RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 31 Octobre 2013
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12536
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section Encadrement RG n° 10/03863
APPELANT
Monsieur [J] [C]
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparant en personne
assisté de Me Marjana PRETNAR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0922
INTIMEE
SA AIR FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Septembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Monsieur Rémy LE DONGE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS-PROCEDURE-PRETENTIONS
Engagé à compter du 1 février 1975 par la société Air France en qualité de stagiaire pilote, M [J] [C] est devenu officier pilote de ligne, puis depuis le 1er février 1990, commandant de bord et instructeur.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 septembre 2008 la société Air France a informé M [C] qu'il atteindrait l'âge de 60 ans le 11 juin 2009, date à laquelle il ne pourrait plus exercer son activité de pilote en application de l'article L 421-9 du code de l'aviation civile, et l'a convoqué à un entretien en vue de son reclassement.
Par courrier du 2 février 2009, l'employeur a avisé M [C] que ses recherches de reclassement en interne et au niveau du groupe s'avéraient infructueuses et l'a convoqué à un entretien préalable à la rupture de son contrat.
M [C] a alors demandé le 5 février 2009 à prolonger son contrat afin de reprendre son activité de pilote en application de l'article 61 bis de la loi de financement de la sécurité sociale applicable au 1er janvier 2010.
La société Air France s'y est refusée le 16 février 2009, aux motifs que la loi du 17 décembre 2008, modifiant l'article L 421-9 du code de l'aviation civile prévoyant désormais la possibilité de piloter au delà de l'âge de 60 ans sous certaines conditions, n'entrait en vigueur que le 1er janvier 2010 et ne trouvait à s'appliquer qu'au seul personnel naviguant technique -PNT- dont le 60ème anniversaire sera postérieur à cette date, de sorte que la situation au cours de l'année 2009 restait inchangée pour lui.
Après entretien préalable, la société Air France a notifié à M [C] le 27 février 2009 la rupture de son contrat en application de L 421-9 du code de l'aviation civile, pour atteinte de la limite d'âge de pilote le 11 juin 2009 et impossibilité de la reclasser au sol, la rupture étant effective le 30 juin 2009, après un préavis de trois mois débutant le 1er avril 2009.
Aux termes de courriers des 6, 8 mars et 5 avril 2009, M [C] a alors notifié à son employeur la prise d'un congé sabbatique du 10 juin 2009 au 1er janvier 2010 inclus, pour pouvoir bénéficier des nouvelles dispositions de L 421-9 du code de l'aviation civile applicables au 1er janvier 2010 et reprendre son activité de pilote et s'est dit ouvert à toute solution pendant la période transitoire.
La société Air France a rejeté cette demande et lui a répondu que le congé sabbatique prendrait fin à la date de rupture de son contrat le 30 juin 2009.
Contestant la rupture de son contrat, M [C] a saisi le conseil de prud'hommes le 10 novembre 2010 pour obtenir le paiement de diverses indemnités.
Par jugement du 19 octobre 2011, le conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté M [C] de toutes ses demandes et l'a condamné à verser à la société Air France la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
M [C] a régulièrement fait appel de ce jugement le 15 décembre 2011.
APPELANT M [C] demande à la cour de :
Infirmer le jugement,
Dire son licenciement nul et, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse,
Condamner la société Air France à lui payer les sommes suivantes :
- 259.055 € à titre d'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2010 et anatocisme,
- 650.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, subsidiairement, licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 16.867 € à titre de dommages et intérêts pour non respect du droit au DIF,
- 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture prématurée du contrat de travail et perte de chance,
- 4.186 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M [C] soutient à titre principal qu'en décidant de rompre son contrat au motif de l'impossibilité légale de le maintenir dans son poste de pilote et de personnel navigant après 60 ans, et en faisant abstraction de la nouvelle loi du 17 décembre 2008 qui ouvrait la possibilité au pilote de transport public d'exercer son activité jusqu'à 65 ans, comme il en avait manifesté l'intention dès le 16 décembre 2008, la société Air France n'a pas exécuté le contrat de bonne foi et a rompu le contrat de travail de manière fautive du seul fait de l'âge, ce qui est prohibé tant par la Directive européenne 2000/78 que par l'article 1132-1 du code du travail. A titre subsidiaire, il considère que le nouveau texte, en ce qu'il ne s'appliquerait pas au pilote né avant le 1er janvier 1950, est également contraire à la directive communautaire du 27 novembre 2000 puisque discriminatoire en raison de l'âge si bien que la rupture s'analyse en un licenciement nul. A titre plus subsidiaire, il conclut encore à la nullité de son licenciement et en tout cas à son absence de cause réelle et sérieuse pour défaut de recherche de reclassement d'un poste au sol en application de l'article L.421-9 du code de l'aviation civile.
