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07/11/2013 | FRANCE | N°11/13606

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 07 novembre 2013, 11/13606


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2013



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/13606



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 juin 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - 6ème CHAMBRE - RG n° 2009052844





APPELANTE



SARL LE ROUGE ET LE VERRE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié

en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Lionel MELUN, avocat au barreau de PARIS, toque : J139

Assistée de Me Vinc...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2013

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/13606

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 juin 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - 6ème CHAMBRE - RG n° 2009052844

APPELANTE

SARL LE ROUGE ET LE VERRE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Lionel MELUN, avocat au barreau de PARIS, toque : J139

Assistée de Me Vincent LOIR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0874

INTIMÉE

SARL LES DOMAINES QUI MONTENT prise en la personne de son représentant légal

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée de Me Antoine CHATAIN de la AARPI STASI CHATAIN'ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R 137

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 septembre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente et Madame Valérie MICHEL- AMSELLEM, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCEDURE

La société Les domaines qui montent, créée par des vignerons, a pour activité la vente en gros des vins que ceux-ci produisent. Ces ventes s'opèrent soit à emporter dans le cadre de boutiques tables d'hôtes, soit à des professionnels avec le concours d'agents commerciaux.

La société Le rouge et le verre a été créée en 2002 par M. [D], qui était auparavant agent commercial de la société Les domaines qui montent. Elle a ouvert une première boutique table d'hôte dans le [Localité 1], puis une seconde, dans [Localité 2]. Ces deux boutiques étaient exploitées sous l'enseigne « Les domaines qui montent ». Cependant, aucun contrat écrit n'a été régularisé entre les deux sociétés.

En effet, les cocontractantes ont engagé des discussions en 2004 en vue de formaliser leurs relations contractuelles, mais n'y sont pas parvenues. La qualité d'agent commercial de la société Le rouge et le verre n'est néanmoins pas contestée par la société Les domaines qui montent.

Des dissensions ont commencé à opposer les parties à compter de 2008, la société Le rouge et le verre reprochant à sa mandante de ne pas la mettre en mesure d'exercer le mandat. Les commandes de la société Le rouge et le verre, pour son compte ou par son intermédiaire, ont diminué, mais aucune des parties n'a pris l'initiative d'une rupture de ce contrat de fait, dont l'exécution se poursuit.

Par acte du 6 août 2009, invoquant des manquements dans son exécution par la société Les domaines qui montent, la société Le rouge et le verre a assigné sa cocontractante devant le tribunal de commerce de Paris afin que soit prononcée la résiliation aux torts de cette dernière.

Par jugement en date du 23 juin 2011,le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la SARL Le rouge et le verre de sa demande de résiliation du contrat d'agence commerciale la liant à la société Les domaines qui montent, et partant de sa demande de paiement d'une indemnité compensatrice.

- débouté la SARL Le rouge et le verre de ses autres demandes,

- condamné la SARL Le rouge et le verre à payer à la SARL Les domaines qui montent la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

- condamné la SARL Le rouge et le verre aux dépens.

Vu l'appel interjeté le 19 juillet 2011 par la société Le rouge et le verre contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 18 juin 2013 par la SARL Le rouge et le verre par lesquelles il est demandé à la cour de :

- dire et juger l'action de la société Le rouge et le verre recevable et bien fondée,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu le 23 juin 2011 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- prononcer la résiliation aux torts de la société Les domaines qui montent du contrat d'agent commercial l'unissant à la société Le rouge et le verre.

- condamner la société Les domaines qui montent à payer à la société Le rouge et le verre la somme de 58 843,59 € TTC à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial, - constater que le taux de rémunération de la société Le rouge et le verre est de 15 % HT sur leur prix HT des quantités de vin vendu et encaissé,

- condamner la société Les domaines qui montent à payer à la société Le rouge et le verre la somme de 3 883,92 € TTC à titre de commissions impayées au mois de mars 2011 inclus (hormis le complément au taux de 15% HT pour les mois de juin, juillet et août 2010).

