La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/10/2013 | FRANCE | N°11/19662

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 30 octobre 2013, 11/19662


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 30 OCTOBRE 2013





(n° 329, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19662



Décision déférée à la Cour :

Sentence du Bâtonnier n° 740/212906 rendue le 13 octobre 2011 par

Maître [I] [S], ancien Bâtonnier de l'Ordre du Barreau de Paris

art. 21 de la Loi 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée






DEMANDERESSE AU RECOURS



Madame [Z] [B] divorcée Mr. [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

REPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE



Représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 30 OCTOBRE 2013

(n° 329, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19662

Décision déférée à la Cour :

Sentence du Bâtonnier n° 740/212906 rendue le 13 octobre 2011 par

Maître [I] [S], ancien Bâtonnier de l'Ordre du Barreau de Paris

art. 21 de la Loi 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée

DEMANDERESSE AU RECOURS

Madame [Z] [B] divorcée Mr. [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

REPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

Représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)

Assistée par Me Olivier GRISONI (avocat au barreau de PARIS, toque : A0771)

DÉFENDERESSE AU RECOURS

SCP [C] U.G.G.C.

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE (Me Luca DE MARIA) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0018)

Assistée par la SELAFA K B R C & Associés (Me Jean-Louis COCUSSE) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0025)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Mai 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques BICHARD, président,

Madame Marguerite-Marie MARION, conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER

ARRET :

- contradictoire,

- rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, Président

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jacques BICHARD, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute de a décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Les parties ont signé un procès-verbal d'arbitrage en date du 15 février 2011 par lequel elles ont soumis leur différend à l'arbitrage du Bâtonnier du Barreau de Paris en le chargeant de statuer en droit et à charge d'appel ;

Par sentence arbitrale du 13 octobre 2011,Maître [I] [S], ancien Bâtonnier de l'Ordre du Barreau de Paris, statuant en droit et à charge d'appel conformément à l'acte de mission signé entre les parties le 15 février 2011, a :

- dit n'y avoir lieu à jonction entre les instances 740/212906, 740/212743, 740/213789,

Sur les demandes de Mme [Z] [B],

- débouté Mme [Z] [B] de sa demande de dommages-intérêts formée contre la SCP [C] ET ASSOCIES pour 'négligence fautive' dans le cadre de la procédure d'arbitrage contre M. [L] [Q] et Adamas international,

- dit que le courriel adressé par Mme [Z] [B] le 12 septembre 2010 à la SCP s'analyse comme une demande de retrait volontaire,

En conséquence,

- débouté Mme [Z] [B] de ses demandes de dommages-intérêts formulés au titre de son exclusion et de celles relatives à sa 'rémunération garantie jusqu'au 31 décembre 2010',

- 'en revanche fait droit à sa demande de paiement de ses rémunérations de septembre à octobre 2010 (arrêtées à la date du 16 octobre 2010) et, en tant que de besoin, condamné la SCP [C] ET ASSOCIES au paiement de ces rémunérations',

- l'a déboutée 'également de ses demandes annexes relatives au loyer de la résidence de [Localité 4] et au frais de déménagement',

- l'a 'déboutée enfin de ses demandes formées au titre des dividendes non distribués',

En ce qui concerne la valeur des parts de Mme [Z] [B],

Au visa des articles 1843-4 du Code civil et 21 de la loi du 31 décembre 1971, modifiée,

- accueilli la demande d'expertise,

- désigné à cet effet M. le Bâtonnier [T] [X] en cette qualité aux fins de fixer la valeur des parts de la SCP [C] ET ASSOCIES détenues par Mme [Z] [B] à la date du 16 octobre 2010 et a fixé les modalités d'exécution de cette mesure, entraînant notamment la suspension des délais d'arbitrage,

- renvoyé les parties à l'audience du 10 janvier 2012 pour qu'il soit statué sur la valeur des parts,

Statuant sur la demande reconventionnelle de la SCP [C] ET ASSOCIES,

- l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts fondée sur les actes de concurrence déloyale imputés à Madame [B], ainsi que de sa demande de restitution des rémunérations et avantages 'indûment payés',

