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07/11/2013 | FRANCE | N°12/23257

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 07 novembre 2013, 12/23257


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 07 NOVEMBRE 2013



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/23257



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Octobre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/07861





APPELANTE :



SA AFFINAGE RECUPERATION NEGOGE- ARN

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 1]



prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



représentée par : Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avocat au barreau de PARIS...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 07 NOVEMBRE 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/23257

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Octobre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/07861

APPELANTE :

SA AFFINAGE RECUPERATION NEGOGE- ARN

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

assistée de : Me Amaury SONET, avocat au barreau de PARIS, toque : B 0536

INTIME :

Maître [V] [O]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par : Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assisté de : Me Jean-Pierre FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R044

INTIMEE :

SELAFA MJA

prise en la personne de Maître [B]

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par : Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée de : Me Jean-Paul PETRESCHI de l'AARPI SAINT LOUIS, avocat au barreau de PARIS, toque n°: K79, substitué par Me Benjamin PEYRELEVADE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0283

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur François FRANCHI, Président de chambre

Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller

Madame Michèle PICARD, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur François FRANCHI dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François FRANCHI, président et par Madame Violaine PERRET, greffier présent lors du prononcé.

Entre juillet et septembre 2008, la société AFFINAGE RECUPERATION NEGOCE (ci-après la société ARN) a livré 126,009 tonnes de lingots d'aluminium vendus à la société GM LES PONTS DE CE avec clause de réserve de propriété :

les 22 juillet et 2 septembre2008 49t730 de lingots d 'aluminium sous la référence AS8U3

les 25 août , 3 et 10 septembre 208 76t279 de la même marchandise sous référence AS10G,

pour une somme totale de 278 784,45€ HT

Par jugement rendu le 20 octobre 2008, le tribunal de commerce de Paris a, sur déclaration de cessation des paiements, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société GM LES PONTS DE CE, désigné Me [O] en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance et désigné la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [B], en qualité de mandataire judiciaire.

Le 31 octobre 2008, la société ARN a :

* déclaré une créance à hauteur de la somme de 333 426,20 euros,

* revendiqué auprès de l'administrateur judiciaire les marchandises livrées et demandé le versement par la société GM LES PONTS DE CE du prix de revente à des sous-acquéreurs des biens livrés qui ne se trouvent plus en nature dans le stock de la société.

Le 13 novembre 2008, l'administrateur judiciaire a pris acte de la revendication des marchandises sous clause de réserve de propriété et a saisi le commissaire priseur pour savoir si les actifs revendiqués existaient toujours en nature à la date du jugement d'ouverture.

Dans l'état descriptif et estimatif des actifs immobiliers de la société GM PONT DE CE en date du 25 novembre 2008 figuraient en page 25/27 un stock de matières première (aluminium) de 41t732 réf AS8U3 et 32t695 ref AS10G, ce qui était confirmé à Me [O] par courrier du commissaire priseur en date du 7 janvier 2009.

Le 15 janvier, celui-ci interrogeait la société sur le sort qu'elle entendait réserver aux marchandises en cause.

Le 22 décembre 2008, la société ARN a saisi le juge-commissaire d'une requête en revendication, l'administrateur judiciaire n'ayant pas acquiescé dans le délai d'un mois à sa demande.

Par jugement rendu le 29 décembre 2008, le tribunal a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [B], en qualité de liquidateur. La mission de l'administrateur judiciaire a été maintenue jusqu'à la fin de la poursuite d'activité, fixée au 28 février 2009.

Statuant sur la requête en revendication, le juge-commissaire, par ordonnance rendue le 1er février 2010, a autorisé la société ARN à 'reprendre les biens revendiqués entre les mains du débiteur, sous réserve de la vérification de leur existence en nature au jour du jugement d'ouverture de la procédure, sous le contrôle des courtiers assermentés et des commissaires-priseurs qui ont procédé aux inventaires, dans le cadre des stipulations d'un accord transactionnel à formaliser entre la SELAFA MJA en la personne de Me [B], Me [O] et la société ARN, dans un court délai, devant être autorisée par le juge-commissaire'.