- condamner la société Les domaines qui montent à communiquer à la société Le rouge et le verre sous astreinte de 200,00 € par jour de retard le détail mensuel des ventes réalisées par cette dernière en sa qualité d'agent commercial au titre des mois de juin, juillet et août 2010,

- condamner la société Les domaines qui montent à payer à la société Le rouge et le verre la somme de 13 936,26 € à titre de dommages et intérêts pour vin défectueux,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- débouter la société Les domaines qui montent de toutes ses fins, demandes et prétentions,

- condamner la société Les domaines qui montent à payer à la société Le rouge et le verre la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Le rouge et le verre expose que ses relations avec sa cocontractante se sont progressivement dégradées : elle reproche à cette dernière de ne pas avoir satisfait à son obligation de loyauté en omettant de lui fournir la documentation utile à son activité, la plaçant dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution du contrat les unissant.

Elle indique à ce sujet que la société Les domaines qui montent ne lui a plus communiqué les prix de revient des vins ce qui était indispensable pour pouvoir disposer d'une marge de négociation, sans risquer de vendre à perte.

Elle ajoute qu'elle n'était plus conviée aux réunions d'information organisées hebdomadairement jusqu'en 2006, puis mensuellement par la société Les domaines qui montent, et que de surcroît cette dernière s'est rendue coupable de détournements de clientèle et de débauchage de salariés à son encontre.

Elle soutient également que la société Les domaines qui montent a cessé de rembourser à ses clients le coût des bouteilles bouchonnées, et refusé de les échanger à compter d'une note du 25 mars 2008, alors qu'entre 5 et 8% des bouteilles distribuées sur le marché français seraient défectueuses et que les articles 1641 et suivants du code civil mettent à la charge du vendeur une obligation de garantie à l'égard de son acquéreur.

Vu les dernières conclusions signifiées le 19 juin 2013 par la société Les domaines qui montent, par lesquelles il est demandé à la cour de :

À titre principal

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce le 23 juin 2011,

- débouter la société Le rouge et le verre de sa demande de résiliation du contrat d'agence commerciale aux torts de la société Les domaines qui montent,

- débouter la société Le rouge et le verre de sa demande de versement d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial,

- débouter la société Le rouge et le verre de l'ensemble de ses demandes accessoires,

À titre subsidiaire

- dire et juger que l'indemnité due à la société Le rouge et le verre par la société Les domaines qui montent ne saurait excéder la somme de 1 895,83 €

En tout état de cause

- condamner la société Le rouge et le verre à payer à la société Les domaines qui montent 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Le rouge et le verre au paiement des entiers dépens.

La société Les domaines qui montent fait valoir que le montant des commissions rétribuant les agents commerciaux intervenant pour son compte n'est jamais fixe, mais calculé par une formule « [Prix de vente HT ' (prix de revient HT + investissement)]/2 » qui était parfaitement connue de la société Le rouge et le verre et qu'elle na pas modifiée.

Elle expose que la demande de résiliation judiciaire du contrat d'agence commerciale à ses torts exclusif est mal fondée, car l'appelante ne démontre pas le comportement déloyal qu'elle lui reproche et qui l'aurait empêchée de poursuivre son activité d'agent commercial.

La société Les domaines qui montent fait valoir qu'elle organise une aide commerciale, administrative et logistique à ses agents commerciaux, qu'elle assure une communication annuelle des tarifs et qu'elle fournit toutes les informations nécessaires à l'exercice de l'activité.

S'agissant de la non convocation aux réunions, la société Les domaines qui montent expose avoir progressivement réduit le nombre de ces réunions jusqu'à leur suppression définitive, dans la mesure où celles-ci n'attiraient que 'peu de monde'.

Elle oppose qu'elle n'a pas détourné la clientèle de la société Le rouge et le verre, ni débauché son personnel.