- condamné Madame [Z] [B] à payer à la S.C.P. UGGC une indemnité de 190 000 € en réparation du préjudice causé par la désorganisation des bureaux de la S.C.P. UGGC et Associés en Asie, outre 60 000 € en réparation de son préjudice pour perte d'image,

- dit que ces condamnations seront solidaires avec celles prononcées par une sentence parallèle à l'égard de Monsieur [D] [J] et ne se cumuleront pas entre elles,

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du NCPC,

- fait masse des frais d'arbitrage liquidés à la somme de 18 000 € HT et condamné les parties à les supporter par moitié ;

CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Vu l'appel de cette sentence par Madame [Z] [B] en date du 3 novembre 2011 ;

Vu ses dernières conclusions déposées le 16 mai 2013 et développées oralement à l'audience par lesquelles elle demande à la Cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- confirmer la sentence arbitrale en ce qu'elle a :

¿ débouté UGGC et Associés de sa demande de dommages-intérêts fondée sur les actes de concurrence déloyale qui lui sont imputés ainsi que de sa demande de restitution des rémunérations et avantages 'indûment payés',

¿ ordonné la désignation d'un expert pour déterminer la valeur des parts sociales de la SCP,

- infirmer la sentence arbitrale :

¿ en ce qu'elle a désigné Monsieur le Bâtonnier [X] pour mener l'expertise ordonnée,

¿ sur les autres chefs de demande,

Et statuant à nouveau,

- dire que la SCP UGGC a exclu Madame [Z] [B] sans motifs valables, de manière abusive et a été négligente à son égard,

En conséquence,

- condamner la SCP UGGC au paiement de la somme de :

¿ 57 400 € au titre de la rémunération garantie jusqu'au 31 décembre 2010 conformément aux accords, sur la base de parts d'industrie,

¿ 10 000 € au titre des dividendes non distribués pour la période 2008, 2009 et 2010,

¿ 44 167 € au titre du loyer résidentiel jusqu'au terme du bail soit le 31 août 2011,

¿ 5 000 € au titre des frais de déménagement des effets personnels et autres meubles du bureau de [Localité 4],

¿ 86 000 € de dommages-intérêts pour exclusion abusive de la SCP UGGC,

¿ 86 000 € de dommages-intérêts pour gestion négligente du contentieux Adamas,

- désigner un expert pour procéder à l'évaluation de la valeur des parts de SCP retenues au moment de l'exclusion de Madame [Z] [B],

- débouter la SCP UGGC de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la SCP UGGC à verser la somme de 55 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la SCP UGGC aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions déposées le 10 mai 2013 et développées oralement à l'audience par la S.C.P. [C] ET ASSOCIES qui demande à la Cour de :

- dire Madame [Z] [B] recevable mais mal fondée en son appel,

- confirmer la sentence entreprise en ce qu'elle a dit que le courriel adressé le 12 septembre 2010 s'analyse en une demande de retrait volontaire, très subsidiairement, dire que la SCP a régulièrement pris acte de cette décision et, en tant que de besoin, a exclu Madame [Z] [B] dans le respect de ses statuts et du contradictoire,

- confirmer la sentence en ce qu'elle a débouté Madame [Z] [B] de sa demande au titre du préjudice personnel subi du fait d'ADAMAS ASIE et de Monsieur [L] [Q] et du fait de la prétendue négligence fautive d'UGGC, nul ne pouvant être indemnisé deux fois du même préjudice, dans tous les cas, juger que Madame [Z] [B] n'a pu subir aucun préjudice puisqu'elle a, sans délai, repris son activité professionnelle en Chine Populaire et à Taïwan en y exploitant la clientèle d'UGGC qu'elle avait capté déloyalement,

- confirmer la sentence déférée en ce qu'elle a condamné Madame [Z] [B] solidairement avec Monsieur [J], au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la désorganisation des bureaux de la SCP UGGC en Asie, ainsi qu'en réparation du préjudice de cette dernière pour perte d'image,

'émendant' :

