Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/07923
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 avril 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS QUATRIÈME CHAMBRE - RG n° 2011025560
APPELANTE
SAS TRANSPORTS BIJOT prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualité audit siège
Ayant son siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU CICUREL MEYNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P240
Assistée de Me Violaine THEVENET de la SCP BRODU CICUREL MEYNARD , avocat au barreau de PARIS, toque: P240, substituant Me GUIDON, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE
SARL SECURITAS FRANCE
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée et assistée de Me Isabelle GEUZIMIAN, avocat au barreau de PARIS, toque: D1677
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 septembre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente et Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente
Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère
Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
Les sociétés Securitas France (la société Securitas) et Transports Bijot ont conclu, le 1er juin 2004, un contrat à effet rétroactif au 7 novembre 2003, aux termes duquel la société Securitas s'engageait à assurer au transporteur une prestation de surveillance de son site situé à [Localité 2], dans le Nord.
Ce contrat conclu pour une période de trois ans, a été ensuite reconduit tacitement chaque année et, pour la dernière fois, le 6 novembre 2010. Il a été résilié, pour faute grave, par la société Transports Bijot le 6 décembre 2010.
Les prestations de surveillance ont finalement pris fin le 1er janvier 2011.
La société Securitas France contestant le bien fondé de la rupture du contrat, a demandé à la société Transports Bijot de lui régler l'indemnité de résiliation contractuelle et anticipée prévue par l'article 12.2.
Cette demande est demeurée vaine et la société Securitas France a fait assigner la société Transports Bijot en réparation devant le tribunal de commerce de Paris.
Par un jugement en date du 12 avril 2012, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la SAS Transports Bijot à payer à la SARL Securitas France la somme de 122 236,66 € HT assortie des intérêts à compter de la décision,
- condamné la SAS Transports Bijot à payer 3 000 € au titre de l'article 700 du CPC,
- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
- condamné la SAS Transports Bijot aux dépens.
Vu l'appel interjeté le 26 avril 2012 par la SAS Transports Bijot contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées le 22 novembre 2012, par lesquelles la SAS Transports Bijot demande à la Cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 12 avril 2012 ;
- débouter la société Securitas de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre subsidiaire,
- constater le caractère manifestement excessif de l'indemnité demandée par la société Securitas et la réévaluer en conséquence ;
En tout état de cause,
- condamner la société Securitas à verser à la société Transports Bijot la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ;
La société Transports Bijot soutient que son refus de payer l'indemnité de rupture est justifiée par les manquements graves de la société Securitas au cours de l'exécution du contrat.
En particulier, elle reproche à sa cocontractante d'avoir communiqué une note de service à un de ses clients en dépit de l'obligation de confidentialité qui s'imposait à elle en application de l'article 11 du contrat et d'avoir mis à sa disposition un personnel manquant de professionnalisme. Sur ce dernier point, elle soutient qu'un gardien de la société Securitas s'est présenté ivre au site de [Localité 2], lieu de ses fonctions.
A titre subsidiaire, si la Cour devait conclure au versement d'une indemnité, la société Transports Bijot indique que l'article 12.2 du contrat doit s'analyser comme une clause pénale susceptible de modération. L'appelant fait valoir que la somme de 122.236,66€ HT est manifestement excessive au regard du préjudice subi par son cocontractant.
Vu les dernières conclusions signifiées le 3 mai 2013, par lesquelles la SAS Securitas France demande à la Cour de :
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 12 avril 2012 en ce qu'il a condamné la société Transports Bijot à payer à la société Securitas France une somme de 122 236,66 € HT, soit 146.195,04 € TTC,
- débouter la société Transports Bijot de l'ensemble de ses demandes, l'infirmer pour le surplus,
Recevant la société Securitas France en son appel incident,
- dire et juger que les intérêts au taux légal sur la somme de 122 236,66 € HT soit 146 195,04 € TTC seront dus à compter du 28 janvier 2011, date de la mise en demeure adressée à la société Transports Bijot par la société Securitas France,
- condamner la société Transports Bijot à payer à la société Securitas France une somme de 6.000 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La Société Securitas soutient n'avoir commis aucune faute grave et que la société Transports Bijot a résilié le contrat pour une raison financière.