À titre subsidiaire, l'intimée fait valoir que si la Cour venait à la condamner à verser à l'appelante une indemnité compensatrice, celle-ci ne pourrait être égale au montant demandé par cette dernière, puisque les usages conduisent à accorder à l'agent commercial une indemnité égale à deux années de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières d'exécution du mandat (2010-2013), or l'appelante effectue son calcul sur les montants des commissions des années 2005 à 2008.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée, ainsi qu'aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la résiliation du contrat d'agent commercial

La société Le rouge et le verre soutient que la société Les domaines qui montent ne l'a pas mise en mesure d'exécuter son mandat conformément à ce que prévoit l'article L. 134-4 du code de commerce. Elle lui reproche à ce titre de ne plus lui avoir communiqué ses tarifs à compter du mois d'avril 2009, ni aucune documentation lui permettant d'assurer la vente des vins livrés, de ne plus l'avoir conviée aux réunions d'informations, d'avoir unilatéralement modifié le taux de commissions et enfin d'avoir mis en 'uvre des pratiques déloyales par le détournement de sa clientèle et le débauchage de son personnel. La société Les domaines qui montent dément chacune de ces accusations. Il convient d'observer que l'assignation a été délivrée à la société Les domaines qui montent le 6 août 2009. Dès lors, il incombe à la Cour de vérifier si la preuve de ces faits est rapportée pour la période antérieure à cette date, mais aussi, dans le cas où elle ne le serait pas, pour la période postérieure s'agissant d'une demande de résiliation judiciaire.

Sur la communication des tarifs

La société Les domaines qui montent soutient qu'elle a régulièrement communiqué ses tarifs à la société Le rouge et le verre et qu'à partir de 2009, elle a abandonné la transmission d'un document sur support papier, préférant la voie électronique.

Elle démontre par la production des tarifs concernés et de plusieurs factures adressées aux clients de la société Le rouge et le verre, qui ne les conteste pas, que celle-ci a appliqué lesdits tarifs à ses clients, ce qui démontre que celle-ci en avait connaissance.

La société Le rouge et le verre soutient cependant que les tarifs que lui a adressés la société Les domaines qui montent étaient des tarifs publics, ce qui n'avait aucun intérêt pour elle puisqu'il était nécessairement plus intéressant pour ses clients de s'adresser directement à la société Les domaines qui montent que de se voir appliquer le tarif public majoré de la commission qui lui serait versée. Cependant, il résulte des pièces produites que les factures adressées aux établissements clients de la société Le rouge et le verre, comportaient les prix publics, sans que soit ajouté le montant de la commission de celle-ci. Par ailleurs, il convient de relever que si la société Le rouge et le verre devait se garder de revendre à perte les vins de la société Les domaines qui montent, cette obligation ne pesait néanmoins par sur elle, mais sur la société Les domaines qui montent qui était son mandant.

Enfin, s'agissant des coûts de transport les factures produites ne comportent aucun frais supplémentaire à cet égard, et en tout état de cause, il n'est pas démontré que la société Le rouge et le verre ait jamais demandé à sa mandante le tarif des coûts de transport applicable.

Sur la convocation aux réunions

La société Le rouge et le verre, à laquelle il ne peut être reproché de rapporter la preuve d'un fait négatif, tel que ne pas être conviée à une ou plusieurs réunions, ne démontre toutefois pas que des réunions d'information et de dégustation des vins auraient été organisées par la société Les domaines qui montent, ni préalablement à la période à laquelle les relations entre les deux sociétés se sont dégradées, ni pendant la durée de leurs dissensions. Il convient à ce sujet de relever que la seule attestation de M. [O] qu'elle produit est rédigée en termes tellement vagues qu'elle ne saurait constituer une preuve faute d'être confortée par d'autres éléments. En outre, le fait que son représentant, M. [D] ait été invité à une réunion en 2010 ne saurait démontrer que la société Les domaines qui montent avait continué ces rassemblements pour la période antérieure et qu'elle l'en avait exclue.