¿ porter ces condamnations respectivement aux sommes de 200 000 € et 250 000 €,

¿ dire que n'est pas inclus dans ces sommes le montant de 10 000 € au titre des frais exposés par la SCP UGGC à l'occasion du licenciement du personnel du bureau de Taïpei et condamner (solidairement avec Monsieur [D] [J]) Madame [Z] [B] au paiement de cette somme, dont le quantum n'est pas discuté,

- confirmer la sentence déférée en ce qu'elle l'a ( Madame [B]) déboutée de toutes ses autres demandes, hors celles concernées par l'appel incident formé par UGGC,

Au visa des articles 1131, 1134, 1135, 1149 du Code civil, 1382 du Code civil,

- dire UGGC tant recevable que bien fondé en son appel incident,

- infirmer la sentence déférée en ce qu'elle a :

¿ débouté UGGC de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et préjudice moral ensuite de la captation de sa clientèle, à l'aide d'actes effectifs de concurrence déloyale par Madame [Z] [B] et Monsieur [D] [J] et les condamner solidairement, de ce chef, au paiement de la somme de 1 million d'euros avec intérêts de droit à compter de la date de la demande d'UGGC,

¿ débouté l'UGGC de ses demandes de restitution de la somme de 44 864 €, au titre de la rémunération indûment perçue par Madame [Z] [B] et la condamner seule au paiement de cette somme, avec intérêts de droit à compter de la présente demande,

Au visa de l'article 1843-4 du Code 'civiles articles 21' de la loi du 31 décembre 1971 et 10 de la loi du 29 novembre 1966,

- infirmer la sentence déférée en ce qu'elle a désigné un expert afin d'évaluation des parts de la SCP UGGC,

- donner acte à UGGC de ce qu'elle réserve ses droits dans le cadre de la procédure arbitrale intentée par elle à l'encontre de la SELARL ASIALLIANS, actuellement pendante devant la Cour (RG 11-23380),

- condamner Madame [Z] [B] (solidairement avec Monsieur [D] [J]) au paiement d'une somme de 150 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Madame [Z] [B] (solidairement avec Monsieur [D] [J]) au paiement de la totalité des frais d'arbitrage et des dépens devant la Cour ;

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de la sentence déférée et des explications des parties que la S.E.L.A.R.L. ADAMAS INTERNATIONAL ASIE (ADAMAS ASIE), société d'exercice libéral à responsabilité limitée de la profession d'avocat, a été créée en octobre 2002 entre Monsieur [L] [Q] (Maître [Q]), Monsieur [D] [J] (Maître [J]), Monsieur [V] [N] (Maître [N]) et la SELAS ADAMAS INTERNATIONAL (ADAMAS INTERNATIONAL), société d'exercice libéral d'avocat, aux fins d'exploitation de plusieurs bureaux en Chine, notamment à [Localité 4] et [Localité 5], le capital étant détenu à raison de 20 % par Maître [J], 20 % par Maître [N], 20 % par ADAMAS INTERNATIONAL et 40 % par Maître [Q] ;

Que ADAMAS ASIE s'est trouvée intégrée dans ADAMAS INTERNATIONAL dont Maître [Q] est le principal animateur, laquelle avait une activité en Chine et travaillait depuis 1997 avec Maître [J], avocat à Taïwan qui deviendra collaborateur dans cette structure en 1999 suivi de Maître [N] en 2001 après avoir exercé dans un autre cabinet à [Localité 5] et de Maître [B] en novembre 2003 ;

Qu'en 2006, Maîtres [J] et [N] se sont rapprochés de la S.C.P. [C] ET ASSOCIES (UGGC) qui souhaitait s'implanter en Asie et avait prévu son installation dans le cadre d'un 'Projet Samarcande' les incluant ainsi que des membres de leurs équipes dont Maître [B], qui exerçait son activité pour ADAMAS ASIE à [Localité 4] à compter de 2007 avec Maître [J] dont elle est la compagne ;