Par ordonnance rendue le 1er février 2010 sur requête du liquidateur, le juge-commissaire a autorisé celui-ci à transiger avec la société ARN dans les termes du projet de protocole élaboré par les parties.

Par lettre en date du 17 février 2010, la société ARN a indiqué au liquidateur qu'elle avait récupéré les actifs convenus pour un poids de 48,693 tonnes d'aluminium et avait vendu ce stock pour une somme de 65 977 euros TTC, somme qu'elle a déduite de sa créance.

Soutenant avoir subi un préjudice compte tenu du 'manque d'empressement de ses débiteurs à lui restituer son bien et appliquer les ordonnances' et 'malgré ses nombreuses et incessantes relances', la société ARN a assigné Me [O] et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [B], devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir leurs responsabilités engagées sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Par jugement rendu le 24 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré irrecevable l'action engagée par la société ARN à l'encontre de Me [O], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société GM LES PONTS DE CE

- rejeté les demandes de la société ARN formées à l'encontre de la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [B]

- condamné la société ARN à payer la somme de 3 000 euros à chacun des défendeurs et les dépens

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le tribunal a essentiellement retenu,

* d'une part, que les demandes formées à l'encontre de Me [O] sont irrecevables faute d'acte introductif d'instance dirigé contre Me [O] à titre personnel puisqu'il a été assigné ès qualités,

* d'autre part, que la société ARN ne produit aucun élément démontrant que la SELAFA MJA aurait fait preuve d'inertie, postérieurement à l'autorisation du juge-commissaire sans laquelle la restitution des marchandises ne pouvait intervenir ; qu'aucune faute n'est ainsi établie.

Le 20 décembre 2012, la société ARN a interjeté appel du jugement rendu.

Par ordonnance rendue le 7 mars 2013, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident soulevé par Me [O] tendant à ce que soit déclaré irrecevable l'appel à son égard.

***

Vu les dernières conclusions signifiées le 6 septembre 2013 par la société ARN, appelante,

Vu les conclusions signifiées le 11 septembre 2013 par Me [O], intimé,

Vu les conclusions signifiées le 13 mai 2013 par la SELAFA MJA prise en la personne de Me [B], intimée,

*

La société ARN, appelante, demande, au visa des articles 1382 et suivants du code civil, de :

- la déclarer recevable en son appel et bien fondée

- dire et juger que la SELAFA MJA et Me [O] ont commis une faute

- condamner solidairement la SELAFA MJA et Me [O] à payer à la société ARN la réparation de son préjudice à savoir :

- la somme de 267 449,20 euros au titre du préjudice économique

- la somme de 94 548 euros au titre du préjudice financier

- la somme de 120 000 euros au titre du préjudice lié à la perte du crédit fournisseur

- condamner solidairement la SELAFA MJA et Me [O] au paiement solidaire des entiers dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de la SCP LAGOURGUE ET OLIVIER, avocats, conformément à l'article 699 du code de procédure civile

- condamner solidairement la SELAFA MJA et Me [O] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- de débouter la SELAFA MJA et Me [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

Sur la fin de non-recevoir :

Elle fait valoir, d'une part, que Me [O] a été assigné dans le cadre de la mise en oeuvre de sa responsabilité civile professionnelle, que le fait que sa mission soit finie ne l'exonère pas de sa responsabilité et, d'autre part, que l'article L622-20 du code de commerce invoqué par Me [O] est inapplicable dès lors qu'elle invoque non pas un préjudice collectif mais un préjudice personnel. Elle conclut à l'infirmation du jugement sur ce point en indiquant que l'assignation était bien régulière et que la mention 'ès qualité' doit être considérée comme une erreur matérielle manifeste.