INTIMEE, la société Air France demande à la cour de :
Dire qu'elle a régulièrement appliqué les dispositions du code de l'aviation civile,
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Condamner M [C] à lui verser une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle répond que l'article L.421-9 du Code de l'aviation civile, dans sa rédaction en vigueur issue de la loi du 28 juillet 2004, était seul applicable à la situation de M [C] et interdisait l'exercice de fonctions navigantes au-delà de 60 ans, le paragraphe II ajouté par la loi du 17 décembre 2008 n'étant pas applicable avant le 1er janvier 2010. Elle précise que conformément à l'avis de la direction générale de l'aviation civile du 5 février 2009, le congé sabbatique posé par l'intéressé ne faisait pas obstacle à la rupture du contrat de travail et que celle-ci étant causée, non par l'âge de l'intéressé, mais par l'absence de possibilité de reclassement au sol, elle ne saurait être nulle.
Elle souligne qu'il ne saurait être invoqué une exécution de mauvaise foi du contrat de travail dans un cas où elle n'a fait qu'appliquer les dispositions légales qui s'imposaient à elles sous peine de sanctions administratives et pénales. Enfin elle soutient que le texte n'était pas discriminatoire, les textes internationaux invoqués étant inopérants et aucune contrariété n'existant avec le droit communautaire, la directive 2000/78/CE autorisant les différences de traitement en fonction de l'âge, si elles poursuivent un objectif légitime et sont appropriées à l'atteinte de celui-ci conformément à son article 6, repris à l'article L.1133-2 du Code du travail.
Elle estime ainsi que cette fixation d'une limite d'âge répondait à un objectif de politique de l'emploi et de marché du travail afin de donner des perspectives de progression pour les jeunes pilotes. Elle considère, par ailleurs, qu'elle a parfaitement respecté l'obligation de reclassement dans un emploi au sol mise à sa charge par l'article L.421-9 qui n'est qu'une obligation de moyens préalable à la notification de la rupture, les embauches effectuées à cette date concernant des postes de qualification très inférieure au poste de M [C], ceux de cadres embauchés exigeant au contraire des compétences qu'il n'avait pas, alors que les autres postes visés par M [C] n'étaient pas disponibles. Elle remarque, en tout état de cause, que le salarié n'a subi aucun préjudice dès lors qu'il pouvait bénéficier d'une retraite à taux plein et qu'il ne pouvait plus prétendre exercer des fonctions de pilote pendant cinq années supplémentaires, et ajoute qu'il ne peut cumuler, comme l'a jugé la Cour de cassation, dans sa situation l'indemnité spécifique de départ qu'il a perçue avec l'indemnité de licenciement qui ont toutes deux le même objet.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux écritures des parties visées par le greffe le 19 septembre 2013, auxquelles elles se sont référées et qu'elles ont soutenues oralement par elles à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRET
I. Sur la rupture du contrat de travail
Considérant qu'aux termes de l'article L421-9 du Code de l'aviation civile, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2004, "Le personnel navigant de l'aéronautique civile de la section A du registre prévu à l'article L 423-3 ne peut exercer aucune activité en qualité de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de soixante ans (...). Toutefois, le contrat de travail du navigant n'est pas rompu du seul fait que cette limite d'âge est atteinte sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert" ; que la finalité de ces dispositions est à l'évidence de permettre au personnel navigant âgé de plus de 60 ans de demeurer dans l'entreprise dans un emploi au sol, sans pouvoir exercer une activité de pilote ou de co-pilote ;
Que ces dispositions ont été modifiées par une loi n°2008-1330 du 17 décembre 2008, qui a introduit un paragraphe II à l'article L. 421-9 du Code de l'aviation civile, ainsi rédigé : "Le personnel navigant de la section A du registre qui remplit les conditions nécessaires à la poursuite de son activité de navigant est toutefois maintenu en activité au-delà de soixante ans pour une année supplémentaire sur demande formulée au plus tard trois mois avant son soixantième anniversaire, uniquement dans le cas des vols en équipage avec plus d'un pilote, à la condition qu'un seul des pilotes soit âgé de plus de soixante ans. Cette demande peut être renouvelée dans les mêmes conditions les quatre années suivantes", l'article 91 de la loi précisant que les dispositions antérieures restaient en vigueur jusqu'au 1er janvier 2010 ;
Considérant que l'article L.1222-1 du Code du travail impose aux parties une exigence de bonne foi dans l'exécution de leurs obligations contractuelles ;
Qu'en l'espèce, la société Air France qui a choisi de mettre un terme à la relation contractuelle le 30 juin 2009, après les 60 ans de M [C] intervenus le 11 juin 2009 x au cours de son congé sabbatique, et s'est appuyée pour ce faire sur le texte de l'article L 421-9 du Code de l'aviation civile alors en vigueur en ne visant que le reclassement au sol comme alternative à la rupture du contrat de travail, a méconnu l'objet de ce texte et a exécuté le contrat de façon déloyale en s'abstenant de rechercher si le congé sabbatique de M [C] ne permettait pas de respecter tout à la fois le texte et l'esprit de l'article L 421-9 du code de l'aviation civile, jusqu'à l'application de la loi nouvelle au 1er janvier 2010 qui ouvrait la possibilité à ce salarié, qui en avait exprimé le souhait, de piloter à nouveau jusqu'à la limite de ses 65 ans ;