Qu'en 2007, un conflit est né au sein de la structure ADAMAS ASIE, opposant Maîtres [J] et [N] à Maître [Q] et ADAMAS INTERNATIONAL aboutissant à un Protocole d'accord le 11 mars 2008 (Protocole du 11 mars ou Protocole) aux termes duquel Maîtres [J] et [N] se sont engagé à acheter où à faire acheter par toute personne morale exerçant la profession d'avocat qui se substituerait à eux, à Maître [Q] et à ADAMAS INTERNATIONAL les 60 % du capital d'ADAMAS ASIE détenu par ces derniers pour le prix de 1 200 000 € payable comptant, étant précisé que Maître [B] a démissionné de cette structure le 28 janvier 2008 avec effet au 30 avril 2008 ;

Que le 14 mars 2008, un 'engagement du substitué' ('l'engagement du substitué'), a été régularisé au profit d'UGGC, se substituant en qualité d'acquéreur des parts cédées à Maîtres [J] et [N] dans le cadre du Protocole du 11 mars ;

Que le 12 avril 2008, l'assemblée générale d'UGGC a agréer Maîtres [J], [N], [O], [Y] et [B] en qualité d'associés ;

Qu'en raison d'un désaccord sur l'exécution du Protocole du 11 mars, le Bâtonnier de Paris, saisi par UGGC et Maître [J], a sanctionné Maître [Q] et ADAMAS ASIE pour ne pas avoir respecté leurs obligations et a considéré que cette inexécution contractuelle avait placé Maître [J], Maître [B] et la SCP UGGC dans une situation délicate leur ayant causé divers préjudices ; que cette sentence rendue le 25 octobre 2010 est frappée d'appel ;

Que dans l'intervalle, en avril 2009, le 'Bureau of Justice' de [Localité 4] (le BOJ), estimant qu'ils exerçaient leur profession en violation de la réglementation locale, n'a pas renouvelé la licence d'UGGC, a interdit à Maîtres [J] et [B] l'accès à leur bureau de [Localité 4] et les a menacés d'expulsion du territoire chinois et ce, selon Maître [B], en raison des négligences d'UGGC dans la mise en oeuvre du Protocole du 11 mars 2008 et dans les actions qu'elle aurait du conduire pour en obtenir l'exécution sans délai et qui a abouti à la saisine du Bâtonnier de Paris, Maître [B] affirmant en outre, qu'elle s'est efforcée, avec Maître [J], de résoudre ces difficultés administratives auprès du BOJ, et qu'ils ont obtenu en priorité le rétablissement de la licence d'UGGC le 5 mai 2010 ;

Que par ailleurs, la question du statut personnel de Maîtres [B] et [J] a fait l'objet de nombreux échanges :

- réunion le 5 juillet 2010 au BOJ avec le représentant d'UGGC (Monsieur [K]) à l'issue de laquelle il est apparu que la nomination de Maîtres [J] et [B] en qualité de représentants d'UGGC ne pouvait être envisagée à [Localité 4],

- réunion du conseil de gérance du Cabinet UGGC le 7 juillet 2010 prenant la décision de nommer Maîtres [O] et [N] en qualité de représentants de sa structure à [Localité 4] ce dont Maître [B] n'aurait été informée qu'a posteriori,

- conférence téléphonique tenue le 22 juillet 2010 au cours de laquelle diverses hypothèses ont été évoquées pour régler le problème administratif posé par les autorités chinoises, notamment la possibilité pour les intéressés d'être affectés au bureau de Taïwan ou d'être 'abrités' par un partenaire chinois,

- courrier du 30 juillet 2010 d'UGGC annonçant à Maîtres [B] et [J] leur affectation à [Localité 3] à compter du 1er octobre 2010 avec des conditions financières moins favorables qu'en Chine et une date butoir pour donner leur accord,

- 3 août 2010, en réponse à un courriel, Maître [F] [C], gérant d'UGGC, précise à Maître [J] qu'à défaut d'avoir fait connaître sa position, la SCP serait dans l'obligation de constater son retrait en application de l'art 30 des statuts,

- échanges de courriels et conférence téléphonique du 24 août 2010 à l'occasion desquels Maîtres [B] et [J] ont proposé diverses solutions alternatives qui n'auraient pas été prises en considération,

- 8 septembre 2010, message d'UGGC contenant une 'note de cadrage' provoquant les protestations de Maîtres [B] et [J],