Elle conteste l'existence de la note de service litigieuse en soulignant que cette dernière n'a jamais été versée aux débats, et fait valoir que son agent n'était pas ivre mais souffre d'une maladie de la peau pouvant lui donner l'aspect d'une personne en état d'ébriété.
Elle sollicite donc la confirmation de la décision attaquée, mais demande en revanche son infirmation en ce qu'elle a ordonné le paiement d'intérêts au taux légal sur cette somme à compter du jugement, et non à compter de la mise en demeure en date du 28 janvier 2011.
L'intimée conteste la qualification de clause pénale et soutient que l'indemnité contractuelle de résiliation litigieuse ne représentait que le prix de la faculté de résiliation unilatérale, en dehors de toute notion d'inexécution.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée, ainsi qu'aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la résiliation du contrat
Il résulte du témoignage du manager de zone de la société C chez vous, cliente de la société Bijot, qu'une note de service concernant des vols de marchandises survenus au sein de l'entrepôt de la société Transports Bijot à [Localité 2] a été transmise au personnel de la société C chez vous, par un agent de la société Securitas. Ce témoignage indique que cette note invitait les agents de la société Securitas à des mesures de surveillance particulière, notamment, des personnels de la société C Chez vous et que sa transmission a eu pour effet une perte de confiance de cette société qui a, en conséquence, décidé de ne pas renouveler ses engagements avec la société Transports Bijot.
Ce témoignage émanant d'un cadre de la société directement concernée par l'évènement reproché à la société Securitas établit la preuve de la violation par celle-ci de l'obligation de confidentialité énoncée par le contrat conclu le 1er juin 2004, sans qu'importent l'absence de production de la note concernée et les mises en cause des autres témoignages par la société Securitas.
Cette violation de l'obligation générale de confidentialité qui doit présider aux relations entre cocontractants, et qui était, de surcroît, prévue expressément par le contrat, constitue une faute contractuelle grave de la part de la société Securitas qui est de nature à justifier la rupture immédiate et sans préavis du contrat.
S'agissant au surplus du reproche relatif au manque de professionnalisme d'un agent de la société Securitas, la société Transports Bijot produit une attestation de M. [P], chauffeur routier, qui rapporte la preuve de ce qu'un agent de gardiennage envoyé par la société Securitas auprès de la société Transports Bijot, s'est trouvé dans un état d'ébriété tel qu'il est tombé à plusieurs reprises, sans pouvoir se relever seul. Le fait que cet agent soit atteint d'une maladie de peau pouvant faire croire à tort qu'il était en état d'alcoolémie est inopérant à rapporter la preuve contraire du fait rapporté par ce témoignage. De même, ni le témoignage de l'agent en cause, ni la pétition organisée par lui invitant les chauffeurs qu'il a pu rencontrer sur le site de la société Transports Bijot à indiquer ne pas l'avoir vu avec un comportement anormal, et dont les signatures sont contredites par les témoignages d'un certain nombre de signataires, qui affirment avoir signé cette pétition pour éviter à cet agent d'être licencié, ne rapportent la preuve contraire du témoignage du chauffeur routier sus-visé. Il est, dans ces circonstances, inopérant que la société Transports Bijot ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait immédiatement après ces faits, alerté la société Securitas.
La violation de l'obligation de mise à disposition d'agents capables d'assurer la mission de sécurité confiée qui constitue une obligation essentielle pour une entreprise chargée d'assurer la sécurité du site de son cocontractant constitue, elle aussi, une faute grave imputable à la société Securitas, justifiant la résiliation sans préavis du contrat.
Au regard des fautes retenues précédemment, il importe peu que le contrat ait été exécuté auparavant sans difficulté. Dans ces conditions, la société Securitas n'est pas fondée à réclamer réparation d'un préjudice né de la rupture.
En conséquence, le jugement doit être réformé et la demande de la société Securitas de paiement de dommages-intérêts doit être rejetée.
Sur les frais irrépétibles
La société Transports Bijot a dû, pour faire valoir ses droits, exposer des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge. En conséquence, la société Securitas doit être condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau de ce chef
REJETTE les demandes de la société Securitas ;
REJETTE toutes demandes autres plus amples ou contraires des parties ;
CONDAMNE la société Securitas à verser à la société Transports Bijot la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Securitas aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLa Présidente
E.DAMAREYC.PERRIN