Qu'en effet, il résulte de la lecture des dispositions transitoires de la loi du 27 décembre 2008 que l'article 91 de ce texte n'a nullement entendu interdire la reprise d'une activité du personnel navigant après une période d'interruption, liée, en particulier pour les pilotes nés en 1949, à la date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions connues de l'employeur avant la rupture du contrat ;
Considérant par ailleurs que le juge national a l'obligation d'écarter l'application d'une norme interne contraire à une règle communautaire, au profit de cette dernière ;
Que les parties ne contestent pas, dans leurs écritures, l'applicabilité au litige de la directive 2000/78/CE du conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ayant pour objet : « d'établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l'handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, en ce qui concerne l'emploi et le travail, en vue de mettre en 'uvre , dans les États membres, le principe de l'égalité de traitement » ;
Que l'article six de cette directive dispose :
« 1. Nonobstant l'article 2, paragraphes 1 et 2, les États membres peuvent prévoir qu'une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée à l'un des motifs visés à l'article 1er ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée(') » ;
Que l'article 6 dispose également que :
« Nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires' » ;
Considérant que l'article L 421-9 du code de l'aviation civile, qui prescrit l'interdiction de pilotage pour les pilotes de ligne, au-delà de l'âge de 60 ans, établi une mesure discriminatoire du fait de l'âge, peu important par ailleurs que la rupture du contrat de travail provienne non seulement de cet âge atteint mais aussi de l'impossibilité de procéder au reclassement du salarié ;
Que la législation internationale applicable en France n'impose pas une interdiction absolue de piloter aux pilotes âgés de 60 à 65 ans ; qu' en effet les préconisations de l'organisation aéronautique civile internationale ainsi que le règlement européen JAR-FCL 1060 publié au journal officiel du 2 avril 2005, permettent aux pilotes d'exercer leur activité sur un avion de transport commercial à condition que l'équipage comporte plusieurs pilotes et que l'un d'eux ait moins de 60 ans ;
Qu'il est également constant que les pilotes de transport public sont très strictement contrôlés et vérifiés ; qu'ils doivent passer plusieurs contrôles techniques annuels et une visite médicale une ou deux fois par an devant un organisme médical national indépendant, le centre d'expertise médicale du personnel navigant, dont la responsabilité est de déterminer si le pilote est apte ou non ; qu'ainsi, la société Air France pouvait et peut, chaque année, vérifier que les conditions d'aptitude du pilote étaient et/ou sont remplies ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'une règle interne qui fixe de manière absolue, et sans exception possible, à 60 ans l'âge limite à compter duquel les pilotes ne peuvent plus exercer leur activité professionnelle alors que les réglementations communautaires et internationales, fixent cet âge à 65 ans, n'institue pas une mesure nécessaire à la sécurité publique et à la protection de la santé au sens de l'article 2 §5 de la directive précitée, pas plus qu'elle n'instaure une restriction légitime x en raison de la nature de l'activité professionnelle en cause ou des conditions de son exercice, cette limite d'âge à 60 ans n'en constituant pas une exigence professionnelle essentielle et déterminante, au sens de l'article 4§1 de la même directive ;
Considérant, en conséquence, que s'agissant de la rupture du contrat de travail de M [C], l'article L 421-9 du code de l'aviation civile instaure à son égard une discrimination fondée sur l'âge, non-conforme à l'article 6§1 de la directive précitée et à l'article L 1133-2 du code du travail, qui constitue une discrimination illicite ;
Que dès lors, la rupture du contrat de M [C] s'analyse en un licenciement nul et à tout le moins dénué de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'argumentation relative à son reclassement ;
Qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré sur ce point ;
II. Sur les demandes d'indemnités
1. Sur l'indemnité de licenciement
Considérant que la rupture prononcée par l'employeur s'analysant comme un licenciement nul, M [C] est en droit de réclamer une indemnité de licenciement fondée sur les dispositions des articles L 1234-9 et R.1234-2 du Code du travail, calculée en fonction de son ancienneté dans l'entreprise et de son salaire moyen brut des 3 derniers mois de 22.636 €, plus favorable que la moyenne des12 derniers mois de 21.366 €, soit la somme de 259.055 € non autrement contestée;