Sur les défauts d'information

Si dans un courrier du 23 janvier 2009, le conseil de la société Le rouge et le verre a indiqué à la société Les domaines qui montent que son client lui reprochait « le non respect d'un certain nombre d' obligations [lui incombant] notamment en matière de transmission de documents, ce qui rend impossible la moindre vérification concernant le montant des commissions », elle ne précise toutefois pas quels documents précis elle revendique, ce qui rend impossible pour la Cour de vérifier le bien fondé de ce reproche. Enfin, la documentation qu'elle mentionne dans sa lettre du 16 décembre 2008, vise seulement le fait d'avoir « mis en place une nouvelle procédure concernant les produits défectueux » et de ne l'en avoir informé que tardivement, mais il est établi qu'elle a finalement reçu cette information.

Dans une lettre du 19 juin 2009, M. [D] gérant de la société Le rouge et le verre a énoncé l'ensemble des griefs reprochés à la société Les domaines qui montent. En dehors de ceux qui ont été écartés ci-dessus ainsi que des actes de détournement de clientèle ou de débauchage du personnel et du changement de taux de commissions, qui le seront dans les développements qui suivent, il est reproché à la société mandante de ne plus l'associer aux opérations de promotion, communication et développement. Cependant, elle ne produit aucun élément permettant de constater que la société Les domaines qui montent aurait mis en 'uvre auprès des autres agents commerciaux des opérations de promotion ou de communication dont elle aurait été exclue. Enfin, elle ne démontre pas qu'avant l'année 2008, elle aurait reçu des informations particulières sur « les changements de millésimes, les changements d'étiquettes, les nouveaux formats, les séries de vins bouchonnés, le vie des vignobles, la « saisonnalité », les vins en promotion, les encaissements, les facturations des clients divers etc ... » qu'elle revendique dans ses conclusions, ni qu'elle ait demandé ces informations autrement que par un reproche vague de ne plus lui permettre d'exercer son mandat.

Sur le détournement de clientèle

La société Le rouge et le verre invoque à ce sujet le détournement de deux clients. Le premier M. [O], gérant de la société Nagan qui exerce sous l'enseigne « le Mono » et qui atteste que son restaurant était client de la société Le rouge et le verre, mais que sous la pression de la société Les domaines qui montent, il n'est plus passé par cet intermédiaire. Il résulte cependant des pièces produites que le restaurant le Mono est situé juste à côté d'une boutique les Domaines qui montent et, dans ces circonstances, il n'est pas établi que le fait que la société Nagan ne soit plus passée par l'intermédiaire de la société Le rouge et le verre ait été le résultat de pressions de la part de la société Les domaines qui montent, mais d'une simple commodité de fait.

Il n'est pas non plus démontré que la clientèle de M. [N] gérant du restaurant la table de Quentin ait été détournée par la société Les domaines qui montent puisque son témoignage relate une visite d'un représentant de cette société au mois de mai 2009, alors que cette personne avait, à cette date, signé son solde de tout compte avec cette société et ne faisait plus partie de ses effectifs. Enfin, si par une lettre du 6 mai 2010, mentionnant en objet « Confirmation des termes du contrat nous liant » il a été indiqué à M. [N] qu'il continuait à bénéficier du tarif de -15 %, en contrepartie de l'engagement à commander au moins 120 bouteilles par livraison, il n'est pas démontré que cette offre aurait été suivie d'une commande de la part de M. [N] et que la société Le rouge et le verre n'aurait pas perçu la commission à laquelle elle avait droit à la suite de telles commandes.

Sur la variation des commissions

La société Le rouge et le verre soutient que la société Les domaines qui montent a modifié unilatéralement son taux de commission. Elle produit à titre de preuve les factures qu'elle lui a adressées de 2004 à 2009. L'examen des pièces produites permet de constater, d'une part, que ces factures ont été établies après que la société Les domaines qui montent eut adressé à la société Le rouge et le verre un document intitulé « Total encaissements » pour le mois concerné, qui indique le total des sommes perçues par la société Les domaines qui montent et le total dû à la société Le rouge et le verre par application d'un taux de commission. Les factures ainsi produites permettent de constater une évolution du taux de commission de 15,50 % en 2004 à 15 % de mars 2005 à février 2009, puis à 14 % en février et mars 2009, 13,96 % en avril et mai 2009, 12,75 % en juin 2009 et 11,61 % en juillet 2009.