Au fond :

L'appelante fait valoir que :

- les organes de la procédure collective engagent leur responsabilité lorsqu'ils commettent une faute dans l'exercice de leurs fonctions,

- l'administrateur judiciaire a commis une faute en refusant de faire droit à la revendication alors que la demande était manifestement fondée,

- le mandataire judiciaire a commis une faute dès lors qu'elle n'a pas pu reprendre les biens revendiqués une fois l'ordonnance rendue faute de diligences de ce dernier.

Elle se prévaut encore d'une faute dès lors que les organes de la procédure ont permis l'usage des matériaux objets de la revendication dont ils avaient connaissance ; qu'ainsi l'administrateur judiciaire a fait preuve de négligence en permettant cet usage lors du redressement tandis que le mandataire judiciaire n'a pas protégé l'intérêt d'un créancier titulaire d'une clause de réserve de propriété.

La société estime son préjudice à la somme décomposée comme suit :

- 267 449,20 euros au titre du paiement du solde de la créance augmentée des intérêts de retard

- 94 548 euros au titre des difficultés financières subies faute de n'avoir pu disposer des biens objets de la revendication

- 120 000 euros au titre de la perte des garanties financières dont elle bénéficiait vis-à-vis des fournisseurs du fait de ses difficultés de trésorerie liées à la carence des organes de la procédure estimé à 5% du montant des achats annuels (600 000 euros) sur quatre ans.

Elle indique au surplus qu'elle n'a pas signé la transaction précédemment évoquée de sorte que celle-ci est 'inefficace'.

Me [O], intimé, demande de constater qu'en première instance la société ARN l'a assigné ès qualités d'administrateur judiciaire de la société GM LES PONTS DE CE et qu'aucun acte introductif d'instance ne lui a été délivré à titre personnel et, par voie de conséquence, vu l'article 547 du code de procédure civile, de :

- dire que seul Me [O] ès qualité d'administrateur judiciaire de la société GM LES PONTS DE CE est partie à la procédure devant la Cour

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par la société ARN à l'encontre de Me [O] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société GM LES PONTS DE CE, dès lors que sa responsabilité personnelle est recherchée- en toutes hypothèse, déclarer les demandes irrecevables dès lors que Me [O] n'a plus qualité d'administrateur judiciaire de la société GM LES PONTS DE CE.

Subsidiairement, il demande, au visa de l'article L622-20 du code de commerce, de déclarer irrecevables pour défaut de qualité à agir les demandes de la société ARN tendant à l'indemnisation de la fraction d'un préjudice collectif.

Encore plus subsidiairement, il demande de débouter la société ARN de l'ensemble de ses demandes.

En tout état de cause, il demande de condamner la société ARN à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par la SCP Jeanne BAECHLIN conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur les fins de non-recevoir :

Il rappelle que sa mission est terminée depuis le 28 février 2009 et conclut à l'irrecevabilité des demandes pour défaut de qualité à défendre, conformément à l'article 122 du code de procédure civile. Il soutient encore, jurisprudence à l'appui, que n'ayant pas été assigné à titre personnel, il n'est pas partie à titre personnel à la procédure et ceci alors que l'article 547 du code de procédure civile prévoit que l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. Il précise, en réponse aux conclusions de l'appelante, qu'il est vain d'opérer une distinction entre responsabilité professionnelle et personnelle, la responsabilité professionnelle étant une responsabilité personnelle.

Enfin, il conteste le caractère personnel du préjudice du créancier et conclut à l'irrecevabilité de son action en faisant valoir que la société ARN demande la réparation de sa fraction personnelle du préjudice subi par l'ensemble des créanciers, ce qu'interdit l'article L622-20 du code de commerce.

Subsidiairement, au fond :

Il soutient que la seule constatation de l'existence d'une créance partiellement impayée ne suffit pas à établir l'existence d'une faute d'un administrateur judiciaire dans le cadre d'une mission d'assistance. Au surplus, il fait observer que la société ARN, qui est mal venue à faire valoir l'absence de sa signature sur le protocole, a récupéré l'intégralité de l'aluminium conformément au protocole transactionnel et a pu librement en disposer pour apurer sa créance ;

que l'éventuelle transformation et vente de l'aluminium revendiqué relèverait de la responsabilité de la société débitrice et non de l'administrateur. Il conclut à l'absence de faute.