Que toutefois, contrairement à la demande de M [C], de cette indemnité doit être déduite l'indemnité de cessation d'activité ou indemnité exclusive de départ, comprenant une base de 7 mois maximum du salaire moyen brut des 12 derniers mois majorée de 2 mois de salaire pour absence de reclassement au sol, allouée au personnel dont le contrat prend fin en application de l'article L.421-9, qu'il a perçue en application de l'article L.423-1 du Code de l'aviation civile et de l'article 2.3 du chapitre 7 de la convention d'entreprise du PNT d'Air France et qui n'a pas vocation à se cumuler avec une autre indemnité de rupture ; que celle-ci s'élevant à 227.390,20€, la société Air France doit lui payer le solde de 31.664,80 € ;
Qu'en application de l'article 1153 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes le 10 novembre 2010, avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ;
2. Sur l'indemnité au titre de la nullité de la rupture du contrat de travail
Considérant, sur les conséquences de cette nullité, que M [C] réclame une indemnité pour avoir été privé : de son salaire pendant les 7 mois de congé sabbatique, de la possibilité d'exercer ses fonctions de pilote pendant quatre années et cinq mois supplémentaires et de percevoir la rémunération correspondante et de bénéficier d'une majoration consécutive de sa pension de retraite ; que la société Air France soutient que le préjudice de M [C] est inexistant, dans la mesure où il ne pouvait plus voler à 60 ans et qu'il a bénéficié de sa retraite à taux plein ;
Considérant qu'il convient de relever que l'intéressé a perdu une chance de pouvoir naviguer durant encore un peu plus de quatre ans à partir de janvier 2010, et de voir ses droits à la retraite bonifiés en conséquence, étant souligné qu'il aurait du satisfaire aux nombreux contrôles techniques et de connaissance pendant cette période ; qu'il a cessé ses fonctions alors qu'il avait acquis toutes ses annuités pour bénéficier d'une retraite à taux plein, dont il a bénéficié dès le 1er juillet 2009, pour un montant total brut mensuel (régime spécifique plus régime légal) de 8.446,34 €, si bien que le préjudice financier qu'il invoque aujourd'hui doit être relativisé ; que son dernier salaire mensuel brut selon la moyenne de ses douze derniers mois de salaire s'élevant à 21.366 €, il lui sera alloué en réparation de la totalité de son préjudice résultant des circonstances de la rupture y compris celui, moral, de se voir exclu en raison de son âge, une indemnité globale de 255.000 € ;
3. Sur le droit individuel à la formation
Considérant que la lettre de rupture ne comporte pas l'information donnée au salarié de ses droits au titre du droit individuel à la formation en violation de l'article L.6323-19 du Code du travail, dont M [C] n'était pas privé ne s'agissant pas d'un départ à la retraite prévu à l'article suivant, mais d'un licenciement nul ; qu'en le privant de la chance de bénéficier des dispositions relatives à ce droit acquis de 120 heures dans le cadre de la rupture du contrat de travail et notamment pendant le préavis, l'employeur a causé au salarié un préjudice qui doit être indemnisé, peu important que l'employeur ait informé le salarié de son DIF les années passées ; que la cour dispose dans la cause des éléments nécessaires pour fixer le montant du préjudice à la somme de 5.000 € ;
4. Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture anticipée et perte de chance de trouver un poste au sol ou un poste de pilote dans le groupe
Considérant qu'à l'appui de cette demande d'indemnisation de 50.000 €, M [C] fait valoir qu'en rompant prématurément son contrat avant la date anniversaire de ses 60 ans le 11 juin 2009, la société Air France s'est dispensée de rechercher un poste au sol ou un poste de pilote dans le groupe ;
Considérant d'une part, que cette demande n'est formulée, dans le corps des écritures de l'appelant, qu'à titre subsidiaire de celle relative à l'indemnité principale ; que d'autre part, aucune disposition n'obligeait l'employeur à attendre les 60 ans du salarié pour lui notifier la rupture de son contrat ;
Que M [C] doit donc être débouté de cette demande et le jugement est confirmé de ce chef ;
Considérant enfin qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais de procédure qu'il a dû engager ; qu'une somme de 4.000 € lui sera allouée à ce titre, la société Air France devant supporter les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat ;
STATUANT de nouveau sur les autres chefs,
DIT que la rupture du contrat de travail de M [C] par la SA Air France le 27 février 2009 s'analyse en un licenciement nul ;
CONDAMNE la SA Air France à payer à M. [J] [C] les sommes de :
- 31.664,80 € au titre de l'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la demande du 10 novembre 2010,
- 255.000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la nullité de la rupture, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
- 5.000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier du droit individuel à la formation, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts à la charge de la SA Air France ;
CONDAMNE la SA Air France aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SA Air France à payer à M [C] la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;
CONDAMNE la SA Air France aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
L. CAPARROS P. LABEY