Il résulte de l'ensemble de ces pièces que le taux de commission a, ainsi que le soutient la société Le rouge et le verre, évolué au cours des années pendant lesquelles le mandat d'intérêt commun des parties a été exécuté.

Il ressort par ailleurs de la stabilité du taux de 15 % appliqué de mars 2005 à février 2009, soit pendant quatre ans, qu'un accord s'est établi entre les parties pour fixer la commission de la société Le rouge et le verre à ce pourcentage. Dans ces circonstances, la société Les domaines qui montent ne peut soutenir de façon crédible qu'un accord se serait instauré entre les parties pour que la rémunération soit calculée selon la règle suivante :

« [Prix de vente HT ' (prix de revient HT + investissement] / 2 » , alors que l'application d'une telle règle est démentie par la stabilité des taux mentionnés par la société Les domaines qui montent sur ses propres factures, pendant quatre ans et par le fait qu'une telle règle de calcul introduit des paramètres de prix de revient et de part d'investissement qui ne sont pas communiqués à ses partenaires, rendant ainsi impossible le contrôle de l'exactitude des commissions.

Sur le débauchage de personnel

Il résulte d'attestations produites par la société Le rouge et le verre que M. [K] qui était salarié de la société Le rouge et le verre a été franchisé par la société Les domaines qui montent et a ainsi ouvert une cave à cette enseigne. Bien qu'il ne soit pas salarié de la société Les domaines qui montent, il n'en demeure pas moins que celle-ci, quand bien même aurait -elle été démarchée par M. [K], aurait dû avertir la société Le rouge et le verre des tractations en cours et ne pas la mettre devant le fait accompli, ainsi que cela a été.

Par ailleurs, il est établi que M. [F], embauché par la société Le rouge et le verre en février 2008, a exercé, parallèlement, des fonctions d'agent commercial pour la société Les domaines qui montent et que celle-ci l'a rémunéré à ce titre. Ces faits caractérisent pour la société Les domaines qui montent une action de débauchage du personnel de la société Le rouge et le verre, action qui ne pouvait que déstabiliser sa mandataire. Dans ce contexte, il importe peu que M. [F] ait été embauché par la société Le rouge et le verre dans le cadre de son activité d'exploitation de table d'hôtes, et que la société Les domaines qui montent n'ait finalement pas formalisé de contrat avec le salarié détourné.

Ainsi il ressort de l'ensemble des éléments précédemment relevés que la société Les domaines qui montent a, d'une part, en modifiant unilatéralement les taux de commission de la société Le rouge et le verre, d'autre part, en détournant son personnel, mis en 'uvre à l'égard de celle-ci un comportement déloyal rendant impossible la continuation du contrat d'agent commercial.

En conséquence, le jugement doit être réformé, et il convient de prononcer la résiliation du contrat d'agent commercial conclu verbalement entre les sociétés Le rouge et le verre et Les domaines qui montent, aux torts exclusifs de cette dernière.

Sur les indemnités dues à la société Le rouge et le verre

Le contrat étant résilié aux torts de la société Les domaines qui montent, celle-ci est redevable envers la société Le rouge et le verre d'une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, en application de l'article L. 134-12, alinéa 1er, du code de commerce.

Il est sans effet à cet égard que la relation des parties se soit poursuivie pendant la durée de l'instance et que la société Les domaines qui montent ait continué à verser des commissions à la société Le rouge et le verre ou lui ait adressé diverses documentations et tarifs.