En outre, il soutient ne pas être responsable du délai de plus d'un an qui relève du tribunal et explique ne pas avoir été en mesure de répondre au revendiquant dans le délai d'un mois en raison des délais dans lesquels il a reçu les renseignements demandés au commissaire-priseur ; qu'au surplus, le code de commerce prévoit que le revendiquant peut saisir le juge-commissaire en l'absence de réponse dans le délai d'un mois.

Très subsidiairement, il conteste le préjudice invoqué par la société ARN en soutenant que celle-ci opère une confusion entre sa créance impayée et le stock pouvant être revendiqué et rappelle que le seul le stock existant en nature à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective peut faire l'objet d'une revendication et d'une demande de restitution.

Il en conclut, d'une part, que la société ARN a été intégralement remplie de ses droits en ce qui concerne la restitution des bien revendiqués dès lors que la valeur des lingots présents le jour de l'inventaire s'élevait à la somme de 41 143,20 euros et que la société a revendu ce stock à une valeur supérieure, pour une somme de 69 604 euros et, d'autre part, que le solde impayé de la créance s'élevant à la somme de 263 822,20 euros relève du passif antérieur et ne peut donc pas constituer un préjudice indemnisable. Elle conteste encore l'existence du préjudice financier dont ni le montant ni le lien causal avec le fait de l'administrateur judiciaire ne sont démontrés.

La SELAFA MJA, intimée, demande, au visa des articles 1382 et suivants du code civil et des articles L624-16 et suivants du code de commerce, de :

- dire et juger la société ARN tant irrecevable que mal fondée en ses demandes

- de confirmer le jugement dont appel

- préciser, en tant que de besoin, que la condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros prononcée par le tribunal l'a été au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouter la société ARN de l'intégralité de ses demandes

- ajoutant au jugement dont appel, de condamner la société ARN à lui verser la somme de 2 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.

L'intimée conteste la réunion des conditions de mise en oeuvre de sa responsabilité civile délictuelle.

Sur l'absence de faute du liquidateur judiciaire :

La SELAFA MJA, intimée, conteste l'absence de diligences invoquée par l'appelante, rappelle et soutient que l'acquiescement à une demande de revendication est une possibilité ouverte par la loi qui n'impose aucune obligation selon l'article L624-17 du code de commerce, qu'en l'absence d'accord la société ARN a saisi le juge-commissaire, que pour le liquidateur seules 18,980 tonnes de lingots d'aluminium AS8U3 existaient au jour du jugement d'ouverture et pouvaient faire l'objet d'une restitution puisque les autres stocks d'aluminium avaient fait l'objet de transformations, qu'elle était contrainte, comme le revendiquant, d'attendre la décision du juge-commissaire sur la requête en revendication et sur la possibilité de conclure un accord, que la transaction est intervenue rapidement, que le processus de restitution a été compliqué par la poursuite de l'activité de la société et par l'offre de reprise du fonds déposée par la société ARN. Elle conclut au respect des dispositions du code de commerce.

Par ailleurs, elle rappelle que la société ARN a exécuté l'ensemble des termes du protocole et qu'elle ne peut pas se prévaloir de son inexistence.

Sur le préjudice allégué :

Elle soutient que la société ARN a pu appréhender des marchandises plus importantes que celles auxquelles elle pouvait prétendre pour un montant de 65 977 euros, qu'elle n'a donc pas subi de préjudice, qu'elle ne pouvait pas ignorer que la vente des stocks récupérés ne couvrirait pas le montant de sa revendication ce qui était prévu aux termes de la transaction autorisée par le juge-commissaire, que l'accord prévoyait d'ailleurs que la société ARN se verrait confier d'autres actifs dans cette hypothèse, que la société ARN n'a pas pris possession de ces actifs en raison de la complexité et du coût de l'opération, qu'elle ne peut donc pas reprocher au liquidateur de ne pas avoir pris les dispositions propres à lui permettre de récupérer le montant correspondant à sa revendication.