- 12 septembre 2010 :

¿ Maître [B] envoie un courriel récapitualitf de sa position au gérant d'UGGC,

¿ le Conseil de gérance de la SCP acte la 'démission' de Maître [B],

- 16 octobre 2010, assemblée générale d'UGGC constate cette démission et, en tant que de besoin, prononce l'exclusion de Maître [B] ;

Que c'est dans ce contexte que la sentence déférée a été rendue ;

***

1° sur les négligences d'UGGC dans la défense du Protocole du 11 mars 2008 et de Maître [B]

Considérant que Maître [B] estime qu'UGGC a été négligente dans l'exécution du Protocole, notamment et y compris dans la transmission de pièces aux différentes parties, en ne prenant pas en compte les alertes répétées d'elle-même et de Maître [J] sur la nécessité d'agir contre Maître [Q] et ADAMAS ASIE, en n'engageant aucune action efficace ou dont les actions entreprises ont créé de nouvelles obligations retardant la bonne exécution du Protocole, ce qui a contribué à enliser sa position, étant restée près de deux ans représentante d'un Cabinet dans lequel elle ne travaillait plus ;

Considérant que c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la Cour adopte que l'arbitre a retenu une responsabilité partagée des parties en causes dans le retard apporté à actionner Maître [Q] et ADAMAS ASIE ; qu'en effet, observation faite que Maître [B] fait sienne l'attitude adoptée par son compagnon, celui-ci, responsable du bureau de [Localité 4], était l'interlocuteur objectif des autorités chinoises dans l'exécution du Protocole, qu'il s'est écoulé plusieurs mois entre son courriel du 22 janvier 2009 rappelant Maître [Q] à ses obligations, renouvelé seulement le 8 avril 2009, et sa mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2009 alors qu'en sa qualité de signataire du Protocole, il avait qualité pour saisir rapidement le Bâtonnier des difficultés d'exécutions rencontrées, ce qu'il n'a fait que le 26 janvier 2010 (avec Maître [B] et UGGC) ; que s'il a adressé de nombreux courriels à UGGC, ce n'est que très tardivement qu'il a fait allusion à la nécessité d'engager des actions sans toutefois les définir avec précision avant le 19 août 2009 ; que s'agissant du 'référé' discuté par les parties, il s'agit en réalité de la procédure prévue par les articles 28.3 du Règlement intérieur (R.I.) du Barreau de Paris et P 71.4.4 des dispositions propres à ce même Barreau, consistant pour l'arbitre à répondre à des demandes de 'mesures urgentes' sans formalisme défini par les textes, en l'espèce par les lettres des 7 et 8 octobre 2009 et le 'relevé de décisions' du 15 mars 2010 (pièce n° 19 et 20, appelante) pour tenter de répondre aux difficultés d'exécution du Protocole ; qu'en outre, Maître [J] a demandé lui-même 'd'attendre que la licence d'UGGC soit officiellement renouvelée en Chine (...) avant de réfléchir à nouveau sur ce qui peut être fait à l'encontre d'ADAMAS' (courriel 29 novembre 2009, pièce n° 6, intimée), et, alors que la demande de mesure urgente était en préparation, a indiqué 'tant que ma situation n'est pas réglée, je ne bougerai pas, je ne donnerai pas de document et je n'assisterai pas'(pour le renouvellement de licence 2009) '... et tout comme [Z], je m'interroge, compte tenu de mon préjudice personnel, sur la nécessité d'assigner rapidement [Q] et ADAMAS' (courriel du 2 octobre 2009, pièce n° 7, idem) ; qu'enfin, de nombreux échanges de courriels démontrent qu'UGGC s'est préoccupée de la situation (notamment pièces n° 72 à 90, appelante) ;

2° sur le départ de Maître [B]

Considérant que Maître [B] affirme n'avoir jamais démissionné ni exercé son droit de retrait et que son exclusion est contraire aux statuts de la SCP UGGC ; qu'elle soutient que celle-ci ne démontre pas les griefs invoqués dans la convocation de l'assemblée générale (AG) et repris dans le procès-verbal (PV) de celle-ci, sensés démontrer son absence de participation active aux activités de la SCP, qu'en tout état de cause, une expulsion forcée de ses droits d'associée d'une SCP ne peut être fondée que sur une faute qui n'a jamais existé et n'est donc pas démontrée mais organisée a posteriori sur de prétendues fautes ou comportements postérieurs à la décision d'exclusion ;