Sur l'indemnité compensatrice

Il n'est pas contesté que l'indemnité compensatrice doit s'établir à la somme de deux années de commissions, selon la moyenne des trois dernières années du mandat. Les réductions unilatérales de commissions étant intervenues au mois de février 2009, c'est à compter de cette date que la société Les domaines qui montent n'a plus versé l'intégralité des commissions qui étaient légitimement dues à la mandataire. il convient donc de calculer l'indemnité au regard des commissions versées entre le 30 mai 2005 et le mois de mars 2008, ainsi que le soutient la société Le rouge et le verre. Les commissions versées ayant été de 28 469,48 euros du 30 mai 2005 au 31 mars 2005, de 26 703,95 euros du 15 juin 2006 au 10 mai 2007 et de 18 627, 06 euros du 10 mai 2007 au 19 mars 2008, soit un total de 73 800 euros sur trois ans, la moyenne annuelle de commission s'établit à 24 600 euros et l'indemnité compensatrice à 49 200 euros. Cette somme indemnitaire ne donne pas lieu à application de la TVA, de sorte qu'il n'y a pas lieu de la prononcer « TTC » contrairement à ce que demande la société Le rouge et le verre.

Sur les commissions

Il convient de faire droit à la demande de la société Le rouge et le verre relative au versement des commissions qui ne lui ont pas été versées au taux de 15%, ainsi que les parties en avaient convenu selon le détail suivant :

- de février à juillet 2009

1 187,71 euros

- de juillet 2009 à avril 2010

1 602,68 euros

- pour les mois de mai, septembre et octobre 2010

173,54 euros

- de novembre 2010 à mars 2011

en tenant compte de la rectification du calcul par la société appelante et au regard d'un total des ventes HT et non TTC

919,99 euros

TOTAL

3 883,92 euros TTC

Il convient, par ailleurs, d'enjoindre à la société Les domaines qui montent de communiquer à la société Le rouge et le verre les résultats de ventes réalisées par elle, en sa qualité d'agent commercial, au titre des mois de juin, juillet et août 2010, puis d'avril à août 2011, et de préciser que la condamnation prononcée au titre des reliquats de commission est à parfaire.

Sur la décision de ne plus rembourser les bouteilles défectueuses

La société Le rouge et le verre ne démontre pas qu'elle aurait subi un préjudice résultant de la décision de la société Les domaines qui montent de ne plus rembourser les bouteilles de vin bouchonné. En effet, la production de données estimatives et générales résultant d'une enquête menée auprès d'acteurs de la profession ne permet pas d'établir qu'elle aurait, dans une même mesure, acquis auprès de la société Les domaines qui montent des bouteilles dont le vin était défectueux. Elle n'apporte, par ailleurs, aucun élément justifiant de ce que des bouteilles lui auraient été retournées ou qu'elle aurait été confrontée à des réclamations à ce sujet. Dès lors sa demande de dommages-intérêts à ce titre doit être rejetée.

Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Le rouge et le verre le montant des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits et la société Les domaines qui montent sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau de ce chef,

PRONONCE la résiliation du contrat d'agent commercial liant les sociétés Le rouge et le verre et Les domaines qui montent aux torts exclusifs de cette dernière ;

CONDAMNE la société Les domaines qui montent à verser à la société Le rouge et le verre les sommes de :

. 49 200 euros au titre de l'indemnité compensatrice

. 3 883,92 euros au titre des commissions impayées

DIT que cette dernière somme sera à parfaire compte tenu des comptes à établir entre les parties au sujet des commissions dues à la société Le rouge et le verre, en sa qualité d'agent commercial, au titre des mois de juin, juillet et août 2010, puis d'avril à août 2011 ;

ENJOINT pour ce faire à la société Les domaines qui montent de communiquer à la société Le rouge et le verre les résultats des ventes réalisées par elle, en sa qualité d'agent commercial pour ces mêmes périodes ;

REJETTE la demande de la société Le rouge et le verre de dommages-intérêts au titre de la décision de la société Les domaines qui montent de ne plus rembourser les bouteilles de vin défectueux ;

REJETTE toutes demandes autres, plus amples, ou contraires des parties ;

CONDAMNE la société Les domaines qui montent à verser à la société Le rouge et le verre la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Les domaines qui montent aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

E.DAMAREYC.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 11/13606
Date de la décision : 07/11/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°11/13606 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-07;11.13606 ?
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