Elle fait encore valoir que les allégations de la société ARN sur les frais financiers auxquelles elle aurait été soumise en raison de la prétendue faute commise par le liquidateur ne sont pas sérieuses et ceci d'autant plus dans un contexte de crise économique et alors que l'évaluation retenue n'est ni expliquée ni pertinente.

Sur l'absence de lien de causalité :

Elle soutient que la société ARN ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre la faute qu'elle reproche et le préjudice allégué, qu'elle n'explique en rien l'incidence de la prétendue lenteur d'action du liquidateur judiciaire sur la réalisation des stocks, qu'au contraire la société ARN a pu appréhender les stocks à peine 10 jours après notification de l'ordonnance du juge-commissaire ; que la société ARN est incapable de démontrer comment le processus judiciaire de traitement de la requête en revendication aurait pu être accéléré ni comment un traitement plus rapide lui aurait éviter de subir un préjudice ; qu'elle ne démontre pas plus l'existence d'un lien de causalité entre ses prétendues difficultés de trésorerie et le comportement prétendument fautif du liquidateur.

SUR CE,

Sur la fin de non recevoir tirée de la qualité de Me [O] dans l'instance

La cour observe que le jugement indique en page 1 comme défendeurs :

- la SELAFA MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIES (MJA) prise en la personne de Maître [J] [B]

- Maître [F] [O], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société GM LES PONTS DE CE

en ce qu'ils sont visés par l'assignation datée des 6 et 17 mai 2011 délivrée à la requête de la société AFFINAGE RECUPERATION NEGOCE à leur encontre.

L'acte d'appel vise Maître [O] sans autre précision.

Il ressort des premières conclusions de la société ARN qu'elle a visé les articles 1382 et suivants du code civil pour des fautes commises par les mandataires judiciaires dans l'exercice de leur fonction, ainsi que l'article R662-3 du code de commerce donnant compétence au seul Tribunal de Grande Instance sur les actions en responsabilité civile de ceux-ci.

La cour en déduit que si Maître [O] a joué sur l'ambiguïté résultant de l'assignation, il ne pouvait ignorer que c'était bien sur le champ de la responsabilité civile qu'il était mis en cause et n'a d'ailleurs pas soulevé d'exception de compétence liée à la procédure collective ouverte devant la juridiction commerciale. Et cela est d'autant moins le cas que l'action diligentée à son encontre l'est aussi à l'encontre de Me [B] sur le même fondement.

Dès lors la qualité en laquelle il a été attrait dans la procédure est déterminée par les prétentions émises contre lui et que la mention de l'acte d'appel, différente de celle dans laquelle cette partie figurait dans la procédure de première instance, ne procède pas d'une erreur mais de la rectification d'une erreur commise dans la procédure de première instance réparée ou couverte en considération des écritures prises, en première instance et en appel pour revenir au choix procédural fait par le demandeur à l'action dès le départ.

La qualité attribuée à Maître [O], 'pris es qualité d'administrateur judiciaire de la société GM LES PONTS DE CE', ne résulte ainsi que d'une erreur du jugement tirée de la rédaction de l'en-tête de l'assignation, au regard du contenu des écritures prises qui ont régularisé la situation procédurale de Maître [O].

Au surplus, l'erreur manifeste dans la désignation de l'intimé, au regard de l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel.

Sur la fin de non recevoir tirée de l'action individuelle d'un créancier

S'il est invoqué que les dispositions d'ordre public du code de commerce disposent que le représentant des créanciers puis le liquidateur ont seuls qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers et que l'action individuelle introduite par un créancier pour demander réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui des autres créanciers est irrecevable, la cour observe que :

la créance ARN au titre des actifs présents à l'ouverture de la procédure bénéficie du privilège de l'article L 622-17 I du code de commerce,

la demande formée dans le cadre de l'action introduite ne porte pas sur la clause de réserve de propriété mais la faute commise dans l'exercice de leur mission par des auxiliaires de justice.