Considérant que c'est à la suite de motifs pertinents que la Cour fait siens en les adoptant, que l'arbitre a retenu que le courriel du 12 septembre 2010 (pièce n° 47, appelante) traduit l'intention non équivoque de Maître [B] de se retirer de la SCP ; qu'en effet, celle-ci déclare 'Je pense, dans l'intérêt de tous, qu'il serait préférable de faire l'économie de deux billets d'avion, et que mon conseil traite directement avec le votre des conséquences de notre départ imposé par vos propositions qui n'en sont pas. Bien entendu ce départ devra être discuté sur les bases de nos accords passés' ;

Qu'il sera seulement ajouté que, lors de son assemblée générale du 10 octobre 2010, UGGC ayant purement et simplement acté, au regard de ce courriel, que Maître [B] avait entendu 'démissionner' (pièce n° 10, intimée), le recours à la lettre recommandée avec accusé de réception comme prévu par l'article 29 des statuts est devenu sans objet, cette modalité étant destinée à faire courir le délai de six mois pour acquérir ou faire acquérir les parts du retrayant ; que par voie de conséquence la discussion engagée par l'appelante sur les conditions du retrait forcé prévu à l'article 30 des dits statuts devient également sans objet ;

3° sur les demandes indemnitaires de Maître [B]

Considérant qu'étant déboutée de sa demande visant à voir déclarer UGGC coupable de négligence dans le traitement du contentieux avec Maître [Q] et ADAMAS ASIE, il y a lieu de confirmer la sentence en ce qu'elle a rejeté la demande de Maître [B] de dommages-intérêts à hauteur de 86 000 € de ce chef ;

Considérant qu'il y a également lieu de confirmer la sentence en ce qu'elle a débouté Maître [B] de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 86 000 € pour exclusion abusive, dès lors que son départ est qualifié de retrait volontaire ;

Considérant, comme l'a justement relevé l'arbitre, que la demande de paiement par Maître [B] de sa rémunération n'est fondée que jusqu'au 16 octobre 2010, date à laquelle l'assemblée générale de UGGC a acté la rupture des relations résultant de sa décision de retrait ;

Considérant, que les frais de bail et de déménagement étant la conséquence de son départ volontaire d'UGGC, il y a lieu de confirmer la sentence de ce chef ;

Considérant, s'agissant du paiement des dividendes non distribués pour les exercices 2008, 2009 et 2010, que c'est à la suite de motifs pertinents que la Cour fait siens en les adoptant, que l'arbitre a débouté Maître [B] de sa demande de ce chef ;

Considérant, s'agissant de l'expertise ordonnée par l'arbitre, que Maître [B], qui ne conteste pas avoir reçu la somme de 6 100 €, estime qu'il ne peut s'agir d'une cession de ses parts en l'absence d'une lettre de démission claire, unilatérale et sans équivoque, conforme aux statuts, d'une offre de vente, de tout document démontrant une convention sur ce sujet et de document évoquant une éventuelle promesse de vente et qu'en conséquence, il appartient à un expert désigné en application de l'article 1843-4 du Code civil d'évaluer la valeur de sa participation dans le capital d'UGGC ; qu'elle relève que la dernière assemblée générale du 13 juillet 2010 n'a pas statué sur la valeur de rachat de ses parts et qu'en tout état de cause la clause prévue par l'article 23 des statuts prévoyant la valorisation annuelle et le recours à l'article 1843-4 précité en cas de désaccord est nulle dès lors qu'il y a contestation sur le prix ;

