, maintenant, je dois faire le ménage le samedi et le dimanche car ils ne font pas que des prières, ils passent par toutes les portes à côté des poubelles et dans le hall et avec des enfants qui courent et de la nourriture qui tombe. Comme la porte du hall est à côté de chez moi, les portes claquent et les enfants courent et crient et même le soir après 19 heures. Je passe après et trouve des papiers sales et des bonbons et des cuillérées (sic) en plastique et des gâteaux écrasés et, des serviettes en papier, comme tout est sale, je dois nettoyer car c'est l'entrée de l'immeuble quand même. Et après, comme les poubelles sont pleines, ils font des tas dans la rue » ;

Les allégations de l'ACIP, qui affirme avoir mis fin aux troubles dont s'agit par les diverses mesures qu'elle a mises en place, insonorisation, isolation phonique, pose d'embouts en caoutchouc sur les pieds de chaise, achat d'une poubelle personnelle, sont contredites par des attestations récentes, rédigées en 2013, par les mentions des procès-verbaux de constat d'huissier des 8 juin 2012 et 6 septembre 2013 réalisés dans l'appartement de M. et Mme [W] au 1er étage de l'immeuble, le second mettant en évidence, entre 19 h 54 et 20 h 33, un nombre de décibels compris entre 55,3 et 67,4, largement supérieur aux normes admissibles selon l'article R.1334-33 du code de la santé publique, ce constat étant conforté par les contrôles effectués par le bureau des nuisances de la préfecture de Paris qui a pratiqué plusieurs mesures de bruit entre le 7 décembre 2010 et le 13 janvier 2011 et relevé les nuisances sonores causées par le rideau métallique et la climatisation ;

En tout état de cause, aucun des dispositifs ou aménagements que l'ACIP indique avoir mis en 'uvre n'est propre à empêcher les troubles anormaux de voisinage découlant de la fréquentation de son centre communautaire, tels qu'allées et venues constantes de très nombreuses personnes et familles, attroupements, désagréments liés à l'organisation de repas et de fêtes attirant plusieurs dizaines de partcipants à des heures tardives, avec dégagement d'odeurs de cuisine et amoncellement aux entours de l'immeuble, sinon dans ses poubelles, de déchets ou d'emballages alimentaires identifiables comme étant ceux de la synagogue dès lors que les photographies produites aux débats montrent que ces déchets et détritus portent des inscriptions hébraïques ;

Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est de mauvaise foi que l'ACIP dénie être à l'origine des nombreux troubles et désordres en cause excédant par leur ampleur les troubles normaux de voisinage et qui justifient, de même que l'atteinte à la destination de l'immeuble ci-dessus constatée, la cessation de son activité de centre culturel et cultuel et la restitution de ses lots à l'usage de boutique ne troublant ni la paix de l'immeuble ni la tranquillité des copropriétaires ;

Sur l'astreinte

L'article L. 131-9 du code des procédures d'exécution dont le syndicat des copropriétaires revendique l'application au dispositif de ses écritures n'existe pas, en revanche, ce code comporte un article L. 131-3 qui dispose que « l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir » , d'où il suit que la prétention du syndicat des copropriétaires tendant à voir convertir l'astreinte provisoire de 500 € par jour de retard en astreinte définitive sera rejetée en ce qu'elle ressortit à la compétence exclusive du juge de l'exécution, qui aura la charge de liquider l'astreinte prononcée par le premier juge, astreinte que la Cour confirme en ses principe et montant et prolonge jusqu'au 31 juillet 2014 au regard de la gravité de l'infraction au règlement de copropriété et des troubles anormaux de voisinage causés aux copropriétaires ;

Sur les dommages-intérêts

Les agissements de l 'ACIP ont causé au syndicat des copropriétaires, comme il vient d'être retenu, de nombreux préjudices depuis son installation dans l'immeuble : ces troubles importants autant qu'anormaux, subis depuis près de quatre années, justifient la condamnation de l'ACIP à payer au syndicat des copropriétaires une somme de 12.000 € à titre de dommages-intérêts ;

En ce qui concerne les troubles anormaux de voisinage subis par les copropriétaires pris individuellement, seuls ceux dont M. et Mme [W] ont été affectés du fait de la présence de la synagogue ou centre cultuel en cause sont réparables indépendamment de ceux du syndicat des copropriétaires, étant suffisamment démontrés par les pièces qu'ils produisent aux débats, étant rappelé que leur appartement est situé juste au-dessus de la synagogue, en sorte que l'ACIP sera condamnée à leur régler une somme de 6.000 € à titre de dommages-intérêts, le jugement étant réformé en ce qu'il a condamné celle-ci à payer à chacun des intervenants volontaires une indemnité de 1.000 € en réparation du préjudice de jouissance subi ;

Enfin, l'équité commande de condamner l'ACIP à payer au syndicat des copropriétaires, d'une part, aux intervenants volontaires ensemble, d'autre part, la somme de 1.500 € (soit 3.000 € au total) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et publiquement,

Réforme le jugement en ce qu'il a :

- annulé la 5ème résolution, adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires du 12 mai 2010,

- débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de dommages-intérêts formée au titre des désordres affectant les parties communes,

- condamné l'ACIP à payer à chacun des intervenants volontaires une indemnité de 1.000 € en réparation du préjudice de jouissance subi,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déboute l'ACIP de sa demande d'annulation de la 5ème résolution de l'assemblée générale des copropriétaires du 12 mai 2010,

Condamne l'ACIP à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] une somme de 12.000 € à titre de dommages-intérêts, en réparation de son trouble de jouissance,

Condamne l'ACIP à payer à M. et Mme [W] la somme de 6.000 € à titre de dommages-intérêts,

Déboute les autres intervenants volontaires (Mme [X], M. [P], M. et Mme [O], M. et Mme [R], Mme [T], M. et Mme [D], M. [M] et M. [A]) de leurs demandes de dommages-intérêts,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Assortit l'obligation faite à l'ACIP de restituer ses lots à l'usage de boutique prévu au règlement de copropriété d'une astreinte provisoire de 500 € par jour de retard passé un mois de la signification du présent arrêt, et ce jusqu'au 31 juillet 2014,

Rappelle qu'il incombe au juge de l'exécution de convertir l'astreinte provisoire en astreinte définitive et de la liquider,

Condamne l'ACIP à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], d'une part, aux intervenants ensemble, d'autre part, une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile (soit 3.000 € au total), en cause d'appel,

Rejette toute autre demande,

Condamne l'ACIP aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/20241
Date de la décision : 13/11/2013

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°11/20241 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-13;11.20241 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award