Sur la faute

S'agissant de la faute consistant dans le refus de faire droit à la revendication alors que la demande était manifestement fondée ;

Outre le fait que Me [O] et Me [B] ne peuvent être tenus responsables du délai de plus d'un an mis par le tribunal pour examiner la requête de la société ARN, la requête étant appelée pour la première fois devant le juge commissaire le 23 février et celle-ci étant tranchée le 29 décembre 2009, avec une décision le 1er février 2010, la cour observe que la faute alléguée repose sur le manque de diligences pour restituer à ARN des marchandises existant encore à l'ouverture de la procédure, ce qui est alors à l'origine d'un préjudice économique égal à la différence entre le montant de la déclaration de créance et la somme finalement récupérée, et d'un préjudice financier lié aux frais de crédit de trésorerie né de l'indisponibilité des biens revendiqués et de la perte du crédit fournisseur.

Elle retient que :

il est indéniable que la restitution sollicitée se heurtait à l'identification de l'aluminium livré par ARN, en partie transformé par la société GM LES PONTS DE CE, société de fonderie, d'autant que le droit à restitution est limité au stock existant à l'ouverture du redressement judiciaire

l'ouverture de la procédure s'est accompagnée d'un maintien de l'activité et donc la transformation du stock durant la poursuite d'activité,

ARN ne démontre pas la disparition du stock à partir de l'ouverture de la procédure collective mais seulement sa diminution puisqu'elle a récupéré pour 48,693 tonnes d'aluminium sous diverses formes dont la revente lui a permis de récupérer la somme de 65 977€ sur 174 752 tonnes,

la signature du protocole d'accord dans un délai rapide montre la réactivité des mandataires de justice surtout dès lors qu'il permettait à ARN de récupérer plus de marchandises que celles accordées par la loi, et que le protocole prévoyait même l'hypothèse où la revente de l'aluminium ne permettrait pas d'apurer la créance d'ARN,

la non mise en oeuvre du protocole incombe à ARN et peut s'expliquer par l'existence de négociation sur un projet de reprise par ARN de GM LESPONTS DE CE.

Il convient d'ajouter que :

la faute potentielle de Maître [O] ne saurait avoir eu lieu que jusqu'au terme de sa mission, le 28 février 2009, le laps de temps susceptible de couvrir ses agissements fautifs se limitant à un peu plus de trois mois et qu'il n'avait qu'une mission d'assistance.

La faute potentielle de Maître [B] doit être postérieure au jugement le désignant comme liquidateur soit le 29 décembre 2008,

la société ARN ne produit aucun élément démontrant que la SELAFA MJA aurait fait preuve d'inertie, postérieurement à l'autorisation du juge-commissaire sans laquelle la restitution des marchandises ne pouvaitintervenir, soit lors de l'ordonnance rendue le 1er février 2010.

Il apparaît ainsi qu'aucune faute n'est établie à l 'égard des mandataires de justice au regard de la chronologie rappelée ci-dessus.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il sera statué ainsi qu'indiqué au dispositif.

*****

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 24 octobre 2012 en ce qu'il rejeté les demandes de la société AFFINAGE RECUPERATION NEGOCE formées à l'encontre de la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [J] [B]

L'infirme pour le surplus

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l'action de la société AFFINAGE RECUPERATION NEGOCE à l'encontre de Maître [O]

Rejette les demandes de la société AFFINAGE RECUPERATION NEGOCE formées à l'encontre de Maître [O]

Condamne la société AFFINAGE RECUPERATION NEGOCE à verser à la SELAFA MJA et Me [O] chacun la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société AFFINAGE RECUPERATION NEGOCE aux dépens lesquels seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile

Rejette toutes autres demandes, fins, moyens et conclusions plus amples ou contraires

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

V.PERRET F. FRANCHI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 12/23257
Date de la décision : 07/11/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°12/23257 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-07;12.23257 ?
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