Considérant, que si les dispositions de l'article 1843 du Code civil sont d'ordre public, il y a lieu de relever que ce texte n'a vocation à s'appliquer qu'en cas de contestation ; qu'en conséquence, sans qu'il soit besoin de répondre à ses arguments sur l'absence de 'démission volontaire' qui ont été précédemment tranchés par la Cour, il y a lieu de relever que Maître [B] ne conteste pas avoir reçu le 28 octobre 2010 la somme de 6 100 € représentant la valeur de ses parts dans le capital d'UGGC telle que retenue par l'assemblée générale du 3 juillet 2009 qui n'a pas été remise en cause ; qu'elle a encaissé cette somme sur son compte le 2 novembre 2010 (pièce n° 63, appelante) et n'établit ni n'allègue d'ailleurs, avoir émis des réserves sur cette évaluation à un moment quelconque si ce n'est le 5 septembre 2011 au soir, la veille de l'audience devant l'arbitre, soit postérieurement à une cession parfaite depuis le 2 novembre 2010 ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu à expertise et la sentence déférée doit être infirmée de ce chef ;

4° sur les demandes reconventionnelles d'UGGC

Considérant, à titre préliminaire, qu'il n'y a pas lieu de répondre à la demande de 'donner acte' formée par UGGC quant à ses droits réservés dans le cadre de la procédure arbitrale qu'elle a intentée à l'encontre de la SELARL ASIALLIANS 'actuellement pendante devant la Cour (RG 11-23380)' qui ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du Code de procédure civile,

Que de la même manière, Maître [J] n'étant pas dans la présente procédure, l'arbitre ne pouvait prononcer à son encontre une condamnation solidaire avec Maître [B] qui, en tout état de cause ne pouvait être qu'une condamnation in solidum ; que pour la même raison, UGGC ne peut qu'être déboutée de sa demande de confirmation d'une telle condamnation  et seulement demander à Maître [B] son éventuelle quote-part dans la réparation des préjudices allégués ;

¿ concurrence déloyale

Considérant qu'UGGC reproche à Maître [B], agissant avec Maître [J], de ne pas l'avoir avisée du changement de personnel du BOJ, de ses démarches pour pouvoir de nouveau exercer la profession d'avocat en Chine, ainsi que du rétablissement ou du maintien de ces licences d'exercice ; qu'elle lui reproche également d'avoir provoqué une 'hémorragie' de collaborateur ou d'associés et d'avoir démarché plusieurs de ses clients dans le cadre de son nouvel exercice après avoir pris des mesures conservatoires pour organiser son futur professionnel alors qu'elle était encore membre d'UGGC, enfin d'avoir passé des accords pour l'avenir avec ses partenaires chinois et taïwanais et conclut qu'il en résulte pour un préjudice moral;

Considérant qu'UGGC n'est pas fondée en sa demande ;

Qu'en effet, elle ne verse aucune pièce établissant le défaut d'information, volontaire, reproché sur les différents points précités, que par ailleurs, elle indique elle-même dans ses écritures qu'elle est dans l'incapacité de verser aux débats les preuves formelles du démarchage de clientèle qu'elle dénonce (p. 76 de ses conclusions) ;

Que d'autre par, les démarches et actes contestés sont postérieurs de plusieurs semaines au retrait volontaire manifesté le 12 septembre 2010 par Maître [B] ; qu'ainsi, les statuts de la SELARL ASIALLIANS ont été signés le 2 novembre 2010, que cette société a été inscrite au RCS le 10 décembre 2010 et que le site internet a été ouvert le 28 septembre 2010 (respectivement pièces n° 19, 20 et 18, intimée) ; qu'enfin, Maître [A], seul associé mentionné par UGGC pour caractériser 'l'hémorragie d'associés ou collaborateurs' dont se serait rendu coupable Maître [B], a lui même notifié le 29 octobre 2010 son retrait d'UGGC pour rejoindre ASIALLIANS à l'issue de son préavis de six mois ;

¿ restitution des rémunérations indûment versées en août, septembre et octobre 2010

Considérant qu'UGGC indique avoir versé à Maître [B] la somme de 44 864 € au titre des frais liés à ses fonctions, au logement, à l'école des enfants, au chauffeur, à la voiture, aux déplacements et aux frais exposés en dehors du traitement des dossiers, donc non refacturables aux clients, que le détail du réajustement d'octobre lui a été envoyé le 28 octobre 2010 et que par lettre du 3 novembre suivant, il lui a été rappelé la nécessité de facturer ses diligences et ses frais facturables ;

Considérant, alors qu'elle ne conteste pas la somme réclamée, que Maître [B] qui avait annoncé le 4 novembre 2010 qu'elle procéderait aux facturations demandées dans 'les jours qui suivent ' (pièce n° 34, intimée), affirme qu'elle a généré une facturation au cours des mois d'août et septembre/octobre 2010 ' sans toutefois l'établir dès lors qu'elle ne verse aux débats que des 'éléments de facturation' (pièce n° 64, appelante) consistant en de simples doubles de quelques factures adressées à des clients et non les facturations annoncées destinées à UGGC ; qu'en conséquence, il y a lieu d'infirmer la sentence déférée et de faire droit à la demande d'UGGC de ce chef avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt faute de justifier d'une mise en demeures antérieure ;

¿ sur les préjudices résultant de la désorganisation des bureaux chinois et de la perte d'image

Considérant que c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que l'arbitre a retenu l'existence de ces deux chefs de préjudice qu'il y a lieu d'indemniser par l'octroi de la somme de 200 000 € pour le premier, englobant les frais de licenciement, et de 100 000 € pour le second, dont Maître [B] ne sera redevable qu'à hauteur de la moitié pour chacun ;

5° sur les frais d'arbitrage

Considérant que la charge des frais d'arbitrage, liquidés à la somme de 18 000 € sera supportée par moitié par chacune des parties ;

***

Considérant que l'équité ne commande pas, en l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant qu'aucune d'entre elle n'obtenant entièrement satisfaction, chacune des parties supportera la charge des dépens d'appel dans les mêmes proportions que les frais d'arbitrage ;

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME la sentence en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à jonction des procédures 740-212906, 740-212743 et 740213789,

-débouté Madame [Z] [B] de sa demande de dommages-intérêts formée contre la S.C.P. [C] ET ASSOCIES pour 'négligence fautive' dans le cadre de la procédure d'arbitrage contre Monsieur [L] [Q] et la société ADAMAS INTERNATIONAL,

- dit que le courriel adressé par Madame [Z] [B] le 12 septembre 2010 à la S.C.P. [C] ET ASSOCIES s'analyse comme une demande de retrait volontaire,

- débouté Madame [Z] [B] de ses demandes de dommages-intérêts formulés au titre de son exclusion et de celles relatives à sa 'rémunération garantie jusqu'au 31 décembre 2010',

- fait droit à la demande de Madame [Z] [B] de paiement de ses rémunérations de septembre à octobre 2010 (arrêtées à la date du 16 octobre 2010) et, en tant que de besoin, condamné la S.C.P. [C] ET ASSOCIES au paiement de ces rémunérations,

- débouté Madame [Z] [B] de ses demandes annexes relatives au loyer de la résidence de [Localité 4] et au frais de déménagement,

- débouté Madame [Z] [B] de ses demandes formées au titre des dividendes non distribués,

- débouté la S.C.P. [C] ET ASSOCIES de sa demande de dommages-intérêts fondée sur les actes de concurrence déloyale imputée à Madame [Z] [B],

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- fait masse des frais d'arbitrage liquidés à la somme de 18 000 € HT et condamné les parties à les supporter par moitié ;

INFIRME la sentence pour le surplus,

STATUANT À NOUVEAU dans cette limite,

DÉBOUTE Madame [Z] [B] de sa demande d'expertise aux fins de détermination de la valeur des parts sociales de la S.C.P. [C] ET ASSOCIES,

CONDAMNE Madame [Z] [B] à payer à la S.C.P. [C] ET ASSOCIES :

- la somme de 100 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la désorganisation de ses bureaux en Asie,

- la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'image,

- la somme de 44 864 € au titre de la restitution de rémunérations et avantages indus,

DIT que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

REJETTE toutes autres demandes des parties,

FAIT MASSE des dépens d'appel qui seront supportés par moitié par chacune des parties.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/19662
Date de la décision : 30/10/2013

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°11/19662 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-30;11.19662 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award